Statuant sur les pourvois formés par :
- Le procureur général près la cour d'appel de Nancy, - M. Philippe X...,
contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 6 mai 2015, qui, pour atteintes sexuelles aggravées, a condamné le second, à six mois d'emprisonnement avec sursis, l'a dispensé de l'inscription de cette condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 juin 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Caron, conseiller rapporteur, MM. Castel, Raybaud, Moreau, Mme Drai, M. Stephan, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Béghin, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Bonnet ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller CARON, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour M. X..., pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 227-25, 227-26 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradictions de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'atteinte sexuelle sur un mineur de 15 ans par une personne ayant autorité sur la victime, l'a condamné à une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis, a constaté l'inscription de M. X... au FIJAIS et a prononcé sur les intérêts civils ;
" aux motifs que sur la culpabilité, Nina Y... a dénoncé une série de faits commis sur une certaine période de temps ; que compte tenu des dispositions légales relatives à la prescription applicables aux faits visés par la prévention, seuls les faits commis postérieurement au 26 août 2008 peuvent être examinés par la cour ; que Nina Y... expose que, postérieurement à cette date, M. X... s'est masturbé devant elle ; qu'elle explique qu'à plusieurs reprises et, notamment, le soir alors que la famille regardait la télévision, mais aussi dans la journée et à une fréquence presque quotidienne, M. X... " déboutonnait son caleçon,... sortait son pénis et il se masturbait ; puis se rendait au toilettes et puis il revenait et puis... " ; qu'elle précisait : " Une fois, enfin c'était, je sais pas comment dire, c'était limite ; il s'est dépêché d'aller aux toilettes " ; que M. X... a reconnu auprès de la mère de Nina Y... s'être " touché " devant la jeune fille, mais précise que ces gestes n'avaient aucune connotation sexuelle ; que cependant, il ressort des déclarations de celle-ci qu'elle a éprouvé devant ces actes un réel malaise ; que le psychologue ayant examiné Nina Y... relève une réelle cohérence du discours de celle-ci ainsi que la présence d'un syndrome post-traumatique compatible avec un vécu d'atteinte sexuelle ; que M. X... expose que les déclarations de Nina Y... seraient motivées par le désir de la jeune fille de le voir se séparer de sa mère et quitter le domicile familial ; que cependant, cet argument n'est corroboré par aucun élément du dossier, celui-ci révélant au contraire, jusqu'à l'époque des faits, une relation de bonne qualité entre la jeune fille et son beau-père ; qu'il ressort de ce qui précède que la prévention sera retenue à l'encontre de M. X... ; que s'agissant des caresses que M. X... aurait pratiquées sur Nina Y... dans la chambre de celle-ci, les faits tels qu'ils ressortent des déclarations de celle-ci auraient été commises entre le mois de février et le mois de juillet 2008, et sont donc prescrits ; que pour les autres faits, l'imprécision concernant l'époque à laquelle ils se sont produits ne permet pas de les retenir pour établir la prévention ; que, sur la peine, les faits reprochés à M. X... compte tenu de leur nature et du contexte dans lequel ils ont été commis, alors que celui-ci a tenté de façon permanente de les minimiser ; que compte tenu de ces éléments, les premiers juges ont fait une exacte appréciation de la loi pénale ; qu'il conviendra donc de confirmer la décision entreprise sur la peine ;
" 1°) alors qu'une atteinte sexuelle suppose un contact physique de nature sexuelle ; que la cour d'appel s'est bornée à relever que Nina Y... reprochait à M. X... de s'être « masturbé devant elle » et que M. X... avait reconnu devant la mère de la jeune fille « s'être ‘'touché''» devant Nina, qu'il résulte de ces énonciations qu'aucun contact physique de nature sexuelle n'est intervenu entre M. X... et Nina Y..., qu'en se fondant, néanmoins, sur ces éléments pour en déduire une atteinte sexuelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 2°) alors que l'atteinte sexuelle suppose un acte ayant une connotation sexuelle de la part du prévenu ; que la cour d'appel en énonçant que la jeune fille avait éprouvé un « réel malaise » devant les gestes de M. X... et que le psychologue avait relevé la « cohérence » du discours de la jeune fille et la présence d'un « syndrome post-traumatique compatible avec un vécu d'atteinte sexuelle » s'est bornée à relever que les gestes avaient une connotation sexuelle du point de vue de la jeune fille, sans caractériser l'infraction dans tous ses éléments constitutifs et en particulier que le comportement du prévenu avait, en lui-même, une connotation sexuelle ;
" 3°) alors que le délit d'atteinte sexuelle suppose l'intention délictueuse de l'auteur, c'est-à-dire la conscience d'accomplir un acte immoral ou obscène ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre de M. X... après s'être bornée à relever que la jeune fille avait éprouvé un malaise devant les gestes de M. X..., que le psychologue relevait la cohérence du discours de la jeune fille et sa compatibilité avec un vécu d'atteinte sexuelle et qu'il résultait du dossier que jusqu'à l'époque des faits il existait une relation de bonne qualité entre Nina et M. X... exclusive de toute manipulation, sans caractériser la conscience du prévenu de l'appréciation que la jeune fille pouvait avoir de ses actes ni l'élément moral de l'infraction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Vu les articles 227-25 et 227-26 du code pénal ;
Attendu qu'il se déduit du premier de ces textes que, pour être constitué, le délit d'atteinte sexuelle, même aggravé par l'une des circonstances énumérées au second, suppose l'existence d'un contact corporel entre l'auteur et la victime ;
Attendu qu'après avoir constaté la prescription de l'action publique concernant des faits d'attouchements reprochés à M. X..., l'arrêt attaqué le déclare coupable d'atteinte sexuelle sans violence, contrainte, menace ni surprise sur sa belle-fille, Nina Y..., mineure de quinze ans, par personne ayant autorité, en relevant que la victime a expliqué que, presque quotidiennement, son beau-père exhibait devant elle ses parties génitales et se masturbait ; que les juges ajoutent que le prévenu a reconnu auprès de la mère de la mineure ces agissements tout en leur déniant toute connotation sexuelle ;
Mais attendu qu'en statuant par des motifs qui n'établissent pas que le prévenu ait eu un contact corporel avec Nina Y..., seul de nature à caractériser une atteinte sexuelle, la cour d'appel, qui devait alors rechercher si les agissements qu'elle retenait étaient susceptibles d'une autre qualification pénale, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen proposé par le procureur général :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nancy, en date du 6 mai 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nancy et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept septembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.