Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Christian X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 9 janvier 2015, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 10 décembre 2013, n° 13-80. 428), dans la procédure suivie contre M. Bernard Y... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 juin 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Fossier, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller FOSSIER, les observations de la société civile professionnelle POTIER DE LA VARDE et BUK-LAMENT, de la société civile professionnelle ODENT et POULET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 427, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté M. X... de sa demande formée au titre des préjudices patrimoniaux permanents ;
" aux motifs qu'il importe de rappeler que le tribunal de police de Mulhouse, dans son jugement du 15 septembre 2009, a précisé qu'il convenait d'écarter des débats l'expertise réalisée par M. Z..., docteur, expertise amiable et non contradictoire, et de ne retenir que les conclusions du rapport d'expertise judiciaire confiée à M. A..., docteur ;
" alors que le juge répressif ne peut écarter une expertise produite au débat par une partie au seul motif qu'elle n'aurait pas été effectuée contradictoirement ; que, dès lors, en approuvant les premiers juges d'avoir écarté des débats le rapport d'expertise dressé par M. Z..., que M. X... avait produit devant elle, prétexte pris de ce que l'expertise amiable réalisée par ce médecin n'était pas contradictoire, la cour d'appel, qui a ainsi refusé d'apprécier la valeur probante de ce rapport soumis au débat contradictoire, a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés " ;
Attendu que, victime d'un accident de la circulation, M. X... a poursuivi l'indemnisation de son préjudice en invoquant une expertise médicale qu'il avait fait diligenter lui-même ;
Attendu que, pour débouter partiellement la victime de sa demande, et dire notamment que la perte de son emploi ne résultait pas de l'accident, la cour d'appel prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir accueilli les pièces médicales produites par M. X... et analysé les arguments qu'il en tirait, notamment, l'existence d'un lien de causalité entre ses absences au travail et les conséquences dommageables de l'accident, la cour d'appel, qui a ainsi permis aux parties de débattre contradictoirement devant elle, n'a pas méconnu le texte visé au moyen, lequel sera écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté M. X... de sa demande formée au titre des préjudices patrimoniaux permanents ;
" aux motifs qu'il n'est pas contesté que M. X... exerçait l'activité de mécanicien auto pour le compte de la société Mauffrey lorsqu'il a été victime de l'accident de la circulation dont M. Y... a été déclaré entièrement responsable et qu'il a été licencié le 21 juin 2003 ; que la lettre de licenciement produite par M. X... est rédigée comme suit : « Nous faisons suite à notre entretien du 16 mai 2003 au cours duquel nous vous avons exposé la raison pour laquelle nous envisagions la rupture de votre contrat de travail. Nous sommes malheureusement amenés à constater une absence continue de votre poste de travail depuis plus de onze mois maintenant, absence détaillée de la façon suivante :- arrêt initial du 01 mai 2002 au 01 juin 2002,- prolongation du 31 mai 2002 au 16 juin 2002,- prolongation du 14 juin 2002 au 30 juin 2002,- prolongation du 27 juin 2002 au 20 juillet 2002,- prolongation du 22 juillet 2002 au 4 août 2002,- prolongation du 2 août 2002 au 25 août 2002,- vous avez retravaillé 7 heures le 26 août 2002,- prolongation du 27 août 2002 au 29 septembre 2002,- prolongation du 30 septembre 2002 au 31 octobre 2002,- prolongation du 29 octobre 2002 au 20 novembre 2002,- prolongation du 29 novembre 2002 au 5 janvier 2003,- prolongation du 4 janvier 2003 au 8 février 2003,- prolongation du 5 février 2003 au 16 mars 2003,- prolongation du 7 mars 2003 au 30 avril 2003,- prolongation du 28 avril 2003 au 27 mai 2003, de plus, vous nous avez fait savoir que votre état de santé ne nous permet pas d'envisager la reprise de votre activité dans un avenir proche ou en tout cas que votre reprise potentielle était incertaine (…). La prolongation de votre absence entraîne en effet des conséquences préjudiciables à l'organisation du travail au sein de la société (effectif réduit et délais rapides d'exécution des travaux), ne sachant jamais à l'avance si nous pouvons compter sur vous ou si nous devons nous attendre à recevoir par courrier, le jour de votre reprise présumée ou les jours suivants, une nouvelle prolongation. Ces conséquences nous mettent dans l'obligation absolue de procéder définitivement à votre remplacement » ; que la cause du licenciement de M. X... réside donc dans ses absences prolongées ; qu'il ressort des pièces fournies et notamment d'un certificat médical rédigé, en date du 21 août 2002, par le médecin traitant de M. X... que celui-ci pouvait reprendre ses activité professionnelles dès le 26 août 2012 ; que c'est à l'occasion d'une nouvelle arthroscopie réalisée le 14 février 2003 qu'a été mise en évidence une lésion du ligament gléno-huméral antérieur et du bourrelet glénoïdien ; que M. X... a bénéficié de séances de kinésithérapie puis a été hospitalisé au service d'orthopédie et de traumatologie du centre hospitalier de Colmar du 22 septembre 2003 au 25 septembre 2003 ; que M. X... a produit des arrêts de travail s'échelonnant du 30 juillet 2003 au 16 juin 2004 ; qu'il n'est cependant nullement établi que ces arrêts de travail soient liés aux conséquences dommageables de l'accident survenu le 1er mai 2002, dès lors que l'expert désigné judiciairement a, dans son rapport, en date du 28 décembre 2004, estimé, après avoir pris connaissance de l'ensemble des certificats médicaux, des rapports des arthroscanners, des radiographies pratiquées, des comptes rendus opératoires et des correspondances des praticiens que les lésions du bourrelet glénoïdien évoluaient pour leur propre compte et ne pouvaient être rattachées à l'accident du 1er mai 2002 ; que les fiches médicales d'aptitude produites par M. X... aux débats et établies par le médecin du travail font état d'une aptitude à un poste de chauffeur VL à mi-temps thérapeutique pour des déplacements en véhicule ne dépassant pas une durée de 2 heures en continu ; qu'elles ne retiennent pas une inaptitude totale et ne précise pas si cette aptitude partielle au poste de chauffeur VL découle des lésions initialement relevées lors de la survenance de l'accident litigieux ou de la lésion du bourrelet glénoïdien découvert lors de l'arthroscopie du 14 février 2003, soit plus de 8 mois après cet accident ; qu'il ne peut donc être valablement soutenu par M. X... que ses absences successives à son poste de travail depuis plus de onze mois à compter du 1er mai 2002, absences qui motivent son licenciement, résultent uniquement des conséquences dommageables de l'accident ; qu'il apparaît donc que, faute, pour M. X..., de démontrer que la perte de son emploi est la conséquence du déficit fonctionnel permanent consécutif aux faits dommageables, ses demandes formées au titre des préjudices patrimoniaux permanents ne peuvent être accueillies ;
" alors que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'en retenant, pour débouter purement et simplement M. X... de sa demande formée au titre de la perte de gains professionnels futurs résultant de son licenciement, sur la circonstance qu'il ne démontrait pas que la perte de son emploi était la conséquence du déficit fonctionnel permanent consécutif aux faits dommageables, après avoir pourtant constaté que les absences qui avaient motivé son licenciement résultaient, pour partie, des conséquences dommageables de l'accident, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés " ;
Attendu que le moyen, qui, sous couvert d'une contradiction et de la violation de l'article 1382 du code civil, se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par le juge du fond, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait donc être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 1 500 euros la somme que M. X... devra payer à la société AXA France IARD au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-sept septembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.