LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° T 14-19.507 et V 14-19.509 à C 14-19.539 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société Alstom Power Boilers, devenue Alstom Power Systems, a exploité jusqu'en mars 2001 un établissement de fabrication de chaudières industrielles implanté à Lys-lez-Lannoy ; que le 13 mars 2001, le fonds de commerce a été cédé à la société SI énergie, emportant transfert de plein droit des contrats de travail ; que, par arrêté du 1er août 2001, l'établissement de Lys-lez-Lannoy a été classé dans la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ; que la société SI énergie ayant fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire par jugement du 15 avril 2003, des salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de la société Alstom Power Systems au paiement de diverses sommes au titre de leur préjudice d'anxiété et de bouleversement dans les conditions d'existence ;
Sur le premier moyen propre aux pourvois n° V 14-19.509 à C 14-19.539 :
Vu l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, ensemble l'article L. 4121-1 du code du travail ;
Attendu que le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante, est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par les salariés ; qu'il naît à la date à laquelle les salariés ont connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ;
Attendu que pour condamner la société Alstom Power Systems à payer aux salariés une somme en réparation de leur préjudice d'anxiété, les arrêts retiennent que l'établissement de Lys-lez-Lannoy a été classé par arrêté du 1er août 2001 dans la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, que la société Alstom Power Boilers a démontré une totale inaction face à la présence d'amiante en tous points dans l'entreprise, que des matériels et des produits amiantés ont été utilisés sans que ne soient prises des précautions particulières ni que soit organisée une surveillance médicale spécifique, malgré les interrogations soulevées par le médecin du travail, que les salariés qui ont été exposés aux risques d'inhalation de l'amiante durant plusieurs années subissent un préjudice d'anxiété permanent, alimenté tant par la gravité intrinsèque du mal que par les décès d'anciens collègues de travail à la suite d'un mésothéliome ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le transfert des contrats de travail à la société SI énergie était intervenu le 13 mars 2001, soit antérieurement à l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'ACAATA, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
Sur le deuxième moyen propre au pourvoi n° T 14-19.507 :
Vu l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, ensemble l'article L. 4121-1 du code du travail ;
Attendu que le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante, est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par les salariés ; qu'il naît à la date à laquelle les salariés ont connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ;
Attendu que pour condamner la société Alstom Power Systems à payer au salarié une somme en réparation de son préjudice d'anxiété, l'arrêt retient que l'intéressé a donné sa démission prenant effet le 31 décembre 1987, que l'établissement de Lys-lez-Lannoy a été classé par arrêté du 1er août 2001 dans la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, que la société Alstom Power Boilers a démontré une totale inaction face à la présence d'amiante en tous points dans l'entreprise, que des matériels et des produits amiantés ont été utilisés sans que ne soient prises des précautions particulières ni que soit organisée une surveillance médicale spécifique, malgré les interrogations soulevées par le médecin du travail, que le salarié qui a été exposé aux risques d'inhalation de l'amiante durant plusieurs années subit un préjudice d'anxiété permanent, alimenté tant par la gravité intrinsèque du mal que par les décès d'anciens collègues de travail à la suite d'un mésothéliome ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le transfert des contrats de travail à la société SI énergie était intervenu le 13 mars 2001, soit antérieurement à l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'ACAATA, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constations, a violé les textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen propre aux pourvois n° F 14-19.519, G 14-19.521, K 14-19.523, N 14-19.525, P 14-19.526, Q 14-19.527, S 14-19.529, T 14-19.530, U 14-19.531, V 14-19.532, A 14-19.537, B 14-19.538 :
Vu l'article 1134 du code civil et le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;
Attendu que pour condamner la société Alstom Power Boilers à payer aux salariés une somme en réparation de leur préjudice d'anxiété, les arrêts, après avoir visé le protocole transactionnel conclu le 19 septembre 2003, retiennent que si, dans le préambule dudit protocole, il était fait expressément état de la présence d'amiante dans les locaux de l'établissement de Lys-lez-Lannoy, une telle référence ne concernait que les conséquences d'une telle présence sur l'accord commercial conclu le 15 mars 2001 entre la société Alstom Power Boilers et la société SI énergie et conduisant au transfert des contrats de travail, que la transaction ne réglant que le différend qui s'y trouve compris et celui-ci étant circonscrit à la seule validité du transfert, celle-ci ne peut avoir autorité de la chose jugée à l'égard des demandes des salariés ayant pour objet la réparation du préjudice résultant de leur exposition à l'amiante ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le protocole d'accord du 19 septembre 2003 précise en son article 3.1 que l'indemnisation transactionnelle versée aux salariés est destinée à compenser tous préjudices directs ou indirects, de quelque nature qu'ils soient, en rapport avec les faits, actes et événements décrits au préambule, lequel mentionne expressément la présence d'amiante dans les locaux, l'inscription de l'établissement sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, des travaux liés à cette présence d'amiante à effectuer par le repreneur de l'établissement et des instances judiciaires en cours, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le texte et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 18 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne les salariés ou leurs ayants droit aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société Alstom power systems, demanderesse aux pourvois
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
COMMUN A TOUS LES POURVOIS A L'EXCEPTION DU POURVOI n° T 14-19507Il est fait grief aux arrêts attaqués d'avoir infirmé les jugements déférés en ce qu'ils avaient déclaré irrecevables les demandes formées par les salariés contre la SA Alstom Power Systems par suite du transfert de leur contrat de travail en application de l'article L. 122-12 ancien du Code du travail (L. 1224-1 et L. 1224-2 nouveaux du Code du travail) et mis en conséquence la SA Alstom Power Systems hors de cause, et, statuant à nouveau, d'avoir condamné la SA Alstom Power Systems à verser aux salariés 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'anxiété ;
AUX ENONCIATIONS QUE « par acte en date du 13 mars 2001 la société APB (Alstom Power Boilers) a cédé au Groupe CISN-Société Industrielle Energie (SI Energie) le fonds de commerce composé de neuf unités de fabrication de parties sous pression et l'activité d'essais métallurgiques du laboratoire, exploité à l'établissement de Lys-Lez-Lannoy, avec transfert des contrats de travail ;
Que le 19 mars 2001 le transfert a été effectif ; que chaque salarié a en outre perçu à cette occasion 18.293,88 € lors de l'entrée en jouissance du fonds de commerce et 1.524,29 € à la fin de la fabrication de l'affaire Tamuin2 ;
Que par arrêté en date du 1er août 2001 l'établissement de Lys-lez-Lannoy a été classé dans la liste des établissements ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante et des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante, susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité, pour la période de 1956 à 1997 étendue à 2001 par arrêté du 7 avril 2006 » ;
ET AUX MOTIFS QUE « conformément à l'article L. 122-12 devenu L. 1224-1 du Code du travail le contrat de travail du salarié a fait l'objet d'un transfert de la société Alstom Power Boilers à la société SI Energie à compter du 19 mars 2001 ; que toutefois l'application des dispositions légales précitées ne le privait pas du droit d'agir directement contre son ancien employeur pour obtenir l'indemnisation du préjudice résultant du fait de ce dernier et subi antérieurement au transfert ; que le préjudice allégué est bien imputable à la société intimée substituée dans les droits de la société Alstom Power Boilers et est né antérieurement au transfert du contrat de travail ;
(...)
Que les différentes pièces dont la communication est sollicitée par la société ne sont pas de nature à avoir une incidence sur l'évaluation du préjudice allégué ; qu'en effet il résulte des documents versés aux débats par [le salarié] qu'il a été employé au sein de l'établissement de Lys-lez-Lannoy et que par ailleurs il n'est pas contesté qu'il n'est pas atteint jusqu'à présent d'une maladie professionnelle ; qu'il apparaît toutefois qu'il a bien été exposé aux risques d'inhalation de l'amiante durant plus de (...) ; que s'il n'a pas développé de maladie professionnelle, une telle exposition constitue bien un facteur d'anxiété permanent, alimenté tant par la gravité intrinsèque du mal que par les décès d'anciens collègues de travail à la suite d'un mésothéliome, dont le directeur de l'établissement, et par le nombre de salariés atteints d'une maladie professionnelle liée à l'amiante qui, selon les services de l'inspection du travail, s'élevait déjà en 2000 à 40 % des retraités ; que s'étant trouvé par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, [le salarié] a bien subi un préjudice dont la réparation doit être évaluée à la somme de 8.000 € » ;
ALORS QUE le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante, est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par les salariés ; que le préjudice d'anxiété ne peut naître qu'à la date à laquelle chaque salarié a eu connaissance de ce risque et ne peut en conséquence pas naître avant la date à laquelle ce salarié a eu connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de son lieu d'activité sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation d'activité anticipée des travailleurs de l'amiante (ACAATA) ; que si le transfert intervenu de plein droit du contrat de travail à un nouvel employeur ne prive pas le salarié du droit d'agir contre son ancien employeur, c'est à la condition que sa demande concerne une créance née antérieurement au transfert du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que « le[s] contrat[s] de travail d[es] salarié[s] [ont] fait l'objet d'un transfert de la société Alstom Power Boilers à la société SI Energie à compter du 19 mars 2001 », et que « par arrêté en date du 1er août 2001, l'établissement de Lys-lez-Lannoy a été classé dans la liste des établissements (...) susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité » ; qu'il en résultait que le préjudice d'anxiété des salariés n'avait pu naître en l'espèce avant le 1er août 2001, soit postérieurement au transfert de leurs contrats de travail à la société SI Energie, de sorte qu'ils ne pouvaient diriger leurs demandes à cet égard contre leur ancien employeur ; que pour conclure le contraire, la Cour d'appel a retenu que le préjudice d'anxiété des salariés « est né antérieurement au transfert d[es] contrat[s] de travail » ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1147 du Code civil, ensemble les articles L. 1224-1 et L. 1224-2 du Code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
PROPRE AU POURVOI n° T 14-19507.Il est fait grief à l'arrêt attaqué (RG 12/00928) d'avoir condamné la SA Alstom Power Systems à verser à Monsieur Alain X... 8.000 € en réparation du préjudice d'anxiété ;
AUX ENONCIATIONS QUE « Monsieur Alain X... a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 13 août 1963 en qualité d'agent des achats par la société Stein Industries, filiale de la société Alstom Atlantique ; qu'il exerçait ses fonctions sur le site de Lys-lez-Lannoy, établissement spécialisé dans la fabrication d'éléments de chaudières, de centrales énergétiques, d'échangeurs nucléaires et de parties sous pression ; que ce site a été ensuite exploité à partir de 1981 par la société Alstom Power Boilers (APB) qui a elle-même été absorbée, à compter du 31 mars 2009, par la société Alstom Power Systems ;
Que par courrier en date du 30 octobre 1987, Monsieur Alain X... a porté à la connaissance de la société Stein Industries qu'il entendait donner sa démission prenant effet à compter du 31 décembre 1987 ;
Que par acte en date du 13 mars 2001 la société APB (Alstom Power Boilers) a cédé au Groupe CISN-Société Industrielle Energie (SI Energie) le fonds de commerce composé de neuf unités de fabrication de parties sous pression et l'activité d'essais métallurgiques du laboratoire, exploité à l'établissement de Lys-Lez-Lannoy, avec transfert des contrats de travail ;
Que par arrêté en date du 1er août 2001 l'établissement de Lys-lez-Lannoy a été classé dans la liste des établissements ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante et des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante, susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité, pour la période de 1956 à 1997 étendue à 2001 par arrêté du 7 avril 2006 » ;
ET AUX MOTIFS QUE « (...) les différentes pièces dont la communication est sollicitée par la société ne sont pas de nature à avoir une incidence sur l'évaluation des préjudices allégués ; qu'en effet il résulte des documents versés aux débats par l'intimé qu'il a été employé au sein de l'établissement de Lys-lez-Lannoy et que par ailleurs il n'est pas contesté qu'il n'est pas atteint jusqu'à présent d'une maladie professionnelle ; qu'il apparaît toutefois qu'il a bien été exposé aux risques d'inhalation de l'amiante durant plus de vingt-quatre ans ; que s'il n'a pas développé de maladie professionnelle, une telle exposition constitue bien un facteur d'anxiété permanent, alimenté tant par la gravité intrinsèque du mal que par les décès d'anciens collègues de travail à la suite d'un mésothéliome, dont le directeur de l'établissement, et par le nombre de salariés atteints d'une maladie professionnelle liée à l'amiante qui, selon les services de l'inspection du travail, s'élevait déjà en 2000 à 40 % des retraités ; que s'étant trouvé par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, l'intimé a bien subi un préjudice dont la réparation doit être évaluée à la somme de 8.000 € » ;
ALORS QUE le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante, est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par les salariés ; que le préjudice d'anxiété ne peut naître qu'à la date à laquelle chaque salarié a eu connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de son lieu d'activité sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation d'activité anticipée des travailleurs de l'amiante (ACAATA) ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que la démission du salarié avait pris effet « le 31 décembre 1987 », et que « par arrêté en date du 1er août 2001 l'établissement de Lys-lez-Lannoy a été classé dans la liste des établissements (...) susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité » ; qu'il en résultait que le préjudice d'anxiété allégué par le salarié n'avait pu naître au plus tôt que treize ans après la rupture de son contrat de travail, de sorte qu'aucune demande ne pouvait être dirigée à ce titre à l'encontre de son ancien employeur ; qu'en condamnant pourtant la société Alstom Power Systems à verser à Monsieur X... la somme de 8.000 euros en réparation du préjudice d'anxiété, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1147 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE) PROPRE AUX POURVOIS n° F 14-19519 ; G 14-19521; K 14-19523 ; N 14-19525 ; P 14-19526 ; Q 14-19527 ; S 14-19529 ; T 14-19530 ; U 14-19531 ; V 14-19532 ; A 14-19537 ; B 14-19538.Il est fait grief aux arrêts attaqués d'avoir infirmé les jugements déférés en ce qu'ils avaient déclaré irrecevables les demandes formées par les salariés contre la SA Alstom Power Systems en ce qu'elles se heurtent à l'autorité de la chose jugée et mis en conséquence la SA Alstom Power Systems hors de cause, et, statuant à nouveau, d'avoir condamné la SA Alstom Power Systems à verser aux salariés 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'anxiété ;
AUX MOTIFS QU' « en application des articles 2044, 2049 et 2052 du Code civil il résulte de l'article 1 du protocole transactionnel conclu le 19 septembre 2003 auquel [le salarié] était partie que cette transaction était destinée à mettre fin aux différends nés à l'occasion ou à la suite du transfert de l'établissement de Lys-lez-Lannoy à la société SI Energie, ainsi que ceux nés de la passation et de l'exécution des accords pris pour ce faire ou encore de ceux nés du transfert volontaire ou non des contrats de travail attachés à l'activité cédée et d'une manière générale à tous différends en rapport avec ces transferts et leurs conséquences, y inclus la perte de l'emploi au sein de SI Energie ; que cet article était complété par l'article 3 aux termes duquel l'indemnisation globale, forfaitaire et définitive d'un montant brut de 900.000 euros était destinée à compenser tous les préjudices directs ou indirects de quelque nature qu'ils soient en rapport avec les faits, actes et événements décrits au préambule de l'accord ; que si dans ce préambule il était fait directement et expressément état de la présence d'amiante dans les locaux de l'établissement de Lys-lez-Lannoy, une telle référence ne concernait que les conséquences d'une telle présence sur l'accord commercial conclu le 15 mars 2001 entre la société Alstom Power Boilers et la société SI Energie créée à cet effet par le groupe CISN et conduisant au transfert des contrats de travail au sein de cette dernière société ; que la transaction ne réglant que le différend qui s'y trouvait compris et celui-ci étant circonscrit à la seule validité du transfert, celle-ci ne peut avoir autorité de la chose jugée à l'égard de la demande [du salarié] ayant pour objet la réparation du préjudice résultant de son exposition à l'amiante » ;
ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, aux termes du protocole transactionnel conclu le 19 septembre 2003, les salariés avaient irrévocablement renoncé à toute demande et/ou action judiciaire à l'encontre de leur ancien employeur ; que cette renonciation incluait les demandes liées à l'exposition aux poussières d'amiante dès lors qu'aux termes de l'article 3.1 du protocole, l'indemnisation transactionnelle versée aux salariés était destinée à « compenser tous préjudices directs ou indirects, de quelque nature qu'ils soient (...) en rapport avec les faits, actes et événements décrits au préambule », lequel faisait expressément référence à « la présence localisée d'amiante dans les locaux » (préambule, point 4) ; que pour conclure pourtant que le protocole transactionnel « ne peut avoir autorité de la chose jugée à l'égard de la demande [des salariés] ayant pour objet la réparation du préjudice résultant de [leur] exposition à l'amiante », la Cour d'appel a retenu qu' « une telle référence ne concernait que les conséquences d'une telle présence sur l'accord commercial conclu le 15 mars 2001 entre la société Alstom Power Boilers et la société SI Energie » ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du préambule du protocole transactionnel du 19 septembre 2003, et violé l'article 1134 du Code civil.