LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 9 décembre 2014), qu'Armand X... est décédé le 14 juin 2004 en laissant pour lui succéder Mme Y..., Mme Z... et M. A..., venant par représentation d'Yvonne A..., Mme B... et Mme C..., venant par représentation d'Eugène D..., M. D... et Mme E..., venant par représentation d'Aimé D..., Mme F..., venant par représentation de Marie-Louise G... et Mme H... (ci-après les consorts H..., A..., D... et G...) ; que M. I... et Mme J... ont invoqué le bénéfice d'un testament olographe, daté du 8 avril 2004, attribué à Armand X..., les instituant respectivement légataire universel et légataire particulier ; qu'un tribunal a ordonné une expertise en écriture au cours de laquelle le testament olographe original a été perdu ; que les consorts H..., A..., D..., et G... ont contesté la validité du testament ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts H..., A..., D... et G... font grief à l'arrêt de dire que M. I... et Mme J... sont recevables à faire la preuve de l'existence du testament olographe établi en trois exemplaires identiques par Armand X... le 8 avril 2004 par la production des photocopies de ces originaux, alors, selon le moyen, que seule la perte de l'original d'un testament olographe par suite d'un cas fortuit ou d'une force majeure autorise celui qui s'en prévaut à rapporter par tous moyens la preuve de son existence et de son contenu ; que la perte du testament par un expert judiciaire ne constitue ni un cas fortuit, ni un cas de force majeure ; qu'en retenant, pour dire que M. I... et Mme J... étaient recevables à faire la preuve de l'existence du testament olographe par la production de photocopies, que la perte du testament par l'expert judiciaire caractérisait un cas de force majeure, l'expert judiciaire étant tiers au litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1348 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que l'original du testament litigieux avait été remis par le notaire dépositaire au premier expert judiciaire commis, qu'il avait été égaré à la suite du décès de ce technicien, et que ce testament n'avait pas pu être retrouvé en dépit des multiples démarches entreprises, tant par le magistrat chargé du contrôle des expertises, que par le second expert désigné en remplacement ; que la cour d'appel a pu décider que la perte du testament dans de telles circonstances se rattachait à un fait extérieur, irrésistible et imprévisible, caractérisant un cas de force majeure, permettant à M. I... et Mme J... de produire des photocopies à titre de preuve du testament olographe ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mmes Y..., Z..., B..., C..., E..., F... et H... et MM. A... et D..., aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne in solidum à payer 250 euros à M. I..., 250 euros à Mme J... et 2 500 euros à Me Blondel ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mmes Y..., Z..., B..., C..., E..., F... et H... et MM. A... et D....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. I... et Mme J... sont recevables à faire la preuve de l'existence du testament olographe établi en trois exemplaires identiques par Armand X... le 8 avril 2004 par la production des photocopies de ces originaux, d'avoir débouté les héritiers de leur demande d'annulation de ce testament pour vice de forme et insanité d'esprit et d'avoir ordonné la délivrance des legs au profit de M. I... et de Mme J... ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 1348 du code civil, les règles relatives à la preuve d'un acte juridique reçoivent notamment exception lorsque l'une des parties a perdu le titre qui lui servait de preuve littérale, par suite d'un cas fortuit ou d'une force majeure ; qu'elles reçoivent aussi exception lorsqu'une partie ou le dépositaire n'a pas conservé le titre original et présente une copie qui en est la reproduction non seulement fidèle mais durable ; qu'est réputée durable toute reproduction indélébile de l'original qui entraîne une modification irréversible du support ; que les deux conditions ainsi énoncées sont alternatives et non cumulatives ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que l'original du testament litigieux a été remis par Me M..., notaire dépositaire, à Mme N..., premier expert mandaté par le tribunal, et qu'il a été égaré en raison du décès rapide de celle-ci, survenu en décembre 2008, à la suite d'une maladie qui n'était pas connue lors de sa désignation ; que ce testament n'a pu par la suite être retrouvé, en dépit des multiples démarches entreprises auprès de M N..., tant par le magistrat chargé du contrôle des expertises que par Mme L..., second expert désigné par la juridiction ; que la perte du testament intervenue dans de telles circonstances se rattache à un fait extérieur, irrésistible et imprévisible, caractérisant un cas de force majeure ; que tel ne serait pas le cas si la perte du testament avait été le fait d'un avocat, lequel, contrairement à l'expert, n'est pas tiers au litige, mais représente l'une des parties au procès ; qu'il ressort au surplus des pièces versées au dossier que Me M..., notaire dépositaire, a établi le 5 octobre 2004 un procès-verbal de description du testament de M. X..., indiquant que ce document a été découvert dans les papiers du défunt à la maison de retraite et qu'il est rédigé en trois exemplaires manuscrits au contenu identique, datés du 8 avril 2004 ; que la photocopie de ces trois documents a été annexée au procès-verbal ; que par ailleurs le maire de la commune de résidence du défunt a attesté avoir remis au notaire les enveloppes contenant les testaments, qui lui avaient été remises par la direction de la maison de retraite ; que le tribunal a ainsi relevé à juste titre que les photocopies réalisées
