LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu les articles L. 161-2 et L. 161-3 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 1er septembre 2014), que M. X... est propriétaire des parcelles C 11, 13 et 15, ces deux dernières étant séparées par une ruelle qui se prolonge ensuite, au-delà, pour desservir le hameau du Bex ; que celui-ci, ayant fermé par un portail la portion de ruelle située entre ses parcelles, a, après l'échec d'une médiation pénale ordonnée sur la plainte de la commune de Molières pour entrave à la circulation sur une voie publique, assigné celle-ci en revendication de propriété de la portion litigieuse ;
Attendu que, pour dire M. X... propriétaire seulement d'une partie de la parcelle revendiquée, l'arrêt retient qu'il rapporte la preuve par titre de sa propriété sur cette parcelle ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que d'autres personnes habitant sur la commune avaient régulièrement utilisé cette ruelle pour accéder au hameau du Bex, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si cette utilisation ne laissait pas présumer l'affectation à l'usage du public et, partant, la propriété communale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique du pourvoi incident, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que M. X... était propriétaire d'une partie de la rue séparant les parcelles C13 et C15, l'arrêt rendu le 1er septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à la commune de Molières la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq février deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour la commune de Molières.
En ce que l'arrêt attaqué dit que M. Raymond X... est propriétaire d'une partie de la rue séparant les parcelles C13 et C15 lieudit Le Bex commune de Molières, ayant comme limite la droite reliant l'extrémité ouest de l'ancienne parcelle 49 à l'intersection ouest de l'ancienne parcelle 72 et la droite reliant l'extrémité nord-est de l'ancienne parcelle 72 et la limite extérieure de la parcelle 49,
Aux motifs que pour confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, il suffira de relever :- que les premiers juges, au terme d'une exacte analyse des titres produits par M. X..., ont justement retenu que celui-ci établissait par titre la preuve qu'il était bien propriétaire de la partie de la rue se trouvant entre l'ancienne parcelle 49 et l'ancienne parcelle 72 ;- que le classement de l'ensemble de la rue en voie communale qui serait intervenu en 1966 est sans incidence sur les droits de M. X... sur sa propriété, en l'absence de procédure d'expropriation qui aurait seule pu permettre à la commune d'acquérir la propriété de la partie appartenant à M. X... et de la classer légitimement en voie communale ;- que les premiers juges ont tout aussi justement retenu que M. X... ne rapportait pas la preuve qu'il était propriétaire du reste de la rue et que M. X... ne peut invoquer la prescription acquisitive sur cette partie de rue, qu'en effet cette partie de la rue fait partie du domaine public, dont la propriété n'est pas susceptible d'acquisition par prescription ;- que l'injonction de retirer le portail n'a causé aucun dommage à M. X..., qui au demeurant ne l'explicite même pas, dès lors que ce portail avait été implanté par M. X... sur un espace ne lui appartenant pas et que l'injonction était donc légitime ;- que les premiers juges ont eux-mêmes souligné le caractère ubuesque de la solution résultant en l'espèce de l'application des règles de droit et la nécessité d'une concertation pour y apporter une solution satisfaisante ; Et aux motifs du jugement confirmé que M. X..., demandeur, supporte la charge de rapporter la preuve de sa qualité de propriétaire sur l'espace compris entre les parcelles Cl 3 et Cl 5, lieudit Le BEX commune de MOLIERES, étant précisé que la parcelle Cl 1 dont il est également propriétaire ne borde pas l'espace litigieux mais se trouve attenante à la parcelle C 13 de l'autre côté par rapport à l'espace dont la propriété est en discussion. M. Raymond X... a été donataire des parcelles C 11, C13 et C15 dans le cadre d'une donation partage réalisé par ses parents par acte notarié le 5. 04. 