LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 17 septembre 2014), statuant sur renvoi après cassation, (3e Civ. 19 juin 2013, pourvoi n° 12-18. 337), que Mme X..., propriétaire d'un immeuble à destination de café-restaurant-hôtel, l'a donné à bail à la société MNSA ; qu'à la suite de la mise en liquidation de la société locataire, un jugement du 29 janvier 2008 a autorisé la cession du fonds de commerce à la société Le Champlain ; que, le 2 juin 2008, cette cession a été régularisée entre la société MNSA représentée par son liquidateur et la société Le Champlain ; que, le 23 novembre 2010, la locataire a assigné la bailleresse en exécution des travaux de mise en conformité des locaux à leur destination ; que Mme X..., à titre reconventionnel, a sollicité l'acquisition de la clause résolutoire ; qu'en cours de procédure, la société Le Champlain a été mise en liquidation judiciaire et M. Z...désigné en qualité de mandataire liquidateur ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Z...ès qualités fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le manquement du bailleur à son obligation de délivrance n'est pas subordonné à l'envoi préalable par le preneur d'une mise en demeure de se conformer à ses obligations ; qu'en écartant tout manquement de Mme X... à son obligation de délivrance par des considérations inopérantes relatives à l'absence de mise en demeure par le preneur de délivrer des locaux conformes à la destination prévue par le bail, la cour d'appel a violé les articles 1146 et 1719 du code civil ;
2°/ que le bailleur est obligé par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée et il lui appartient de prouver qu'il s'est libéré de cette obligation ; qu'en affirmant que la société Le Champlain ne pouvait reprocher à Mme X..., bailleresse, une inexécution de l'obligation de délivrance, sans constater que celle-ci avait démontré avoir rempli son obligation de délivrer des locaux conformes à la destination prévue au bail, la cour d'appel a violé l'article 1719 ensemble l'article 1315 du code civil ;
3°/ que les conventions n'ayant d'effet qu'entre les parties contractantes, elles ne nuisent point au tiers et ne lui profitent que dans le cas de stipulation pour autrui ; qu'en retenant, pour écarter la méconnaissance de l'obligation de délivrance du bailleur, que la société Le Champlain avait déclaré faire son affaire personnelle de la non-conformité des locaux et des travaux nécessaires et que ces travaux avaient été rendus nécessaires par les négligences du preneur initial, la cour d'appel qui a fait bénéficier Mme X... d'une stipulation de la cession de fonds de commerce à laquelle elle n'était pas partie et a opposé à la société Le Champlain un comportement du précédent preneur dans le cadre du précédent bail commercial qui ne la concernait pas, a violé l'article 1165 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que l'acte de cession du fonds de commerce indiquait qu'aux termes d'une lettre du 28 novembre 2006, la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales avait demandé la réfection générale des locaux, que l'acquéreur s'était expressément engagé à faire son affaire personnelle des travaux de mise en conformité, reconnaissant être informé de la fermeture du fonds de commerce depuis le 31 juillet 2007, et que ces travaux n'avaient été rendus nécessaires qu'en raison de l'utilisation qui avait été faite des locaux, comme cela résultait de la lettre de l'administration qui avait constaté les négligences du preneur, fût-il le preneur initial, qui les avait laissés se dégrader jusqu'à créer des conditions indécentes d'hygiène et de sécurité, la cour d'appel, qui a pu en déduire qu'aucun manquement à l'obligation de délivrance ou d'entretien des locaux conformes à l'usage auquel ils étaient destinés, ne pouvait être imputé à Mme X..., a, sans inverser la charge de la preuve ni porter atteinte au principe de l'effet relatif des conventions, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles L. 145-37 et R. 145-20 du code de commerce ;
Attendu que, pour fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Le Champlain une certaine somme au titre de l'arriéré de loyers ainsi que des indemnités d'occupation, l'arrêt retient que le compte locatif produit par la bailleresse correspond au montant des loyers dûs jusqu'au 1er octobre 2011 ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si cette évaluation n'avait pas été faite sans que soit suivie la procédure légale de révision du prix du bail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en sa disposition relative à la somme fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Le Champlain au titre de l'arriéré de loyers ainsi que des indemnités d'occupation, l'arrêt rendu le 17 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... et la condamne à payer à M. Z...agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Le Champlain la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq février deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. Z..., ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Me Z...fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de l'ensemble des demandes présentées au titre du manquement de Mme X... à son obligation de délivrance ;
AUX MOTIFS QUE Me Z...demande en premier lieu à la cour de constater le manquement de Mme X... à ses obligations contractuelles de bailleresse ; qu'il résulte des article 1719 et 1315 du code civil que le bailleur est obligé, par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ; que cette obligation pesait donc, en l'espèce, sur Mme X... ; que contrairement à ce que soutient Me Z..., il ne résulte d'aucun éléments versés aux débats que Mme X... aurait manqué à une telle obligation ; que certes, c'est à tort que Mme X... indique dans ses écritures qu'elle n'a eu connaissance que dans le cadre de la présente procédure de la lettre de la direction départementales des affaires sanitaires et sociales du 26 novembre 2006 prescrivant la réalisation de certains travaux ; qu'en effet la signification de la cession du droit au bail qui a été faite par la société Le Champlain à Mme Y... le 23 juin 2008 comportait l'intégralité de l'acte réalisant cette cession et relatait expressément le contenu de ladite lettre qui, au surplus, y était jointe, comme permet de s'en assurer l'acte de signification de cette cession produit par Mme X... elle-même ; que pour autant, il ne peut en être déduit que Mme X... aurait été mise en demeure de réaliser les travaux ; qu'en effet, la signification de cet acte de cession n'avait pas pour objet et ne pouvait, à elle seule, avoir pour effet, faute d'une interpellation suffisante au sens de l'article 1146 du code civil, de réaliser la mise en demeure nécessaire pour établir la défaillance par Mme X... de son obligation de délivrance et d'entretien ; qu'il en est d'autant plus ainsi que l'acte de cession précisait que la société Le Champlain faisait son affaire personnelle de la non-conformité des locaux et des travaux qui devaient être effectués ; qu'au surplus, ces travaux n'étaient rendus nécessaires qu'à raison de l'utilisation qui avait été faite des locaux et installations, comme cela résulte de la lettre de la directions des affaires sanitaires et sociales du 26 novembre 2006 qui constate les négligences du preneur, fût-il preneur initial, qui les a laissés se dégrader jusqu'à créer des conditions indécentes d'hygiène et de sécurité, laissant au surplus les lieux sans surveillance la nuit et le week-end en méconnaissance de la règlementation ; que Me Z...se prévaut d'autres documents (lettre du cabinet Atex Bat, fiches d'intervention ISS, rapport du bureau d'études A2C) dont il ne résulte d'aucune pièce qu'ils aurait été communiqués à Mme X... en dehors du cadre de la procédure ayant abouti à la présente instance et, en tous cas, qu'ils auraient fait l'objet d'une mise en demeure, au sens précité, de réaliser les travaux que ces différents organismes estimaient nécessaires ; que Me Z...argue encore d'une lettre recommandée avec avis de réception du 23 mars 2010, dans laquelle la société Le Champlain sollicite l'autorisation d'exercer une activité de loueur en meublé mais surtout, informe le bailleur, par l'intermédiaire de l'administrateur du bien, la société Century 21, d'une part que la chaudière est vétuste, d'autre part que faute de réponse avant le 31 mars, ces travaux seraient réalisés par prélèvement sur les loyers ; que cette lettre est le seul document qui vaille interpellation suffisante pour constituer une mise en demeure, laquelle a été réitérée, dans des termes similaires, par lettre recommandée avec avis de réception du 19 mai 2010 ; que cependant, cette mise en demeure porte sur des travaux qui n'ont aucun rapport avec ceux, relevant de la réfection générale des locaux communs et énumérés avec précision, prescrits par l'autorité administrative ; que de plus, l'absence de suite donnée à cette mise en demeure est sans réelle conséquence dès lors que si la société Le Champlain souhaitait transformer l'hôtel en meublés, le cabinet Lintot l'avait informée, par lettre du 23 juillet 2010 qu'il résultait des contacts, fussent-ils simplement oraux, avec l'administrateur des biens du bailleur que ce dernier ne souhaitait pas la modification de destination des lieux du bail commercial en meublés ; que force est de constater qu'un tel accord n'a jamais été donné et qu'au surplus, dès le 18 avril 2010, la société Le Champlain a signé une promesse de vente du fonds ; que dans ces conditions, aucun manquement à l'obligation de délivrance ou d'entretien des locaux conformes à l'usage auquel ils étaient destinés et exempts de vices affectant leur gros oeuvre et leur sécurité ne peut être imputé à Mme X... ; que Me Z...demande en second lieu la résiliation du bail à raison de l'impossibilité de jouir des deux tiers des locaux loués et de les exploiter en invoquant le refus réitéré de la bailleresse de réaliser les travaux de mise en état ; que toutefois, les motifs qui précèdent mettent en évidence que le fondement même de cette demande manque en fait ;
1°) ALORS QUE le manquement du bailleur à son obligation de délivrance n'est pas subordonné à l'envoi préalable par le preneur d'une mise en demeure de se conformer à ses obligations ; qu'en écartant tout manquement de Mme X... à son obligation de délivrance par des considérations inopérantes relatives à l'absence de mise en demeure par le preneur de délivrer des locaux conformes à la destination prévue par le bail, la cour d'appel a violé les articles 1146 et 1719 du code civil ;
2°) ALORS QUE le bailleur est obligé par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée et il lui appartient de prouver qu'il s'est libéré de cette obligation ; qu'en affirmant que la société Le Champlain ne pouvait reprocher à Mme X..., bailleresse, une inexécution de l'obligation de délivrance, sans constater que celle-ci avait démontré avoir rempli son obligation de délivrer des locaux conformes à la destination prévue au bail, la Cour a violé l'article 1719 ensemble l'article 1315 du code civil ;
3°) ALORS QUE les conventions n'ayant d'effet qu'entre les parties contractantes, elles ne nuisent point au tiers et ne lui profitent que dans le cas de stipulation pour autrui ; qu'en retenant, pour écarter la méconnaissance de l'obligation de délivrance du bailleur, que la société Le Champlain avait déclaré faire son affaire des personnelle de la non-conformité des locaux et des travaux nécessaires et que ces travaux avaient été rendus nécessaires par les négligences du preneur initial, la cour d'appel qui a fait bénéficier Mme X... d'une stipulation de la cession de fonds de commerce à laquelle elle n'était pas partie et a opposé à la société Le Champlain un comportement du précédent preneur dans le cadre du précédent bail commercial qui ne la concernait pas, a violé l'article 1165 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Me Z...fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Le Champlain la somme de 25. 975, 65 euros au titre de l'arriéré de loyers ainsi que les indemnités d'occupation postérieures égales au montant du loyer actuel jusqu'à libération de lieux.
AUX MOTIFS QUE la Cour adopte les motifs du jugements qui a fait droit à la demande de résiliation du bail à raison de l'absence de paiement des loyers après commandement de payer infructueux ; que la liquidation judiciaire de la société Le Champlain fait toutefois obstacle à ce que soit confirmée la condamnation de cette société au paiement de la somme correspondant aux loyers dus et non payés ; que Mme X... demande d'ailleurs à la Cour que la somme en cause soit fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Le Champlain à titre privilégié en vertu du privilège du bailleur et qu'elle soit au surplus portée à 25. 975, 65 euros ; que cette somme correspond effectivement au montant des loyers dus jusqu'au 1er octobre 2011 ; qu'il sera donc fait droit à la demande de Mme X... ;
ALORS QUE les règles de révision du loyer commercial ont un caractère d'ordre public et il incombe aux parties, en l'absence d'accord, de saisir le juge des loyers commerciaux pour fixer le prix du loyer révisé ; qu'en retenant que le loyer évalué par la bailleresse correspondait au montant dû jusqu'au 1er octobre 2011 sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette évaluation n'avait pas été établie sans que ne soit suivie la procédure légale de révision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-37 et R. 145-20 du code de commerce.