ALORS QUE seule la perte de l'original d'un testament olographe par suite d'un cas fortuit ou d'une force majeure autorise celui qui s'en prévaut à rapporter par tous moyens la preuve de son existence et de son contenu ; que la perte du testament par un expert judiciaire ne constitue ni un cas fortuit, ni un cas de force majeure ; qu'en retenant, pour dire que M. I... et Mme J... étaient recevables à faire la preuve de l'existence du testament olographe par la production de photocopies, que la perte du testament par l'expert judiciaire caractérisait un cas de force majeure, l'expert judiciaire étant tiers au litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1348 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. I... et Mme J... sont recevables à faire la preuve de l'existence du testament olographe établi en trois exemplaires identiques par Armand X... le 8 avril 2004 par la production des photocopies de ces originaux, d'avoir débouté les héritiers de leur demande d'annulation de ce testament pour vice de forme et insanité d'esprit et d'avoir ordonné la délivrance des legs au profit de M. I... et de Mme J... ;
AUX MOTIFS QU'à titre subsidiaire, les appelants soutiennent que la signature figurant sur le prétendu testament est écrite d'une main tremblante et ne correspondant en rien à la forme dans laquelle le texte était rédigé, et que plusieurs lettres figurant dans le texte sont différentes de celles habituellement écrites par M. X... ; qu'ils en déduisent que deux personnes au moins sont intervenues lors de la rédaction de l'acte, lequel ne respecte donc pas les prescriptions de l'article 970 du code civil ; que les intimés font valoir en réplique que le second expert, Mme L..., a eu en sa possession les photocopies réalisées par le notaire, constituant une reproduction fidèle et durable des testaments originaux, et qu'elle a indiqué : " à I'oeil nu aucune anomalie n'apparaît sur les documents " ; qu'ils rappellent qu'elle n'a pu poursuivre son travail de comparaison en raison de l'absence de versement de la provision complémentaire qu'elle avait sollicitée ; que le tribunal a exactement apprécié qu'en s'abstenant de verser le complément de consignation demandé, les héritiers ont privé la juridiction d'éléments d'appréciation sur l'authenticité du testament, même si les conclusions de l'expert auraient inévitablement été assorties de réserves, compte tenu de l'absence des documents originaux ; qu'il ressort en outre de l'attestation fournie par l'infirmière ayant prodigué des soins à M. X... que celui-ci avait évoqué son souhait de gratifier M. I... et Mme J..., et lui avait donné lecture du testament qu'il avait rédigé ; qu'il résulte de ces éléments que les appelants ne rapportent pas la preuve du défaut d'authenticité du testament ;
1°) ALORS QU'il incombe à la personne qui se prévaut du testament, l'authenticité de celui-ci étant contestée, de rapporter la preuve que le de cujus en était bien l'auteur ; qu'en énonçant que les héritiers ne rapportaient pas la preuve du défaut d'authenticité du testament, quand il appartenait aux prétendus légataires de rapporter la preuve de son authenticité, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 ;
2°) ALORS QUE les appelants faisaient valoir dans leurs conclusions que l'expert désigné avait indiqué que « pour la comparaison des graphismes litigieux, nous avons besoin nécessairement des documents authentiques de comparaison qui soient crédibles, originaux, en quantité suffisante, contemporains, spontanés, équicirconstanciels », en sorte qu'il apparaissait que toute consignation supplémentaire était inutile puisque l'expert, en toute hypothèse, n'aurait pu se prononcer avec certitude ; qu'en retenant, pour décider que les héritiers ne rapportaient pas la preuve du défaut d'authenticité du testament, que ceux-ci n'avaient pas versé le complément de consignation demandé, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'en retenant d'un côté, pour décider que les héritiers ne rapportaient pas la preuve du défaut d'authenticité du testament, que ceux-ci s'étaient abstenus de verser le complément de consignation demandé, ce qui avait privé la juridiction d'éléments d'appréciation sur l'authenticité du testament, tout en admettant d'un autre côté, que les conclusions de l'expert auraient inévitablement été assorties de réserves compte tenu de l'absence de documents originaux, la cour d'appel, qui s'est ainsi contredite, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.