LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique ci-après annexé :
Attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de défaut de base légale et de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par la cour d'appel, qui a constaté qu'étaient fixées des limites à la liberté de Mme X..., caractérisées par la fourniture de certains équipements, la fixation des conditions d'utilisation des matériels détenus à titre privé, un volume horaire d'activité prédéterminé avec une sanction possible en cas de non-respect, ainsi que par des directives concernant l'exercice de son art, l'intégration à un service organisé de son activité exercée dans le cadre d'instructions, de directives et de contrôles ; qu'elle a pu déduire de ses constatations l'existence, entre les parties, d'un lien de subordination caractérisant un contrat de travail ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Pros-Consulte aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour la société Pros-Consulte.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la société Pros-Consulte et Mme Brigitte X... étaient liés par un contrat de travail et, en conséquence, déclaré la juridiction prud'homale compétente et condamné la société Pros-Consulte à payer à Mme Brigitte X... une indemnité compensatrice de préavis et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QU'en vertu de l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes est compétent pour connaître des différends qui s'élèvent à l'occasion de tout contrat de travail. Le contrat de travail est la convention par laquelle une personne physique s'engage, moyennant une rémunération, à mettre son activité à la disposition d'une autre personne, physique ou morale, sous la subordination de laquelle elle se place, qui a le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements. L'existence d'une relation de travail ne dépend donc ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité. En l'absence de l'existence d'un contrat de travail écrit, il incombe à celui qui se prévaut de l'existence du contrat de travail d'en rapporter la preuve. En l'espèce, les parties ont conclu le 9 janvier 2012 une convention intitulée « contrat de collaboration » qui prévoit notamment que Mme X... certifie être en règle avec les inscriptions professionnelles et les cotisations y attenant, telle que l'URSSAF, stipulation en vertu de laquelle la société, arguant également de l'inscription de Mme X... au répertoire Siren au titre de son activité principale exercée (APE – 8690F – activités de santé humaine non classées ailleurs), invoque l'article L. 8221-6 du code du travail qui dispose que sont présumés ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à l'immatriculation ou inscription les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales. Mais, ainsi que le soutient Mme X..., il s'agit d'une présomption simple qui peut être renversée par la preuve de l'existence d'un lien de subordination. Le contrat liant les parties stipule notamment que : « Pros-Consulte s'engage à mettre à la disposition du Psychologue l'outil informatique de plate-forme nommé « je consulte un psy. com » et « pros-consulte. com » en lui donnant les codes d'accès nécessaires à son utilisation en tant que psychologue consultant. Le Psychologue s'engage à disposer d'un ordinateur connecté à une ligne ADSL en état de marche. Le Psychologue s'engage à posséder une ligne fixe. Il est donc possible d'exercer cette activité de n'importe quel lieu. Il est impossible d'utiliser les téléphones portables, la qualité ne permettant pas, selon nos services informatiques, de garantir la qualité requise aux entretiens téléphoniques. Aucune activité n'est possible à partir d'une ligne mobile, quel que soit l'opérateur. Il est d'autre part fortement conseillé d'acquérir un poste téléphonique avec ampli et casque à fil, pour le confort du psychologue et des appelants ». Ainsi, une partie du matériel était fournie par la société (l'outil informatique), et, si le reste du matériel nécessaire à l'exercice de l'activité devait être possédé par Mme X..., et donc être sa propriété, elle n'avait cependant pas le choix du matériel à utiliser, puisqu'il lui était imposé de disposer d'un ordinateur connecté à une ligne ADSL et de posséder une ligne fixe, mais encore, et surtout, il lui était interdit d'utiliser certains modes de communication, tels que les téléphones portables. S'il est compréhensible que pour l'exercice de l'activité