LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée en qualité d'agent administratif par la société Agence canine de sécurité ; qu'eu égard à son statut de salariée protégée, elle a été licenciée le 24 février 2009 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, après autorisation délivrée par l'inspection du travail ; que faisant valoir que son licenciement pour inaptitude était consécutif à un harcèlement moral imputable à son employeur, elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de dommages-intérêts ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen annexé, lequel n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'a pas été invoqué devant la cour d'appel ; qu'il est nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant irrecevable ;
Mais sur le premier moyen :
Vu la loi des 16-24 août 1790 et les articles L. 2421-3, L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
Attendu que, pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts au titre de la perte d'emploi, l'arrêt retient que si un salarié protégé qui démontre que son inaptitude trouve son origine dans le harcèlement moral de son employeur demeure fondé à faire valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de cette inaptitude et peut solliciter la réparation du préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi, il y a lieu de constater que l'intéressée ne remet pas en cause la légitimité de la rupture de son contrat de travail à l'origine de la perte de son emploi ;
Attendu, cependant, que dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que l'inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement ; qu'il ne lui appartient pas en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral dont l'effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; que, ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour perte d'emploi, l'arrêt rendu le 20 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société Tirmant-Raulet, en qualité de liquidateur de la société Agence canine de sécurité, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Tirmant-Raulet, en qualité de liquidateur de la société Agence canine de sécurité, et condamne celle-ci à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté madame X... de sa demande de dommages et intérêts pour perte d'emploi ;
AUX MOTIFS QUE la salariée sollicite la condamnation de son employeur au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la perte de son emploi aux motifs que son inaptitude trouve son origine dans le harcèlement moral de ce dernier à son égard ; que si un salarié protégé qui démontre que son inaptitude trouve son origine dans le harcèlement moral de son employeur demeure fondé à faire valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de cette inaptitude et peut solliciter la réparation du préjudice résultant de la perte injustifiée de l'emploi, il y a lieu de constater qu'en l'espèce, madame Sabine X... ne remet pas en cause la légitimité de la rupture de son contrat de travail à l'origine de la perte de son emploi ; qu'en conséquence, sa demande n'étant pas fondée, il y a lieu de l'en débouter ;
ALORS QUE lorsque le harcèlement moral subi est à l'origine de l'inaptitude physique, le salarié peut solliciter la réparation du préjudice résultant de la perte d'emploi consécutive à son licenciement pour inaptitude ; que, pour débouter madame X... de sa demande de dommages et intérêts pour perte d'emploi, la cour d'appel a énoncé que « madame Sabine X... ne remet pas en cause la légitimité de la rupture de son contrat de travail à l'origine de la perte de son emploi » ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher si le harcèlement moral subi par madame X... - qu'elle jugeait établi - se trouvait à l'origine de l'inaptitude physique, la cour d'appel a violé l'article L. 1152-3 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté madame X... de sa demande de dommages et intérêts au titre de la modification illicite du contrat de travail et, en conséquence, de sa demande de dommages et intérêts au titre de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat ;
AUX MOTIFS QUE madame Sabine X... a été embauchée en contrat à durée indéterminée en date du 3 août 2004 en qualité d'agent administratif par la société Agence Canine de Sécurité ; que, sur le harcèlement moral : il résulte également des attestations et pièces versées aux débats par la salariée que des propos misogynes voir obscènes ou injurieux étaient tenus au sein de l'entreprise, qu'une pression permanente était mise sur madame Sabine X... qui était parfois contactée en dehors de ses horaires de travail, y compris les fins de semaines et lors de ses vacances, qu'elle était en outre employée à des tâches qui ne relevaient pas de ses attributions ; que madame Sabine X... établit ainsi suffisamment des faits répétés qui, pris et appréciés dans leur ensemble, sont de nature à laisser présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral en présence de laquelle l'employeur se doit d'établir que les comportements et faits qui