LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le second moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 18 décembre 2014), qu'à la suite d'un contrôle portant sur la période du 1er janvier 2006 au 31 mars 2009, la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde (la caisse) a notifié à la société Appui Viti 33 (la société) un redressement consistant à intégrer dans l'assiette des cotisations une prime de précarité à l'issue des contrats saisonniers, analysés comme étant des contrats à durée déterminée d'usage, ainsi qu'une indemnité compensatrice de congés payés sur les heures supplémentaires, puis lui a signifié une contrainte ; que la société a formé opposition à la contrainte devant une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la débouter de son opposition, alors, selon le moyen :
1°/ qu'une entreprise de travaux agricoles, dont l'objet est de réaliser des prestations de travaux agricoles, subit, comme l'exploitant agricole, les contraintes naturelles liées aux saisons ; que la société Appui Viti 33 qui met au service des exploitants viticoles des ouvriers agricoles munis de matériel pour la réalisation de travaux de viticulture, est nécessairement soumise au même aléa saisonnier que le viticulteur lui-même, ce qui l'autorise à conclure des contrats à durée déterminée saisonniers ; qu'en retenant pour juger le redressement bien fondé, que la société exposante n'était pas soumise à l'aléa saisonnier et ne démontrait pas avoir une variation d'activité indépendante de sa volonté, la cour d'appel a violé l'article L. 1242-2 du code du travail ;
2°/ qu'une entreprise de travaux agricoles, dont l'objet est de réaliser des prestations de travaux agricoles, subit, comme l'exploitant agricole, les contraintes naturelles liées aux saisons ; que la cour d'appel a considéré que les contrats conclus par la société Appui Viti 33 auraient pu être, « compte tenu de la fluctuation de la nature et de l'intensité des tâches dans le domaine viticole » des contrats à durée indéterminée annualisés ou intermittents « qui ont précisément pour objet d'adapter le temps de travail en fonction de l'évolution de la charge de travail résultant de considérations saisonnières ou commerciales », reconnaissant ainsi que l'activité de l'exposante était soumise à des fluctuations saisonnières ; qu'en jugeant pourtant qu'elle n'était pas soumise à l'aléa saisonnier et ne pouvait donc pas conclure des contrats de travail à durée déterminée saisonniers, la cour d'appel a violé l'article L. 1242-2 du code du travail ;
3°/ que l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a été jugé ; qu'en rappelant la condamnation pénale définitive infligée à la société intimée pour recours irrégulier aux contrats à durée déterminée, sans rechercher quels étaient les contrats et les périodes concernés par cette condamnation pénale, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure pénale ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la société n'étant pas une entreprise agricole, mais une entreprise de travaux agricoles, dont l'unique activité est de sous traiter des travaux à des entreprises agricoles, n'est pas soumise à l'aléa saisonnier ; qu'elle ne rapporte pas la preuve d'une variation d'activité indépendante de sa volonté ; que les emplois recrutés en contrat à durée déterminée par la société ont pour objectif de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale de l'entreprise, comme le montrent les bulletins de salaire qui pour certains salariés établissent un emploi quasi permanent ; que la société aurait pu, compte tenu de la fluctuation de la nature et de l'intensité des tâches dans le domaine viticole, avoir recours aux contrats à durée indéterminée annualisés ou intermittents, qui ont précisément pour objet d'adapter le temps de travail en fonction de l'évolution de la charge de travail résultant de considérations saisonnières ou commerciales ;
Que de ces constatations procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve, la cour d'appel a exactement déduit, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, que la société ne pouvait se prévaloir pour l'application des règles d'assiette de ses cotisations sociales, de la conclusion de contrats à durée déterminée de caractère saisonnier ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Appui Viti 33 aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Appui Viti 33 et la condamne à payer à la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Appui Viti 33
