LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
1°/ l'union locale CGT agglomération de Cergy-Pontoise, dont le siège est BP 78377, 95805 Cergy-Pontoise cedex,
2°/ M. Alex X..., domicilié ...,
3°/ M. Zadi Y..., domicilié ...,
4°/ M. Kalidou Z..., domicilié ...,
5°/ M. Sidi A..., domicilié ...
...,
6°/ M. Romain B..., domicilié ...,
7°/ M. Rachidi C..., domicilié ...,
8°/ M. Sidiki D..., domicilié ...,
9°/ M. Daniel E..., domicilié ...,
10°/ M. Elias F..., domicilié ...,
11°/ M. Eddy G..., domicilié ...,
12°/ M. Stéphane H..., domicilié ...,
13°/ M. Balla I..., domicilié ...,
14°/ M. Cheickna J..., domicilié ...,
15°/ M. Jamel K..., domicilié ...,
16°/ M. Amadou L..., domicilié ...,
17°/ M. Ahcène M..., domicilié ...,
contre le jugement rendu le 31 juillet 2015 par le tribunal d'instance de Pontoise (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Stef logistique Cergy, dont le siège est 30 avenue des Béthunes, 95310 Saint-Ouen-l'Aumône,
2°/ à M. Anthony N..., domicilié ...,
3°/ au syndicat CFDT, dont le siège est 26 rue Francis Combe, 95014 Cergy-Pontoise cedex,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 juin 2016, où étaient présents : Mme Lambremon, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, M. Huglo, Mme Reygner, conseillers, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Lambremon, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de l'union locale CGT agglomération de Cergy-Pontoise, de M. X...et des quinze autres salariés, de la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat de la société Stef logistique Cergy, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles 484, 488, 489 du code de procédure civile, L. 2314-15 et L. 3214-16 du code du travail ;
Attendu, selon le jugement attaqué, qu'en mai 2014, la société Stef logistique Cergy a invité les organisations syndicales à négocier un protocole d'accord préélectoral en vue du renouvellement des institutions représentatives du personnel ; que l'union locale CGT agglomération de Cergy-Pontoise a demandé à l'employeur de reporter le processus électoral dans l'attente de l'issue de la procédure de référé introduite par onze salariés le 1er mars 2014, tendant à contester leur licenciement intervenu à la suite d'une grève et à obtenir leur réintégration, ce que celui-ci a refusé ; que par ordonnance du 1er juillet 2014, la formation de référé du conseil de prud'hommes a constaté la nullité des licenciements de dix des onze salariés, et ordonné leur réintégration dans l'entreprise ; que le premier tour de l'élection de la délégation unique du personnel a eu lieu le 10 juillet 2014 ; que par requête du 18 juillet 2014, l'union locale de la CGT de l'agglomération de Cergy-Pontoise et seize salariés ont saisi le tribunal d'instance aux fins d'annulation de ces élections, faisant valoir que les salariés dont les licenciements ont été déclarés nuls, avaient été privés du droit de voter et de se porter candidats aux élections ;
Attendu qu'après avoir écarté la forclusion de l'action soulevée par l'employeur, le tribunal d'instance retient, pour débouter l'union locale et les salariés de leur demande d'annulation des élections, qu'il résulte de l'article 489 du code de procédure civile que l'ordonnance prononcée le 1er juillet 2014 n'a pas été rendue exécutoire au vu de la seule minute, qu'en conséquence elle devait, pour être portée à la connaissance de l'employeur en vue de son exécution, être notifiée ; que la notification a été faite les 15 et 16 juillet 2014, soit postérieurement aux élections du 10 juillet 2014 qui ne peuvent de ce fait être entachées d'une irrégularité a posteriori ;
Qu'en statuant ainsi alors que l'ordonnance de référé est revêtue de l'autorité de la chose jugée au provisoire dès son prononcé, ce dont il résulte que les intéressés faisaient toujours partie du personnel de l'entreprise à la date de l'élection, peu important que la décision n'ait pas été notifiée aux parties, et qu'ils étaient donc électeurs et éligibles aux élections des délégués du personnel, le tribunal d'instance a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il juge recevable l'action de l'union syndicale, le jugement rendu le 31 juillet 2015, entre les parties, par le tribunal d'instance de Pontoise ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Sannois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Stef logistique Cergy à payer à l'union locale CGT agglomération de Cergy-Pontoise la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour l'union locale CGT agglomération de Cergy-Pontoise, de M. X...et des 15 autres salariés.
Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR débouté l'union locale de la CGT de l'agglomération de Cergy Pontoise de sa demande tendant à voir annuler le premier tour des élections et dit n'y avoir lieu à annuler les élections de la délégation unique du personnel du 10 juin 2014 (en réalité : du 10 juillet 2014) au sein de la société Stef Logistique Cergy ;
AUX MOTIFS QU'il est reproché à l'employeur de n'avoir pas mis à exécution la décision rendue par le conseil de prud'hommes statuant en référé, qui a ordonné la réintégration de 10 salariés par ordonnance prononcée le 1er juillet 2014, et en procédant de la sorte, de les avoir empêchés de prendre part au vote ; qu'il résulte de l'article 489 du code de procédure civile que " L'ordonnance de référé est exécutoire à titre provisoire. [...] En cas de nécessité, le juge peut ordonner que l'exécution aura lieu au seul vu de la minute. " ; que l'ordonnance prononcée le 1er juillet 2014 n'a pas été rendue exécutoire au vu de la seule minute ; qu'en conséquence elle devait pour être portée à la connaissance de l'employeur en vue de son exécution, être notifiée ; que la notification a été faite les 15 et 16 juillet 2014, soit postérieurement aux élections du 10 juillet 2015 (en réalité : du 10 juillet 2014) qui ne peuvent de ce fait être entachées d'une irrégularilé a posteriori ; qu'il convient en conséquence de déclarer les élections régulières ;
ALORS QUE d'une part, une ordonnance de référé est exécutoire à titre provisoire et a autorité de la chose jugée dès son prononcé, peu important qu'elle ait été ou non notifiée ; que d'autre part, les salariés dont la nullité du licenciement a été constatée par une décision de référés rendue antérieurement aux élections qui a ordonné leur réintégration immédiate, sont électeurs et éligibles, peu important qu'ils n'aient pas été effectivement réintégrés au jour des élections ; que le tribunal a considéré que les salariés, licenciés de façon illicite pour faits de grève, ne pouvaient participer aux élections aux motifs que la décision de référé constatant la nullité de leur licenciement et ordonnant leur réintégration n'avait pas été notifiée avant les élections ; qu'en statuant comme il l'a fait alors que les décisions de référé, constatant la nullité de leur licenciement et ordonnant leur réintégration immédiate dans l'entreprise, avaient été rendues antérieurement aux élections, ce dont il résultait qu'ils étaient électeurs et élibigles, peu important qu'ils n'aient pas été effectivement réintégrés au jour des élections, le tribunal a violé les articles L 2314-15, L 2314-16, L 2511-1 du code du travail, 484, 488 et 489 du code de procédure civile ;
ALORS en tout état de cause QUE les exposants ont fait valoir d'une part que l'employeur avait agi au mépris des ordonnances de référé, alors que l'exécution d'une décision de justice doit être considérée comme faisant partie intégrante du " procès équitable " au sens de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'autre part qu'en interdisant à dix salariés de participer aux élections, alors qu'elle savait qu'ils voteraient pour la CGT et en refusant, ainsi que la CGT l'avait demandé, le report du processus électoral afin que les salariés illégalement licenciés puissent être électeurs et candidats aux élections professionnelles, la société Stef Logistique Cergy avait agi de mauvaise foi, dans le but de nuire au syndicat CGT, en violation des principes généraux du droit électoral, des droits de vote et d'éligibilité reconnus aux salariés par la Constitution et du droit au procès équitable reconnu par l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le tribunal ne s'est pas prononcé sur ces motifs de la contestation formée par les exposants ; qu'en ne répondant pas aux conclusions des exposants qui faisaient valoir que l'employeur avait agi de mauvaise foi, dans le but de nuire au syndicat CGT, en violation des principes généraux du droit électoral et des droits reconnus aux salariés par la Constitution et par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS par ailleurs QU'au soutien de leur demande tendant à voir annuler les élections, les exposants ont également fait valoir que sept autres salariés absents de l'entreprise le 10 juillet 2014 n'avaient pas reçu le matériel de vote par correspondance et n'avaient pas pu voter ; que le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce motif de contestation ; qu'en statuant sans se prononcer sur ce motif de contestation, le tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS subsidiairement QUE le juge ne peut méconnaître les termes du litige tels que résultant des conclusions des parties ; que le tribunal a retenu que « la contestation dont est saisi le tribunal a pour objet l'absence d'autorisation donnée par l'employeur à dix salariés dont le conseil de prud'hommes venait d'ordonner la réintégration dans la société, de participer au vote lors de l'élection des délégués de la délégation unique du personnel » ; qu'en statuant comme il l'a fait quand la contestation portait également sur le fait que sept autres salariés absents de l'entreprise le 10 juillet 2014 n'avaient pas reçu le matériel de vote par correspondance et n'avaient pas pu voter, le tribunal a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile.