LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article L. 624-1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014, applicable en la cause, l'article L. 624-3 du code de commerce, textes rendus applicables à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-14 du même code, les articles R. 624-2 et R. 624-4 de ce code, dans leur rédaction antérieure au décret du 30 juin 2014, applicable en la cause, rendus applicables à la liquidation judiciaire par l'article R. 641-28 ;
Attendu que les contestations de créances déclarées, formulées au cours de leur vérification par le débiteur, doivent être mentionnées par le liquidateur sur la liste des créances qu'il remet au juge-commissaire, lequel ne peut statuer sur les créances contestées sans convocation préalable du débiteur ; que ce dernier dispose d'un recours contre la décision du juge-commissaire statuant sur une créance qu'il a contestée et est fondé à se prévaloir du défaut de convocation devant le juge-commissaire pour faire annuler la décision ainsi rendue ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société X... a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, respectivement les 31 janvier et 6 mars 2012 ; que M. Y..., désigné liquidateur, a communiqué à son dirigeant, M. X..., la liste des créances déclarées et l'a convoqué pour en vérifier le bien-fondé ; que M. X... s'est rendu à cette convocation et a remis au liquidateur un mémoire contenant des contestations relatives à certaines créances déclarées ; que le liquidateur a avisé les créanciers des contestations et a transmis les réponses de ces derniers au dirigeant qu'il a convoqué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception pour signature de l'état des créances avant son dépôt au greffe ; que M. X... ne s'étant pas présenté au rendez-vous fixé, le liquidateur a adressé la liste des créances au juge-commissaire, sans mentionner les contestations préalables du dirigeant ; que le juge-commissaire a signé l'état des créances, qui a été déposé au greffe du tribunal le même jour ; que la société X... a relevé appel de l'ordonnance arrêtant l'état des créances ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'appel de la société X..., l'arrêt, après avoir relevé l'existence de contestations motivées et explicites pour deux créances, constate que la société débitrice n'a pas donné suite aux réponses des créanciers à ses contestations, qui lui avaient été transmises par le liquidateur, qu'elle n'a pas retiré la convocation adressée, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, par M. Y..., ès qualités, pour la signature de l'état des créances et ne s'est pas présentée au rendez-vous fixé à cette fin ; que l'arrêt en déduit qu'en l'état de son inertie et de son silence, la société débitrice ne peut soutenir que des différends persistaient avec les créanciers intimés et qu'ainsi, la société X..., qui a été mise en mesure de participer à la vérification des créances, n'a élevé aucune contestation devant être soumise au juge-commissaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune disposition ne subordonne le maintien de la contestation d'une créance, émise par le débiteur au cours de la vérification des créances, à l'existence d'observations de sa part sur les réponses reçues des créanciers en application de l'article L. 622-27 du code de commerce, ou à la présence du débiteur au rendez-vous fixé par le liquidateur pour la signature de la liste des créances, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. Y..., en qualité de liquidateur de la société X..., aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux novembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la société X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable l'appel interjeté par la société X... à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire du 26 novembre 2012 ;
AUX MOTIFS QUE l'appel relevé par le débiteur à l'encontre de l'état des créances n'est recevable qu'à condition qu'il démontre qu'il n'a pas été mis en mesure de participer à la vérification des créances ou que les contestations qu'il a régulièrement émises dans le cadre de cette vérification n'ont pas été soumises au juge-commissaire par le mandataire judiciaire ; que par ailleurs, ne constitue pas une contestation, au sens de l'article L. 622-27 du code de commerce, la simple réserve émise par le débiteur à l'égard d'une créance, sans motivation ni explicitation de son objet ; que dans le mémoire remis le 21 mai 2012 au liquidateur judiciaire, M. X... a émis des observations concernant 28 des 45 créances déclarées ; que, dans le cadre de la présente instance, il ne remet plus en question que les 6 créances des créanciers suivants : Office ACM, Caisse RSI, Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc, société Dauphiné isolation projection, société Prodomo et société Lixxbail ; que, dans le mémoire précité, seules avaient été motivées et explicitées les observations relatives aux créances de l'Office ACM et de la Caisse de crédit agricole ; que les autres créances faisaient l'objet des observations suivantes : société Dauphiné isolation projection : « nous avons refusé ces sommes car les travaux réalisés n'étaient pas conformes », Lixxbail : « les sommes demandées ne sont pas tout à fait les mêmes mais cela doit correspondre à des frais très certainement », Prodomo : « nous contestons que cette entreprise soit payée (sic) car les entreprises du compte proprata de l'opération concernée (sic) l'ont refusé (sic) pour mauvais service », RSI « nous avons transmis cet état à notre cabinet comptable SAS Noguera et associés et nous n'avons aucun retour à ce jour » ; que ces simples observations ou réserves, non motivées ni explicitées, ne constituent pas des contestations au sens précité de la loi de sauvegarde des entreprises ; qu'au demeurant, à supposer même que ces créances soient considérées comme ayant été contestées, à l'instar de celles de l'Office ACM et de la Caisse de crédit agricole, il reste que le débiteur n'a pas donné suite aux réponses – que lui a transmises le liquidateur judiciaire – de ces créanciers auxdites contestations ; qu'en effet, avisés par Me Y..., ès-qualités, conformément aux dispositions des articles L. 622-27 et R. 624-1 du code de commerce, le 14 juin 2012, la société Promodo a répondu le 20 juin 2012, l'Office ACM le 9 juillet 2012, la société Dauphiné isolation projection le 9 juillet 2012 et la Caisse de crédit agricole le 12 juillet 2012, et le liquidateur judiciaire a transmis le courrier de ces réponses à M. X... respectivement les 22 juin 2012, 10 juillet 2012, 1er août 2012 et 16 juillet 2012 ; que M. X... admet dans ses écritures (p. 6) qu'il n'a pas « donné suite à l'argumentation des créanciers » ; qu'en outre le liquidateur judiciaire a convoqué, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 octobre 2012 M. X... en son étude « afin de signer l'état des créances avant son dépôt au greffe du tribunal de commerce de Narbonne », ce courrier précisant : « étant donné les délais impératifs prévus par la loi pour le dépôt de l'état des créances, je serai contraint, en votre absence, de déposer ledit état auprès de Monsieur le juge-commissaire » ; que cette lettre n'a pas été réclamée par le débiteur ; qu'ainsi en l'état de son inertie et de son silence, le débiteur ne peut soutenir que « des différends persistaient » entre lui et les créanciers intimés (p. 4 de ses écritures) ; qu'il s'ensuit, d'une part, que le débiteur a été mis en mesure de participer à la vérification des créances et, d'autre part, qu'il n'a élevé aucune contestation devant être soumise au juge-commissaire ; que son appel doit être déclaré irrecevable ;
ALORS, 1°), QUE, tenu d'observer lui-même et faire observer en toutes circonstances le principe de la contradiction, le ne peut soulever un moyen, même d'ordre public, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; qu'aucune des parties intimées n'avait remis en cause l'existence ou la régularité des contestations émises par la société X... à l'encontre de leur déclaration de créance ; qu'en relevant d'office, pour prononcer l'irrecevabilité de l'appel, le moyen tiré de ce que la société X... n'avait pas régulièrement contesté les créances admises par le juge-commissaire, sans avoir invité au préalable les parties à s'en expliquer, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS, 2°), QUE le débiteur en liquidation judiciaire dispose d'une recours contre la décision du juge-commissaire statuant sur une créance contestée et est fondé à se prévaloir du défaut de convocation devant le juge-commissaire pour faire annuler cette décision ; qu'en relevant, pour déclarer irrecevable l'appel interjeté par la société X... à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire ayant statué sur l'état des créances sans qu'il ait été entendu ou appelé, que seules deux créances sur les six contestées en appel avaient été régulièrement contestées, les quatre autres n'ayant fait l'objet d'aucune contestation « motivée et explicitée », cependant qu'aucune forme n'était exigée pour la contestation élevée auprès du liquidateur judiciaire et qu'aucune disposition n'interdit au débiteur de mettre en oeuvre, devant le juge-commissaire un moyen qui n'aurait pas été invoqué dans les observations qu'il avait formulées dans le cadre de la procédure de vérification, la cour d'appel a violé les articles L. 624-3, R. 624-2, R. 624-4 et R. 624-7 du code de commerce ;
ALORS, 3°), QU'en relevant que si les créances déclarées par l'office ACM et la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc avaient été régulièrement contestées par la société X... en réponse à l'état de créances déclarées qui lui avait été adressé par le liquidateur, il se déduisait du silence gardé par le débiteur, qui n'avait pas donné suite aux observations des créanciers et n'avait pas déféré à la convocation du liquidateur pour signer l'état des créances, que la société X... n'avait émis aucune contestation devant être soumise au juge-commissaire, cependant que, d'une part, à défaut d'autres circonstances, le silence gardé par la société X... ne pouvait valoir manifestation sans équivoque de sa volonté de renoncer aux contestations qu'elle avait émises auprès du liquidateur judiciaire et que, d'autre part, aucune disposition légale ou réglementaire ne subordonne la recevabilité ou la régularité de la contestation émise par le débiteur à la réponse qu'il pourrait donner, durant la procédure de vérification des créances, aux observations du créancier ou bien encore à sa soumission aux convocations du liquidateur, la cour d'appel a violé les articles L. 624-3, R. 624-2, R. 624-4 et R. 624-7 du code de commerce et 1134 du code civil.