LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 février 2014 rectifié le 18 décembre 2014), que, par lettre du 12 février 2009, M. X..., locataire d'un appartement, s'est engagé vis-à-vis de son bailleur, la société civile immobilière Le Golf (la SCI), à libérer les lieux le 31 décembre 2009,
avant l'expiration du bail, en contrepartie de la dispense de loyers et charges pour l'année 2009 ; que, le 21 avril 2009, M. Y..., notaire, a notifié à M. X... un congé avec offre de vente, à effet au 31 décembre 2009 ; que, le 20 juin 2009, M. X... a manifesté son intention d'acquérir le bien, en recourant à un emprunt bancaire, et a, le 19 octobre 2009, demandé au notaire de fixer la date de signature de l'acte d'acquisition ; que, celui-ci lui ayant répondu que, dans la mesure où il n'avait pas exercé son droit de préemption, l'appartement avait été vendu le 21 septembre 2009 à la société Representaciones Germaco AVV, M. X... a assigné le vendeur, l'acquéreur et le notaire en annulation de la vente et en constatation de la perfection de la vente à son profit ;
Attendu que la société Representaciones Germano AVV fait grief à l'arrêt d'accueillir les demandes de M. X... ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu que le droit de préemption du locataire organisé par l'article 15 II de la loi du 6 juillet 1989 ne naît qu'après délivrance du congé imposé par ce texte et que la lettre du 12 février 2009 du locataire, qui n'avait pas été informé du prix de vente, ne pouvait pas être interprétée comme une renonciation à un droit de préemption qui n'était pas encore né, relevé que le bailleur avait délivré un congé avec offre de vente, le 21 avril 2009, conformément à la loi, à M. X... qui avait valablement accepté cette offre, que la SCI, pendant la durée de réalisation de la vente à son locataire, y avait fait obstacle en cédant le bien à la société Representaciones Germano AVV et que le notaire avait rédigé l'acte de vente, en connaissance de l'acceptation de l'offre par M. X..., la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la première recherche que ses constatations rendaient inopérante et a procédé à la seconde recherche prétendument omise, en a déduit à bon droit que la vente conclue le 21 septembre 2009 en violation du droit de préemption de M. X... était nulle et que la vente du bien au profit de celui-ci était parfaite ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Le Golf, la société Representaciones Germano AVV et la SCP Y..., Berthomieux, Bretagnol, Masson-Blancot, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Representaciones Germano AVV à payer la somme de 3 000 euros à M. X... ; rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société Representaciones Germaco AVV.
Il est fait grief à l'arrêt rectifié attaqué D'AVOIR dit que Monsieur X... n'avait pas renoncé à son droit de préemption et qu'il avait accepté l'offre de vente notifié dans le congé du 21 avril 2009 dans le délai prescrit par l'article 15 II de la loi du 6 juillet 1989, D'AVOIR en conséquence annulé la vente reçue le 21 septembre 2009 par Monsieur Y..., notaire associé de la SCP Y..., BRETAGNOL, MASSON-BLANCOT, entre la SCI LE GOLF et la société REPRESENTACIONES GERMACO, D'AVOIR dit que cette dernière devait restituer à ses frais à la SCI LE GOLF les lieux dans l'état dans lequel ils étaient au 21 septembre 2009, D'AVOIR dit parfaite la vente par la SCI LE GOLF à Monsieur X... au prix de 540.000 €, et enjoint à la SCI de signer l'acte de vente devant notaire dans les deux mois de la signification de l'arrêt, à défaut de quoi, l'arrêt vaudrait vente et serait publié comme tel à la conservation des hypothèques, et D'AVOIR débouté la société REPRESENTACIONES GERMACO du surplus de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE « sur la renonciation de Monsieur X... à son droit de préemption, qu'en s'engageant par lettre du 12 février 2009 adressée à son bailleur, à libérer l'appartement au 31 décembre 2009 en contrepartie de la dispense de loyers et charges pour l'année 2009, Monsieur X... a seulement accepté de