1989. Les parcelles sont décrites dans l'acte de partage en terre et sol pour la parcelle C 11, en sol pour la parcelle C 13 et en sol pour la parcelle C 15. M. Fernand X... père de M. Raymond X... avait lui-même été donataire des parcelles C48, C 49 et C72 décrites respectivement comme en nature de terre, sol et cour et sol lors d'une donation partage réalisé le 24. 08. 1957 par sa mère Madame Amie Y... pour les biens acquis en communauté avec son époux Pierre X.... M. Pierre X... avait acquis les parcelles 48, 49 et 72 par acte notarié du 10. 04. 1910 de M. Cyprien Z... et de son épouse Madame Zélie A.... Les parcelles étaient décrites de la façon suivante : un emplacement de maison, une grange, patus et une terre le tout d'un seul tenant situé au Bex et porté sous les n° 48, 49 et 72 de la section C du plan cadastral de ladite commune. Il résulte de la comparaison des plans cadastraux anciens et nouveaux que la parcelle 72 est une partie de l'actuelle parcelle C15 et les parcelles C48 et C49 sont des parties de la parcelle actuelle C13. La parcelle C13 inclut les anciennes parcelles 51 et 52 ainsi qu'une partie ou toute la parcelle 47 mais il n'est pas versé aux débats d'éléments concernant la façon dont elles sont devenues propriété de M. Raymond X.... La parcelle Cl 5 inclut également les anciennes parcelles 73, 74, 75, 76, 77 et 78 sans qu'aucun élément ne soit versé aux débats concernant la façon dont elles sont devenues propriété de M. Raymond X.... Les termes d'un seul tenant mentionnés dans l'acte notarié de 1910 signifient que les parcelles 48, 49 et 72 vendues n'étaient pas séparées par une voie publique quelconque mais constituaient un tout. En outre la description des lieux rapporte la preuve que ce qui est devenue une partie de la ruelle était à l'origine un patus c'est-à-dire une petite cour entre la maison d'habitation et la grange ainsi que l'acte le précise : un emplacement de maison, une grange, patus et une terre. La preuve est donc rapportée par M. Raymond X... que la partie de la rue se trouvant entre l'ancienne parcelle 49 d'une part et l'ancienne parcelle 72 d'autre part est sa propriété ; Par contre la preuve n'est pas rapportée au regard des actes versés aux débats que M. Raymond X... est propriétaire du reste de la rue et en particulier : de l'espace litigieux entre les anciennes parcelles 51 et 52 qui font partie de la parcelle actuelle C13 et l'ancienne parcelle C 71 devenue l'actuelle parcelle C 17 qui n'est pas la propriété de M. X..., de l'espace litigieux entre les anciennes parcelles 74, 75, 76 et 77 devenues partie de la parcelle C 15 et les anciennes parcelles 49, 48 et 47 faisant partie de la parcelle C 13 (pour partie pour la parcelle 48 et éventuellement pour la parcelle 47). En effet au regard de l'ancien plan cadastral, la cour qui relie les parcelles 48 et 49 à la parcelle 72 est une partie très courte de cette rue qui sépare les deux rangées de bâtiments. Il convient en outre de préciser qu'une partie de la parcelle actuelle C13 est une cour et qu'en conséquence une partie de cet espace qui correspond en gros à un triangle entre les deux coins des bâtiments est effectivement la propriété de M. X... sans qu'il existe une séparation nette entre sa cour et l'espace public ; M. X... fait valoir la prescription acquisitive sur toute la rue. Cependant le domaine public ne peut être acquis par prescription et en conséquence sa demande doit être rejetée. Le fait que des personnes de la famille de M. X... aient utilisé cette espace comme le fait que d'autres personnes habitant sur la commune attestent avoir régulièrement utilisé cette ruelle pour passer ne constitue une preuve de propriété ni pour l'une ni pour l'autre des parties mais seulement la preuve d'un usage de ces parcelles qu'il convient de qualifier d'équivoque, ce qui interdit de retenir la prescription de propriété de la part de la commune ;
