LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 21 janvier 2013), que Mme X... a fait apport du fonds de commerce d'agence immobilière qu'elle exploitait à la société Serres immobilier (la société Serres), constituée entre elle-même et sa fille, Mme Y..., et dont elles étaient gérantes et associées ; que celles-ci ont donné à bail à la société Serres les locaux dans lesquels était exploité le fonds de commerce ; que reprochant à Mme X... qui avait été révoquée de ses fonctions de cogérante, d'exercer à titre personnel une activité d'agence immobilière dans les mêmes locaux et d'imiter son logo, la société Serres l'a assignée en concurrence déloyale et parasitisme ; que Mme X... a demandé, reconventionnellement, le remboursement de la commission perçue par la société Serres au titre d'un mandat de vente signé par les membres de l'indivision Ithurritca, ainsi que la restitution de loyers indus ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture et d'écarter des débats les conclusions déposées par elle le 6 juillet 2012 alors, selon le moyen :
1°/ que les conclusions postérieures à l'ordonnance de clôture par lesquelles une partie demande le rejet des débats des conclusions ou production de dernière heure de l'adversaire sont recevables ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions du 6 juillet 2012, postérieures à l'ordonnance de clôture, Mme X... sollicitait le rejet des écritures adverses qui lui avaient été adressées la veille de l'ordonnance de clôture à 14h41 pour violation de la contradiction ; qu'en retenant, pour écarter les conclusions de Mme X... du 6 juillet 2012 des débats, l'absence de motif grave de nature à justifier le rabat de l'ordonnance de clôture, la cour d'appel a violé les articles 16 et 783 du code de procédure civile ;
2°/ que dans ses conclusions du 6 juillet 2012, Mme X... ne sollicitait pas le rabat de l'ordonnance de clôture, mais seulement le rejet des écritures adverses qui lui avaient été adressées la veille de l'ordonnance de clôture à 14h41 pour violation de la contradiction ; qu'en énonçant qu'il n'y aurait pas lieu d'ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture comme l'aurait sollicité Mme X... dans ces conclusions la cour d'appel a dénaturé le cadre du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en se bornant à écarter une cause grave de révocation de l'ordonnance de clôture, au lieu de rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si la tardiveté des conclusions déposées la veille de l'ordonnance de clôture à 14h41 par la société Serres et dont elle constate qu'elles contenaient une réponse aux conclusions de Mme X... ne portaient pas atteinte au principe de la contradiction justifiant leur rejet des débats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève que les conclusions déposées le 19 juin 2012 par la société Serres ne contiennent aucun élément nouveau et ne sont que la réponse à celles déposées le 30 mai 2012 par Mme X..., dans lesquelles celle-ci a pu faire valoir amplement ses moyens et demandes ; que, par ces seuls motifs, abstraction faite des motifs erronés, mais surabondants, critiqués par les première et deuxième branches, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche invoquée à la troisième branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de la société Serres alors, selon le moyen, qu'en approuvant l'appréciation forfaitaire, par le jugement, du préjudice prétendument subi par la société Serres au titre de la concurrence déloyale, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de l'étendue du préjudice soumis à réparation que la cour d'appel a, par une évaluation ne revêtant pas un caractère forfaitaire, retenu que le tribunal avait fait une exacte appréciation du préjudice de la société Serres en condamnant Mme X... à lui payer la somme de 5 000 euros ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes au titre de la commission Ithurritca alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de façon claire et précise des stipulations des statuts de la société Serres précisant les conditions de l'apport du fonds de commerce, selon lesquelles « la société aura le bénéfice et la charge des opérations tant actives que passives réalisées dans l'exploitation du fonds apporté à compter rétroactivement du 1er janvier 2005 » que seuls les mandats - lesquels constituent une opération active réalisée dans l'exploitation du fonds - conclus postérieurement au 31 décembre 2004, ont été apportés à la société ; qu'en décidant que la cession aurait porté sur tous les mandats quelle que soit leur date, pourvu que la commission soit perçue après le 31 décembre 2005, la cour d'appel a dénaturé les stipulations précitées et violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ qu'en ne répondant pas aux conclusions de Mme X... qui pour démontrer que le mandat Ithurritca n'était pas compris dans l'apport du fonds de commerce, faisait valoir que le prix de l'actif du fonds de commerce tel qu'évalué par le commissaire aux apports n'inclut pas la créance résultant de ce mandat, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, constaté que Mme X... avait fait apport à la société Serres de son fonds de commerce comprenant tous les éléments d'actif et de passif dont la clientèle, les statuts de la société Serres stipulant que celle-ci aurait le bénéfice et la charge des opérations actives et passives réalisées dans l'exploitation du fonds apporté à compter rétroactivement du 1er janvier 2005, retenu que le droit à commission prenait naissance au jour de la réalisation de la vente et relevé que, s'agissant d'un mandat, il n'y avait aucune certitude sur la menée à bonne fin de la vente et que le commissaire aux apports n'en avait pas fait état, c'est sans dénaturer les statuts que la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a retenu que Mme X... ne pouvait prétendre au remboursement de la commission perçue par la société lors de la vente du bien intervenue en 2010 au motif que le mandat de vente aurait été signé le 31 octobre 2003 ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le quatrième moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Serres immobilier la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six septembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture et d'avoir écarté des débats, les conclusions déposées par Mme X... le 6 juillet 2012 ;
Aux motifs qu'il n'y a pas lieu d'ordonner le rabat de la clôture comme le sollicite Mme X... en l'absence de motif grave, considérant que les conclusions déposées le 19 juin 2012 par la société Serres Immobilier ne contiennent aucun élément nouveau par rapport à ses dernières écritures et ne sont que la réponse à ses conclusions déposées le 30 mai 2012, dans lesquelles elle a pu amplement faire valoir ses moyens et demandes ; qu'en conséquence, les conclusions déposées par Mme X... le 6 juillet 2012 seront écartées des débats ;
Alors d'une part, que les conclusions postérieures à l'ordonnance de clôture par lesquelles une partie demande le rejet des débats des conclusions ou production de dernière heure de l'adversaire sont recevables ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions du 6 juillet 2012, postérieures à l'ordonnance de clôture, Mme X... sollicitait le rejet des écritures adverses qui lui avaient été adressées la veille de l'ordonnance de clôture à 14h41 pour violation de la contradiction ; qu'en retenant, pour écarter les conclusions de Mme X... du 6 juillet 2012 des débats, l'absence de motif grave de nature à justifier le rabat de l'ordonnance de clôture, la Cour d'appel a violé les articles 16 et 783 du Code de procédure civile ;
Alors d'autre part, que dans ses conclusions du 6 juillet 2012, Mme X... ne sollicitait pas le rabat de l'ordonnance de clôture, mais seulement le rejet des écritures adverses qui lui avaient été adressées la veille de l'ordonnance de clôture à 14h41 pour violation de la contradiction ; qu'en énonçant qu'il n'y aurait pas lieu d'ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture comme l'aurait sollicité Mme X... dans ces conclusions la Cour d'appel a dénaturé le cadre du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
Alors enfin, qu'en se bornant à écarter une cause grave de révocation de l'ordonnance de clôture, au lieu de rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si la tardiveté des conclusions déposées la veille de l'ordonnance de clôture à 14h41 par la société Serres Immobilier et dont elle constate qu'elles contenaient une réponse aux conclusions de Mme X... ne portaient pas atteinte au principe de la contradiction justifiant leur rejet des débats, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré qui avait condamné Mme X... à payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la concurrence déloyale ;
Aux motifs propres qu'il s'infère nécessairement de la concurrence déloyale imputable à Mme X... l'existence d'un préjudice certain constitué par le trouble commercial subi par la société Serres Immobilier et dont le Tribunal a fait une exacte appréciation en condamnant Mme X... à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Et aux motifs adoptés du jugement que la SARL Serres Immobilier ne peut apporter aux débats un chiffrage sur son préjudice financier et/ou moral, il sera donc évalué forfaitairement par le Tribunal ; qu'en conséquence, le Tribunal condamnera Mme X... au paiement d'une somme forfaitaire à titre de dommages et intérêts de 5000 euros ;
Alors qu'en approuvant l'appréciation forfaitaire par le jugement, du préjudice prétendument subi par la société Serres Immobilier au titre de la concurrence déloyale, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de Mme X... au titre de la commission Ithurritca ;
Aux motifs que Mme X... ne saurait prétendre au remboursement de cette commission perçue par la société lors de la vente intervenue courant 2010 au motif que le mandat de vente aurait été signé le 31 octobre 2003, considérant d'une part qu'elle a fait l'apport de son fonds de commerce comprenant tous les éléments d'actif et de passif dont la clientèle, la société ayant expressément au termes de l'acte « le bénéfice et la charge des opérations actives et passives réalisées dans l'exploitation du fonds apporté à compter rétroactivement du 1er janvier 2005 » et d'autre part que le droit à commission prend naissance au jour de la réalisation de la vente ;
Alors d'une part, qu'il résulte de façon claire et précise des stipulations des statuts de la société Serres Immobilier précisant les conditions de l'apport du fonds de commerce, selon lesquelles « la société aura le bénéfice et la charge des opérations tant actives que passives réalisées dans l'exploitation du fonds apporté à compter rétroactivement du 1er janvier 2005 » que seuls les mandats - lesquels constituent une opération active réalisée dans l'exploitation du fonds - conclus postérieurement au 31 décembre 2004, ont été apportés à la société ; qu'en décidant que la cession aurait porté sur tous les mandats quelle que soit leur date, pourvu que la commission soit perçue après le 31 décembre 2005, la Cour d'appel a dénaturé les stipulations précitées et violé l'article 1134 du Code civil ;
Alors d'autre part, qu'en répondant pas aux conclusions de Mme X... qui pour démontrer que le mandat Ithurritca n'était pas compris dans l'apport du fonds de commerce, faisait valoir que le prix de l'actif du fonds de commerce tel qu'évalué par le commissaire aux apports n'inclut pas la créance résultant de ce mandat, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de Mme X... en paiement des loyers impayés pour la période du 1er juillet 2010 au 29 février 2012 à parfaire a jour de l'arrêt à intervenir ;
Aux motifs qu'en s'installant à la même adresse peu importe que ce soit dans l'immeuble principal et non dans sa dépendance faisant anciennement office de bureau et en entretenant déloyalement la confusion entre les deux entreprises, Mme X... a rendu impossible le maintien dans les lieux de la société locataire qui a dû transférer son siège ailleurs ; qu'il est justifié du paiement des loyers jusqu'en janvier 2011 inclus, elle ne saurait donc prétendre au paiement des loyers suivants au motif de l'absence de congé donné en bonne et due forme considérant qu'elle est à l'origine de la rupture des relations contractuelles et donc de la résiliation de fait du bail verbal liant les parties ;
Alors qu'en énonçant d'un côté (arrêt p. 12), qu'en s'installant à la même adresse et en entretenant déloyalement la confusion entre les deux entreprises, Mme X... a rendu impossible le maintien dans les lieux de la société locataire qui a dû transférer son siège ailleurs, tout en relevant par ailleurs (arrêt p. 3, 8, 10) que ce n'est qu'à partir du 1er février 2011, date de son immatriculation au registre du commerce, soit après avoir été convoquée le 27 janvier 2011 à l'assemblée générale de la société du 15 février 2011 aux fins de délibérer sur le transfert du siège social de la société et sur sa révocation, que Mme X..., qui ne pouvait douter de l'issue du vote de ces résolutions dès lors que sa cogérante associée dispose de 90% des parts, a commencé à exercer une activité concurrente dans les lieux loués, ce dont il résulte que ce n'est pas cette activité concurrente qui a motivé le transfert par la société de son siège social, la Cour d'appel a statué par des motifs contradictoires en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.