LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. Michel X..., Mme Françoise Y..., épouse X... et M. Hervé X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Pascal A..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. B...;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Com. 15 octobre 2013 n° 12-25. 523), que la société caisse de Crédit agricole mutuel de Franche-Comté (la Caisse) a consenti plusieurs crédits à la société Solacobois (la société) ; que M. Michel X..., le gérant, Mme Y..., son épouse, et M. Hervé X..., leur fils (les cautions), se sont, dans certaines limites et pour une durée indéterminée, rendus caution solidaire de tous les engagements de la société envers la Caisse ; qu'ultérieurement, M. Michel X... et Mme Y... ont cédé les parts de la société, qui n'avait plus aucune dette envers la Caisse, sans résilier les engagements souscrits ; que la Caisse a consenti de nouveaux prêts à la société qui, par la suite, a été mise en redressement puis liquidation judiciaires ; qu'après avoir déclaré sa créance, la Caisse a assigné les cautions en paiement, lesquelles lui ont opposé la méconnaissance de son obligation légale d'information annuelle ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts des cautions contre la banque, l'arrêt retient que, s'il est constant que la Caisse a manqué à leur égard à son obligation de les informer, tant du montant en principal, intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente de sa créance à l'encontre de la société Solacobois, que de la faculté de révocation de leur engagement à tout moment et des conditions dans lesquelles celle-ci pouvait être exercée, les consorts X... n'administrent pas la preuve d'une faute imputable à la Caisse, distincte de celle résultant de l'inobservation des exigences définies à l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, aucune des pièces qu'ils versent au dossier ne prouvant que la Caisse a commis une faute quelconque, distincte du défaut d'information, dans le but de les tromper sur l'étendue de leurs engagements à son égard et, par un comportement exclusif de toute bonne foi, de maintenir leur garantie contre leur gré ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans analyser, même de façon sommaire, les lettres intitulées « mainlevée de caution » par lesquelles la Caisse, le 2 février 2004, avait informé les cautions qu'elle les libérait de leurs engagements de caution personnel et solidaire donnés en garantie des prêts consentis à la société, sans pour autant faire état de ce qu'elles demeuraient tenus des engagements à durée indéterminée qu'elles avaient également souscrits, ni rechercher si, ce faisant, et dès lors que les cautions étaient déjà privées de l'information annuelle, la Caisse ne les avait pas induit en erreur en les trompant sur l'étendue de leurs engagements à son égard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne la société Crédit agricole mutuel de Franche-Comté aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. et Mme Michel X... et à M. Hervé X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X... et M. Hervé X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande en dommages-intérêts formée par M. Michel X..., Mme Françoise Y... épouse X... et M. Hervé X... contre la CRCAM de Franche-Comté ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 313-22 du code monétaire et financier dispose que : « Les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette. " Il ressort de ce texte que le manquement à l'obligation d'information qu'il met à la charge du banquier n'est sanctionné que par la seule déchéance des intérêts et il est de jurisprudence constante qu'il ne peut en être autrement qu'en cas de dol ou de faute lourde imputable à celui-ci. Or, s'il est constant que la Caisse a manqué à l'égard des cautions à son obligation de les informer, tant du montant en principal, intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente de sa créance à l'encontre de la SARL Solacobois, que de la faculté de révocation de leur engagement à tout moment et des conditions dans lesquelles celle-ci pouvait être exercée, force est de constater que les consorts X... qui s'étendent longuement sur la mauvaise foi dont elle aurait fait preuve en ne leur dispensant pas l'information qui leur aurait permis de résilier leurs engagements en temps utile, n'administrent pas la preuve d'une autre faute qui lui serait imputable. En effet, il ne ressort d'aucune des pièces qu'ils versent au dossier que la Caisse a apporté à la SARL Solacobois un soutien abusif en lui consentant des crédits disproportionnés par rapport à ses facultés de remboursement au jour du déblocage des fonds concernés, ni qu'elle a commis une faute quelconque, distincte du défaut d'information, dans le but de les tromper sur l'étendue de leurs engagements à son égard et, par un comportement exclusif de toute bonne foi, de maintenir leur garantie contre leur gré. Le jugement entrepris mérite en conséquence également confirmation en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes comprenant celles en dommages-intérêts formées contre la Caisse par les consorts X... et a condamné ces derniers aux dépens dont distraction au profit de Maître Patricia Vernier-Dufour, comme en dispose l'article 699 du code de procédure civile ;
1) ALORS QUE si le manquement à l'obligation d'information prévue par l'article L. 313-22 du code monétaire et financier est sanctionné par la seule déchéance des intérêts, c'est à la condition que l'établissement de crédit créancier n'ait pas commis de dol ou de faute lourde ; qu'en l'espèce, les consorts X... soutenaient dans leurs conclusions d'appel que la banque avait commis une faute dolosive à leur égard, ou à tout le moins un manquement à son devoir de conseil et à son obligation d'exécuter de bonne foi les contrats, en ne leur révélant aucune information concernant l'évolution de la situation financière de la société débitrice, alors qu'ils l'avaient dûment informée de ce qu'ils avaient cédé leurs parts dans la société cautionnée et qu'ils ne disposaient plus d'aucune information à cet égard, et en octroyant parallèlement à celle-ci de nouveaux crédits, en dépit d'une carence de trésorerie récurrente, sans exiger de cautionnement de son nouveau gérant ; que dès lors, en omettant de rechercher, comme elle y était invitée, si la rétention par la banque d'informations essentielles sur la situation financière de la société Solacobois, combinée à l'octroi de nouveaux crédits non garantis par de nouvelles sûretés, bien qu'elle eût été informée de la cession des parts des exposants et de la cessation consécutive de leurs fonctions au sein de la société débitrice, ne caractérisait pas une violation particulièrement grave par la banque de son obligation de loyauté distincte du simple manquement à l'obligation d'information des cautions prévu à l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2) ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions d'appel, les consorts X... invoquaient en preuve de la faute dolosive alléguée la lettre intitulée « mainlevée de caution » que leur avait adressée la banque le 2 février 2004, mentionnant qu'elle les libérait de leurs engagements de caution personnel et solidaire donnés en garantie des prêts consentis à la société Solacobois, sans faire état de ce que, pour autant, ils demeuraient tenus des cautionnements tous engagements à durée indéterminée souscrits en faveur de la société débitrice ; que dès lors, en se bornant à affirmer qu'il ne ressortait d'aucune des pièces versées au dossier que la banque aurait commis une faute quelconque, dans le but de tromper les cautions sur l'étendue de leurs engagements à son égard, sans s'expliquer sur la lettre du 2 février 2004 pourtant propre à induire les consorts X... en erreur sur le maintien de certains de leurs engagements de caution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1153 du code civil ;
3) ALORS, EN OUTRE, QUE dans leurs conclusions d'appel, les exposants soutenaient que la banque avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité à leur égard, en octroyant, à la société Solacobois le 28 août 2006, soit moins d'un mois avant la date de la cessation des paiements fixée au 20 septembre 2006 par le jugement de liquidation judiciaire du 2 juillet 2007, un prêt supplémentaire de 37. 000 €, venu aggraver son passif ; que dès lors, en omettant de répondre à ce moyen pourtant de nature à démontrer un soutien abusif de la banque à la débitrice principale, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.