lui sont reprochés sont étrangers à tout harcèlement moral ; que, sur la demande de dommages et intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail : le pouvoir de direction de l'employeur s'exerce librement à condition qu'il ne se traduise pas par une modification unilatérale du contrat de travail ; que les parties ne confirment pas l'existence d'un support écrit de la relation de travail ; qu'il ne ressort pas des pièces communiquées la détermination exacte des fonctions de la salariée ; qu'en conséquence, les éléments versés aux débats ne permettent pas à la cour d'apprécier les modifications éventuellement apportées aux fonctions de madame Sabine X... ; que, sur la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat : la salariée sollicite la condamnation de son employeur au paiement de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat en invoquant comme seul moyen la modification unilatérale du contrat de travail par ce dernier ; que la demande de la salariée au titre de la modification unilatérale de son contrat de travail étant rejetée, il y a lieu de la débouter de sa demande fondée sur la violation de l'obligation de sécurité de résultat ;
ALORS QUE l'obligation faîte au salarié d'exécuter des tâches qui ne relèvent pas de sa qualification et sont étrangères à l'activité pour laquelle il a été engagé constitue une modification du contrat de travail qui ne peut être décidée sans son accord ; qu'en déboutant madame X... de sa demande de dommages et intérêts au titre de la modification illicite du contrat de travail, quand elle constatait que la salariée, embauchée en qualité d'agent administratif, avait été contrainte d'exécuter des tâches qui ne relevaient pas de ses attributions et de sa qualification, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté madame X... de sa demande de dommages et intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat ;
AUX MOTIFS QU'il ressort des éléments produits par la salariée et non utilement contredits par l'employeur que madame Sabine X... a été placée en arrêt maladie le 1er février 2008, son arrêt de travail étant motivé par un surmenage et un harcèlement moral, qu'elle a fait l'objet d'une visite de reprise par le médecin du travail le 14 janvier 2009 qui l'a déclarée inapte au poste avec danger immédiat de maintien de poste et qu'il était précisé « impossibilité de reclassement dans l'entreprise pour raisons médicales » ; que le 27 octobre 2008, le docteur Y..., appartenant au service de santé au travail des Ardennes attestait avoir constaté chez madame Sabine X... « un état dépressif réactionnel aux difficultés relationnelles avec son employeur et aux conditions de vie au travail » ; qu'il résulte également des attestations et pièces versées aux débats par la salariée que des propos misogynes voir obscènes ou injurieux étaient tenus au sein de l'entreprise, qu'une pression permanente était mise sur madame Sabine X... qui était parfois contactée en dehors de ses horaires de travail, y compris les fins de semaines et lors de ses vacances, qu'elle était en outre employée à des tâches qui ne relevaient pas de ses attributions ; que madame Sabine X... établit ainsi suffisamment des faits répétés qui, pris et appréciés dans leur ensemble, sont de nature à laisser présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral en présence de laquelle l'employeur se doit d'établir que les comportements et faits qui lui sont reprochés sont étrangers à tout harcèlement moral ; que si le liquidateur judiciaire de la société Agence Canine de Sécurité conteste les griefs invoqués, il ne résulte pas des pièces qu'il verse aux débats que les conditions de travail ci-dessus décrites, incompatibles avec la sécurité physique et psychique de la salariée, étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il sera par conséquent jugé, confirmant la décision déférée, que les faits de harcèlement moral sont constitués ; qu'en conséquence, il sera alloué à madame Sabine X..., qui a nécessairement subi un préjudice spécifique découlant de la dégradation de ses conditions de travail et de l'altération de sa santé, des dommages et intérêts à hauteur de la somme qui sera fixée au dispositif du présent arrêt ; que la salariée sollicite la condamnation de son employeur au paiement de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat en invoquant comme seul moyen la modification unilatérale du contrat de travail par ce dernier ; que la demande de la salariée au titre de la modification unilatérale de son contrat de travail étant rejetée, il y a lieu de la débouter de sa demande fondée sur la violation de l'obligation de sécurité de résultat ;
ALORS QUE l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral exercés par l'un ou l'autre de ses salariés ; qu'en déboutant madame X... de sa demande de dommages et intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat, quand elle jugeait que la salariée avait été effectivement victime de harcèlement moral au travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-4 et L. 4121-1 du code du travail.