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08/06/2016 | FRANCE | N°14-18974

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 juin 2016, 14-18974


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur la recevabilité de l'intervention du syndicat des Thoniers de la Méditerranée, examinée d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles 327 et 330 du code de procédure civile ;
Attendu que, selon ces textes, les interventions volontaires sont admises devant la Cour de cassation si elles sont formées à titre accessoire, à l'appui des prétentions d'une partie et ne sont recevables que si leur auteur a intérêt pour la conserva

tion de ses droits à soutenir une partie ;
Attendu que le pourvoi formé ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur la recevabilité de l'intervention du syndicat des Thoniers de la Méditerranée, examinée d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles 327 et 330 du code de procédure civile ;
Attendu que, selon ces textes, les interventions volontaires sont admises devant la Cour de cassation si elles sont formées à titre accessoire, à l'appui des prétentions d'une partie et ne sont recevables que si leur auteur a intérêt pour la conservation de ses droits à soutenir une partie ;
Attendu que le pourvoi formé par M. X... est dirigé contre un arrêt, qui, notamment, a requalifié les contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et a condamné l'armateur au paiement de sommes à titre d'indemnités de requalification et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le syndicat des thoniers de la Méditerranée ne justifie pas d'un intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir M. X..., défendeur au pourvoi ; que ce syndicat n'est donc pas recevable en son intervention volontaire ;

Sur le pourvoi :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., marin-pêcheur, a exercé les fonctions de matelot 3° et 4° catégories sur les navires Gérald Jean et Gérald Jean II, appartenant à M. X..., entre le 15 mars 1983 et le 20 décembre 1987, puis entre le 11 août 1992 et le 20 décembre 1994 ; qu'à la suite d'une tentative infructueuse de conciliation menée par l'administration des affaires maritimes, le marin a saisi un tribunal d'instance ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'armateur :
Attendu que l'armateur fait grief à l'arrêt de déclarer recevables les demandes du marin, de requalifier les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de le condamner à payer des sommes à titre d'indemnité de requalification et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu du principe de l'autorité de la chose jugée par la juridiction administrative, toute déclaration d'illégalité d'un texte réglementaire par le juge administratif, même décidée à l'occasion d'une autre instance, s'impose au juge civil qui ne peut faire application de ce texte illégal ; que lorsqu'un règlement a été déclaré illégal pour avoir incompétemment abrogé des dispositions de nature législative, ces dernières sont réputées n'avoir jamais été abrogées et être demeurées en vigueur ; que par l'arrêt du 27 novembre 2006 auquel se réfère la cour d'appel, le Conseil d'Etat a jugé que « le décret du 20 novembre 1959 n'a pu légalement, par son article 1er, second alinéa, abroger l'article 130 du code du travail maritime » ; qu'ainsi l'article 130 de ce code issu de la loi du 13 décembre 1926 disposant que « les actions ayant trait au contrat d'engagement sont prescrites un an après le voyage terminé », n'a pas pu être abrogé par l'article 1er du décret du 20 novembre 1959, déclaré illégal, et devait donc recevoir application en l'espèce ; qu'en jugeant en conséquence que M. X... ne pouvait pas invoquer une quelconque prescription annale, la cour d'appel a méconnu le principe de l'autorité de la chose jugée par la juridiction administrative ;
2°/ que, loin de laisser place aux prescriptions du droit commun, la déclaration d'illégalité invoquée par l'exposant restaurait expressément l'article 130 de la loi du 13 décembre 1926 disposant que « toutes actions ayant trait au contrat d'engagement sont prescrites un an après le voyage terminé » de sorte que c'est en violation de ce texte que la cour de Montpellier a écarté la prescription annale opposée aux demandes relatives aux anciens contrats de 2005 et 2006 ;
Mais attendu que c'est par une exacte application de la loi que la cour d'appel, dans le respect du principe de l'autorité de la chose jugée par la juridiction administrative, a écarté la prescription annale et décidé que, ni la prescription trentenaire, ni la prescription quinquennale issue de la loi du 17 juin 2008 n'étaient acquises ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal de l'armateur :
