Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Nathalie X..., épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 7e chambre, en date du 18 mai 2015, qui, pour abandon moral d'enfant et violences aggravées, l'a condamnée à deux ans d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 octobre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Béghin, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BÉGHIN, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE et BRIARD, la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAILLARDOT ;
Sur sa recevabilité contestée en défense :
Attendu que le pourvoi a été formé par déclaration au greffier de la cour d'appel de Versailles, signée, le 20 mai 2015, par Me Mayet, avocat au barreau de Versailles ;
Attendu que, formé par un avocat qui exerce près la juridiction qui a statué et, comme tel, dispensé de la production d'un pouvoir spécial, le pourvoi doit être déclaré recevable en application de l'article 576, alinéa 2, du code de procédure pénale ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1 et 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, 227-17, alinéa 1, 222-13, alinéas 1 et 22, du code pénal, préliminaire, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris sur la décision de culpabilité de Mme Nathalie X..., épouse Y... ;
" aux motifs propres que Mme X..., épouse Y..., ne comparaît pas bien régulièrement et contradictoirement convoquée ; qu'elle a transmis divers documents à la cour, lesquels ont été joint aux débats, dans le respect du principe du contradictoire ; qu'il en a été de même du courrier intitulé « mes aveux » déposé le 24 mars 2015 au greffe de la cour par son époux, M. Philippe Y... ; qu'il ressort des éléments de la procédure que les petites Maiwenn Z...et Priscilla A..., respectivement âgées de neuf et six ans, révélaient en septembre 2010, dans des déclarations particulièrement détaillées et circonstanciées, les violences habituelles dont elles étaient victimes de la part de leur mère, Mme X..., qui les laissait régulièrement seules ; que ces jeunes enfants dénonçaient également un manque de soin et de nourriture ; que ces déclarations concordantes des enfants sont corroborées par des expertises psychologiques qui concluent à la sincérité de celles-ci ; que les experts stigmatisent, notamment au vu de leurs dessins, la souffrances de ces deux fillettes, en lien avec des violences et carences affectives de la mère ; que par ailleurs l'examen médical pratiqué sur la jeune Maiwenn, le 12 septembre 2010, constatait plusieurs ecchymoses au niveau des jambes et des lésions cicatricielles au niveau du genou ; que les rapports de l'aide sociale à l'enfance font état d'une bonne évolution des enfants particulièrement abimées, depuis la mesure de placement ; que les déclarations concordantes des enfants sont également corroborés par les nombreux témoignages recueillis sur l'environnement de ces petites filles : baby-sitter, colocataire, voisins, compagnon, enseignants ; que ces auditions permettent en effet d'établir que Mme X... avait depuis de nombreuses années et au moins depuis 2007, pour habitude de laisser seules ses enfants au domicile, que les fillettes devaient assumer la préparation des repas et l'entretien de la maison et étaient régulièrement victimes de violences perpétrées par leur mère ; que courant 2009, la situation particulièrement inquiétante des enfants qui dormaient alors dans un placard a d'ailleurs fait l'objet d'un signalement par M. Sylvain B..., colocataire de Mme X..., épouse Y... ; que la cour observe pour sa part que la prévenue ne peut utilement plaider que les déclarations des enfants sont le fruit d'un complot ourdi par leurs pères respectifs pour en récupérer la garde, aidés en cela par sa mère qui lui vouerait une haine féroce ; que la cour relève notamment que les faits ont été portés à la connaissance de l'institution judiciaire par l'intervention de Mme Patricia Y..., soeur de l'époux de Mme X..., épouse Y... ; que par ailleurs les déclarations concordantes et circonstanciées des enfants, dont la sincérité n'a pas été remise en question par les experts psychologues, sont confortées par les témoignages recueillis provenant des personnes extérieures au cercle familial incriminé ; qu'en outre ces auditions dépeignent la prévenue comme une personnalité particulièrement instable et manipulatrice ; qu'ainsi les attestations produites par l'intéressée se sont révélées de pure circonstance ou complaisance ; qu'il y a lieu de relever que Mme X..., épouse Y..., a remis à ses fillettes, placées, des peluches et livres en violation des obligations de son contrôle judiciaire, ces objets contenant des messages leur demandant de dire « la vérité » ; qu'il y a lieu également de relever la démarche effectuée par M. Philippe Y... auprès de sa mère Mme Solange C..., divorcée Y..., le 2 octobre 2010 lui faisant signer trois témoignages dactylographiés préétablis, documents attestant des bonnes capacités éducatives de Mme X..., épouse Y..., et de ses bonnes relations avec les filles, témoignages aussitôt dénoncés par Mme Solange C..., divorcée Y... ; qu'il y a lieu enfin de relever que le courrier intitulé « mes aveux » déposé par M. Philippe Y... le 24 mars 2015 au greffe de la cour concluant à un « non-lieu de l'accusation Mme Solange C..., divorcée Y..., l'intéressé s'accusant de l'ensemble des faits reprochés à son épouse ; que le contenu de ce courrier tardif doit être écarté puisque non corroboré ni par les déclarations de deux fillettes victimes ni par l'un ou l'autre des témoins auditionnés dont aucun n'a fait état de violences dont l'actuel mari de la prévenue serait l'auteur ; que ce type d'artifice ne saurait tromper la religion de la cour, considérant dans ces conditions que les dénégations de la prévenue, au regard des déclarations des victimes, des constatations faites et des auditions des témoins, n'apparaissent en rien convaincantes ; que l'examen du dossier ne met en lumière aucune raison de revenir sur la déclaration de culpabilité portée par les premiers juges laquelle sera donc confirmée ;
" et aux motifs réputés adoptés que, en dépit de ses dénégations et des allégations de complot dont Mme X... fait état, de multiples témoignages émanant de personnes extérieures à la famille de la mise en examen corroborent les déclarations persistantes des enfants ; qu'en effet, même si la plupart des faits de violences et d'abandon matériel et moral décrits par les enfants se sont déroulés dans le huis-clos familial, plusieurs personnes en ont été témoins de manière directe ou indirecte, que ce soit le voisinage, les différents compagnons de la mise en examen, ou les personnes intervenant à leur domicile (baby-sitter, colocataire) ; qu'il y a lieu de préciser que les faits relatés ont été constatés sur plusieurs années par des personnes ne se connaissant pas ; que concernant l'implication de Mme X... dans les tâches ménagères et la vie du foyer, M. D...confirme que lors de leur vie commune, Mme X... ne s'occupait jamais des repas ou des tâches ménagères ; que par ailleurs, le père de Maiwenn, M. Sofiane Z...explique également que lors de leur vie commune, Mme X... ne s'occupait pas des tâches ménagères et laissait régulièrement leur nourrisson à la garde du voisinage ; qu'en outre, il déclare qu'à plusieurs reprises, sa compagne avait installé le berceau dans un recoin sous l'escalier, car elle refusait que le bébé dorme dans sa chambre ; que, de plus, les expertises diligentées sur les fillettes ne permettent pas de remettre en cause la sincérité de leurs déclarations, et l'état de souffrance constaté par les experts apparaît en lien avec les violences, les humiliations et les carences affectives subies ; que l'expert constate en outre que Maiwenn Z...présente, lors de l'examen, plusieurs ecchymoses et lésions cicatricielles rendant crédibles ses propos ; qu'en conséquence, il convient de déclarer la prévenue coupable des faits qui lui sont reprochés ;
" 1°) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision et que l'insuffisance de motifs équivaut à leur absence ; que l'article 227-17 du code pénal impose, aux fins de caractérisation, que soit démontré un comportement de nature à compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de l'enfant mineur et que ce comportement soit associé à la conscience, par l'agent, du danger encouru par ledit mineur ; qu'en l'espèce, en confirmant la décision de culpabilité entreprise par le tribunal sur l'infraction de l'article 227-17 du code pénal, sans prendre le soin de rechercher si le comportement de Mme X..., épouse Y..., avait été de nature à compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de Maiwenn et Priscilla, ni de rechercher si la demanderesse avait conscience du danger auquel elle exposait ses filles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de texte susvisé et des principes ci-dessus énoncés ;
" 2°) alors que l'infraction de violences sans incapacité sur mineur de 15 ans par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime doit être dûment caractérisée par des éléments tangibles ; qu'en se basant uniquement sur des déclarations de voisins ou de membres de la famille qui n'ont jamais été témoins directs desdits faits, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
" 3°) alors que les attestations produites par la prévenue étaient de « pure circonstance ou complaisance » sur la seule foi de ce que cette dernière serait « une personnalité particulièrement instable et manipulatrice » sans même expliquer en quoi le contenu de ces attestations n'était pas pertinent, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mme X... épouse Y... a été poursuivie devant le tribunal correctionnel des chefs de violences sur mineur de quinze ans par ascendant et soustraction par un parent à ses obligations légales compromettant la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant ; que les juges du premier degré l'ont déclarée coupable de ces délits ; que la prévenue a relevé appel de cette décision ;
Sur le moyen pris en sa première branche :
Attendu que, pour dire établi le délit d'abandon moral d'enfant, la cour d'appel prononce par les motifs repris au moyens ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui établissent, d'une part, que les mineures étaient en état de souffrance du fait du délaissement matériel et affectif dans lequel leur mère les tenait habituellement et qu'elles n'ont pu retrouver une évolution normale qu'à la faveur de leur placement par le juge des enfants, d'autre part, que leur situation était apparue telle à un tiers, partageant le logement de la prévenue, qu'il l'avait signalée aux services sociaux, ce dont il se déduit que Mme X... épouse Y... avait nécessairement conscience de se soustraire à ses obligations parentales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de ses filles, la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments le délit d'abandon moral d'enfant dont elle a déclaré la prévenue coupable ;
D'où il suit que le grief doit être écarté ;
Sur le moyen pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que pour dire établi le délit de violences habituelles sur mineures de quinze ans, l'arrêt retient que les déclarations circonstanciées des jeunes filles sont corroborées tant par les nombreux témoignages recueillis que par l'examen médical pratiqué sur l'une d'elles et les expertises psychologiques effectuées, ces éléments excluant l'hypothèse du complot avancée par la prévenue ; que les juges ajoutent que la personnalité instable et manipulatrice de celle-ci, décrite par les témoins, a été confirmée par ses interventions pour obtenir de ses filles et de sa mère qu'elles reviennent sur leurs déclarations, et de son époux qu'il s'accuse faussement des faits poursuivis ; qu'ils en déduisent que les attestations produites par la prévenue sont de complaisance ;
Attendu qu'en cet état, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués dès lors que les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et que la valeur probante des témoignages contradictoirement débattus, même indirects, relève de l'appréciation souveraine des juges du fond ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1 et 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-19 du code pénal, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Mme X..., épouse Y..., à la peine de deux ans d'emprisonnement sans sursis ;
" aux motifs que, sur la peine, il convient de constater que les faits s'inscrivent dans un cadre habituel et ont été commis sur des jeunes enfants ; que les éléments du dossier mais également la personnalité de la prévenue appellent une application rigoureuse de la loi pénale ; que la cour estime devoir condamner Mme X..., épouse Y..., à la peine de deux ans d'emprisonnement ; que cette peine d'emprisonnement ferme prononcée est seule de nature à réprimer de façon effective son comportement, à l'exclusion de toute autre sanction qui serait insuffisamment dissuasive et manifestement inadéquate et justifiée compte tenu de la gravité des faits ; que de plus, en ne se présentant pas devant la juridiction pour exposer les raisons de son appel et sa situation personnelle, elle rend impossible la recherche d'une mesure d'aménagement de peine ; qu'au visa du casier judiciaire de Mme X..., épouse Y..., en date du 25 février 2015, l'intéressée n'a fait l'objet d'aucune condamnation à une peine d'emprisonnement avec sursis au cours des cinq années précédant les faits ; que, dès lors, la cour n'a pas à statuer sur une révocation totale ou partielle d'un sursis antérieurement accordé ; que Mme X..., épouse Y..., très prolixe en production de documents et lettres à l'attention de la cour, n'a pas cru devoir se présenter devant ses premiers juges, alors que soumise à une mesure de contrôle judiciaire ; que bien qu'appelante principale à la cause, Mme X..., épouse Y..., ne se présente pas devant la cour et ne justifie pas des raisons de sa carence ; qu'en outre, force est de relever que les éléments de la procédure établissent l'attitude particulièrement fuyante de la prévenue ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 645 du code de procédure pénale, la prévenue étant domiciliée à l'étranger et défaillante devant ses juges, tant en première instance que devant la cour, aux fins d'assurer l'effectivité de la sanction prononcée, il convient de décerner mandat d'arrêt à l'encontre de Mme X... épouse, Y... ;
" alors qu'il résulte de l'article 132-19 du code pénal que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard des faits de l'espèce, de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur, de sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que du caractère inadéquat de toute autre sanction ; que s'il décide de ne pas aménager la peine, le juge doit, en outre, motiver spécialement cette décision, soit en établissant que la personnalité et la situation du condamné ne permettent pas un tel aménagement, soit en constatant une impossibilité matérielle, qu'en l'espèce, pour condamner Mme X..., épouse Y..., à la peine de deux ans d'emprisonnement sans sursis, la cour d'appel de Versailles s'est bornée à affirmer que cette peine était « la seule de nature à réprimer de façon effective son comportement, à l'exclusion de toute autre sanction » sans motiver spécialement sa décision ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus énoncés " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, en l'absence de comparution de la prévenue, domiciliée à l'étranger, a prononcé une peine d'emprisonnement sans sursis par des motifs qui satisfont aux exigences de l'article 132-19 du code pénal ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que Mme X..., épouse Y..., devra payer au conseil départemental des Hauts-de-Seine, en la personne de son président, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente novembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.