LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Groupe Planet Sushi et par le cabinet BCM et M. X..., en leur qualité respective d'administrateur et de mandataire judiciaires de cette société, que sur le pourvoi incident éventuel relevé par Mme Y..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Blue Oceans Venture ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, du pourvoi principal :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 octobre 2014), que la société Groupe Planet Sushi (la société GPS) a une activité de restauration et livraison de cuisine japonaise qu'elle exerce directement ou au travers de ses filiales et de son réseau de franchisés exploitant des restaurants à l'enseigne Planet Sushi ; qu'elle est entrée en relation, en 2008, avec la société Blue Oceans Venture (la société BOV), celle-ci intervenant en qualité de prestataire de services en charge du suivi des fournisseurs, des livraisons et des paiements ; que reprochant à la société GPS d'avoir brutalement rompu la relation commerciale établie qu'elles avaient nouée, la société BOV l'a assignée en réparation de son préjudice ; qu'en cours d'instance, la société BOV a été mise en liquidation judiciaire ; que la société GPS a été mise en sauvegarde de justice ;
Attendu que la société GPS et ses administrateur et mandataire judiciaires font grief à l'arrêt de fixer la créance de la société BOV au passif de la société GPS au titre du préjudice résultant de la rupture brutale d'une relation commerciale établie alors, selon le moyen, qu'une relation commerciale établie s'entend d'échanges commerciaux conclus directement entre les parties ; qu'en se fondant, pour écarter l'objection de la société GPS tenant à ce que seuls ses filiales et franchisés entretenaient des relations commerciales avec la société BOV, sur les circonstances inopérantes que la société GPS apparaissait comme seule décisionnaire pour ses filiales, qu'elle avait pris la décision de la rupture et que, s'agissant des franchisés, ils devaient s'approvisionner à hauteur de 80 % auprès des fournisseurs référencés par elle, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 du code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt constate que la société GPS a donné des instructions, le 22 février 2011, à tout le réseau aux fins que cessent les commandes auprès de la société BOV et a informé les fournisseurs que « Planet Sushi » ne travaillait plus avec cette société ; qu'il ajoute que les franchisés avaient l'obligation de s'approvisionner, à hauteur de 80 %, auprès de fournisseurs référencés par la société GPS ; qu'il relève qu'à partir de cette date, les restaurants « Planet Sushi » n'ont plus passé aucune commande auprès de la société BOV ; qu'il relève encore que le protocole signé entre les parties, le 5 avril 2011, l'a été par la société GPS, tant pour elle-même qu'au nom de ses filiales ; qu'il en déduit que la société GPS était seule décisionnaire pour ses filiales détenues à 100 % et qu'elle seule a pris la décision de rupture ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que les filiales et les franchisés n'avaient disposé d'aucune autonomie dans la décision de nouer des relations commerciales avec la société BOV puis dans celle de les rompre, la cour d'appel a pu retenir la responsabilité de la société GPS sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses première et troisième à sixième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, qui est éventuel :
REJETTE le pourvoi principal ;
Condamne la société Groupe Planet Sushi, le cabinet BCM et M. X..., en leur qualité respective d'administrateur et de mandataire judiciaires de cette société, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour la société Groupe Planet Sushi, le cabinet BCM, ès qualités et M. X..., ès qualités.
La société GPS fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la créance de Me Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société BOV, à son passif à la somme de 912. 093 euros au titre de l'indemnisation de la perte de marge de la société BOV du fait de la rupture des relations commerciales établies avec elle, imputable à cette dernière ;
AUX MOTIFS QUE la disposition du jugement entrepris déboutant BOV SG de sa demande de dommages et intérêts à raison de la rupture des pourparlers relatifs à la prise de participation de GPS dans BOV est donc acquise ; que, sur la rupture des relations commerciales établies, il importe de rappeler que chronologiquement la première demande est celle de GPS laquelle dans son assignation du 7 mars 2011 sollicitait la résolution des accords contractuels aux torts de BOV pour manquements à ses obligations, au visa des articles 1134, 1184 et 1147, demande qu'elle maintient dans le cadre de son appel incident ; que cependant BOV ayant agi sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce en invoquant une rupture brutale imputable à GPS, celle-ci conteste la responsabilité de la rupture mais sans dénier avoir entretenu avec BOV une relation commerciale établie au sens de l'article précité ; que c'est donc bien dans le cadre de la responsabilité délictuelle instituée par l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce que doit être appréciée la rupture litigieuse ; qu'il est acquis que les relations entre BOV et GPS se sont développées sans être formalisées par un contrat écrit dans le contexte de la recherche commune d'un accord " sur un programme de partenariat d'achat et de distribution de denrées alimentaires et non alimentaires " selon les termes de l'accord de confidentialité