concernée, il était impossible, ou en tout cas préférable, de ne pas utiliser de téléphone portable, il n'en reste pas moins qu'il s'agissait d'une limite aux conditions d'exercice de l'activité, qui ne pouvait donc pas se faire librement, et était donc soumise à des contraintes imposées, indice de l'existence d'un lien de subordination. Le contrat stipule encore que « le psychologue s'engage à allouer au minimum 8 heures de présence connectée sur la plate-forme « Pros-Consulte » par semaine ». La société fait valoir qu'il n'était pas pour autant demandé d'assurer 8 heures d'entretiens téléphoniques par semaine avec des patients et lorsque Mme X... était connectée à son cabinet elle profitait de plages horaires libres pendant ses horaires de travail pour répondre aux appels reçus par l'intermédiaire de la plate-forme. Il s'agissait cependant d'un volume horaire imposé au point qu'en cas de non-respect de ce volume la société se réservait le droit de résilier de plein droit le contrat ainsi qu'il est stipulé dans le dernier alinéa de celui-ci (« faute de connexion du maximum [lire : minimum] convenu de 8 heures par semaine, ou d'absence totale de connexion pendant 3 mois, le présent contrat sera résilié de plein droit, sans préavis ni indemnités »), ce qui caractérise, outre un volume horaire imposé, l'exercice d'un pouvoir de sanction, indice de l'existence d'un lien de subordination. Pour contester l'existence d'une relation salariale, la société fait notamment valoir qu'elle n'exerce pas l'activité de psychologue, mais qu'elle est une entreprise commerciale qui ne fait que proposer un service, en l'espèce, une plate-forme Internet, aux professionnels concernés, à savoir des psychologues, comme moyen moderne d'exercice de leur profession indépendante (conclusions écrites page 4). Mais l'activité de psychologue de Mme X... n'était cependant pas exercée de manière libre et indépendante, puisqu'elle ne pouvait pas être appelée plus de 3 fois sur une durée de 30 jours par le même salarié. En effet, l'avenant au contrat stipule : « Dans le cas où un salarié appelle le Psychologue plus de 3 fois sur une durée de 30 jours, le Psychologue doit en informer immédiatement le psychologue référent correspondant. L'échange avec le psychologue référent permettra de prendre ensemble la décision de continuer les appels, sous la responsabilité du psychologue référent, ou d'interrompre ceux-ci, auquel cas, le psychologue référent pourra le notifier dans son rapport mensuel ». Ainsi, Mme X... ne pouvait pas librement décider de poursuivre, ou non, avec le même salarié les échanges entrepris, et s'il était décidé qu'elle pouvait poursuivre les appels cela ne pouvait se faire que sous la responsabilité d'un autre professionnel, dans des conditions fixées par la société qui, par ailleurs, était tenue informée de certaines situations telles que le risque de passage à l'acte, l'avenant prévoyant qu'une telle information était donnée au psychologue référent « et au responsable de Pros-Consulte le jour même ». En outre, les psychologues référents devaient être tenus informés par Mme X... de ses rapports mensuels d'activité, et lorsque cela n'était pas fait, le président de la société le lui rappelait comme ce fut le cas par son courriel du 8 mai 2012. Si les rapports mensuels ne faisaient pas état du contenu des séances, mais seulement du nom du salarié et du nombre de séances mensuelles, ainsi que cela est mentionné dans l'avenant au contrat, il s'agissait malgré tout d'une modalité de contrôle de l'activité de Mme X..., comme cela lui a également été rappelé par un courriel de la directrice générale qui lui demandait de noter les appels provenant des entreprises avec la date du jour de l'appel. Ainsi, la mise à disposition d'une partie du matériel nécessaire à l'exercice de l'activité, les conditions d'exercice du matériel détenu par Mme X... pendant un volume horaire fixé et l'obligation de référer à un autre professionnel dans des conditions fixées par la société caractérisent l'intégration de l'activité à un service organisé qui constitue un autre indice de l'existence d'un lien de subordination. De plus, Mme X... n'avait pas le choix des personnes avec lesquelles elle pouvait être en relation professionnelle, non seulement en ce qu'elle ne pouvait pas choisir les personnes qui solliciteraient son écoute et son aide, ce qui n'est pas en soi et à lui seul un élément suffisant pour caractériser une relation salariale, mais surtout