LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur et le moyen unique du pourvoi incident du salarié :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens ci-après annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le second moyen du pourvoi principal de l'employeur, après avis adressé aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :
Attendu qu'après avoir relevé que l'intention de la société de dissimuler les heures de travail accomplies n'est pas établie, confirmé la décision des premiers juges sur ce point et rejeté la demande d'indemnité pour travail dissimulé formée par le salarié, l'arrêt a, en son dispositif, condamné la société à payer au salarié une somme à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ; qu'il s'agit d'une erreur purement matérielle, rectifiée ci-après, de sorte que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Vu l'article 462 du code de procédure civile ;
Dit que dans le dispositif de l'arrêt attaqué le paragraphe suivant est supprimé : « Condamne la SASU les Jardins d'Aliénor à payer à M. X... la somme de 22 806,12 euros (vingt deux mille huit cent six euros et douze centimes) à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé. »
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Orpea.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR réformé le jugement entrepris en ses dispositions déboutant M. X... de l'ensemble de ses demandes, d'AVOIR jugé que son licenciement était nul et d'AVOIR en conséquence condamné la SASU LES JARDINS D'ALIÉNOR à payer à M. X... la somme de 11.269,50 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, la somme de 1.126,95 € au titre des congés payés y afférents et la somme de 30.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué,
« L'article L. 1152-1 du code du travail dispose que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel. Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul. Encourt donc la nullité, le licenciement pour inaptitude dès lors qu'il est établi que l'inaptitude du salarié licencié résulte de faits de harcèlement moral dont il a été victime. En application des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En l'espèce, Monsieur X... produit plusieurs attestations d'anciens salariés de la SASU les Jardins d'Aliénor qui témoignent d'un changement de fonctionnement de la structure suite au rachat pour le groupe ORPEA. Il est attesté de visites surprises de l'établissement par la direction du groupe et d'audits réalisés sans attendre la présence de Monsieur X..., à l'occasion desquelles, des instructions immédiates et directes étaient données au personnel. D'autre part, il est également attesté que la politique du non-remplacement des absents avait conduit Monsieur X... à assurer le service du repas du soir et même la plonge. Enfin, ces témoins attestent de la présence ponctuelle de directrices d'autres établissements imposant leur autorité au détriment de celle de Monsieur X.... Ces mêmes témoins attestent de la dégradation de l'état de santé de ce dernier finalement médicalement établie par le Dr Y... qui fait état pour la période du 12 mai au 25 mai 2012 d'un syndrome anxio dépressif réactionnel majeur. Il est ainsi établi que le groupe ORPEA, suite au rachat de la SASU les Jardins d'Aliénor, a mis la gestion de l'EPHAD sous surveillance prenant la forme d'une remise en cause permanente de l'autorité du directeur et ce dans un contexte de pénurie de moyens. Cette méthode de management qui a entraîné une dégradation de ses conditions de travail, a eu des répercussions sur son état de santé. Ces faits, pris dans leur ensemble, permettent de présumer de l'existence d'un harcèlement moral. La rentabilité d'un établissement constitue un objectif important pour un employeur et ce dernier est en droit de prendre toutes les mesures qu'il estime nécessaire pour y parvenir. Cependant, la réalisation de cet objectif ne saurait justifier des méthodes brutales comme la remise en cause publique et fréquente de l'autorité d'un directeur qui n'a pas démérité. Dès lors, la Cour considère que Monsieur X... a été victime de fait de harcèlement moral ayant eu des répercussions importantes sur son état de santé ayant abouti à son inaptitude à son poste de travail. Le licenciement de Monsieur X... motivé par une inaptitude trouvant son origine dans les faits de harcèlement moral subis doit être annulé et cette annulation, à défaut de demande tendant à sa réintégration, emporte les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. En conséquence, Monsieur X... est bien fondé en sa demande formée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et ce même si son état de santé ne lui permettait pas de l'effectuer. Il est également bien fondé en sa demande de dommages et intérêts formée au titre de l'article L. 1235-3 du code du travail ouvrant droit au salarié à une indemnité réparant la perte de l'emploi qui ne peut être inférieure à six mois de salaire quelle que soit son ancienneté compte tenu du caractère illicite du licenciement. Dès lors, la SASU les Jardins d'Aliénor sera condamnée à payer à Monsieur X... la somme de 11.269,50 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 1.126,95 € au titre des congés payés y afférents. Compte tenu de son ancienneté et de l'importance du préjudice né de la perte de son emploi dans un contexte de harcèlement moral, la SASU les Jardins d'Aliénor sera condamnée à payer à Monsieur X... la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement » ;
ALORS en premier lieu QUE peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés à la conditions qu'elles aient pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que pour établir que la méthode de gestion mise en place par le groupe ORPEA constituait un harcèlement moral, la cour d'appel a constaté un changement de fonctionnement de la structure suite au rachat par le groupe ORPEA, des visites surprises de l'établissement par la direction du groupe, la réalisation d'audits tenus sans la présence du salarié et à l'occasion desquels des instructions immédiates et directes étaient données au personnel, la politique de non-remplacement des absents qui a conduit le salarié à assurer le service du repas et la plonge, la présence ponctuelle de directrices d'autres établissements imposant leur autorité au détriment de celle du salarié, la dégradation de l'état de santé de celui-ci médicalement établie ; Qu'en statuant ainsi, alors que les éléments retenus, à eux-seuls et pris dans leur ensemble, ne permettaient pas de retenir l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-1 du code du travail ;
ALORS en deuxième lieu QUE, lorsqu'il survient un litige relatif à un harcèlement moral, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, l'employeur est tenu de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il revient dès lors au juge de constater, s'il estime que des faits de harcèlement moral sont présumés, que l'employeur justifie ou non ces agissements par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en décidant que les éléments apportés par le salarié permettaient de prouver l'existence d'un harcèlement moral sans constater si l'employeur avait ou non justifié les agissements reprochés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
ALORS en troisième lieu et subsidiairement QUE, si le harcèlement moral peut entraîner la nullité du licenciement prononcé consécutivement à l'inaptitude du salarié, c'est à la condition que soit établi que l'inaptitude est la conséquence directe du harcèlement ; qu'en se contentant d'affirmer, sans autre considération, que le licenciement du salarié motivé par une inaptitude, trouvant son origine dans le harcèlement moral subi par celui-ci, à le supposer établi, devait être annulé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-3 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et d'AVOIR condamné la SASU LES JARDINS D'ALIÉNOR à payer à M. X... la somme de 22.806,12 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué,
« Par application des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a délivré de façon intentionnelle un bulletin de salaire mentionnant un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. En l'espèce, la Cour a jugé établi que Monsieur X... avait régulièrement accompli des heures supplémentaires entre janvier et juin 2012. Toutefois, la Cour observe que la SASU les Jardins d'Aliénor a proposé à Monsieur X... une convention de forfait traduisant ainsi sa volonté d'offrir à son salarié un cadre légal adéquat pour la prise en compte des heures supplémentaires accomplies. Cette proposition démontre que l'employeur n'a pas cherché à dissimuler l'activité salariée de Monsieur X... mais au contraire de la prendre en considération. En conséquence, jugeant que l'intention de la SASU les Jardins d'Aliénor de dissimuler les heures de travail de travail accomplies par Monsieur X... n'est pas établie, la Cour, confirmant la décision des premiers juges sur ce point, rejette la demande d'indemnité pour travail dissimulé formée par Monsieur X... » ;
ALORS en premier lieu QU'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de mentionner intentionnellement sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié, auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ; que la cour d'appel a estimé que la proposition de l'employeur de conclure avec le salarié une convention de forfait démontrait l'intention du premier, non de dissimuler l'activité salariée du second, mais au contraire de la prendre en considération ; qu'elle en a, à bon droit, déduit que l'intention de dissimuler les heures de travail accomplies par le salarié n'était pas établie ; qu'elle a cependant condamné l'employeur au paiement d'une indemnité à titre de travail dissimulé ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;
ALORS en deuxième lieu QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; que la cour d'appel a estimé, dans les motifs de l'arrêt, que la proposition de l'employeur de conclure avec le salarié une convention de forfait démontrait l'intention du premier, non de dissimuler l'activité salariée du second, mais au contraire de la prendre en considération ; qu'elle en a, à bon droit, déduit que l'intention de dissimuler les heures de travail accomplies par le salarié, nécessaire pour établir les faits de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, n'était pas établie ; qu'elle a cependant, dans le dispositif, condamné l'employeur au paiement d'une indemnité à titre de travail dissimulé ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif et ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS en troisième lieu QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que la contradiction entre deux chefs du dispositif équivaut à une absence de motif ; que la cour d'appel condamne l'employeur au paiement d'une indemnité à titre de travail dissimulé tout en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre deux chefs du dispositif et ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile.
Moyen produit au pourvoi incident par Me Ricard, avocat aux Conseils pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande en paiement d'heures supplémentaires, outre les congés payés y afférents, pour la période de juin 2009 à décembre 2011 ;
AUX MOTIFS QU'il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fourmis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir, en cas de besoin, ordonné toutes les mesures d'instructions qu'il estime utile. Ainsi, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par le salarié, qui doivent étayer suffisamment sa demande, et de ceux fournis par l'employeur qui doivent être de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Monsieur X... produit à la Cour un tableau récapitulant le total des heures supplémentaires accomplies par semaines depuis juin 2009 jusqu'en juin 2012. Pour la période comprise entre juin 2009 et décembre 2011, ce tableau fait apparaître un nombre d'heures supplémentaires fixe, équivalent chaque jour, qui n'a varié que d'une année sur l'autre dans des proportions incompréhensibles. Ce tableau, sur la période considérée est stéréotypé et les heures supplémentaires y figurant ne sont corroborées par aucun autre élément ;
ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que le juge ne peut porter une appréciation sur une insuffisance des éléments produits par le seul salarié lorsque ce dernier a produit un décompte des heures qu'il prétendait avoir réalisées auquel l'employeur pouvait répondre ; qu'en reprochant à M. X... de ne pas étayer sa demande aux motifs qu'il n'avait fourni qu'un tableau « stéréotypé », non corroboré par d'autres éléments, faisant apparaître « un nombre d'heures supplémentaires fixe, équivalent chaque jour, qui n'a varié que d'une année sur l'autre dans des proportions incompréhensibles », quand il en résulte que M. X... avait produit un décompte précis des heures de travail qu'il prétendait avoir réalisées, auquel l'employeur pouvait répondre, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du Code du travail ;
ALORS QU'au demeurant, le juge, ne pouvant se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié pour rejeter sa demande, doit examiner les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir ; qu'en décidant qu'il appartenait à M. X..., à qui il était reproché de ne pas étayer le tableau des heures supplémentaires exécutées par d'autres éléments, quand la société SASU les Jardins d'Aliénor ne produisait aucun élément susceptible de justifier les horaires réalisés quotidiennement par le directeur, la cour d'appel a violé les articles 1315 du Code civil et L. 3171-4 du Code du travail ;
ALORS QU'en tout état de cause, le juge ne peut dénaturer les éléments de preuve produits aux débats ; qu'en affirmant que, pour la période de juin 2009 à décembre 2011, M. X... ne produisait qu'un tableau « stéréotypé » faisant apparaître « un nombre d'heures supplémentaires fixe, équivalent chaque jour, qui n'a varié que d'une année sur l'autre dans des proportions incompréhensibles », quand ledit tableau mentionnait un nombre d'heures supplémentaires variable au cours d'une même année et d'une année à l'autre, la cour d'appel a dénaturé ce document et violé l'article 1134 du code civil.