LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 23 bis, devenu l'article 3, de la convention collective des personnels administratifs et assimilés du football du 1er juillet 1983 et l'article 51 de la charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que la Commission nationale paritaire de conciliation a pour objet, lorsque toutes les possibilités de règlement amiable ont été épuisées, d'arbitrer les litiges entre les salariés administratifs et leurs employeurs à l'exclusion des litiges entre les salariés des clubs de football professionnel et leurs employeurs ; que la mission de cette commission s'exerce dans le cadre d'une procédure de conciliation engagée à la demande de l'une des deux parties ; que lorsque le litige oppose un club de football professionnel à un de ses salariés, cette mission de conciliation est effectuée dans les mêmes conditions par la commission juridique de la ligue de football professionnel ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 1er juillet 2007 par la société Espérance sportive Troyes Aube Champagne en qualité de recruteur ; que licencié pour motif économique le 19 octobre 2009, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient, d'abord que l'employeur étant un club professionnel, la commission visée à l'article 23 bis de la convention collective des personnels administratifs et assimilés du football n'avait pas vocation à être saisie du litige expressément exclu de sa sphère de compétence du fait de la qualité de l'employeur, qu'en application de ce texte la situation de la salariée relevait de la commission juridique de la Ligue de football professionnel dont les compétences matérielles et les pouvoirs sont définis par la convention collective nationale des métiers du football dite charte du football professionnel, ensuite que ces constatations rendent inopérantes toute l'argumentation de l'employeur soutenant que les conditions de saisine et les limites des pouvoirs de la commission juridique de la Ligue sont celles prévues pour la commission nationale paritaire de conciliation par l'article 23 bis de la convention collective du personnel administratif, que ni ce texte ni l'article 51 de la charte du football professionnel qui définit la compétence de la commission juridique de la Ligue n'introduisent d'exception ou de dérogation aux conditions de saisine et à la compétence de cette dernière en considération de la catégorie du salarié, que par l'effet du renvoi opéré par l'article 23 bis en seule considération de la qualité de l'employeur, cette commission doit connaître du litige dans les conditions prévues par la charte du football professionnel quand bien même le salarié concerné se trouve par ailleurs soumis à la convention collective des personnels administratifs et assimilés, que les obligations de l'employeur doivent être déterminées, quels que soient les termes employés pour désigner le salarié, en considération des dispositions de l'article 51 de la charte du football professionnel, enfin qu'il s'évince de ce texte tant à raison de l'étendue des pouvoirs conférés à la commission juridique de la Ligue que de la nature de ses avis qui sont de la nature de ceux susceptibles d'influer sur la décision de l'employeur que lorsque ce dernier envisage la rupture du contrat de travail pour quelque cause que ce soit le litige doit être porté devant cette commission, l'intervention de celle-ci constituant une garantie de fond pour le salarié, que l'employeur s'est abstenu de respecter cette obligation, ce qui suffit à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la saisine de la commission compétente, qui a pour mission de mener des arbitrages dans des litiges et non de donner un avis sur une mesure de licenciement n'est pas obligatoire pour l'employeur et ne suspend pas la décision de celui-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Estac
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Monsieur X... sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société ESTAC à verser à Monsieur X... les sommes de 7.557,51 euros à titre de solde de préavis, 1.957,75 euros au titre des congés payés sur la totalité du préavis, 39.200 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1.000 euros au titre des frais irrépétibles et d'AVOIR condamné la société ESTAC à rembourser à l'organisme intéressé, dans la limite de six mois, les indemnités chômage versées à Monsieur X... du jour de son licenciement à celui de l'arrêt ;
AUX MOTIFS QUE : « s'agissant de la validité de son licenciement, la partie appelante excipe d'un moyen nouveau, tiré de l'absence de saisine préalable de la commission de conciliation, ceci au contraire des prévisions de la convention collective, et constituant selon elle la violation d'une garantie de fond privant la rupture de cause réelle et sérieuse ; qu'à cet égard - en considération de la réplique opposée par l'ESTAC - il échet d'abord de rechercher quelles sont les dispositions conventionnelles ayant vocation à régir le litige ; qu'il est constant que la partie appelante occupait un emploi administratif la faisant donc ressortir - et les deux parties en conviennent - à la convention collective du 1er juillet 1983 - Football (personnel administratif et assimilés) - ; Qu'en son article 23 bis ce texte dispose comme suit : "Commission Nationale Paritaire de Conciliation. Il est institué une Commission Nationale Paritaire qui a pour objet, lorsque toutes les possibilités d'un règlement amiable ont été épuisées, d'arbitrer les litiges entre les salariés administratifs et assimilés et leurs employeurs (ligues, districts et clubs non professionnels) à l'exclusion des litiges entre les salariés des clubs de football professionnel et leurs employeurs qui sont du ressort de la Commission Juridique de la Ligue de Football Professionnel. La mission de cette Commission s'exerce dans le cadre d'une procédure de conciliation engagée à la demande de l'une des deux parties." ; Que l'ESTAC étant un club professionnel, il n'est pas douteux - la rédaction de l'article 23 bis s'avérant claire, exclusive de toute équivoque ou condition - que la commission visée n'avait pas vocation à être saisie du litige expressément exclu, du fait de la qualité de l'employeur, de sa sphère de compétence et de pouvoir ; Que consécutivement c'est donc, toujours en application des dispositions du texte précité, de la commission juridique de la Ligue de football professionnel - dont les conditions de compositions, de saisine, ainsi que les compétences matérielles et les pouvoirs sont définis par la CCN des métiers du football, dite charte du football professionnel - que relevait la situation de la partie appelante ; Que ce constat textuel rend inopérante toute l'argumentation de l'ESTAC - dans les détails de laquelle la cour n'a pas à entrer - visant à soutenir que la commission juridique de la ligue obéirait aux conditions de saisine et de limites de ses pouvoirs qui sont celles de la commission nationale paritaire de conciliation visée par l'article 23 bis de la convention collective du personnel administratif ; Que pas plus l'article 23 bis précité, que l'article 51 de la charte du football qui définit la compétence de la commission juridique, n'introduit d'exception ou de dérogation aux conditions de saisine et à la sphère de compétence de cette dernière en considération de la catégorie du salarié ; Que par l'effet du renvoi à la commission juridique édicté par l'article 23 bis en seule considération de la qualité de l'employeur, celle-là doit connaître du litige dans les conditions prévues pas la charte du football quand bien même le salarié concerné se trouve par ailleurs soumis à la convention collective du personnel administratif ; qu'en l'espèce les obligations de l'employeur doivent être déterminées quels que soient les termes employés pour désigner le salarié - en considération des dispositions de l'article 51 de la charte du football professionnel, ainsi que le revendique la partie appelante ; Que ce texte prévoit notamment que la commission juridique a compétence pour : "tenter de concilier les parties en cas de manquement aux obligations découlant d'un contrat passé par un club avec un joueur, un éducateur. Il y a lieu d'entendre par manquements, tous ceux de nature à empêcher la poursuite normale des relations entre les parties en cause", et l'article 52 poursuit que celle-là, lorsqu'elle est saisie convoque immédiatement les parties et statue sous réserve d'appel devant les commissions nationales paritaires ; qu'il s'en évince - tant à raison de l'étendue des pouvoirs ainsi conférés à la commission, que de la nature de ses avis subséquents qui à l'évidence sont de la nature de ceux susceptibles d'influer sur la décision de l'employeur - que lorsque ce dernier envisage la rupture du contrat de travail, pour quelle que cause que ce soit, le litige doit être porté devant la commission juridique, l'intervention de celle-ci constituant une garantie de fond pour le salarié ; qu'il est acquit aux débats que l'ESTAC s'est abstenue de respecter cette obligation, ce qui suffit à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, et à imposer sur ce point l'infirmation du jugement ; que toutefois, en l'absence de moyens d'appel, sur le solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement, le jugement doit être confirmé » ;