raccourcir la durée du bail en en avançant le terme du 1er novembre 2011 au 31 décembre 2009, de sorte que le bailleur pouvait vendre le bien plus tôt ; qu'en contrepartie de la réduction de la durée du contrat, le bailleur a accepté de dispenser le preneur du paiement des loyers et des charges pendant l'année 2009 ; que le droit de préemption du locataire organisé par l'article 15 II de la loi du 6 juillet 1989 ne naissant qu'après délivrance du congé imposé par ce texte, la précision dans la lettre précitée du 12 février 2009 que la dispense des loyers et des charges s'appliquait tant au bailleur qu'à tout propriétaire futur ne peut être interprétée, quelles que fussent les connaissances juridiques du locataire, comme une renonciation à un droit de préemption qui n'était pas encore né et ce d'autant que Monsieur X... n'avait pas été informé du prix, élément essentiel de la vente ; que d'ailleurs, postérieurement à cette lettre, le bailleur a fait délivrer, par lettre recommandée du 21 avril 2009, remise au destinataire le 2 mai 2009, le congé prévu par la loi, offrant au locataire de lui vendre les lieux loués au prix principal de 540.000 €, reconnaissant l'existence du droit de préemption qu'il faisait naître ; qu'en conséquence, le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a dit que Monsieur X... avait renoncé à son droit de préemption ; sur l'acceptation de l'offre, qu'un congé prématuré, dont les effets sont reportés, pour protéger le preneur, à la date à laquelle il aurait dû être donné, n'est pas nul ; que le bailleur, qui a formulé dans l'acte une offre de vente, est tenu par celle-ci depuis la date de délivrance du congé jusqu'à l'expiration du préavis, le caractère prématuré du congé ayant pour effet d'allonger la durée de l'offre ; qu'en conséquence, n'est ni nulle, ni privée d'effet une acceptation faite dès la réception du congé pourvu qu'elle soit antérieure à l'expiration du préavis ; qu'au cas d'espèce, par lettre recommandée avec avis de réception du 20 juin 2009, Monsieur X... a notifié au notaire son intention d'acquérir le bien aux conditions de l'offre formulée dans le congé prématuré du 2 mai 2009 ; que cette acceptation, notifiée avant l'expiration du préavis, a été valablement faite ; sur le respect du délai de réalisation, que, dans sa lettre du 20 juin 2009, Monsieur X... a notifié au notaire son intention de recourir à un prêt pour le financement de l'acquisition, portant, ainsi à quatre mois le délai de réalisation de la vente ; que ni la société LE GOLF qui a vendu le bien à la société REPRESENTACIONES GERMACO AVV le 21 septembre 2009, soit pendant la durée de réalisation, faisant obstacle à celle-ci, ni le notaire, qui a rédigé l'acte en se faisant juge de la validité de l'acceptation, ne peuvent faire grief à Monsieur X..., qui a demandé la réalisation de la vente le 19 octobre 2009, de ne pas avoir justifié de l'obtention du prêt, dès lors que la loi fait seulement obligation au preneur, qui peut renoncer à la condition stipulée en sa faveur, de réaliser la vente dans le délai de quatre mois ; qu'ainsi, la vente par la société LE GOLF au profit de la société REPRESENTACIONES GERMACO AVV, par acte authentique du 21 septembre 2009, a été conclue en violation du droit de préemption exercé par Monsieur X... ; que cette violation entraîne, non la substitution de Monsieur X... dans les droits de la société REPRESENTACIONES GERMACO AVV, mais la nullité de la vente du 21 septembre 2009 ; […] que, Monsieur X... ayant valablement accepté l'offre et le vendeur ayant fait obstacle à la réalisation de la vente, celle-ci doit être considérée comme parfaite, en sorte qu'il sera enjoint à la société LE GOLF de réitérer la vente au prix de 540.000 € devant notaire dans les deux mois de la signification du présent arrêt et qu'à défaut de ce faire, le présent arrêt vaudra vente et sera publié comme tel à la conservation des hypothèques aux frais de la société LE GOLF ; […] sur la demande de dommages-intérêts de la société REPRESENTACIONES GERMACO AVV contre Monsieur X..., que ce dernier n'ayant commis aucune faute en exerçant son droit, cette demande doit être rejetée » (arrêt pp. 6 à 8) ;