1° Alors que tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé ; que la cour d'appel, pour juger M. Raymond X... propriétaire d'une partie de la rue, classée voie communale, séparant deux de ses parcelles, a retenu que M. Raymond X... était propriétaire de la partie de la rue se trouvant entre l'ancienne parcelle 49 et l'ancienne parcelle 72, en se fondant sur un acte notarié du 10 avril 1910, titre d'un auteur du demandeur en revendication ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant, par motif du jugement confirmé, que d'autres personnes habitant sur la commune attestaient avoir régulièrement utilisé cette ruelle, et sans préciser en quoi le titre de 1910 aurait été préférable à l'usage public postérieur plus que trentenaire attesté par les habitants et invoqué par la commune, du chemin classé en 1966 dans la voirie communale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 161-2, L. 161-3 du code rural et de la pêche maritime ;
2° Alors que la propriété s'acquiert aussi par prescription ; que la cour d'appel, pour juger M. Raymond X... propriétaire d'une partie de la rue, classée voie communale, séparant deux de ses parcelles, a retenu que le classement de l'ensemble de la rue en voie communale qui serait intervenu en 1966 était sans incidence sur les droits de M. X... sur sa propriété, en l'absence de procédure d'expropriation qui aurait seule pu permettre à la commune d'acquérir la propriété de la partie appartenant à M. X... et de la classer légitimement en voie communale ; qu'en statuant ainsi, bien que la propriété puisse aussi s'acquérir par prescription, la cour d'appel a violé l'article 712 du code civil ;
3° Alors que les actes de jouissance accomplis par les habitants d'une commune caractérisent la possession par celle-ci d'un bien ; que la cour d'appel, pour juger M. Raymond X... propriétaire d'une partie de la rue, classée voie communale, séparant deux de ses parcelles, a retenu, par motif du jugement confirmé, que le fait que des personnes de la famille de M. X... aient utilisé cette espace comme le fait que d'autres personnes habitant sur la commune attestent avoir régulièrement utilisé cette ruelle pour passer ne constitue une preuve de propriété ni pour l'une ni pour l'autre des parties mais seulement la preuve d'un usage de ces parcelles qu'il convient de qualifier d'équivoque, ce qui interdit de retenir la prescription de propriété de la part de la commune ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 2229 du code civil (transféré par l'article 2 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008-06-30 à l'article 2261) et 2262 (repris aux articles 2258 et 2272) du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a dit que M. Raymond X... n'est pas propriétaire du reste de la rue et, en conséquence, que la commune de Molières n'a commis aucune voie de fait en demandant à M. X... de retirer son portail ;
AUX MOTIFS que M. X... ne rapportait pas la preuve qu'il était propriétaire du reste de la rue et que M. X... ne peut invoquer la prescription acquisitive sur cette partie de la rue ; qu'en effet cette partie de la rue fait partie du domaine public, dont la propriété n'est pas susceptible d'acquisition par prescription ; que l'injonction de retirer le portail n'a causé aucun dommage à M. X..., qui au demeurant ne l'explicite même pas, dès lors que ce portail avait été implanté par M. X... sur un espace ne lui appartenant pas et que l'injonction était donc légitime ; que les premiers juges ont eux-mêmes souligné le caractère ubuesque de la solution résultant en l'espèce de l'application des règles de droit et la nécessité d'une concertation pour y apporter une solution satisfaisante ;
Et AUX MOTIFS ADOPTES que la preuve n'est pas rapportée au regard des actes versés aux débats que M. Raymond X... est propriétaire du reste de la rue et en particulier :- de l'espace litigieux entre les anciennes parcelles 51 et 52 qui font partie de la parcelle actuelle C13 et l'ancienne parcelle C71 devenue l'actuelle parcelle C17 qui n'est pas la propriété de M. X...,- de l'espace litigieux entre les anciennes parcelles 74, 75, 76 et 77 devenues partie de la parcelle C15 et les anciennes parcelles 49, 48 et 47 faisant partie de la parcelle C13 (pour partie pour la parcelle 48 et éventuellement pour la parcelle 47) ; qu'en effet au regard de l'ancien plan cadastral, la cour qui relie les parcelles 48 et 49 à la parcelle 72 est une partie très courte de cette rue qui sépare les deux rangées de bâtiments ; qu'il convient en outre de préciser qu'une partie de la parcelle actuelle C13 est une cour et qu'en conséquence une partie