1. ALORS QUE seul un avenant de révision conclu aux conditions de l'article L. 2261-7 du Code du travail peut valablement étendre la compétence d'un organisme paritaire ou d'une institution créée par une convention collective à des salariés n'entrant pas dans le champ d'application de cette convention collective ; qu'en l'espèce, la Charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective et est applicable aux seuls rapports entre les clubs de football professionnel et les joueurs et éducateurs, a créé une Commission juridique chargée de « tenter de concilier les parties en cas de manquements aux obligations découlant d'un contrat passé par un club avec un joueur, un éducateur » ; que la mission de conciliation de la Commission juridique de la Ligue, telle que définie par la Charte, est donc limitée aux seuls « litiges » qui opposent les clubs de football professionnel à leurs joueurs ou à leurs éducateurs ; qu'en retenant néanmoins qu'en application de l'article 23 bis de la Convention collective nationale des personnels administratifs et assimilés du football professionnel, qui ne constitue pas un avenant de révision de la Charte du football professionnel, les litiges entre les clubs de football professionnel et leurs personnels administratifs relèvent de la compétence de la Commission juridique de la Ligue, la cour d'appel a violé les articles 1er et 51 de la Charte du football professionnel, ensemble l'article L. 2261-7 du Code du travail ;
2. ALORS, AU SURPLUS, QU' aux termes de l'article 1er de la Charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective, cette charte est applicable aux rapports entre les groupements sportifs à statut professionnel du football et les salariés éducateurs, joueurs en formation et joueurs à statut professionnel ; la Convention collective nationale des personnels administratifs et assimilés du football, est quant à elle applicable aux relations entre les organismes employeurs relevant de la Fédération Française de Football (dont font partie les clubs de football professionnel) et leurs salariés administratifs et assimilés ; que le seul renvoi, opéré par l'article 23 bis de la Convention collective nationale des personnels administratifs et assimilés du football, à la compétence de la Commission juridique de la Ligue instituée par la Charte du football professionnelle pour connaître des litiges entre les clubs de football professionnel et leurs personnels administratifs, n'a pas pour effet de rendre applicable à ces personnels administratifs les dispositions de cette charte, et en particulier celles qui définissent les conditions de saisine, attributions et pouvoirs de la Commission juridique de la Ligue ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 23 bis de la Convention collective nationale des personnels administratifs et assimilés du football ;
3. ALORS QU' aux termes de l'article 51 de la Charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective, la Commission juridique de la Ligue de football professionnel a pour mission de « tenter de concilier les parties en cas de manquements aux obligations découlant d'un contrat passé par un club avec un joueur, un éducateur », étant précisé qu' « il y a lieu d'entendre par manquements, tous ceux de nature à empêcher la poursuite normale des relations entre les parties en cause » ; qu'il en résulte que la saisine de la Commission juridique de la Ligue de football professionnel aux fins de tentative de conciliation n'est obligatoire que lorsque l'employeur envisage de prononcer la rupture d'un contrat de travail en raison d'un manquement du salarié à ses obligations ; que l'intervention de la commission juridique de la ligue de football professionnel n'est pas obligatoire, en revanche, lorsque l'employeur envisage de prononcer un licenciement pour motif économique ; qu'en affirmant néanmoins que la Commission juridique de la ligue doit être saisie lorsque l'employeur envisage la rupture du contrat de travail « pour quelque cause que ce soit », pour retenir qu'en l'espèce, la société ESTAC a violé cette garantie de fond en prononçant le licenciement pour motif économique de Monsieur X... sans avoir saisi la Commission juridique de la Ligue, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 51 de la Charte du football professionnel, ensemble l'article 1134 du Code civil.