Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Patrick X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 5 février 2015, qui, pour injure publique envers un particulier en raison de sa race, de sa religion ou de son origine, l'a condamné à 500 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 avril 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Parlos, conseiller rapporteur, M. Finidori, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller PARLOS, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, Me BLONDEL, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable d'injure publique envers un particulier en raison de sa race, de sa religion ou de son origine ;
" aux motifs que le prévenu conteste le caractère public des propos litigieux dans la mesure où, d'une part, ils ont été tenus dans un hôtel fermé au public pendant la nuit, et où, d'autre part, le prévenu n'a pas eu la volonté de les rendre publics, la porte de l'hôtel étant refermée et la seule autre personne présente étant l'amie de M. X... ; que s'agissant d'injure non publique contraventionnelle, la prescription de trois mois est acquise ; qu'il ressort de l'enregistrement des propos incriminés que ceux-ci ont été proférés à voix haute dans le hall de l'hôtel, alors que le gardien venait d'en ouvrir la porte pour faire rentrer des clients ; que le hall d'un hôtel, quelle que soit l'heure, est nbien un lieu public par nature ; que si le prévenu affirme qu'on peut entendre dans l'enregistrement que la porte de l'hôtel s'est refermée, rien ne l'établit avec certitude et n'exclut que ce hall soit accessible à toute personne qui regagnerait sa chambre ou tout client qui quitterait l'hôtel ; que de surcroît, les propos incriminés ont été tenus avec la volonté d'être entendus, en présence d'un tiers, une femme qui accompagnait le prévenu, dont l'identité est ignorée et dont il n'a nullement été invoqué qu'elle soit liée par une communauté d'intérêts aux deux autres protagonistes ; qu'il n'est pas contesté qu'elle a nécessairement entendu les propos incriminés compte tenu du ton et de la portée de la voix de M. X... ; que la cour confirmera le caractère public de l'injure retenu par le tribunal ; " et aux motifs adoptés que le fait que les propos ont été ainsi tenus à haute voix dans un lieu public par nature suffit à caractériser l'élément de publicité du délit ; qu'ils ont été proférés devant le veilleur de nuit et une autre cliente de l'hôtel, amie du prévenu, ce qui ne saurait constituer un groupe de personnes liées entre elles par une communauté d'intérêts, et qu'au surplus la prescription trimestrielle, applicable en cas de contravention non publique, n'aurait pas été acquise en raison des soit-transmis émis par le ministère public, interruptifs de prescription dès lors qu'ils reprennent tant les propos que leur qualification pénale ;
" 1°) alors qu'un propos injurieux, même tenu dans une réunion ou un lieu publics, ne constitue le délit d'injure que s'il a été " proféré ", au sens de l'article 23 de la loi sur la presse, c'est-à-dire tenu à haute voix dans des circonstances traduisant une volonté de le rendre public ; qu'en estimant que le fait que les propos ont été tenus à haute voix dans un lieu public par nature suffit à caractériser l'élément de publicité du délit, les juges ont violé ce texte ;
" 2°) alors qu'un propos injurieux, même tenu dans une réunion ou un lieu publics, ne constitue le délit d'injure que s'il a été « proféré », au sens de l'article 23 de la loi sur la presse, c'est-à-dire tenu à haute voix dans des circonstances traduisant une volonté de le rendre public ; que les propos en cause ont été tenus dans le cadre d'une altercation entre deux personnes, en pleine nuit, dans un hall d'hôtel désert, alors que le prévenu manifestait son mécontentement d'avoir dû attendre longuement dehors que son interlocuteur vienne lui ouvrir ; que la seule autre personne présente était son amie qui rentrait avec lui ; que la cour, qui ne constate pas que M. X... ait proféré les propos litigieux avec la volonté qu'ils puissent être entendus de toute personne présente dans l'hôtel ou qui viendrait à passer, n'a pas caractérisé des propos tenus publiquement au sens de l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 ; que la cassation interviendra sans renvoi ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X... a été cité devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'injure publique à caractère racial pour avoir tenu à M. Y... les propos suivants : " Tu fais mal ton travail rentre dans ton pays, ici on est en France et en France on travaille ", et ce dans l'entrée d'un hôtel ; que le tribunal a déclaré M. X... coupable de ce délit par un jugement dont le prévenu a interjeté appel ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, l'arrêt retient, notamment, que les propos incriminés, tenus à voix haute en présence d'une amie qui accompagnait M. X..., ont été proférés dans l'entrée d'un hôtel, accessible, quelle que soit l'heure, à toute personne rejoignant ou quittant l'établissement ;
Attendu qu'en se déterminant par ces motifs, d'où il se déduit que les propos litigieux ont été tenus dans des circonstances traduisant une volonté de leur auteur de les rendre publics, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des textes visés au moyen ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 1 000 euros la somme que M. X... devra payer à Maître Blondel, avocat en la Cour, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale et de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 modifiée ;
FIXE à 300 euros la somme que M. X... devra payer à M. Y... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept juin deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.