LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Banque populaire Aquitaine Centre, venant aux droits de la société Crédit commercial du Sud-Ouest à la suite d'une opération de fusion-absorption, de ce qu'elle reprend l'instance au lieu et place de celle-ci ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 6 mars 2014), que par acte du 6 décembre 2007, M. X... s'est rendu caution solidaire des dettes dont la société Activité sanitaire d'importation, d'information et d'organisation, désormais dénommée Légende sanitaire, pourrait être tenue envers la banque Pelletier aux droits de laquelle sont venues la société Crédit commercial du Sud-Ouest, puis la société Banque populaire Aquitaine Centre ; que Mme X..., son épouse commune en biens, est intervenue à l'acte de cautionnement pour l'autoriser à engager les biens de la communauté conformément aux dispositions de l'article 1415 du code civil ; qu'après les mises en redressement puis liquidation judiciaires de la société par des jugements des 22 avril et 17 juin 2009, la banque a obtenu l'autorisation d'inscrire une hypothèque judiciaire conservatoire sur l'immeuble commun ; que lui reprochant un manquement à son obligation de mise en garde à son égard, Mme X... l'a assignée en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen, que le banquier dispensateur de crédit qui sollicite une extension de l'assiette de sa garantie sur les biens communs des époux est tenu d'une obligation d'information et de mise en garde à l'égard du conjoint qui donne son consentement exprès à l'acte de cautionnement souscrit par son époux ; qu'en excluant l'existence d'une telle obligation à la charge de la banque et au profit de Mme X... qui avait donné son consentement exprès à l'acte de cautionnement de son époux, la cour d'appel a violé l'article 1415 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé que le consentement de Mme X... au cautionnement donné par son époux en garantie des dettes de la société, en application de l'article 1415 du code civil, n'a pas eu pour effet de lui conférer la qualité de partie à l'acte et qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au créancier bénéficiaire du cautionnement de fournir des informations ou une mise en garde au conjoint de son cocontractant, préalablement à son consentement exprès, l'arrêt retient à bon droit que Mme X... n'était créancière d'aucune obligation d'information ou de mise en garde à l'égard de la banque bénéficiaire du cautionnement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Ricard, avocat aux Conseils pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Mme X... de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Banque Pelletier, aux droits de laquelle est venu le Crédit Commercial du Sud ouest - CCSO ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Mme X... a pour l'essentiel repris en cause d'appel l'argumentation soutenue devant le premier juge auquel ce dernier a répondu par des motifs détaillés et pertinents que la cour adopte expressément ; il conviendra d'ajouter que le consentement de Mme X... au cautionnement donné par son époux en garantie des dettes de la société Légende Sanitaire, en application de l'article 1415 du code civil, n'a eu en aucun cas pour effet de lui conférer la qualité de partie à l'acte puisqu'elle n'a souscrit aucun engagement personnel ; elle n'est donc créancière d'aucune obligation d'information ou de mise en garde à l'égard de la banque bénéficiaire du cautionnement ; l'article 1415 du code civil n'a pour seul objet que d'écarter les biens communs des poursuites engagées par un créancier en exécution de l'emprunt ou du cautionnement souscrit par un seul des époux, à moins que ces engagements n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint ; en l'espèce, juste en dessous de la mention manuscrite de son époux, rappelant de manière détaillée la signification et le montant de son cautionnement, Mme X... a porté de sa main la formule suivante: «bon pour consentement aux engagements ci-dessus », ce qui vaut de sa part consentement exprès dans les formes de l'article 1415 du code civil ; étant rappelé que celui-ci n'exige pas la reproduction d'une mention manuscrite particulière relative aux conséquences de ce consentement ; la responsabilité de la banque n'est donc pas établie sur le fondement de l'article 1147 du code civil ; par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au créancier bénéficiaire du cautionnement de fournir des informations ou une mise en garde au conjoint de son contractant, préalablement à la signature du consentement exprès, puisqu'il s'agit en l'espèce d'un accord à donner sur l'étendue du gage du créancier et du passif de communauté, qui suppose seulement une discussion entre conjoints, sans ingérence de tiers ; il est donc indifférent que Mme X... ait donné son consentement hors la présence d'un représentant de la banque; et celle-ci pouvait à loisir obtenir auprès d'un conseil tout renseignement sur la portée de son consentement, avant de le formaliser, si elle estimait ne pas disposer des qualifications juridiques ou financières suffisantes ; elle ne peut donc utilement invoquer en l'espèce une obligation précontractuelle d'information qui n'est applicable que dans les rapports entre banquier et emprunteur ou entre banquier et caution non avertie ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE le consentement de l'époux, commun en biens, à l'engagement de caution pris par son conjoint, a pour but à la fois, d'étendre le patrimoine pouvant répondre de la dette du débiteur principal aux biens communs, mais aussi de protéger les biens communs d'engagements excessifs ou injustifiés d'un conjoint au détriment de la communauté ; il est imposé, en cas d'emprunt ou de cautionnement par l'article 1415 du code civil depuis la loi du 23 décembre 1985 ; il ne s'agit pas toutefois d'une formalité substantielle rendant caduc ou nul les contrats visés en cas d'absence de consentement ; il s'agit davantage d'une question d'opposabilité, le recours du créancier se trouvant limité, dans une telle hypothèse, aux biens et revenus propres de l'époux contractant, sans pouvoir s'étendre aux biens communs ; en l'occurrence, il n'est pas contesté que ce consentement exprès a été donné ; il est seulement soulevé que ce consentement n'a pas été donné en connaissance de cause, et plus précisément qu'il n'a pas été précédé de l'information et de la mise en garde nécessaire compte tenu du caractère « profane » de l'épouse ; il ne s'agit pas cependant d'appliquer des dispositions légales ou réglementaires ou de faire application de dispositions contractuelles, en soutenant, comme le fait Mme Y..., qu'elle est partie à l'engagement de caution ; on peut seulement considérer qu'il y a un engagement entre deux époux, pour une mise à disposition des biens de communauté en faveur de l'un d'eux ; en toute hypothèse, le créancier est extérieur à cet accord, même s'il est à l'origine de la demande ; il n'est pas chargé d'interférer dans les rapports entre époux et le fait de devoir convoquer l'épouse pour recueillir son consentement pourrait à rebours être considéré comme une immixtion dans les rapports familiaux et une pression inadmissible sur la volonté du conjoint ; en l'espèce, l'accord de Mme Y... a été donné sur l'engagement de caution lui-même, à la suite de l'engagement manuscrit de son époux, pour une somme de 120 000 euros, l'annexe portant mention des biens communs, résidence principale et résidence secondaire, et de leur valeur ; Mme Y..., si tant est qu'elle soit profane, n'a pu ignorer qu'elle donnait son accord à ce que son mari s'engage en tant qu'époux commun en biens ; il apparaît dès lors que l'établissement de crédit n'est tenu d'aucune obligation d'information ou de mise en garde à l'égard du conjoint de la caution, tiers au contrat ; il appartient à celui-ci de démontrer que son consentement a été obtenu par surprise ou en fraude de ses droits, s'il entend voir écarter du recours du créancier le patrimoine commun ;
ALORS QUE le banquier dispensateur de crédit qui sollicite une extension de l'assiette de sa garantie sur les biens communs des époux est tenu d'une obligation d'information et de mise en garde à l'égard du conjoint qui donne son consentement exprès à l'acte de cautionnement souscrit par son époux ; qu'en excluant l'existence d'une telle obligation à la charge de la banque et au profit de Mme X... qui avait donné son consentement exprès à l'acte de cautionnement de son époux, la cour d'appel a violé l'article 1415 du code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Mme X... de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Banque Pelletier, aux droits de laquelle est venu le Crédit Commercial du Sud ouest - CCSO ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE c'est également en vain que Mme X... soutient qu'elle peut invoquer, en qualité de tiers, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, le manquement contractuel imputable à la banque dès lors que celui-ci lui a causé un dommage ; or, précisément, par arrêt confirmatif en date du 6 février 2013, la cour d'appel de Bordeaux a débouté M. X... de son action en responsabilité et en paiement de dommages-intérêts dirigée contre la banque après avoir constaté l'absence de toute manoeuvre frauduleuse de celle-ci au moment de la conclusion du cautionnement ; enfin, Mme X... n'allègue pas que la banque ait obtenu son consentement à la suite d'une fraude ; l'appelante ne démontre donc pas que la responsabilité délictuelle de la banque Pelletier soit engagée sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; ses développements sur le caractère prétendument dangereux du crédit octroyé et sur la fragilité financière de la société Légende Sanitaire sont sans incidence juridique dès lors que la banque n'était tenue à aucune obligation à son égard ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE, sur la responsabilité quasi-délictuelle de la banque, elle reposerait sur l'absence de loyauté du professionnel qu'est la banque, dans l'opération réalisée, pour laquelle le consentement de Mme Y... a été sollicitée ; il appartient alors à la demanderesse de démontrer que la banque, lors de l'engagement de caution du 6 décembre 2007, connaissait déjà la situation irrémédiablement compromise de la société Légende Sanitaire, le recours obligatoire à la caution du fait de la défaillance de la société, et la nécessaire mise à exécution sur les biens communs de l'époux ; en l'absence de manquement contractuel démontré de la Banque Pelletier à l'encontre de M. X..., le contrat visé ne saurait être source d'une éventuelle responsabilité délictuelle à l'égard de Mme Y... épouse X... ; il a été jugé sur ce point par décision du tribunal de commerce de Bordeaux du 21 janvier 2011 que la responsabilité contractuelle de la Banque Pelletier au regard de l'engagement de la caution, ne pouvait être retenue ; il y a lieu dès lors de rejeter la demande sur ce fondement ;
1°) ALORS QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement à condition que la chose demandée soit la même, qu'elle soit fondée sur la même cause et que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité ; qu'en retenant, pour débouter Mme X... de son action en responsabilité dirigée contre la banque, que M. X... avait été débouté de son action en responsabilité contre celle-ci par un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 6 février 2013, confirmant un jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 21 janvier 2011, quand Mme X... n'était pas partie à l'instance ayant opposé la banque à M. Pavillon, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE, en toute hypothèse, tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que le juge ne peut se déterminer par simple voie de référence à des causes déjà jugées ; qu'en se bornant à affirmer purement et simplement que par un arrêt confirmatif du 6 février 2013 la cour d'appel de Bordeaux avait débouté M. X... de son action en responsabilité contre la banque pour écarter l'existence de tout manquement contractuel de la banque à l'égard de M. X... susceptible d'engager la responsabilité délictuelle de la banque à l'égard de Mme X..., la cour d'appel, qui a statué par simple voie de référence à une cause déjà jugée, a violé l'article 455 du code de procédure civile.