Attendu que l'armateur fait grief à l'arrêt de procéder à la requalification en relation à durée indéterminée des engagements du marin et de le condamner au paiement d'une indemnité de requalification et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que si le contrat d'engagement d'un marin devait faire l'objet d'un écrit indiquant s'il était conclu pour une durée déterminée ou pour une expédition, le code du travail maritime applicable à l'époque ne comportait aucune sanction spécifique pour cette irrégularité formelle et réservait la conversion en contrat à durée déterminée aux seuls cas expressément prévus par les articles 10-4, 10-5 et 10-6 dudit code, de sorte qu'en faisant jouer, dans les circonstances de l'espèce, l'article L. 122-3-1 du code du travail pour décider qu'une relation de travail à durée indéterminée avait lié M. Jean X... à M. Bachir Y..., la cour d'appel a violé ensembles l'article L. 742-1 du code du travail soumettant à des lois particulières le contrat d'engagement et l'article 4 du code maritime qui ne prévoit l'application de la législation habituelle du travail que « en dehors des périodes d'embarquement » ;
2°/ que l'exposant ayant rappelé que les campagnes de pêche au thon correspondent à une activité saisonnière, par définition non-permanente, ne pouvant donner lieu qu'à des engagements pour durée déterminée et la cour d'appel ayant constaté « qu'il ressort des pièces produites que M. Y... a été déclaré pour les périodes pendant lesquelles il a été embarqué » et qu'il avait été « satisfait à la réglementation spécifique aux conditions d'embarquement des marins sous le contrôle des affaires maritimes », se trouve privée de base légale au regard des articles 1, 4 et 9 du code du travail maritime ainsi que de l'article L. 122-3-1 du code du travail la condamnation de M. X... à supporter les conséquences d'une requalification des conventions susvisées en une relation de travail à durée indéterminée ;
3°/ que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire en violation de l'article 455 du code de procédure civile, écarter la contestation de M. X... sur l'existence de contrats à durée déterminée en lui reprochant de ne produire « aucune pièce permettant de suppléer l'absence de contrat d'engagement écrit » et, par ailleurs, énoncer qu'il ressort des pièces produites par son adversaire que le marin « a été déclaré pour les périodes pendant lesquelles il a été embarqué » ; qu'il en est d'autant plus ainsi que les conclusions de M. X... visaient les contrats enregistrés aux affaires maritimes et se référaient expressément aux pièces adverses, de sorte que la cour d'appel a de plus fort violé l'article 455 susvisé ;
4°/ que s'agissant des conventions relatives à des périodes d'embarquement pour des expéditions maritimes définies à l'avance, les relations de travail avaient trouvé leur terme naturel à l'expiration de ces périodes et que M. X..., qui n'avait pas à procéder à un licenciement quelconque, n'était redevable d'aucune indemnisation de ce chef ; qu'en allouant cependant à M. Y... une indemnité de 8 000 euros la cour d'appel a violé l'article 1 du code du travail maritime ainsi que, par fausse application, l'article L. 1232-1 du code du travail ;
Mais attendu que le contrat d'engagement maritime à durée déterminée est un contrat écrit ; qu'en l'absence d'un tel écrit le contrat est réputé à durée indéterminée ;
Et attendu qu'ayant constaté qu'aucun contrat écrit n'avait été établi, la cour d'appel a exactement décidé que la relation de travail devait être requalifiée en contrat à durée indéterminée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident du marin :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à la SCP Piwnica et Molinié la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevables les demandes de Monsieur Y..., d'avoir requalifié les contrats de travail à durée déterminée conclus entre mars 1983 et décembre 1987, puis entre août 1992 et décembre 1994 en une relation de travail à durée indéterminée et condamné en conséquence Monsieur X... à payer à Monsieur Y... les sommes de 1.534 € à titre d'indemnité de requalification et celle de 8.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE « M. X... soutient qu'en application de l'article 11 du décret du 20 novembre 1959 aux termes duquel "les actions ayant trait au contrat d'engagement sont prescrites un an après le voyage terminé" les demandes de M. Y... doivent être déclarées irrecevables par l'effet de la prescription. Toutefois, la Conseil d'Etat par décision du 27 novembre 2006 a déclaré que l'article 11 du décret n° 59-1137 du 20 novembre 1959 était illégal. Il s'ensuit que M. X... n'est pas fondé à invoquer une quelconque prescription annale. L'action du salarié en responsabilité de l'employeur pour non versement des cotisations aux organismes de retraite ainsi que l'action indemnitaire exercée sur le fondement de l'article L. 1245-2 du Code du travail étaient soumises à la prescription trentenaire de l'ancien article 2262 du Code civil. Ce délai a été ramené à cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, en application des dispositions de l'article 2224 du Code civil issu de la loi du 17 juin 2008. En cas de réduction de la durée du délai de prescription, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Par conséquent, l'action en responsabilité engagée par M. Y... le 12 septembre 2011 n'est pas prescrite, étant précisé que l'effet interruptif de la prescription résultant d'une action portée en justice se prolonge pendant toute la durée de l'instance et que l'action indemnitaire formée en cause d'appel procède de l'exécution du même contrat de travail liant les parties. La décision déférée doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tenant à la prescription de l'action et les demandes nouvelles de M. Y... doivent être déclarées recevables » ;