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré régulière la lettre d'observations du 2 novembre 2009, déclaré le redressement bien fondé, validé la contrainte pour un montant de 21 382, 87 ¿ et d'AVOIR condamné la société APPUI VITI 33 au paiement de la contrainte et des frais de signification de la contrainte ;
AUX MOTIFS QUE cette lettre est conforme aux exigences de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale en ce que ce document mentionne l'objet du contrôle (application de la législation sociale agricole), les documents consultés (de façon détaillée, notamment bilans, registre unique du personnel, extraits des comptes bancaires, pièces comptables, récépissés de déclaration d'embauche, doubles des bulletins de salaire ou titres TESA, fiches individuelles horaires des salariés, contrats de travail-CDD CDI-, contrat ouvrant droit à exonération de charges, justification de frais professionnels, attestation de délégation autorisant à fournir les documents), la période vérifiée (1er janvier 2006 au 31 mars 2009), les observations faites au cours du contrôle assorties de l'indication, de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés ; que sur ce dernier point, la lettre :- rappelle précisément les textes applicables du code du travail relatifs aux contrats à durée déterminée, aux contrats saisonniers et aux congés payés ;- indique que la société a omis de payer la prime de précarité sur toute la période contrôlée sur la totalité des salaires concernant les salariés en contrat à durée déterminée occasionnel (point 1) et l'indemnité compensatrice de congés payés sur les heures supplémentaires (point 2) ;- annonce que le détail du rappel de cotisations sur salaires après application de la prime de précarité et de l'indemnité compensatrice de congés payés sur heures supplémentaires a été calculé à partir des bulletins de salaire, de la liste des entrées et sorties de personnel, en notant que les salariés en contrat à durée indéterminée ont été exclus de la régularisation au titre de la prime de précarité ;- indique le montant total du redressement et que sont jointes les facturations correspondantes " pour une entière et parfaite compréhension du redressement effectué " et un tableau récapitulatif du montant du rappel des cotisations (tableau au demeurant omis) ;- rappelle les modalités et délai des observations ; que sont effectivement jointes les factures pour chaque trimestre concerné, mentionnant pour chaque trimestre les cotisations dues et les pénalités afférentes, déduisant les cotisations versées et établissant un solde restant dû ; à chacune de ces factures est jointe un bordereau d'appel de cotisations sur salaires par salarié concerné (exemple 1er trimestre 2009 : X..., Y..., Z..., A...
B..., C..., D..., K...) et un tableau récapitulatif pour ce trimestre avec une colonne par mois, la mention de la part patronale (pp) et de la part ouvrière (po) et la nature et la base de la cotisation ; par ailleurs, pour chacun des salariés concernés, sont précisés la branche, la part (pp ou po), la base, et la cotisation et le total ; que ces éléments sont à la fois complets et parfaitement lisibles et la société Appui Viti 33 n'avance pas qu'ils ne soient pas conformes aux bulletins de salaire et documents comptables par elle remis ; que s'agissant du tableau récapitulatif remis à l'audience en réponse aux conclusions tardives de la société intimée, il apparaît qu'il mentionne pour chacune des factures trimestrielles désignée par son numéro CS/ O... qui figure sur la talon de paiement joint à la facture ligne 2 avant 2400 99 (qui correspond à l'activité et à l'unité de gestion), l'assiette émise avant, l'assiette émise après, le montant du redressement, le montant total des cotisations et le nombre de salariés rectifiés, et que ce tableau récapitulatif concorde avec la facture trimestrielle ; qu'il est permis de regretter que la MSA n'ait pas fait la part entre les cotisations que la société Appui Viti 33 reconnaît devoir et proposait de payer sur l'indemnité compensatrice de congés payés sur heures supplémentaires, qu'il lui était au demeurant possible de calculer, mais cela n'est pas de nature à rendre la lettre d'observations irrégulière ; que de même, la circonstance que le tableau récapitulatif n'ait été produit qu'au cours de la procédure d'appel, dès lors que chaque facture trimestrielle se suffisait à elle-même et que le total réclamé par la contrainte correspond à l'addition des dix trimestres concernés ne rend pas la lettre d'observations irrégulière ;
1. ALORS QU'à l'issue du contrôle, la caisse de mutualité sociale agricole adresse au moyen d'une lettre recommandée avec avis de réception à la personne contrôlée un document rappelant l'objet du contrôle et mentionnant les documents consultés, la période vérifiée et la date de fin du contrôle et, s'il y a lieu, pour chaque chef de redressement, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature et du mode de calcul des redressements d'assiette et de taux envisagés, ou du montant des prestations à reverser ; que cette obligation, qui a pour objet de permettre à l'employeur de disposer de tous les éléments afin de pouvoir en discuter l'exactitude, se rattache directement au respect du principe du contradictoire ; qu'en l'espèce, la lettre d'observations du 2 novembre 2009 ne mentionne pas les bases ni la méthode de calcul retenues par les contrôleurs de la MSA pour aboutir au redressement, et chiffre le montant total du redressement à la somme totale de 21. 563 ¿ sans ventiler les sommes dues au titre de chacun des chefs de redressement, ce que la Cour d'appel a expressément relevé (arrêt p. 6 § 1) ; qu'il résulte encore des constatations de la Cour d'appel que le tableau récapitulatif prétendument annexé à la lettre d'observations ne l'était pas ; qu'en validant néanmoins le redressement dans ces conditions, la Cour d'appel a violé les articles R. 243-59 du code de la sécurité sociale et D. 724-9 alinéa du code rural et de la pêche maritime ;
2. ALORS QUE la lettre d'observations doit permettre à la société contrôlée de connaître la nature, le mode de calcul et le montant des redressements opérés pour chaque chef de redressement ; que la Cour d'appel a affirmé que la lettre d'observations était conforme aux exigences de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale dans la mesure où elle mentionne « les observations faites au cours du contrôle assorties de l'indication, de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés » ; qu'en statuant ainsi sans constater que ces précisions étaient bien apportées pour chacun des chefs de redressement notifiés à la société, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 243-59 du code de la sécurité sociale et D. 724-9 alinéa 1 du code rural et de la pêche maritime ;
3. ALORS QUE la lettre d'observations ne ventilait pas les sommes dues au titre de chacun des chefs de redressement ; que dès lors, à supposer que la Cour d'appel ait estimé que l'URSSAF avait apporté les précisions nécessaires pour chacun des chefs de redressement, elle a dénaturé la lettre d'observations du 2 novembre 2009 et méconnu le principe selon lequel les juges ne peuvent méconnaître les documents de la cause ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré le redressement bien fondé, validé la contrainte pour son montant de 21 382, 87 ¿ et d'AVOIR en conséquence condamné la société APPUI VITI 33 au paiement de la contrainte et des frais de signification de la contrainte ;
AUX MOTIFS QUE la société Appui Viti 33 ne conteste pas le redressement en ce qu'il vise l'indemnité compensatrice de congés payés sur heures supplémentaires ; que sa contestation porte sur les cotisations afférentes à la prime de précarité sur les contrats à durée déterminée qu'elle n'a pas réglée, qualifiant ces contrats de saisonniers et à ce titre la dispensant du paiement de ladite prime ; que l'article L1442-2 du code du travail dispose qu'un contrat à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans des cas déterminés et qu'en sont exclus les emplois à caractère saisonnier ; que le recours au contrat à durée déterminée, socialement moins favorable pour le salarié, est limité strictement dans ses cas d'utilisation et compensé par l'octroi de la prime de précarité, qui a aussi pour objectif de limiter le recours à ce type d'emplois précaires par les employeurs ; qu'en application de l'article L1442-1 du code du travail, le contrat à durée déterminée ne doit pas avoir pour objectif de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'il est constant que le contrat saisonnier s'applique à des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs, la variation d'activité induite devant être indépendante de la volonté de l'employeur ; qu'en l'espèce, la société Appui Viti 33 n'est pas une entreprise agricole, mais une entreprise de travaux agricoles, dont l'unique activité est de sous-traiter des travaux agricoles à des entreprises agricoles ; qu'à ce titre, elle n'est pas elle-même