LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 8 septembre 2014), que Mme X... et Mme Shirley Y... (les consorts Y...) sont propriétaires indivises d'une parcelle cadastrée AV 134 pour l'avoir acquise de M. Gilbert Y... en 1990 ; que Mme Odette Z..., épouse A... est propriétaire d'une parcelle cadastrée AV 387 et M. Jean-Raymond Z... (les consorts Z...) d'une parcelle AV 388 ; que les consorts Z... ont assigné les consorts Y... en reconnaissance d'une servitude de passage au profit de leur fonds ; que les consorts Y... se sont opposés à cette demande ; que M. Steve Y... est intervenu à l'instance en qualité de curateur de Mme Shirley Y... et de tuteur de Mme X... ;
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt d'accueillir la demande de reconnaissance d'une servitude de passage au profit du fonds des consorts Z... ;
Mais attendu qu'ayant constaté, d'une part, qu'un protocole de désenclavement, établi au mois de septembre 1986 par un géomètre, instituait une servitude de passage grevant la parcelle AV 134 au profit des parcelles AV 387 et 388 et comportait une signature qui n'était pas celle de M. Gilbert Y..., alors propriétaire de la parcelle AV 134, mais qu'il résultait d'une attestation du 16 janvier 1998 que celui-ci avait donné son accord pour l'implantation de cette servitude de passage et que le tracé de la servitude prévu au dit protocole correspondait à ses instructions, d'autre part, que M. Gilbert Y... avait réglé la facture du géomètre et permis la construction de la voie de désenclavement sur sa parcelle et que les consorts Y... s'étaient prévalus à différentes reprises de l'existence de la servitude de passage grevant leur fonds, la cour d'appel a pu déduire, de ces seuls motifs, que le protocole de désenclavement valait commencement de preuve par écrit de l'acte constitutif de la servitude de passage et a souverainement retenu qu'il était complété par des éléments extrinsèques établissant la preuve de l'existence de la servitude ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts Y... et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros aux consorts Z... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour M. Steve Y..., tant en son nom personnel qu'ès qualités, et M. Gilbert Y...
IL EST REPROCHE à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR dit que M. Jean Z... et Mme Odette Z... épouse A... bénéficient d'une servitude conventionnelle de passage grevant la parcelle AV 134 au profit de leurs parcelles AV 387 et AV 388, dit en conséquence que pour jouir de cette servitude de passage M. Jean Z... et de Mme Odette Z... épouse A... sont en droit d'ouvrir les brèches nécessaires dans le mur séparant les parcelles AV 387 et AV 388 d'une part, et la parcelle AV 134 d'autre part ;
AUX MOTIFS supposés adoptés des premiers juges QUE « En l'espèce il est produit un plan de désenclavement établi par J. J. D..., géomètre en septembre 1986. Ce plan prévoyait l'établissement d'une servitude de passage d'une largeur de 4, 5 mètres, prise sur diverses parcelles, dont la parcelle AV 134, alors propriété de Gilbert H...
Y.... Il portait diverses signatures, dont celle de Gilbert Y..., signature que celui-ci dénie aujourd'hui Cependant, il résulte d'autres documents soumis à l'appréciation du tribunal que :- GILBERT C..., dans plusieurs attestations, et une déclaration remise à un huissier a indiqué avoir été choisi pour réaliser l'élargissement d'un chemin piétonnier en une route bétonnée de 4, 50 mètres de large traversant plusieurs propriétés, afin de désenclaver les diverses propriétés AV du Morne DIACO, que les travaux ont été réalisés après que tous les propriétaires aient donné leur accord sous réserve du plan de désenclavement confié au cabinet D..., géomètre expert, que toutes les propriétaires ont payé leur part dans le financement, confirmant ainsi leur accord, qu'ainsi Gilbert H...
Y... a participé au financement des portions de route traversant les parcelles AV 123, AV 124, AV 129, AV 130, AV 136, que s'agissant de la portion de route traversant la parcelle AV 134 Gilbert H...