en ce qu'elle ne pouvait pas choisir de garder, ou de ne pas garder, telle personne avec laquelle elle allait être en relation par le biais de la plate-forme Internet en fonction de la problématique rencontrée, puisque, par exemple, l'avenant au contrat de collaboration stipule, à la rubrique cadre, que « le psychologue prendra en charge les appels des salariés, que ces appels soient liés à son activité professionnelle ou à des problématiques personnelles », ou encore lui interdit d'assurer des entretiens lors d'appels de salariés dans un état alcoolisé ou sous l'emprise de médicaments, de même qu'elle ne pouvait pas décider du nombre d'entretiens puisque ledit avenant limite le nombre des appels à 3, ou encore elle ne pouvait pas décider de la nature des informations échangées avec son interlocuteur puisque par le contrat il lui était fait obligation « de ne pas indiquer aux utilisateurs des informations la concernant et leur permettant de la contacter en direct au téléphone ». De même, elle n'avait pas dans son activité la liberté de déterminer l'orientation à donner à la personne avec laquelle elle serait en relation et en fonction de la problématique rencontrée, puisque l'avenant au contrat prévoit que « dans le cas où un salarié appelle le psychologue plus de 3 fois sur une durée de 30 jours, le psychologue doit en informer immédiatement le psychologue référent correspondant », ce qui caractérise, outre l'existence d'une activité intégrée à un service organisé ainsi qu'il a été dit précédemment, le fait que son activité était exercée selon les directives qui lui étaient données et dans des limites qui lui étaient fixées. La limitation de sa liberté dans l'exercice de son activité ressort également de ce qu'elle ne maîtrisait pas les orientation qu'elle pouvait donner à son interlocuteur en fonction de la problématique rencontrée puisque par courriel la directrice générale, Mme France Y..., a notamment rappelé que lorsque la prise en charge dépasse 3 appels l'appelant doit être envoyé à la médecine du travail. Les instructions données à Mme X... pour l'exercice de son art vont même au-delà de consignes générales puisque dans un courriel la directrice générale écrit notamment, dans un chapitre intitulé « prise en charge de Ruty de la CPM 93 » : « j'ai demandé à Birgitte (0061) avec qui elle a un bon contact de la cadrer à une séance de travail par semaine », dont il n'est pas contesté qu'il s'agit de Mme X... sous le nom de « Brigitte » à qui il est ainsi fixé le nombre de séances par semaine à consacrer à cette personne, ce qui relèverait pourtant manifestement de l'appréciation du professionnel qu'est le psychologue dans le cadre d'un exercice libéral, et constitue donc par cette limitation à la liberté d'exercice de son activité une instruction, une directive et donc un indice de l'existence d'un lien de subordination. Dans un autre courriel du 23 mars 2012 la directrice générale réitère ses instructions à Mme X... au sujet de la même personne, Ruty, en écrivant notamment : « le but du jeu est déjà de la cadrer en lui disant que vous êtes sa psy sur la plate-forme, ensuite de faire en sorte qu'il y ait un travail suivi. Il ne peut pas y avoir d'avancée si la personne change de psy chaque jour », ce qui là encore constitue une directive dans l'exercice de l'activité en ce qu'il est indiqué ce qui devra être fait, et donc caractérise une consigne touchant au contenu même de l'activité et un contrôle effectif du travail qui ne peut dès lors être considéré comme étant libre et indépendant, soit un autre indice de l'existence d'un lien de subordination. La société ne se bornait pas à donner des instructions ou des directives à Mme X..., mais avait mis en place un système de contrôle effectif de son activité par le biais d'une « grille de compte rendu d'appel », selon les termes mêmes de la directive générale dans un de ses courriels. Par conséquent, il résulte de tous ces éléments qu'il était fixé des limites à la liberté de Mme X... dans l'exercice de sa profession caractérisées par la fourniture de certains matériels, la fixation des conditions d'utilisation des matériels détenus à titre privé, le volume horaire de l'activité avec une sanction possible en cas de non respect, l'intégration à un service organisé de l'activité exercée dans le cadre d'instructions, de directives et contrôlée, soit autant d'indices qui, ensemble, démontrent l'existence d'un lien de subordination. Il y a donc lieu de dire que les parties étaient liées par un contrat de travail, d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il s'est déclaré incompétent, d'évoquer l'affaire conformément aux dispositions de l'article 89 du code de procédure civile, et dire que la rupture du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
1) ALORS QUE le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; qu'en l'espèce, il résulte du contrat liant les parties que Mme Brigitte X... disposait d'une réelle indépendance dans l'exercice de son activité, puisqu'elle n'avait aucun horaire imposé, qu'elle ne travaillait pas dans les locaux de la société Pros-Consulte et que le choix de son lieu de travail lui revenait, les seules contraintes imposées étant de disposer d'un ordinateur connecté à une ligne ADSL et de posséder une ligne fixe, de ne pas utiliser un téléphone portable afin de garantir la qualité requise aux entretiens téléphoniques, ainsi qu'un temps de présence de 8 heures minimum par semaine sur la plate-forme d'appel ; que la cour d'appel a pourtant retenu que ces contraintes constituaient des indices de l'existence d'un lien de subordination pour en déduire que la mise à disposition d'une partie du matériel nécessaire à l'exercice de l'activité et les conditions d'utilisation du matériel détenu par Mme X..., pendant un volume horaire fixé caractérisaient l'intégration de l'activité à un service organisé qui constituait un autre indice de l'existence d'un lien de subordination ; qu'en se fondant sur des contraintes minimes et inhérentes à l'exercice de l'activité de psychologue sur une plate forme d'appel, sans tenir compte de la liberté dont disposait Mme Brigitte X... dans l'organisation de son activité, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2) ALORS QUE la présomption de non salariat prévue par l'article L. 8221-6 du code du travail s'appliquant à Mme Brigitte X..., il incombait à cette dernière, qui revendiquait l'existence d'un contrat de travail, de détruire cette présomption, en rapportant la preuve que la société Pros-Consulte exerçait dans les faits un pouvoir de contrôle, de direction et de sanction ; que pour retenir que l'activité de Mme Brigitte X... était « exercée dans le cadre d'instructions, de directives et contrôlée », la cour d'appel s'est fondée sur l'avenant au contrat disposant que « dans le cas où un salarié appelle le Psychologue plus de 3 fois sur une durée de 30 jours, le Psychologue doit en informer immédiatement le psychologue référent correspondant. L'échange avec le psychologue référent permettra de prendre ensemble la décision de continuer les appels, sous la responsabilité du psychologue référent, ou d'interrompre ceux-ci, auquel cas, le psychologue référent pourra le notifier dans son rapport mensuel », dont elle a déduit que Mme Brigitte X... ne pouvait pas librement décider de poursuivre ou non avec le même salarié les échanges entrepris, ni de l'orientation à donner à la personne avec laquelle elle serait en relation ; qu'en se déterminant ainsi par des motifs reposant sur les stipulations de l'avenant au contrat en ne se référant également qu'à deux courriels de la directrice générale relatifs à la prise en charge par Mme X... d'une personne dénommée Ruty qui ne lui a pas été imposée mais a été soumise à son accord préalable, pour retenir l'existence de directives, et à un autre courriel de la directrice générale, pourtant antérieur à la conclusion du contrat de collaboration, pour affirmer que la société Pros-Consulte avait mis en place un système de contrôle effectif de son activité par le biais d'une « grille de compte rendu d'appel », la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'un pouvoir de contrôle, de direction et de sanction exercé dans les faits par cette société, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
3) ALORS QU'en considérant que caractérisait « l'exercice d'un pouvoir de sanction, indice de l'existence d'un lien de subordination » la faculté de résiliation du contrat de collaboration en cas de connexion inférieure à un minimum hebdomadaire ou d'absence totale de connexion, alors que la connexion du professionnel sur la plate-forme consistait l'objet même du contrat conclu, la cour a méconnu la portée de ce contrat et a encore statué par un motif inopérant tiré des stipulations contractuelles et non des conditions de fait dans lesquelles l'activité est exercée, violant ainsi les articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail.