LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Acos de ce qu'elle se désiste de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le procureur général ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 19 novembre 2013, pourvoi n° 12-26. 702), que la société par actions simplifiée Acos (la société) a pour président M. X... et pour directeur général M. Y..., lequel a été investi par les statuts des mêmes pouvoirs que le président, « sous réserve du droit de veto attribué à ce dernier » ; que la société Acos ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 10 janvier et 13 mars 2012, M. Y..., déclarant la représenter, a interjeté appel du jugement de conversion en liquidation judiciaire ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de déclarer cet appel irrecevable alors, selon le moyen, que le ministère public, dans le cas où il est partie jointe, peut faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l'audience ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le ministère public, qui était partie jointe, a transmis à la cour d'appel des conclusions le 6 mars 2014, avant l'ordonnance de clôture intervenue le 10 mars suivant ; qu'il ne ressort ni de ces énonciations ni de l'arrêt que ces conclusions écrites, avaient été mises au plus tard le jour de l'audience à la disposition des parties et qu'elles avaient eu la possibilité d'y répondre ou que le ministère public avait assisté à l'audience ; qu'en conséquence, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 16 et 431 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la société ne soutenant pas que les conclusions du ministère public n'ont pas été mises à sa disposition lors de l'audience, le moyen est inopérant ;
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article L. 227-6 du code de commerce et les statuts de la société tels que modifiés par l'assemblée générale du 17 décembre 2010 ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'appel interjeté par la société représentée par son directeur général, l'arrêt, après avoir constaté qu'il résulte des statuts, modifiés par l'assemblée générale du 17 décembre 2010, que le directeur général est investi des mêmes pouvoirs que le président « sous réserve du droit de veto attribué à ce dernier », retient que le premier ne peut agir à l'encontre de la position affichée, explicitement ou implicitement, par le second ; qu'il retient encore qu'en interjetant appel du jugement ayant converti le redressement de cette société en liquidation judiciaire, sans en informer M. X..., président et représentant de droit de la société, faisant ainsi obstacle à l'exercice explicite par ce dernier de son droit de veto, et même contre l'avis de celui-ci, lequel n'avait pas manifesté d'opposition lors de l'audience au cours de laquelle cette conversion avait été demandée et n'avait pas interjeté appel, au nom de la société, de la décision ayant prononcé cette conversion, M. Y... a outrepassé ses pouvoirs de directeur général ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la simple abstention du président qui ne s'est pas opposé à la demande de l'administrateur de convertir le redressement en liquidation judiciaire de la société et qui n'a pas interjeté appel de la décision du tribunal de commerce ayant prononcé cette conversion ne vaut pas exercice de son droit de veto, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne M. Z..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Acos, et la SCP B...- C..., en sa qualité d'administrateur judiciaire de cette société, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Acos
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'appel interjeté le 23 mars 2012 par la société SAS ACOS représentée par son directeur général, Monsieur Y..., et d'AVOIR dit que les dépens d'appel seraient prélevés en frais privilégiés de procédure ;
AUX MOTIFS QUE « Par jugement en date du 13 mars 2012, le Tribunal de Commerce de Belfort a, principalement, prononcé la liquidation judiciaire de la S. A. S. ACOS activités administratives comptables et informatiques, zone industrielle à 90140 BOUROGNE, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés sous le numéro 444 944 839, a maintenu Michel D... en qualité de Juge Commissaire et Jean-Pierre A... en qualité de Juge Commissaire suppléant et a désigné Maître Jean-Claude Z... en qualité de liquidateur.
L'appel interjeté par la S. A. S. ACOS représentée par son directeur général Christophe Y..., a été déclaré irrecevable par arrêt de la deuxième chambre commerciale de la Cour d'Appel de Besançon en date du 17 août 2012 lequel a considéré que Christophe X..., président de la S. A. S. ACOS, qui était favorable à une liquidation judiciaire, avait exercé son droit de veto à l'encontre de cette voie de recours.
Cette décision a été cassée et annulée par arrêt de la Cour de Cassation en date du 19 novembre 2013, mais seulement en ce qu'elle avait déclaré l'appel irrecevable, et l'affaire été renvoyée pour être fait droit devant la même Cour autrement composée.
La S. A. S. ACOS représentée par son directeur général Christophe Y..., demande à la Cour de renvoi de déclarer son appel recevable, d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et d'ordonner en conséquence la poursuite de la procédure de redressement judiciaire en faisant principalement valoir que :
- Christophe Y... es-qualité a été investi des mêmes pouvoirs que le Président de la S. A. S. sans aucune restriction de sorte qu'en l'absence d'exercice par ce dernier de son droit de veto, l'appel qu'il a interjeté pour le compte de la S. A. S. ACOS est recevable,
- la décision entreprise repose sur une motivation dénuée de sens et erronée Maître Jean-Claude Z..., liquidateur, conclut à l'irrecevabilité de l'appel formé par Christophe Y... es-qualité en raison de la nullité de l'acte d'appel au visa de l'article L. 235-2 du code de commerce et du procès-verbal d'assemblée générale de la société ACOS du 17 décembre 2010 et, subsidiairement, à la confirmation du jugement entrepris.
La S. C. P. B...
C..., es-qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la S. A. S. ACOS demande à la Cour de (sic) :
«- statuer ce que de danser la recevabilité de l'appel,
- le juger au besoin mal fondé,
- confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Belfort,
- statuer ce que de droit eue les dépens. »
Le Ministère Public, auquel la procédure a été régulièrement communiquée, estime que la motivation développée dans l'arrêt de la deuxième chambre commerciale de cette Cour en date du 17 août 2012, cassé au seul motif que les parties n'avaient pas été invitées à présenter leurs observations sur un moyen relevé d'office, devrait être reprise et que l'appel devrait être déclaré irrecevable.
Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux dernières conclusions transmises à la Cour le 5 mars 2014 par la S. A. S. ACOS, le 17 février 2014 par la S. C. P. B...
C..., le 13 février 2014 par Maître Jean-Claude Z... et le 6 mars 2014 par Monsieur le Procureur Général.
La clôture prononcée le 19 février 2014 a été révoquée le 21 février et une nouvelle ordonnance a été rendue le 10 mars 2014.
MOTIFS DE LA DÉCISION La Cour de Cassation a cassé l'arrêt de la 2ème chambre commerciale du 17 août 2012 au visa de l'article 16 du Code de Procédure Civile en lui reprochant de ne pas avoir invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen qu'elle avait relevé d'office tiré de la possibilité d'un exercice implicite du droit de veto reconnu au Président de la S. A. S. ACOS.
A ce jour, les parties ont été mises en situation de s'expliquer sur ce moyen.
Il ressort du procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires réunie le 17 décembre 2010 que :
- Christophe X... a été désigné en qualité de Président de la société avec, sous réserve des dispositions statutaires prévoyant une limitation statutaire de ses pouvoirs, tous pouvoirs pour agir au nom de la société dans la limite de l'objet social et de représenter la société à l'égard des tiers,
- Christophe Y... a été désigné comme vice-président et directeur général de la S. A. S. ACOS et, conformément aux dispositions de l'article L. 227-6 du code de commerce qui prévoient que si le Président représente de droit la société, les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le Président, portant le titre de directeur général ou de directeur délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par ce texte, a été investi'des mêmes pouvoirs que le Président sous réserve du droit de veto attribué à ce dernier'.
Un tel libellé consacre indéniablement une primauté du Président, représentant de droit de la société, sur toute autre personne qui aurait été investie des mêmes pouvoirs que lui et ne permet pas à la seconde d'évincer le premier.
Il s'ensuit que la personne ainsi investie des mêmes pouvoirs que le Président ne peut agir :
- ni à l'encontre de la position affichée, explicitement ou implicitement, par le Président, étant précisé qu'il n'est exigé aucune condition de forme pour l'exercice du droit de veto qui est reconnu à ce dernier,
- ni dans des circonstances qui empêchent le Président d'exprimer son avis et au besoin, d'exercer explicitement son droit de veto.
Or, il est constant que Christophe Y... a interjeté appel du jugement du Tribunal de Commerce de Belfort :
- sans en informer Christophe X..., Président et représentant de droit de la S. A. S. ACOS, faisant ainsi obstacle à l'exercice explicite par ce dernier de son droit de veto,
- contre l'avis de ce dernier qui, représentant la société ACOS à l'audience du Tribunal de Commerce de Belfort au cours de laquelle la S. C. P. B...- C... a sollicité la conversion du redressement en liquidation judiciaire, n'a manifesté aucune opposition et qui n'a pas interjeté lui-même appel de la décision au nom de la société ACOS.
Il s'ensuit que Christophe Y... a interjeté appel sans pouvoir régulier de représentation de la société ACOS de sorte que le recours ainsi formé doit être déclaré irrecevable.
Les dépens d'appel seront prélevés en frais privilégiés de procédure » ;
ALORS QUE le ministère public, dans le cas où il est partie jointe, peut faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l'audience ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le ministère public, qui était partie jointe, a transmis à la cour des conclusions le 6 mars 2014, avant l'ordonnance de clôture intervenue le 10 mars suivant ; qu'il ne ressort ni de ces énonciations ni de l'arrêt que ces conclusions écrites, avaient été mises au plus tard le jour de l'audience à la disposition des parties et qu'elles avaient eu la possibilité d'y répondre ou que le ministère public avait assisté à l'audience ; qu'en conséquence, la Cour d'appel a violé l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 16 et 431 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'appel interjeté le 23 mars 2012 par la société SAS ACOS représentée par son directeur général, Monsieur Y..., et d'AVOIR dit que les dépens d'appel seraient prélevés en frais privilégiés de procédure ;
AUX MOTIFS QU'« Il ressort du procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires réunie le 17 décembre 2010 que :
- Christophe X... a été désigné en qualité de Président de la société avec, sous réserve des dispositions statutaires prévoyant une limitation statutaire de ses pouvoirs, tous pouvoirs pour agir au nom de la société dans la limite de l'objet social et de représenter la société à l'égard des tiers,
- Christophe Y... a été désigné comme vice-président et directeur général de la S. A. S. ACOS et, conformément aux dispositions de l'article L. 227-6 du code de commerce qui prévoient que si le Président représente de droit la société, les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le Président, portant le titre de directeur général ou de directeur délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par ce texte, a été investi'des mêmes pouvoirs que le Président sous réserve du droit de veto attribué à ce dernier'.
Un tel libellé consacre indéniablement une primauté du Président, représentant de droit de la société, sur toute autre personne qui aurait été investie des mêmes pouvoirs que lui et ne permet pas à la seconde d'évincer le premier.
Il s'ensuit que la personne ainsi investie des mêmes pouvoirs que le Président ne peut agir :
- ni à l'encontre de la position affichée, explicitement ou implicitement, par le Président, étant précisé qu'il n'est exigé aucune condition de forme pour l'exercice du droit de veto qui est reconnu à ce dernier,
- ni dans des circonstances qui empêchent le Président d'exprimer son avis et au besoin, d'exercer explicitement son droit de veto.
Or, il est constant que Christophe Y... a interjeté appel du jugement du Tribunal de Commerce de Belfort :
- sans en informer Christophe X..., Président et représentant de droit de la S. A. S. ACOS, faisant ainsi obstacle à l'exercice explicite par ce dernier de son droit de veto,- contre l'avis de ce dernier qui, représentant la société ACOS à l'audience du Tribunal de Commerce de Belfort au cours de laquelle la S. C. P. B...- C... a sollicité la conversion du redressement en liquidation judiciaire, n'a manifesté aucune opposition et qui n'a pas interjeté lui-même appel de la décision au nom de la société ACOS.
Il s'ensuit que Christophe Y... a interjeté appel sans pouvoir régulier de représentation de la société ACOS de sorte que le recours ainsi formé doit être déclaré irrecevable.
Les dépens d'appel seront prélevés en frais privilégiés de procédure » ;
1°) ALORS QUE les statuts modifiés de la société ACOS par assemblée générale extraordinaire du 17 décembre 2010 prévoyaient seulement que « Conformément aux dispositions des statuts de la société sous sa nouvelle forme l'assemblée générale désigne : en qualité de viceprésident et de directeur général de la société :
Monsieur Christophe Y...
Demeurant à CHATENOIS LES FORGES (90700),
...
Cette désignation est faite pour une durée illimitée.
Le vice-président, directeur général, ainsi nommé aura, conformément aux dispositions statutaires, aura, en sa qualité de Directeur Général, les mêmes pouvoirs que le président sous réserve du droit de véto attribué à ce dernier » ; que le droit de veto ainsi institué au profit du Président de la société n'impose pas au vice-président, investi des mêmes pouvoirs que lui de prévenir le Président de chacune de ses décisions contre lesquelles il pourrait exercer son droit de veto ; qu'en reprochant au vice-président de ne pas avoir prévenu le Président de sa décision d'interjeter appel ce qui aurait empêché celui-ci d'exercer son droit de veto, la Cour d'appel a violé les statuts de la société tels que modifiés par l'assemblée générale du 17 décembre 2010 et l'article L. 227-6 du Code de commerce ;
2°) ALORS QUE la simple abstention du Président qui ne s'est pas opposé à la demande de l'administrateur de convertir le redressement judiciaire en liquidation judiciaire et qui n'a pas interjeté appel de la décision du tribunal de commerce, ne vaut pas exercice de son droit de veto en l'absence de toute manifestation expresse de volonté une fois l'appel exercé par le vice-président ; qu'en estimant que l'appel interjeté par le vice-président serait irrecevable car exercé contre la volonté implicite du Président, la Cour d'appel a violé les statuts de la société tels que modifiés par l'assemblée générale du 17 décembre 2010 et l'article L. 227-6 du Code de commerce ;
3°) ALORS QUE seul le titulaire du droit de veto est recevable à se prévaloir de sa méconnaissance ; qu'en reconnaissant à un tiers le droit de se prévaloir d'un droit de veto dont il n'est pas lui-même titulaire, la Cour d'appel a violé les articles 1134, 1165 du Code civil et L. 227-6 du Code de commerce et les statuts de la société tels que modifiés par l'assemblée générale du 17 décembre 2010.