signé le 4 septembre 2008 ; que le projet de pacte d'actionnaires échangé entre les deux dirigeants le 30 novembre 2010 énonçait dans son préambule que " Groupe Planet Sushi, la Sarl de Romain A...et M. A...ont décidé de constituer ensemble une centrale d'achats qui sera dédiée à la gestion des achats des restaurants du Groupe Planet Sushi " ; qu'il est constant que ce projet dont la forme achevée consistait en une filiale commune ne s'est pas réalisé, la rupture des pourparlers intervenant à l'initiative de GPS en janvier 2011 ; qu'il ressort des éléments du dossier et notamment d'un contrat de référencement du 4 juin 2009 dans lequel BOV est qualifié de mandataire de GPS et du protocole signé le 3 mars 2011 entre GPS et Soreal, l'un des principaux fournisseurs, qui fait référence à un accord bipartite dans lequel BOV est désignée comme mandataire de GPS que BOV est intervenue non comme centrale d'achat mais comme prestataire de services non exclusif de distribution chargé d'une partie du suivi des fournisseurs, des livraison et des paiements ; qu'il apparaît que la rupture de la relation commerciale était consommée dès le 22 février 2011 et qu'elle est imputable à GPS ; qu'en effet, à cette date, non seulement M. Siben B...dénonçait par la lettre précitée une modification unilatérale des conditions contractuelles de paiement et mettait en demeure BOV de reprendre sans délai les livraisons aux restaurants du groupe Planet Sushi ; mais que par plusieurs courriels du même jour, M. Clément C..., responsable des achats de GPS, s'adressait ainsi aux fournisseurs : " Planet Sushi ne travaille plus avec Blue Oceans depuis ce jour. Je vous demande donc de bien vouloir ne plus prendre en compte les commandes de Blue Oceans. Planet Sushi récupère en direct la gestion des approvisionnements des barquettes (bols et sacs)... La facture et le bon de livraison ne devront donc plus faire apparaître Blue Oceans mais uniquement Groupe Planet Sushi " ; qu'il est établi qu'à partir du 22 février 2011, les restaurants Planet Sushi n'ont plus passé aucune commande à BOV, que le chiffre d'affaires réalisé par BOV avec les filiales de GPS, d'un montant de 332 998 euros en janvier 2011 et de 228 000 euros en février 2011, est passé à 0 euro en mars 2011 et que le chiffre d'affaires avec les franchisés a chuté de 65 % entre février et juillet 2011, passant de 118 314, 59 euros en février 2011 à 60 864, 70 euros en avril 2011 et à 41 317, 65 euros en juillet 2011, étant souligné que le protocole d'accord du 5 avril 2011 prévoyait expressément que BOV pourrait continuer à écouler son stock auprès des franchisés ; que si la rupture fait suite à la lettre de BOV exigeant un paiement à la commande au lieu du paiement à trente jours convenu, il est décisif de noter que cette lettre s'inscrit dans un contexte de grande tension consécutif à la rupture par GPS des pourparlers en vue du rachat de BOV, et au départ de celle-ci des locaux de GPS ; que surtout, elle fait suite au refus de filiales de GPS d'honorer les traites échues émises en paiement de produits livrés et ce, pour des motifs erronés, notamment un paiement déjà effectué, malgré une mise en demeure du 17 février 2011 alors que les factures en cause qui figurent à l'annexe 2 du protocole d'accord du 5 avril 2011 signé par BOV et GPS ont finalement été payées sans contestation ; qu'ainsi le comportement de BOV apparaît comme une réaction à une situation de défaillance des filiales qui mettait BOV en péril, comme l'atteste sa déclaration de cessation de paiements du 23 mars 2011, et que GPS était en mesure de rétablir comme le démontre le protocole transactionnel ; qu'il est admis que seul justifie la résiliation unilatérale et immédiate du contrat le comportement fautif de la victime de la rupture d'une suffisante gravité, antérieur à la rupture et prouvé ; qu'il n'est pas établi, en l'espèce, de faute d'une suffisante gravité et d'une urgence telles qu'elle imposait de mettre un terme immédiat à la relation commerciale établie ; que c'est en vain que GPS entend s'exonérer de toute responsabilité en soutenant que les relations commerciales établies existaient entre BOV et les filiales voire les franchisés alors qu'elle apparaît seule décisionnaire pour ses filiales détenues à 100 %, qu'elle seule a pris la décision de rupture ainsi qu'il ressort clairement de son courrier en date du 22 février 2011 et des instructions données le même jour en vue de l'arrêt des commandes à BOV dans tout le réseau, qu'elle a signé le protocole d'accord pour elle-même et ses filiales, que s'agissant des franchisés, ceuxci devaient s'approvisionner à hauteur de 80 % auprès de fournisseurs référencés par GPS, que le protocole prévoit que GPS autorise expressément BOV à vendre les produits logotypés aux restaurants franchisés jusqu'à épuisement des marchandises du stock BOV ; que GPS est donc redevable à BOV de l'indemnité de préavis ; que, sur le montant de l'indemnité, la durée du préavis en matière de relations commerciales établies est fixée en fonction de la relation commerciale en cause, de son ancienneté et de ses caractéristiques ; que compte tenu de la durée des relations commerciales soit trois ans et de leurs caractéristiques, BOV intervenant non comme centrale d'achat mais comme prestataire de services non exclusif de distribution, et du rythme des négociations commerciales, la durée du préavis doit être fixé à un an sans que BOV puisse prétendre à un doublement de son préavis que ne justifient pas davantage ses investissements ni la proportion de la commercialisation de produits commercialisés sous marque de distributeur Planet Sushi ; que la marge brute réalisée par BOV sur la vente des produits aux restaurants du réseau GPS au cours de l'exercice de 12 mois 2010/ 2011 ressort à 1 014 064 euros selon l'attestation de Sogecc, expert-comptable de BOV ; que le taux de marge appliqué de 22, 24 % qualifié de factice par GPS apparaît approprié dans le secteur commercial considéré ; que BOV propose de déduire de la somme précitée la marge brute réalisée entre avril 2011 et mars 2013 soit sur la base du chiffre d'affaires attesté et après application du même taux la somme de 102 971 euros ; que la cour dispose ainsi de tous les éléments permettant de fixer l'indemnité de marge manquante sans qu'il soit nécessaire d'ordonner la communication des pièces requises se rapportant pour l'essentiel à la période postérieure à la rupture ; qu'il convient, en conséquence, de débouter BOV de sa demande de production de pièces et de fixer à la somme de 912 093 euros la créance indemnitaire de BOV à la procédure collective de GPS ; que le jugement sera infirmé en ce sens ;
1°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en retenant tout à la fois, pour dire que la société GPS avait rompu brutalement des relations commerciales établies avec la société BOV, que la première ne déniait pas l'existence de relations commerciales établies avec la seconde, puis qu'elle contestait avoir eu de telles relations, soutenant que celles-ci n'existaient qu'entre ses filiales ou franchisés et la société BOV, la cour d'appel s'est contredite et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'une relation commerciale établie s'entend d'échanges commerciaux conclus directement entre les parties ; qu'en se fondant, pour écarter l'objection de la société GPS tenant à ce que seuls ses filiales et franchisés entretenaient des relations commerciales avec la société BOV, sur les circonstances inopérantes que la société GPS apparaissait comme seule décisionnaire pour ses filiales, qu'elle avait pris la décision de la rupture et que, s'agissant des franchisés, ils devaient s'approvisionner à hauteur de 80 % auprès des fournisseurs référencés par elle, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 du code de commerce ;
3°) ALORS QUE, en tout état de cause, l'autorité qui est attachée à la chose jugée par une disposition définitive d'un jugement interdit au juge appelé à se prononcer sur les dispositions de ce jugement qui sont frappées d'appel de porter une appréciation différente ; que la cour d'appel qui, après avoir constaté que la disposition du jugement entrepris ayant écarté la faute de la société GPS dans la rupture des pourparlers en vue du rachat de la société BOV était définitive, s'est néanmoins fondée, pour imputer à la première la brutalité de la rupture des relations commerciales avec la seconde, sur le contexte de grande tension consécutif à la rupture des pourparlers par la société GPS, dont le caractère fautif avait pourtant été définitivement écarté, a violé l'article 1351 du code civil ;
4°) ALORS QUE des relations commerciales établies peuvent être rompues sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ; qu'en se bornant à relever, pour juger que la société BOV n'avait pas commis de faute d'une gravité suffisante justifiant une rupture sans préavis, que la modification unilatérale par cette dernière des conditions de paiement des commandes passées par les filiales et franchisés de la société GPS intervenait dans un climat de grande tension consécutif au départ de la société BOV des locaux de cette dernière, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce départ ne résultait pas de la seule volonté de la société BOV et s'il ne traduisait pas, à raison des circonstances brutales dans lesquelles il était intervenu, une attitude fautive de cette dernière, qui aurait pu contribuer à justifier une rupture sans préavis des relations commerciales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 du code de commerce ;
5°) ALORS QU'en se bornant encore à relever, pour dire que la société BOV n'avait pas commis de faute d'une gravité suffisante, que la modification des conditions de paiement faisait suite au refus des filiales de la société GPS d'honorer des traites échues pour un motif erroné tiré d'un paiement déjà effectué, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces défauts de paiement n'étaient pas justifiés par les nombreux griefs que pouvaient nourrir la société GPS, ses filiales et franchisés à l'encontre de la société BOV qui était défaillante dans ses livraisons, payait avec retard ses propres fournisseurs et pratiquait à leur égard des prix supérieurs à ceux dont bénéficiaient ses autres clients, de sorte que la société GPS était en droit de rompre sans préavis les relations commerciales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 du code de commerce ;
6°) ALORS QUE, plus subsidiairement, le délai du préavis suffisant s'apprécie en tenant compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances au moment de la notification de la rupture ; qu'en se bornant à affirmer, pour fixer à une année la durée du préavis qui aurait été nécessaire, que les relations commerciales avaient duré trois ans, sans s'expliquer autrement, comme elle y était invitée, sur les factures émises par la société BOV qui témoignaient d'un début des relations commerciales en janvier 2009, de sorte que ces dernières, interrompues à la fin du mois de février 2011, n'auraient duré que deux ans et deux mois, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 du code de commerce.