de cet espace qui correspond en gros à un triangle entre les deux coins des bâtiments est effectivement la propriété de M. X... sans qu'il existe une séparation nette entre sa cour et l'espace public ; que M. X... fait valoir la prescription acquisitive sur toute la rue ; que cependant le domaine public ne peut être acquis par prescription et en conséquence sa demande doit être rejetée ; que le fait que des personnes de la famille de M. X... aient utilisé cette espace comme le fait que d'autres personnes habitant sur la commune attestent avoir régulièrement utilisé cette ruelle pour passer ne constitue une preuve de propriété ni pour l'une ni pour l'autre des parties mais seulement la preuve d'un usage de ces parcelles qu'il convient de qualifier d'équivoque, ce qui interdit de retenir la prescription de propriété de la part de la commune ; que M. X... conclut sur la voie de fait, de la part de la commune ; que cependant l'endroit où il avait implanté son portail ne lui appartient pas puisque faisant partie du domaine public, en conséquence c'est à juste titre que la commune lui a demandé d'enlever son portail et à ce titre aucune dommage et intérêt ne peut être alloué ; qu'il est certain que la décision rendue aujourd'hui en droit n'est satisfaisante ni pour l'une ni pour l'autre des parties dans la mesure où :- il n'est reconnu à M. X... un droit de propriété que sur une portion très réduite de cette ruelle, portion qu'il conviendra en outre de déterminer avec précision avec l'aide d'un géomètre dans le cadre d'une action en bornage qui n'est pas sollicitée dans la présente instance,- ce droit de propriété va permettre la clôture de la ruelle en son milieu interdisant le passage des riverains alors que ceux-ci depuis longtemps utilisent ce passage. Les parties sont donc invitées à trouver un accord pour sortir de cette situation ubuesque mais conforme au droit ;
1/ ALORS QUE les juges ne peuvent statuer par voie de simple affirmation ; qu'en se contentant de considérer que M. X... ne pouvait invoquer la prescription acquisitive sur le reste de la rue dès lors que « cette partie de la rue faite partie du domaine public » (arrêt attaqué, p. 3 § 10), quand l'exposant, preuve à l'appui, contestait l'incorporation de cette partie de la rue dans le domaine public, faute d'éléments probants émanant de la commune de Molières permettant de considérer qu'un classement de celle-ci en voie communale ait eu lieu (écritures d'appel de l'exposant, p. 5 pénult. § à p. 6 in fine), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2/ ALORS QUE seule une décision de classement est de nature à intégrer une voie dans le domaine public de la commune ; qu'en jugeant qu'une partie de la rue litigieuse était incorporée au domaine public de la commune, tout en émettant des doutes sur le classement de l'ensemble de la rue en voie communale, la cour d'appel, qui n'a pas précisé comment, en l'absence de classement, la voie litigieuse avait pu intégrer le domaine public communal, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 141-1 et L. 141-3 du code de la voirie routière ;
3/ ALORS QUE le juge ne peut méconnaître les termes du litige tels qu'ils résultent des prétentions des parties ; que M. X... faisait valoir qu'il avait acquis par le biais d'une possession plus que trentenaire l'espace compris entre les parcelles C13 et C15 (écritures d'appel p. 2 § 7 s.), soit une partie de la rue seulement, en effectuant sur cette seule portion des constructions et des travaux de cimentages (écritures d'appel p. 7 § 4) ; qu'en jugeant que les premiers juges avaient justement retenu que M. X... ne rapportait pas la preuve qu'il était propriétaire « du reste de la rue » (arrêt attaqué, p. 3 § 10), la cour d'appel a méconnu les termes du litiges et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
4/ (subsidiaire) ALORS QUE l'action en bornage implique l'existence de deux fonds contigus, objet de propriété privée ; qu'en renvoyant les parties à déterminer avec précision la portion du passage appartenant à M. X... avec l'aide d'un géomètre dans le cadre d'une action en bornage, tout en relevant que le reste de la ruelle faisait partie du domaine public, la cour d'appel a méconnu l'article 646 du code civil.