LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte du 14 juin 2007, M. et Mme X..., agissant tant en leur nom personnel que pour le compte des cinq autres associés de la société SGI, se sont engagés à vendre les parts constituant le capital social de celle-ci à la Société d'études et de réalisation de gestion immobilière de construction (la société Sergic) et ont consenti à cette dernière une garantie de passif ; que le 18 juin 2007, la société Fortis banque France, aux droits de laquelle est venue la société BNP Paribas (la caution), s'est rendue caution solidaire de cette garantie dans une certaine limite de montant et de durée ; que la société SGI ayant fait l'objet de condamnations au profit des sociétés Renove sol peinture et Avetis, la société Sergic a mis en oeuvre la garantie de passif et demandé la condamnation, à ce titre, de M. et Mme X... et de la caution, ainsi que des dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société Sergic concernant la prise en charge de la condamnation prononcée au profit de la société Avetis, l'arrêt retient qu'il résulte d'une lettre du 20 avril 2009 adressée par le conseil de la société Avetis à la société Sergic que celle-ci avait été assignée à sa personne par celle-là le 28 septembre 2007 et qu'elle n'a notifié cette réclamation que le 21 avril 2009, de sorte que, faute de l'avoir notifiée à M. et Mme X... dans les trente jours après en avoir acquis connaissance, la société Sergic est déchue du droit de se prévaloir de la garantie de passif, en application de l'article 11 de la convention de garantie ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de la lettre du 20 avril 2009, comme de l'assignation qui y était jointe, que c'était à la société SGI que cette assignation avait été signifiée le 28 septembre 2007 et non à la société Sergic, bénéficiaire de la garantie de passif, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ces documents, a violé le principe susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation prononcée sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef du dispositif rejetant globalement les demandes de la société Sergic, y compris celle concernant la prise en charge des conséquences du litige l'opposant à la société Renove sol peinture, dès lors que cette demande n'ayant été écartée qu'en raison de son montant, inférieur au seuil cumulé de franchise de 10 000 euros bénéficiant à M. et Mme X..., ce motif devient inopérant du fait de la cassation atteignant la réclamation de la société Avetis, le montant cumulé des deux réclamations dépassant le seuil de déclenchement de la garantie ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société BNP Paribas et M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes et condamne la société BNP Paribas à payer à la Société d'études et de réalisation de gestion immobilière de construction la somme de 1 500 euros et M. et Mme X... à payer à la Société d'études et de réalisation de gestion immobilière de construction la somme globale de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la Société d'études et de réalisation de gestion immobilière de construction.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté la société Sergic de toutes ses demandes et, en particulier, de sa demande de condamnation solidaire des époux X... et de la société BNP Paribas pour un montant de 43 013,99 euros au titre de la prise en charge du passif issu du litige SCI Avetis.
AUX MOTIFS QUE « sur la réclamation de la SCI Avetis ; (¿) que ce n'est toutefois que par acte du 28 septembre 2007, soit postérieurement à la cession, que la SCI Avetis a assigné la société Sergic en responsabilité et paiement de dommages et intérêts ; qu'il est constant que cet acte a été signifié à la société Sergic à personne, ainsi qu'il ressort des termes du courrier adressé par le conseil de la SCI Avetis à la société Sergic le 20 avril 2009, et que l'intéressée n'a pas cru devoir comparaître devant le tribunal de grande instance de Nanterre qui a rendu, le 27 janvier 2009, un jugement réputé contradictoire ; que l'assignation du 28 septembre 2007 caractérise seule la réclamation du tiers qui, au sens de l'article 11 de la convention de garantie de passif, doit être notifiée au cédant dans les 30 jours de sa connaissance par le bénéficiaire, à l'exclusion de l'assignation aux fins d'extension des opérations d'expertise, laquelle ne comportait aucune demande de condamnation et pouvait n'être jamais suivie d'une demande de cette sorte ; que la société Sergic, assignée à personne le 28 septembre 2007 par la SCI Avetis, devait donc notifier cette réclamation aux cédants au plus tard le 28 octobre 2008 ; que sa notification du 21 avril 2009 est donc tardive et emporte sa déchéance du droit à garantie du chef de ce litige, étant observé que la notification à pour but de permettre au garant de participer aux discussions avec le tiers et d'être associé aux procédures judiciaires ; que le passif issu du litige RSP est donc seul susceptible de relever de la garantie due par les cédants ; que son montant étant cependant inférieur au seuil de la franchise de déclenchement contractuellement fixé à 10 000 euros, la société Sergic ne peut prétendre à la mise en oeuvre de la garantie de passif ni au bénéfice du cautionnement donné par la société BNP Paribas ; que la cour infirmera en conséquence le jugement dont appel et, statuant à nouveau, déboutera la société Sergic de toutes ses demandes ».
1°/ ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents en la cause ; qu'en l'espèce, l'article 11 de la Promesse de vente stipulait, en des termes clairs et précis, que le bénéficiaire devra prévenir le promettant « de toutes réclamations formulées par un tiers quelconque à l'encontre de la Société susceptibles d'entrer dans le champ d'application de la garantie » (prod. 6) ; que l'exposante soutenait que les garants avaient eu connaissance de la réclamation du tiers les 12 et 13 décembre 2006, lorsque celui-ci, la SCI Avetis, avait assigné en référé la société cédée aux fins d'extension des opérations d'expertise, soit avant même la promesse de vente du 14 juin 2007, de sorte que la demande de garantie ne pouvait être soumise au délai de trente jours prévue par la garantie de passif ; qu'en jugeant toutefois que « l'assignation du 28 septembre 2007 caractérise seule la réclamation du tiers » (arrêt attaqué, p. 7, §4) au sens de l'article 11 de la garantie de passif, la cour d'appel a dénaturé la garantie de passif en violation de l'article 1134 du code civil.
2°/ ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents en la cause ; qu'en l'espèce, dans son courrier du 20 avril 2009, le conseil de la SCI Avetis écrivait à la société Sergic, bénéficiaire de la garantie de passif, en la priant « de bien vouloir trouver ci-joint copie de l'assignation signifiée à personne à la société SGI le 28 septembre 2007 », la signification et l'assignation jointes mentionnant bien qu'elles avaient été faites à la société SGI (prod. 7) ; qu'en jugeant toutefois qu'il ressort des termes de ce courrier que l'assignation du 28 septembre 2007 avait « été signifié(e) à la société Sergic à personne », pour en déduire que cette dernière avait eu connaissance de cette assignation, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce document et de ses pièces jointes, en méconnaissance du principe faisant interdiction au juge de dénaturer les documents de la cause ;
3°/ ALORS QUE l'objet du litige est défini par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la société SERGIC soutenait expressément que l'assignation du 28 septembre 2007 ne lui avait pas été signifiée mais l'avait été à personne à la seule société SGI (concl. Sergic, p. 18, b) ; qu'en retenant « qu'il est constant que cet acte a été signifié à la société Sergic à personne », la cour d'appel a ainsi modifié les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté la société Sergic de toutes ses demandes et, en particulier, de sa demande de condamnation solidaire des époux X... et de la société BNP Paribas pour un montant de 8 335,84 euros au titre de la prise en charge du passif issu du litige RSP.
AUX MOTIFS QUE « le passif issu du litige RSP est donc seul susceptible de relever de la garantie due par les cédants ; que son montant étant cependant inférieur au seuil de la franchise de déclenchement contractuellement fixé à 10 000 euros, la société Sergic ne peut prétendre à la mise en oeuvre de la garantie de passif ni au bénéfice du cautionnement donné par la société BNP Paribas ».
ALORS QUE, la cassation du chef du premier moyen, afférent au rejet de la demande de condamnation au titre de la prise en charge du passif issu du litige SCI AVENTIS, entraînera, par application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation du chef du dispositif contesté par le second moyen dès lors que, pour refuser d'admettre la prise en charge du passif issu du litige RSP, la cour d'appel s'est fondée sur le fait qu'il était seul susceptible d'entrer dans le champ de la garantie, à l'exclusion du passif issu du litige Avetis, et se trouvait donc inférieur au seuil de déclenchement de la garantie fixé à 10 000 euros.