1/ ALORS QUE le droit de préemption du locataire organisé par l'article 15 II de la loi du 6 juillet 1989 naît dès la signature du contrat de bail ; qu'en affirmant au contraire que ce droit ne prenait naissance qu'après la délivrance du congé, pour en déduire que Monsieur X... n'avait pu renoncer à son droit de préemption le 12 février 2009, soit avant la délivrance du congé par la SCI LE GOLF, la cour d'appel a violé l'article 15 II de la loi du 6 juillet 1989 ;
2/ ALORS QUE le droit de préemption du locataire existe indépendamment des modalités, notamment financières, de l'offre de vente qui pourrait être faite par le bailleur lorsqu'il délivre le congé ; qu'en affirmant que Monsieur X... ne pouvait renoncer à son droit de préemption, qui n'aurait pas encore pris naissance, du fait qu'il n'avait pas connaissance, à la date de la renonciation, du prix de vente proposé par le bailleur, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 15 II de la loi du 6 juillet 1989 ;
3/ ALORS QUE le droit de préemption du locataire naît dès la signature du contrat de bail ; que la circonstance que le bailleur délivre un congé avec offre de vente, postérieurement à la renonciation du locataire à son droit de préempter, n'est pas de nature à faire revivre ce droit auquel son titulaire a renoncé ; qu'en déduisant de l'offre émise par le bailleur lors du congé délivré le 2 mai 2009, soit postérieurement à la renonciation du locataire à son droit de préempter intervenue le 12 février 2009, que le bailleur aurait reconnu l'existence de ce droit, quand le locataire avait définitivement renoncé à son droit de préempter, que l'offre de vente ne pouvait faire renaître, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 15 II de la loi du 6 juillet 1989 ;
4/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE le locataire, qui accepte l'offre de vente en notifiant son intention de recourir à un prêt, a l'obligation de régulariser la vente de l'appartement, et donc de réunir les fonds nécessaires, dans le délai de quatre mois suivant la date d'envoi de son acceptation ; qu'à défaut, l'acceptation de l'offre est nulle et le locataire perd le bénéfice de son droit de préempter ; qu'en affirmant, pour dire que l'acceptation de l'offre par Monsieur X... était valable et que la vente intervenue entre la SCI LE GOLF et la société REPRESENTACIONES GERMACO était nulle comme conclue en violation du droit de préemption du locataire, que ni la SCI LE GOLF, bailleresse, ni la société REPRESENTACIONES GERMACO, acquéreur du bien loué, ne pouvaient faire grief à Monsieur X... de ne pas avoir justifié de l'obtention du prêt dans le délai légal de quatre mois, sans rechercher, comme l'y invitait la société REPRESENTACIONES GERMACO (conclusions, pp. 27 et 28), si Monsieur X... rapportait la démonstration qu'il avait effectivement rempli ses obligations et disposait des fonds nécessaires à la réalisation de la vente dans ce délai de quatre mois, et s'il pouvait donc valablement se prévaloir d'un droit de préemption, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 15 II de la loi du 6 juillet 1989 ;
5/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que, pour débouter la société REPRESENTACIONES GERMACO de ses demandes indemnitaires formées contre Monsieur X..., la cour d'appel a affirmé que celui-ci n'avait commis aucune faute en exerçant son droit de préemption (arrêt p. 7) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi que l'y invitaient les conclusions de la société REPRESENTACIONES GERMACO (pp. 27 à 31), si Monsieur X... n'avait pas commis une faute en mettant en oeuvre des manoeuvres dolosives faisant croire au vendeur et à l'autre acquéreur qu'il renonçait à acheter l'appartement, et en paralysant la vente intervenue en conséquence entre la SCI LE GOLF et la société REPRESENTACIONES GERMACO, sans même justifier disposer effectivement des fonds nécessaires à la réalisation de sa propre vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.