LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 janvier 2015), que M. X... et Mme Y... se sont mariés en 2001, sous le régime de la séparation de biens ; qu'un jugement a prononcé leur divorce sur le fondement de l'article 237 du code civil et rejeté la demande de prestation compensatoire ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de prestation compensatoire ;
Attendu qu'après avoir justement rappelé que la prestation compensatoire n'a pas pour objet de corriger les effets du régime de séparation de biens choisi par les parties, la cour d'appel, qui s'est déterminée au regard des critères posés par l'article 271 du code civil relatifs à l'âge du mari, à sa situation au regard de l'emploi et aux choix professionnels faits par les époux, s'est fondée sur des considérations d'équité pour refuser d'allouer à M. X... une prestation compensatoire ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à verser à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. X...
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande de prestation compensatoire de M. X... ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« aux termes des articles 270, 271 et 272 du code civil, le divorce met fin au devoir de secours ; que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives, ce qui ne signifie pas qu'elle doit assurer l'égalité des situations économiques des ex-conjoints ; que cette prestation a un caractère forfaitaire ; qu'elle prend la forme d'un capital ; qu'elle est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que le juge, saisi d'une demande de prestation compensatoire, doit en premier lieu rechercher si la rupture crée une disparité dans les conditions de vie des époux ; que ce n'est que si l'existence d'une disparité dans les conditions de vie des époux est établie, que le juge doit ensuite rechercher si elle doit être compensée, en appréciant la situation des époux selon les critères édictés par l'article 271 du code civil ou des circonstances particulières de la rupture ; qu'en l'espèce, Arnauld X... occupe depuis le 3 septembre 2013 un emploi de vendeur au sein de la société PPG DISTRIBUTION et perçoit un salaire mensuel moyen de 1. 500 euros ; que Vanessa
Y...
, directrice de marketing, perçoit un revenu mensuel de 7. 743 euros outre 700 euros au titre de revenus locatifs ; qu'il résulte de ces éléments que la rupture du mariage crée une disparité au détriment de Arnauld X... ; que toutefois, l'article 270 alinéa 3 du code civil dispose que le juge peut refuser d'accorder une prestation compensatoire si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture ; qu'il sera relevé que l'épouse est âgée de 39 ans, l'époux de 43 ans ; que le mariage a duré 13 ans, la vie commune 11 ans ; que les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens et ont acquis en indivision un bien immobilier sis à Orgerus, vendu 8 juillet 2011, et pour lequel chacun a perçu la somme de 100. 000 euros à titre de provision à valoir sir la liquidation de communauté ; que Vanessa
Y...
est propriétaire en propre d'un bien sis à Nice ; qu'elle est nue-propriétaire d'un autre appartenant situé dans la même ville ; que la situation patrimoniale des parties résulte du choix d'un régime séparatiste, et ne peut être invoquée comme une source de disparité découlant de la rupture du lien matrimonial ; que sans que la Cour estime nécessaire de décrire dans le détail le parcours professionnel de chacun des époux, longuement développé et commenté par les parties, elle relèvera comme l'a justement fait le premier juge que, durant l'union, les deux époux ont travaillé ; qu'aucun élément objectif ne permet de démontrer que l'époux a sacrifié son cursus professionnel à celui de l'épouse ; que les parties ont occupé des postes à haute responsabilité professionnelle au sein de grands groupes d'industrie alimentaires pour animaux (notamment VIRBAC) ou en tant que responsable de gestion de magasins (notamment AUTOUR DE BEBE, MONOPRIX) comme le démontre la hauteur de leurs rémunérations respectives ; que le niveau de compétence et de qualification de Arnauld X..., seulement âgé de 43 ans, et qui peut se prévaloir d'une expérience avérée dans la gestion de sociétés commerciales, doit lui permettre de dépasser les aléas professionnels apparus à partir de l'année 2009, lesquels procèdent de ses propres choix professionnels et non d'un sacrifice consenti au profit de l'épouse ; qu'il sera par ailleurs relevé que l'époux a cédé en 2007 ses parts dans la société AUTOUR DE BEBE pour la somme de 100. 000 euros et qu'il a effectué des placements sur une assurance-vie à hauteur de 86. 600 euros ; que par conséquent, c'est par une exacte analyse des faits de l'espèce que le premier juge a rejeté la demande de l'époux » (arrêt, p. 6) ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QU'« en vertu de l'article 270 du code civil, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation compensatoire, destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ; que selon l'article 271 du Code civil, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; qu'à cet effet, le juge prend en considération notamment : la durée du mariage,- l'âge et l'état de santé des époux,- leur qualification et leur situation professionnelle,- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne,- le patrimoine estimé ou prévisible des époux tant en capital qu'en revenu après liquidation du régime matrimonial,- leurs droits existants et prévisibles,- leur situation respective en matière de pension de retraite ; que s'agissant de la situation personnelle des époux, il convient de relever que ceux-ci sont respectivement âgés de 38 ans pour la femme et de 42 ans pont le mari, et que la vie commune a duré environ neuf années ; que s'agissant de la situation patrimoniale et professionnelle des époux, il convient de :- se reporter aux éléments détaillés précédemment dans le cadre de la fixation de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants,- relever que durant l'union, les deux époux ont travaillé, en occupant des postes leur permettant de percevoir des salaires de montants conséquents, variant en fonction des résultats l'épouse disposent d'un salaire fluctuant entre 32. 000 euros et 68. 000 euros par an, et l'époux percevant pour sa part un revenu minimum de 30. 500 euros et maximum de 75 : 900 euros par an, et que le retour de la famille dans le sud a contraint Arnauld X... à s'inscrire au chômage, et à occuper des postes en CDD pour quelques mois, sa recherche d'emploi correspondant à sa catégorie professionnelle devant se poursuivre et s'intensifier après le prononcé du divorce qui mettra un terme au devoir de secours entre époux ;- souligner que les époux se sont mariés sous le régime de la séparation de biens et que le seul bien immobilier situé à Orgerus (Yvelines) qu'ils possédaient en indivision a été vendu le 8 juillet 2011, le solde restant aux époux s'élevant à 285. 318, 85 euros, sur lequel chacun a déjà perçu la somme de 100. 000 euros ;- noter que Arnauld X... a cédé en 2007 les parts qu'il possédait en propre dans la société Cobetron pour le prix de 100. 000 euros, et possède un placement en assurance-vie d'un montant d'environ 80. 600 euros ; que de son côté Vanessa
Y...
a acquis en 2000 un appartement situé à Nice, qui reste un bien propre, et lui procure des revenus locatifs, et qu'elle est également nu-propriétaire d'un appartement situé dans la même ville, acquis avec ses parents en octobre 2010 au prix de 500. 000 euros ; qu'en rappelant que la réforme du divorce du 26 mai 2004 a modifié les conditions d'appréciation du bien-fondé d'une demande de prestation compensatoire, en séparant totalement le débat de celui relative à la cause du divorce, il doit être observé que les époux ont, au moment de la célébration du mariage, opté pour un régime matrimonial de séparation de biens, et que, s'il existait une disparité dans les situations financières de chacun, le pariage n'a pas eu pour effet de niveler cette différence ; qu'en conséquence, il convient en l'espèce d'appliquer la jurisprudence rappelée par la demanderesse dans ses écritures, tendant à exclure toute disparité dans un régime séparatiste, lorsque le déséquilibre préexistait à l'union matrimoniale ; que par ailleurs, comme cela a été indiqué plus haut, il ne peut être considéré en l'espèce que l'un ou l'autre des époux ait particulièrement sacrifié sa carrière au profit de son conjoint, les choix de lieu de résidence ayant été faits successivement par les époux, avec des conséquences sur la carrière de l'un puis de l'autre, de sorte que cet argument soutenu par Arnauld X... doit également être écarté ; qu'en conséquence, il convient en l'espèce de débouter ce dernier de sa demande de prestation compensatoire en considérant que la rupture du mariage n'est pas à l'origine de la disparité de situation existant entre les époux » (jugement, p. 7 et 8) ;
ALORS QUE, premièrement, la disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie de l'un des époux ouvre droit au versement d'une prestation compensatoire, à moins que l'équité commande de ne pas y faire droit en considération des critères prévus à l'article 271 du code civil ; que le choix du régime matrimonial ne fait pas partie des critères justifiant en équité de pas ordonner le versement d'une prestation compensatoire ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont eux-mêmes constaté que la rupture du mariage avait créé une disparité dans les conditions de vie au détriment de M. X... ; qu'en rejetant néanmoins sa demande de prestation compensatoire au prétexte que la situation patrimoniale des époux résultait de leur choix d'opter pour le régime de la séparation de biens, les juges du fond ont violé les articles 270 et 271 du code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, pour apprécier la disparité résultant de la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des époux, les juges sont tenus de prendre en compte l'ensemble des éléments de leur patrimoine propre ou personnel quelle qu'en soit l'origine ; que le fait qu'un époux ait pu bénéficier des biens propres de son conjoint durant le mariage ne fait pas obstacle à ce qu'il soit tenu compte de cet avantage pour apprécier le bien-fondé de sa demande de prestation compensatoire ; qu'en objectant par principe que les conséquences du choix pour le régime de la séparation de biens ne pouvaient être invoquées comme source de disparité pour fonder une demande de prestation compensatoire, les juges du fond ont encore violé les articles 270 et 271 du code civil ;
ET ALORS QUE, troisièmement, à considérer même que les motifs contraires du jugement entrepris aient pu être adoptés par l'arrêt attaqué, en toute hypothèse, il appartient aux juges saisis d'une demande de prestation compensatoire de procéder à une évaluation au moins sommaire du patrimoine respectif des époux ; qu'en constatant en l'espèce que Mme
Y...
était propriétaire en propre d'un bien immobilier sur la commune de Nice, lequel lui procurait des revenus locatifs (jugement, p. 7, antépénul. al.), sans rechercher à aucun moment quelle pouvait être la valeur même approximative de ce bien et des revenus ainsi perçus, les juges du fond ont de toute façon privé leur décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil.