Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Denis X...,
contre la décision de la commission de recours des officiers de police judiciaire, en date du 15 juin 2015, qui a confirmé l'arrêté du procureur général près la cour d'appel d'AGEN prononçant le retrait de son habilitation d'officier de police judiciaire ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 mai 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Buisson, conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Ricard, Parlos, Bonnal, conseillers de la chambre, MM. Talabardon, Ascensi, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Lemoine ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller BUISSON, les observations de la société civile professionnelle ROUSSEAU et TAPIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de la décision attaquée et des pièces de procédure que M. X..., adjudant de la gendarmerie nationale, a été habilité à exercer les fonctions d'officier de police judiciaire par arrêté du procureur général près la cour d'appel d'Agen en date du 21 juin 2012 ; que son supérieur hiérarchique et le procureur de la République ont ultérieurement appris, d'une part, qu'après qu'un homme gardé à vue, dans le cadre d'une enquête qu'il avait ouverte, lui eut fait part de son intention de se suicider, il lui avait remis son arme de service que l'intéressé avait aussitôt placée sous sa gorge avant d'en actionner la queue de détente, geste demeuré sans effet puisqu'il en avait préalablement retiré les cartouches, d'autre part, qu'il avait incité trois militaires de la brigade à dire que cette arme était en plastique ; que cet officier de police judiciaire ayant admis la réalité de ces faits lors de l'entretien préalable, après avoir refusé l'assistance d'un avocat, son habilitation lui a été retirée par arrêté du procureur général, en date du 30 janvier 2015, à raison de la gravité du manquement reproché et de l'incitation à un faux témoignage ; que cette décision ayant été confirmée après qu'il eut formé un recours préalable, M. X... a déposé une requête devant la commission prévue à l'article 16-2 du code de procédure pénale ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 16, 16-1, 16-2, 16-3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la décision attaquée a confirmé l'arrêté ayant prononcé le retrait de l'habilitation à exercer les attributions attachées à la qualité d'officier de police judiciaire de l'adjudant M. X... ;
" aux motifs que les mesures prises par le procureur général, en application de l'article 16, dernier alinéa, du code de procédure pénale, qui ont essentiellement pour objet d'assurer le bon fonctionnement de la police judiciaire, constituent des mesures d'administration judiciaire et n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en l'espèce, l'intéressé avait été avisé qu'il pouvait se faire assister d'un avocat de son choix lors de son audition par le procureur général ; que les déclarations faites devant ce magistrat n'ont rien ajouté à la procédure ; que la procédure est régulière ;
" alors que le retrait de l'habilitation d'un officier de police judiciaire ne constitue pas une simple mesure d'administration judiciaire, mais une sanction ; qu'il en résulte que le procureur général doit respecter l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en affirmant au contraire que les mesures prises par le procureur général en application de l'article 16, dernier alinéa, du code de procédure pénale, constituaient des mesures d'administration judiciaire et n'entraient pas dans le champ d'application du droit à un procès équitable garanti par l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, la commission a violé les articles susvisés " ;
Attendu que, pour rejeter la demande du requérant tendant à l'annulation des actes critiqués, la décision prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu que, si c'est à tort qu'elle qualifie de mesure d'administration judiciaire le retrait de l'habilitation d'un officier de police judiciaire, la décision confirmative critiquée n'encourt pas la censure dès lors qu'il ressort de ses propres constatations que le demandeur a reçu notification du droit à l'assistance d'un avocat, dont il a refusé le bénéfice, préalablement à l'entretien réglementairement exigé, puis d'un arrêté de retrait motivé, contre lequel il a eu la faculté de former un recours, en application des dispositions des articles 16, dernier alinéa, 16-1 à 16-3 et R. 15-6 du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 16, 161-1, 16-2, 16-3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la décision attaquée a confirmé l'arrêté ayant prononcé le retrait de l'habilitation à exercer les attributions attachées à la qualité d'officier de police judiciaire de l'adjudant M. X... ;
" aux motifs que la décision de retrait de cette habilitation n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation, qu'au contraire, tant les faits reprochés et non contestés que l'état de santé de l'intéressé la justifient pleinement ;
" alors qu'en se bornant à considérer que la décision de retrait de l'habilitation d'officier de police judiciaire n'était entachée d'aucune erreur d'appréciation, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette sanction n'était pas disproportionnée au regard de la carrière irréprochable de M. X..., la commission a violé les textes susvisés " ;
Attendu que, pour confirmer l'arrêté de retrait d'habilitation contesté, la commission relève, d'une part, par motifs adoptés dudit arrêté, que l'extrême gravité des faits reprochés et de l'incitation de militaires à un faux témoignage ne saurait être atténuée par l'état psychique de l'adjudant X... et ses bons antécédents professionnels, d'autre part, par motifs propres, que la décision de retrait est justifiée tant par ces faits reprochés que par l'état de santé de l'intéressé ;
Attendu qu'en statuant par ces motifs, dont il résulte qu'après avoir souverainement apprécié les éléments de la cause, contradictoirement débattus, elle a procédé à une analyse du caractère proportionné de la mesure qu'elle a confirmée, au regard de la gravité des faits reprochés et de la personnalité de leur auteur, la commission a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 16, 161-1, 16-2, 16-3, 569, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la décision attaquée a confirmé l'arrêté ayant prononcé le retrait de l'habilitation à exercer les attributions attachées à la qualité d'officier de police judiciaire de l'adjudant M. X... ;
" alors que, faute de texte contraire, le principe de l'effet suspensif des recours s'applique en matière de retrait ou de suspension d'habilitation des officiers de police judiciaire ; qu'en omettant de constater l'effet suspensif du recours formé par M. X... contre la décision initiale de retrait d'habilitation, et de préciser que la décision de retrait ne pouvait prendre effet qu'après l'expiration du délai de pourvoi en cassation et, le cas échéant, après l'issue de cette procédure, la commission a violé le principe de l'effet suspensif des recours et les textes susvisés " ;
Attendu que la décision contestée ne s'analysant pas en un arrêt ou jugement, les dispositions de l'article 569 du code de procédure pénale invoquées ne sauraient trouver application ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que la décision est régulière en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un juin deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.