soumise à l'aléa saisonnier auquel sont soumis les exploitants agricoles et elle ne rapporte pas la preuve d'une variation d'activité indépendante de sa volonté à la différence de l'exploitant agricole, alors qu'elle a choisi ; que tel est le cas des emplois recrutés en contrat à durée déterminée par la société Appui Viti 33, qui ont pour objectif de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale de l'entreprise, comme le montrent d'ailleurs les bulletins de salaire qui pour certains salariés établissent un emploi quasi permanent : onze mois sur douze pour E... Maryse en 2007, 12 mois en 2007 pour X... Alain, 12 mois en 2007 pour F... Sandrine, Mme G... 14 mois d'affilée d'octobre 2006 à décembre 2007, Mme H..., 12 mois en 2007, Mme I..., 12 mois en 2007, Mme L... et Mme J..., 15 mois d'octobre 2006 à décembre 2007), ce qui correspond à son activité normale et permanente qui consiste à exécuter des travaux de sous-traitance agricole qui lui sont confiés par des entreprises agricoles, au regard même de la définition de son activité au registre du commerce ; qu'il importe peu que le formulaire de la MSA mentionne que la prime de précarité n'est pas due pour les emplois saisonniers, cette mention étant exacte lorsque c'est l'exploitant agricole qui recrute directement un travailleur saisonnier ; que de même, la circonstance que les salariés mal informés n'aient pas réclamé cette prime, que l'inspection du travail avait enjoint à la société de verser est sans incidence sur le bien fondé du redressement ; qu'il apparaît que les contrats conclus par la société Appui Viti 33 auraient pu relever, compte tenu de la fluctuation de la nature et de l'intensité des tâches dans le domaine viticole, avoir recours aux contrats à durée indéterminée annualisés ou intermittents, qui ont précisément pour objet d'adapter le temps de travail en fonction de l'évolution de la charge de travail résultant de considérations saisonnières ou commerciales ; qu'il s'ensuit que le redressement est fondé ; qu'à titre surabondant est rappelée la condamnation pénale définitive infligée à la société intimée pour recours irrégulier aux contrats à durée déterminée ; que le jugement sera réformé et la société Appui Viti 33 sera condamnée à régler l'intégralité du montant de la contrainte, en ce compris les majorations de retard, ainsi que les frais de signification de la contrainte.
1. ¿ ALORS QU'une entreprise de travaux agricoles, dont l'objet est de réaliser des prestations de travaux agricoles, subit, comme l'exploitant agricole, les contraintes naturelles liées aux saisons ; que la société APPUI VITI 33 qui met au service des exploitants viticoles des ouvriers agricoles munis de matériel pour la réalisation de travaux de viticulture, est nécessairement soumise au même aléa saisonnier que le viticulteur lui-même, ce qui l'autorise à conclure des contrats à durée déterminée saisonniers ; qu'en retenant pour juger le redressement bien fondé, que la société exposante n'était pas soumise à l'aléa saisonnier et ne démontrait pas avoir une variation d'activité indépendante de sa volonté, la Cour d'appel a violé l'article L. 1242-2 du code du travail ;
2. ¿ ALORS QU'une entreprise de travaux agricoles, dont l'objet est de réaliser des prestations de travaux agricoles, subit, comme l'exploitant agricole, les contraintes naturelles liées aux saisons ; que la cour d'appel a considéré que les contrats conclus par la société APPUI VITI 33 auraient pu être, « compte tenu de la fluctuation de la nature et de l'intensité des tâches dans le domaine viticole » des contrats à durée indéterminée annualisés ou intermittents « qui ont précisément pour objet d'adapter le temps de travail en fonction de l'évolution de la charge de travail résultant de considérations saisonnières ou commerciales », reconnaissant ainsi que l'activité de l'exposante était soumise à des fluctuations saisonnières ; qu'en jugeant pourtant qu'elle n'était pas soumise à l'aléa saisonnier et ne pouvait donc pas conclure des contrats de travail à durée déterminée saisonniers, la Cour d'appel a violé l'article L. 1242-2 du code du travail ;
3.- ALORS QUE l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a été jugé ; qu'en rappelant la condamnation pénale définitive infligée à la société intimée pour recours irrégulier aux contrats à durée déterminée, sans rechercher quels étaient les contrats et les périodes concernés par cette condamnation pénale, la Cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure pénale ;