LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon le jugement attaqué, que, suivant devis accepté le 23 août 2013, Mme X... a confié le déménagement de ses meubles à la société Marathon déménagement (la société) ; qu'elle a, le 7 octobre suivant, signé une « déclaration de fin de travaux » assortie de réserves, avant d'agir, le 9 octobre 2014, en paiement de dommages-intérêts à l'encontre de la société ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 133-6 et L. 133-9 du code de commerce ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que les actions auxquelles peut donner lieu le contrat de déménagement sont prescrites dans le délai d'un an, dès lors que ce contrat comprend pour partie une prestation de transport, et qu'un tel délai court à compter de la remise de la marchandise au destinataire, peu important que celui-ci soit un consommateur ;
Attendu que, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, le jugement retient que celle-ci échappe à la courte prescription qui ne vise pas le consommateur ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la prestation objet du contrat de déménagement comprenait pour partie une prestation de transport, ce dont il se déduisait que l'action en réparation de Mme X... se prescrivait dans le délai d'un an, la juridiction de proximité a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 122-8 du code de la consommation, devenu L. 121-8, L. 132-13, L. 132-14 et L. 132-15 du même code en vertu de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;
Attendu que, pour statuer comme il a été dit, le jugement retient encore qu'il résulte des circonstances ayant précédé la signature de la lettre de voiture que Mme X... a été victime d'un abus de faiblesse, lequel n'est pas soumis à la courte prescription de l'article L. 133-9 du code de commerce ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la signature d'une lettre de voiture ne constitue pas un engagement au comptant ou à crédit, dont la souscription est un élément constitutif du délit d'abus de faiblesse, la juridiction de proximité a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 11 juin 2015, entre les parties, par la juridiction de proximité de Melun ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité de Fontainebleau ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour la société Marathon déménagement.
Le moyen reproche au jugement attaqué D'AVOIR condamné la société Marathon Déménagement à payer à Madame Y... la somme de 1000 euros au titre du préjudice subi
AUX MOTIFS QU'il ressortait des débats que Madame Y... était, lors des faits litigieux, dans un état de vulnérabilité certain, car elle avait 79 ans et se trouvait en état de dépression sévère ; que les déménageurs avaient quitté tardivement son domicile, le 7 octobre 2014 ; que Madame Y... avait été mise à rude épreuve, subissant les opérations de déménagement pendant six jours, alors qu'elles devaient se terminer le 4 octobre 2014 ; que les déménageurs l'avaient laissée pendant quatre jours seule dans son nouvel appartement, sans effets personnels ni médicaments ; que l'exploitation de cette situation de détresse avait poussé Madame Y... à signer la lettre de voiture dans des conditions de violence morale et psychologique, et donc sous la contrainte ; qu'eu égard à ces circonstances, les éléments de l'abus de faiblesse étaient caractérisés, par application de l'article L 122-8 du code de la consommation, lequel ne rentrait pas dans le champ de la prescription courte prévue à l'article L 133-9 du code de commerce, mais était soumis à la prescription de droit commun ; que par ailleurs, l'article L 133-9 du code de commerce s'appliquait aux entreprises de transport de déménagement ; que ce texte ne faisait aucune référence aux consommateurs, dont le sort n'était par lui ; que s'il s'appliquait aux entreprises transport, y compris les entreprises de déménagement, à aucun moment l'article L 133-9 ne mentionnait le terme consommateur ou client des entreprises de déménagement ; que les dispositions du code de la consommation en matière de prescription restaient en vigueur concernant les actions des consommateurs ; que la prescription de droit commun était applicable ; que le déménagement avait été effectué en retard ; que ce retard, non contesté, était imputable à l'entreprise ; que cette défaillance avait causé un préjudice important à Madame Y... ; qu'il serait fait droit à sa demande, à hauteur de 1000 euros ; qu'il ne serait pas fait droit au surplus de sa demande pour les pertes et avaries, pour défaut de preuve suffisante ;
1) ALORS QU'il résulte des propres constatations du jugement attaqué que la prestation objet du contrat de déménagement comprenait pour partie un transport des meubles de la cliente, de son ancien appartement vers son nouveau domicile ; qu'il s'en déduisait que le délai d'action contre le prestataire de services pour avaries, pertes ou retard se prescrivait dans le délai d'un an ; qu'en statuant comme il l'a fait, le juge de proximité a violé l'article L 133-9 du code de commerce ;
2) ALORS QUE les texte définissant les délits sont d'interprétation stricte ; que l'abus de faiblesse suppose que l'on ait fait souscrire à une personne, par le moyens de visites à domicile et en abusant de son état, des engagements au comptant ou à crédit ; que le juge de proximité ne pouvait écarter la prescription annale de l'article L 133-9 du code de commerce, sous prétexte que l'on aurait exploité l'état de faiblesse de Madame Y... pour lui faire signer, d'ailleurs avec réserves, le document (lettre de voiture) constatant de manière contradictoire l'exécution de la prestation contractuelle, ce qui ne constitue aucunement un engagement au comptant ou à crédit ; que le juge de proximité a violé l'article L 122-8 du code de la consommation.