ALORS, D'UNE PART, QU'en vertu du principe de l'autorité de la chose jugée par la juridiction administrative, toute déclaration d'illégalité d'un texte réglementaire par le juge administratif, même décidée à l'occasion d'une autre instance, s'impose au juge civil qui ne peut faire application de ce texte illégal ; que lorsqu'un règlement a été déclaré illégal pour avoir incompétemment abrogé des dispositions de nature législative, ces dernières sont réputées n'avoir jamais été abrogées et être demeurées en vigueur ; que par l'arrêt du 27 novembre 2006 auquel se réfère la cour d'appel, le Conseil d'Etat a jugé que « le décret du 20 novembre 1959 n'a pu légalement, par son article 1er, second alinéa, abroger l'article 130 du Code du travail maritime » ; qu'ainsi l'article 130 de ce Code issu de la loi du 13 décembre 1926 disposant que « les actions ayant trait au contrat d'engagement sont prescrites un an après le voyage terminé », n'a pas pu être abrogé par l'article 1er du décret du 20 novembre 1959, déclaré illégal, et devait donc recevoir application en l'espèce ; qu'en jugeant en conséquence que Monsieur X... ne pouvait pas invoquer une quelconque prescription annale, la Cour d'appel a méconnu le principe de l'autorité de la chose jugée par la juridiction administrative ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE, loin de laisser place aux prescriptions du droit commun, la déclaration d'illégalité invoquée par l'exposant restaurait expressément l'article 130 de la loi du 13 décembre 1926 disposant que «toutes actions ayant trait au contrat d'engagement sont prescrites un an après le voyage terminé » de sorte que c'est en violation de ce texte que la cour de MONTPELLIER a écarté la prescription annale opposée aux demandes relatives aux anciens contrats de 2005 et 2006.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'avoir procédé à la requalification en relation de travail à durée indéterminée des engagements de Monsieur Y..., d'avoir condamné Monsieur X... à payer à Monsieur Y... 1.534,87 € d'indemnité de requalification et d'avoir déduit de cette requalification que la rupture de la relation de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné Monsieur X... à payer à Monsieur Y... 8.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la requalification des contrats Aux termes de l'article L742-1 du code du travail, alors applicable, le contrat d'engagement ainsi que les conditions de travail des marins à bord des navires sont régis par des lois particulières. En application des dispositions de l'article 4 du code du travail maritime, alors applicable, "le contrat de louage de services conclu entre un armateur ou son représentant et un marin est régi, en dehors des périodes d'embarquement du marin, par les dispositions du code du travail. Toutefois ce contrat n'est valable que s'il est constaté par écrit". L'article 10-1 du même code édicte que "le contrat d'engagement maritime doit être rédigé en termes clairs et de nature à ne laisser aucun doute aux parties sur leurs droits et leurs obligations respectives. Il doit indiquer si l'engagement est conclu pour une durée déterminée, pour une durée indéterminée ou pour un voyage. Si l'engagement est conclu pour une durée déterminée, le contrat doit contenir l'indication de cette durée." En application de l'article 10-7 certains contrats à durée déterminée, notamment Ceux conclus pour des emplois à caractère saisonnier, échappent aux règles relatives à la durée maximale totale de douze mois d'embarquement effectif (article 10-2) et à l'intervalle entre deux contrats (article 10-4). Néanmoins ces contrats à durée déterminée saisonniers restent soumis à la règle de l'exigence d'un écrit. M. X..., armateur, soutient qu'il a conclu avec M. Y..., marinpêcheur, sur une première période de 1983 à 1987, puis sur une période de 1992 à 1994, plusieurs contrats de travail à durée déterminée saisonniers dans le cadre des campagnes de pêche au thon. Aucun de ces contrats n'a été établi par écrit, ce, au mépris des dispositions de l'article 10-1 du code du travail maritime précité quand bien même il s'agirait de contrats saisonniers conclus pour la pêche au thon. M. X... ne verse aux débats aucune pièce permettant de suppléer l'absence de contrat d'engagement écrit. L'article L742- I du code du travail maritime précité ne fait pas obstacle à l'application des dispositions de l'article L.122-3-1, alors applicable, scion lesquelles le contrat de travail à durée déterminée qui n'est pas établi par écrit est réputé conclu pour une durée indéterminée. Il convient d'observer que la nouvelle codification des dispositions relatives au droit du travail maritime, précise que le code du travail est applicable aux marins salariés des entreprises d'armement maritime et des entreprises de culture marine ainsi qu'à leurs employeurs sous réserve des dispositions particulières (article L5541-1 du code des transports). S'il est précisé à l'article L5542-7 du code des transports que les dispositions des articles L.1242-1 et L1242-2 du code du travail limitant les cas de recours au contrat de travail à durée déterminée ne sont pas applicables aux engagements maritimes, force est de constater que les dispositions de l'article L. 1242-12 du code du travail (L122-3-1 du code du travail) ne font l'objet d'aucune exclusion d'application à ces contrats. Par conséquent, en l'absence de formalisation de contrat écrit, il convient de requalifier les contrats de travail à durée déterminée conclus entre M. Y... et M. X... en contrat de travail à durée indéterminée, contrat qui est la forme normale et générale de la relation dc travail. En application des dispositions de l'article L.122-3-13, alors applicable, (L.1245-2 du code du travail) il convient de faire droit au principe de la demande d'indemnité de requalification présentée par M. Y..., ladite indemnité ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Sur la base du Smic maritime applicable en 1994 il convient de fixer l'indemnité de requalification due à M. Y... à la somme de 1534,87 €. Sur les demandes liées à la rupture du contrat L'employeur a cessé de fournir du travail et de verser un salaire au salarié à l'expiration d'un contrat de travail à durée déterminée qui a été requalifié. Il a ainsi mis fin aux relations de travail au seul motif de l'arrivée du terme d'un contrat improprement qualifié par lui de contrat de travail à durée déterminée. Cette rupture est donc à son initiative et s'analyse en un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse en l'absence de motif précis énoncé dans une lettre de licenciement. En application des dispositions de l'article 102-10 du code du travail maritime, alors applicable, les dispositions des articles L122-14 à L 12214-5 du code du travail sont applicables aux marins. M. Y... ne justifie pas de sa situation professionnelle postérieurement à la rupture en 1994. Le licenciement sans cause réelle et sérieuse lui a nécessairement causé un préjudice qu'il convient d'évaluer compte tenu de son âge au moment de la rupture dc la relation de travail (39 ans) et des pièces produites à la somme de 8 000 € » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE si le contrat d'engagement d'un marin devait faire l'objet d'un écrit indiquant s'il était conclu pour une durée déterminée ou pour une expédition, le Code du travail maritime applicable à l'époque ne comportait aucune sanction spécifique pour cette irrégularité formelle et réservait la conversion en contrat à durée déterminée aux seuls cas expressément prévus par les articles 10-4, 10-5 et 10-6 dudit Code, de sorte qu'en faisant jouer, dans les circonstances de l'espèce, l'article L.122-3-1 du Code du travail pour décider qu'une relation de travail à durée indéterminée avait lié Monsieur Jean X... à Monsieur Bachir Y..., la cour d'appel a violé ensembles l'article L.742-1 du Code du travail soumettant à des lois particulières le contrat d'engagement et l'article 4 du Code maritime qui ne prévoit l'application de la législation habituelle du travail que « en dehors des périodes d'embarquement » ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'exposant ayant rappelé que les campagnes de pêche au thon correspondent à une activité saisonnière, par définition non-permanente, ne pouvant donner lieu qu'à des engagements pour durée déterminée et la cour d'appel ayant constaté (p.10) « qu'il ressort des pièces produites que Monsieur Y... a été déclaré pour les périodes pendant lesquelles il a été embarqué » et qu'il avait été « satisfait à la réglementation spécifique aux conditions d'embarquement des marins sous le contrôle des affaires maritimes », se trouve privée de base légale au regard des articles 1, 4 et 9 du Code du travail maritime ainsi que de l'article L.122-3-1 du Code du travail la condamnation de Monsieur X... à supporter les conséquences d'une requalification desconventions susvisées en une relation de travail à durée indéterminée ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire en violation de l'article 455 du Code de procédure civile, écarter la contestation de Monsieur X... sur l'existence de contrats à durée déterminée en lui reprochant de ne produire « aucune pièce permettant de suppléer l'absence de contrat d'engagement écrit » (p.7 al.10) et, par ailleurs, énoncer qu'il ressort des pièces produites par son adversaire que le marin «a été déclaré pour les périodes pendant lesquelles il a été embarqué » (p.10 al. 4 et 5) ;
QU'il en est d'autant plus ainsi que les conclusions de Monsieur X... visaient les contrats enregistrés aux affaires maritimes (p.4 al.12) et se référaient expressément aux pièces adverses (p.6 al.2), de sorte que la cour d'appel a de plus fort violé l'article 455 susvisé ;