Y... a participé au désenclavement en permettant la construction de la voie bétonnée sur cette parcelle, les époux Marcel Y... (propriétaires de la parcelle AV 131), et les héritiers de Jean Emmanuel Z... (propriétaires de la parcelle AV 129 devenue 387 et 388), 130 et 135) finançant les travaux ;- Gilbert H...
Y... indique dans une attestation datée du 16 janvier 1996 qu'en 1986 « était en cours un projet de bétonnage des routes de servitude », qu'il avait « donné des instructions à Monsieur Gilbert C... chargé des travaux et présent sur les lieux dans ma propriété », que les bénéficiaires du droit de passage ont outrepassé ses instructions et ont fait passer la route bétonnée hors des limites, que le plan de désenclavement, dont il ignorait l'existence, établi par le cabinet D..., prévoyait un tracé de route correspondant à ses instructions, mais n'a pas été respecté ;- Gilbert H...
Y... a adressé à l'expert désigné par jugement du tribunal d'instance en date du 08 juin 1999 une attestation aux termes de laquelle il indiquait qu'un droit de passage existait sur sa propriété qu'il avait donné son accord pour une servitude de 4, 50 5 mètres le long de sa limite, que le plan de désenclavement du cabinet D... respectait ces éléments ;- Le même expert précisait que ses relevés montrent que la route bétonnée réalisée respecte en majeure partie le tracé prévu par le plan, sans préjudice pour le propriétaire ;- Les honoraires du géomètre ont été réglés par les propriétaires concernés par le plan, dont Gilbert H...
Y... pour 1. 344 francs (facture du cabinet D...- attestation de Gilbert C...).- En janvier 2001, Lucienne Monique X... et Shirley Y... épouse E..., nouvelles propriétaires de la parcelle AV 134 ont indiqué à un huissier qu'elles mandataient à fin de constat que « les requérantes apprenaient par Monsieur Y... Gilbert, le père de Y... Shirley, qu'à l'époque où encore propriétaire de la parcelle dont il s'agit, et alors qu'il résidait aux Etats-Unis, il avait accordé un passage aux héritiers Z... Jean-Emmanuel d'une largeur de 4 mètres 50 ». Au vu de ces documents, qui viennent compléter le plan de désenclavement, commencement de preuve par écrit, Odette Z... épouse A... et Jean Raymond Z... sont fondés à soutenir qu'ils bénéficient d'une servitude de passage grevant la parcelle AV 134 au profit de leurs parcelles AV 387 et AV 388 » ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la servitude conventionnelle : Aux termes de l'article 691 du code civil, si les servitudes continues non apparentes et les servitudes discontinues, apparentes ou non apparentes, ne peuvent s'établir que par titres, il peut être suppléé par témoins ou présomptions à l'insuffisance de l'acte invoqué comme titre d'une servitude lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit. Mme A... et M. Z... se prévalent au cas particulier d'un protocole de désenclavement établi au mois de septembre 1986 par M. D..., géomètre, instituant notamment selon eux de l'accord de toutes les parties concernées une servitude de passage grevant la parcelle AV 134 au profit des parcelles AV 387 et 388. L'arrêt de la présente cour rendu le 15 novembre 2010 entre M. Steve Y..., agissant à titre personnel, et M. Jean Raymond Z... et Mme Odette A..., tendant à faire reconnaître l'existence d'une servitude de passage sur les parcelles AV 386 et AV 389 au profit des parcelles AV 274, AV 275, AV 519 et AV 520, opposait d'autres parties relativement à d'autres parcelles et ne peut donc disposer de l'autorité de chose jugée dans le cadre de la présente instance. Le protocole de désenclavement de septembre 1986 comporte une signature dont il est constant qu'elle n'est pas celle de M. Gilbert Y..., alors propriétaire de la parcelle AV 134, et ne peut valoir titre mais seulement commencement de preuve par écrit. Il ressort cependant de l'attestation établie le 16 janvier 1998 par M. Gilbert Y... qu'il avait donné son accord pour l'implantation d'une servitude de passage de 4, 50 m de large à partir du mur mitoyen séparant sa propriété de celle des héritiers Z...-Y..., et que le tracé du protocole de désenclavement établi par le cabinet D... correspondait à ses instructions. Cette attestation est bien relative à la servitude de passage grevant notamment la parcelle AV 134 au profit des parcelles AV 387 et AV 388. Par deux attestations des 30 mai 2002 et 24 avril 2006 et une réponse à sommation interpellative du 10 novembre 1998, M. Gilbert C..., entrepreneur en bâtiments et travaux publics, affirme par ailleurs avoir été choisi pour réaliser l'élargissement d'un chemin piétonnier en une route bétonnée de 4, 50 m de large traversant plusieurs propriétés cadastrées AV du morne Diaco, que les travaux ont été réalisés après que tous les propriétaires aient donné leur accord sous réserve du plan de désenclavement confié au cabinet D..., géomètre-expert, que tous les propriétaires ont payé leur part dans le financement, confirmant ainsi leur accord, que Gilbert Y... a participé au financement des portions de route traversant les parcelles AV 123, 124, 129, 130, 136, que s'agissant de la portion de route traversant la parcelle AV 134, Gilbert Y... a participé au désenclavement en permettant la construction de la voie bétonnée sur cette parcelle, les époux Marcel Y..., propriétaire de la parcelle AV 131, et les héritiers de Jean Emmanuel Z..., propriétaire de la parcelle AV 129 devenue 387 et 388, finançant les travaux. M. Gilbert Y... a de plus, ainsi qu'il résulte de la facture et de l'attestation de M. C..., réglé à hauteur de 1. 344 francs les honoraires du géomètre D.... Enfin, Mmes Lucienne X... et Shirley Y... se sont prévalues à différentes reprises, lors de l'expertise confiée à M. F..., lors de la construction de leurs maisons et dans leurs déclarations à l'huissier G..., de l'existence de la servitude de passage. Enfin Mme A... et M. Z... n'apparaissent pas avoir contesté l'existence de la servitude de passage profitant à leurs parcelles 387 et 388 au détriment de la parcelle AV 134. L'ensemble de ces documents complètent le protocole de désenclavement et permettent de constituer un titre au profit de Mme A... et M. Jean Raymond Z... » ;
1. ALORS QUE lorsque l'écriture et la signature d'un acte sous seing privé sont déniées ou méconnues, il appartient au juge de vérifier l'acte contesté, à moins qu'il puisse statuer sans en tenir compte ; que, si cette vérification ne lui permet pas de conclure à la sincérité de l'acte, la partie qui fonde ses prétentions sur cet acte doit en être déboutée ; que la Cour d'appel, qui a constaté que le protocole de désenclavement de septembre 1986 dont se prévalaient Mme A... et M. Z... était revêtu d'une signature qui n'était pas celle de M. Gilbert Y... alors propriétaire de la parcelle AV 134 et qui a considéré que le protocole de désenclavement valait commencement de preuve par écrit du titre constitutif de la servitude de passage litigieuse, qui, complété par les autres documents de la cause, constituait un titre au profit de Mme A... et M. Z..., a violé les articles 1315, 1323 et 1324 du Code civil et les articles 287 et 288 du Code de procédure civile ;
2. ALORS QUE le commencement de preuve par écrit est un acte qui est émané de celui contre lequel la demande est formée ; que la Cour d'appel, qui a considéré que la preuve du titre constitutif de la servitude était apportée au moyen d'un commencement de preuve par écrit constitué par un plan, revêtu d'une signature dont elle a jugé qu'elle n'était pas celle de M. Gilbert Y..., sans rechercher en quoi ce document était l'oeuvre de M. Gilbert Y..., ou du moins, que celui-ci se l'était rendu propre par une acceptation expresse ou tacite, a privé de base légale sa décision au regard de l'article 1347 du Code civil.