Sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :
Vu les articles L. 622-17 et R. 622-15 du code de commerce ;
Attendu que l'absence d'inscription d'une créance sur la liste des créances postérieures instituée par le second de ces textes, qui n'est sanctionnée que par la perte du privilège du paiement prioritaire, est sans effet sur le droit de poursuite du créancier devant la juridiction de droit commun, lorsque sa créance répond aux conditions du premier texte ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après la mise en redressement judiciaire de la société MVD, par un jugement du 3 juin 2008, l'administrateur désigné a, pendant la période d'observation, commandé des fournitures à la société Innelec multimédia (la société Innelec) et n'en a pas réglé le montant à l'échéance ; qu'après la conversion de la procédure en liquidation judiciaire, le 3 mars 2009, la société Innelec a assigné l'administrateur et le liquidateur en paiement de la somme de 47 327, 65 euros ; que le tribunal a accueilli cette demande ;
Attendu que, pour infirmer le jugement, la cour d'appel a retenu que la société Innelec avait perdu le droit de se prévaloir de son droit de préférence dans les répartitions privilégiées au-delà de la somme de 11 400, 13 euros, montant de sa créance, après compensation opérée par les organes de la procédure, figurant sur la liste des créances postérieures non réglées, et que la contestation de cette compensation échappait à son pouvoir juridictionnel ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle n'était pas saisie d'une contestation portant sur le montant inscrit sur la liste des créances postérieures et la conservation par la société Innelec du privilège du paiement prioritaire de sa créance, dont il n'était pas contesté qu'elle répondait aux conditions de l'article L. 622-17 du code de commerce, mais d'une assignation en paiement de cette créance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevable la demande de la société Innelec contre la Selarl Michel-Valdman-Miroite-Vogel, l'arrêt rendu le 13 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne la société Villa Francis, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société MVD, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Innelec multimedia
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la société Innelec n'ayant pas saisi le juge commissaire d'une contestation sur le montant retenu de sa créance postérieure privilégiée dans le mois de la publication de l'avis de dépôt au Bodac, elle est déchue de son privilège et perd le droit de se prévaloir de son droit de préférence dans les répartitions privilégiées au-delà de la somme de 11. 400, 13 euros pour laquelle sa créance y a été retenue et d'avoir dit que sa contestation de la compensation opérée par les organes de la procédure collective de MVD échappe au pouvoir juridictionnel du tribunal qu'elle a saisi, et donc de la cour saisie par voie d'appel ;
AUX MOTIFS QU'il ressort des productions, et qu'il est constant entre les parties, que la créance invoquée correspond au prix de jeux vidéo et matériels vidéo vendus par Innelec à MVD durant la période d'observation, afin de lui permettre de maintenir ses trois magasins approvisionnés en marchandises pendant le redressement judiciaire ; que ces ventes sont intervenues à la demande expresse de l'administrateur judiciaire, Me X..., qui lui en avait expressément (cf pièce n° 4 d'Innelec) garanti le paiement dans les trente jours de la facture dès lors que la commande aurait reçu le bon pour paiement, le cachet et la signature de son étude et d'autre part la signature de M. Y..., gérant de MVD ; Qu'il s'agit ainsi, au sens de l'article L. 622-17- II du code de commerce, d'une créance née régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur, qui, comme telle, bénéficie d'une priorité de paiement et qui est réglée avant toutes autres, assorties ou non de privilèges ou sûretés, à l'exception de celles garanties par le privilège des articles L. 143-10 et 11 du code du travail, des frais de justice nés après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure, et de celles garanties par le privilège établi par l'article L. 611-11 du code de commerce ; Attendu qu'il est constant entre les parties que les fournitures litigieuses s'élèvent à un total de 47. 327, 65 euros, et ce montant a bien été validé par l'administrateur judiciaire dans la liste des créances qu'il a transmises au mandataire (cf pièce n° 18 : " Innelec : Engagement de l'administrateur : 47. 327, 65 euros ") ; qu'il est tout aussi acquis aux débats que ces livraisons n'ont pas été réglées à leur échéance, dans le mois de leur facturation ; Attendu que le litige tient à ce que les organes de la procédure ont déduit de la créance d'Innelec 10. 000 euros au titre d'une estimation par le dirigeant de MVD des remises financières de décembre 2008, 3. 000 euros correspondant à. une estimation du même M. Y...des avoirs de marchandises retournées, et 22. 927, 52 euros au titre du retour du stock tel qu'estimé par le commissaire-priseur Z..., de sorte qu'ils ont retenu en définitive, après cette compensation, une créance postérieure privilégiée d'un montant de 11. 400, 13 euros ; Attendu que c'est cette somme qui a été portée par le liquidateur sur la liste des créances postérieures bénéficiant du traitement préférentiel (sa pièce n° 5), liste dont le dépôt il fait l'objet d'un avis d'insertion publié au Bodacc (sa pièce n° 7) ; Or attendu que le créancier postérieur dont la créance privilégiée aurait dû être payée à l'échéance mais ne l'a pas été est tenu de la porter à la connaissance des organes de la procédure dans l'année de la fin de la période d'observation, information dont la société Innelec justifie certes, et pour l'entier montant de 47. 327, 65 euros auquel elle prétend, puisqu'elle prouve l'avoir réclamé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée à la Selarl MICHEL-VALDMAN-MIROlTE-VOGEL le 10 juin 2009 (sa pièce n° 6) soit dans ce délai, et qu'il ressort des propres productions des appelants (cf leur pièce n° 6) que le liquidateur judiciaire en avait déjà été expressément avisé par une télécopie de Me X...du 30 mars 2009, soit dans l'année de la fin de la période d'observation, intervenue le 3 du même mois ; Attendu, toutefois, qu'en application de l'article R. 622-15 du code de commerce, il appartient en outre à un tel créancier, alors même que l'information requise a été donnée aux organes de la procédure, de surveiller la confection et le dépôt au greffe de la liste des créances postérieures privilégiées, et de la contester dans le délai réglementaire d'un mois devant le juge commissaire si sa créance, bien que signalée, n'y figure pas, ou – ce qui revient au même pour la différence – si elle y est portée pour un montant moindre que celui auquel il prétend comme en l'espèce ; Que de son côté, le liquidateur n'est pas légalement tenu d'aviser le créancier, que ce soit du montant de la créance postérieure retenue, du dépôt de la liste ou du recours qui s'attache à sa publication ; Attendu que la société Innelec n'ayant pas saisi le juge commissaire d'une contestation sur le montant retenu de sa créance postérieure privilégiée dans le mois de la publication de l'avis de dépôt au Bodacc, intervenu le 25 mars 2010, elle se trouve légalement déchue de son privilège et perd le droit de se prévaloir de son droit de préférence dans les répartitions privilégiées au-delà de la somme de 11. 400, 13 euros pour laquelle sa créance y a été retenue ;
1°) ALORS QUE la liste des créances postérieures qui doivent être payées à l'échéance et qui ne l'ont pas été doit être transmise par l'administrateur au liquidateur, qui ne peut que compléter cette liste, avant de la déposer au greffe du tribunal ; que les organes de la procédure ne peuvent ainsi opérer de réduction du montant des créances postérieures privilégiées régulièrement portées à leur connaissance, seul le juge commissaire étant compétent sur ce point ; qu'en énonçant, pour limiter à 11. 400, 13 euros le montant de la créance postérieure privilégiée de la société Innelec, que les organes de la procédure avaient pu opérer de leur propre chef une compensation de la créance postérieure privilégiée de 47. 327, 65 euros avec diverses sommes prétendument dues au débiteur par la société Innelec, et que celle-ci aurait dû faire valoir ses droits auprès du juge commissaire, en temps utile, à la suite de l'inscription erronée de la créance, la cour d'appel a violé les articles L. 622-17 et R. 622-15 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE la compensation n'a lieu qu'entre deux dettes qui ont également pour objet une somme d'argent, ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce et qui sont également liquides et exigibles ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Innelec détenait une créance postérieure privilégiée de 47. 327, 65 euros à l'égard du débiteur, cette créance certaine, liquide et exigible n'ayant pas été payée à l'échéance et ayant fait l'objet d'une information régulière des organes de la procédure, en temps utile ; qu'en retenant à la suite que les organes de la procédure avaient pu réaliser une « compensation » conduisant à réduire finalement à 11. 400, 13 euros le montant de cette créance postérieure privilégiée, compte tenu de prétendues créances du débiteur à l'égard de cette Innelec, sans constater aucune des conditions légales de la compensation, tout en s'appuyant en réalité sur de simples « estimations » de créances (arrêt attaqué, p. 6) contestées de surcroît expressément par la société Innelec (conclusions d'appel, notamment p. 13), la cour d'appel a violé les articles 1289 et 1291 du code civil ;
3°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé, la contradiction et l'inintelligibilité des motifs ou entre les motifs et le dispositif équivalant à leur absence ; qu'en retenant en l'espèce qu'une compensation opérée par les organes de la procédure justifiait la réduction de la créance de la société Innelec à 11. 400, 13 euros (arrêt attaqué, p. 6), en considérant finalement que la créance de la société Innelec aurait seulement perdu son caractère privilégié « au-delà de la somme de 11. 400, 13 euros » (arrêt attaqué, p. 7 et 8), la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé, la contradiction et l'inintelligibilité des motifs ou entre motifs et dispositif équivalant à leur absence ; qu'en retenant en l'espèce que la société Innelec est « déchue de son privilège et perd le droit de se prévaloir de son droit de préférence dans les répartitions privilégiées au-delà de la somme de 11. 400, 13 euros pour laquelle sa créance y a été retenue » (arrêt attaqué, p. 7 et 8), en statuant ainsi sur la contestation relative à la compensation opérée par les organes de la procédure, tout en disant qu'une telle contestation échappait à son pouvoir juridictionnel, la cour d'appel n'a, derechef, pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) ALORS EN TOUTE HYPOTHÈSE QUE la cour d'appel, qui dispose d'une plénitude de juridiction et d'une compétence générale à l'égard des juridictions civiles de première instance, ne peut refuser de statuer sur une question litigieuse, faute pour le demandeur d'avoir saisi la juridiction de première instance qui aurait disposé des pouvoirs requis pour statuer sur cette question ; qu'en énonçant, pour dire que la contestation concernant l'admission de la créance privilégiée de la société Innelec et la compensation opérée par les organes de la procédure collective échappait à son pouvoir juridictionnel, que seul le juge commissaire disposait des pouvoirs requis pour statuer sur cette question en première instance, cependant qu'elle pouvait être amenée à connaître de recours dirigés contre les décisions du juge commissaire statuant sur l'admission des créances, la cour d'appel a violé les articles 562 du code de procédure civile et R. 624-7 du code de commerce.