ALORS, ENFIN, QUE s'agissant des conventions relatives à des périodes d'embarquement pour des expéditions maritimes définies à l'avance, les relations de travail avaient trouvé leur terme naturel à l'expiration de ces périodes et que Monsieur X..., qui n'avait pas à procéder à un licenciement quelconque, n'était redevable d'aucune indemnisation de ce chef ; qu'en allouant cependant à Monsieur Y... une indemnité de 8.000 € la cour d'appel a violé l'article 1 du Code du travail maritime ainsi que, par fausse application, l'article L.1232-1 du Code du travail.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Y... de sa demande en paiement d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, ainsi que de sa demande au titre de la perte des droits à la retraite ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 324-10 du code du travail, alors applicable, prohibe le travail clandestin conçu notamment en cas d'emploi salarié par le fait de s'être soustrait intentionnellement à l'une des formalités prévues aux articles L. 143-3, L. 143-5, L. 620-1 et L. 620-3 du code du travail ; qu'il n'est pas contesté que M. Y... n'a pas eu de bulletin de salaire ; que toutefois ce n'est que par l'ordonnance du 12 juillet 2004, soit postérieurement à la période en cause, qu'il a été précisé à l'article 31 du code du travail maritime que les dispositions des articles L. 143-3 et L. 143-4 du code du travail étaient applicables aux marins des entreprises d'armement maritimes ; qu'il ressort des pièces produites que M. Y... a été déclaré pour les périodes pendant lesquelles il a été embarqué ; qu'en l'état de ces éléments, de la réglementation spécifique applicable aux conditions d'embarquement et de débarquement des marins sous le contrôle de l'administration des affaires maritimes, à laquelle il est établi que l'employeur a satisfaite, il n'est pas démontré que celui-ci ait de manière intentionnelle dissimulé l'activité salariée de M. Y... ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE (…) le demandeur n'établit pas de périodes non déclarées en dehors des périodes d'embarquement et n'a pas démontré d'autres périodes d'ouverture de droit à pension (…) ;
ALORS QUE les lois particulières régissant le contrat d'engagement maritime ne font pas obstacle à ce que des textes du code du travail soient appliqués à un marin dont la situation n'était régie par aucune disposition particulière ; que, notamment, elles ne font pas obstacle, à défaut de disposition particulière relative aux bulletins de salaires, à l'obligation faite à l'employeur de remettre aux personnes qu'il emploie un bulletin de paie ; que la cour d'appel, bien qu'ayant constaté que M. Y... ne s'était pas vu remettre de bulletins de salaire, a refusé d'en tirer les conséquences en retenant que ce n'est que par l'ordonnance du 12 juillet 2004, postérieure la période en cause, qu'il avait été précisé à l'article 31 du code du travail maritime que les dispositions des articles L. 143-3 et L. 143-4 du code du travail étaient applicables aux marins des entreprises d'armement maritimes ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi que l'y invitaient les conclusions de M. Y..., si ces dispositions n'étaient pas applicables au cours de la période antérieure à ladite ordonnance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 324-10, L. 143-3 et L. 742-1 anciens du code du travail ;
ALORS QUE toute décision doit être motivée ; que la cour d'appel, en se bornant à affirmer qu'il ressortait des pièces produites que M. Y... avait été déclaré pour les périodes pendant lesquelles il avait été embarqué, sans viser les pièces sur lesquelles elle se fondait, ni en fournir la moindre analyse ou même préciser les éléments qu'elles renfermaient, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ET ALORS ENFIN QUE M. Y... faisait valoir dans ses conclusions qu'une distinction devait être opérée entre l'embarquement du marin, qui correspond à l'existence d'un contrat d'engagement sur un navire pour une certaine durée, et les services devant être déclarés à l'ENIM par l'employeur ; que la cour d'appel, en retenant que M. Y... a été « déclaré pour les périodes pendant lesquelles il a(vait) été embarqué » et en se référant à la réglementation spécifique applicable « aux conditions d'embarquement et de débarquement des marins sous le contrôle de l'administration des affaires maritimes », sans répondre aux conclusions de l'exposant sur la nécessité qu'il y avait à préciser la notion d'embarquement, par rapport à celle d'heures de travail effectuées, dont dépend notamment la qualification du travail clandestin ou dissimulé, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-18974
Date de la décision : 08/06/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 16 avril 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 jui. 2016, pourvoi n°14-18974


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.18974
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