LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 77 et 80, ensemble les articles 5 et 49 du code de procédure civile ;
Attendu que pour trancher l'exception d'incompétence soulevée dans l'affaire dont il est saisi, le juge statue, si nécessaire, sur les questions de fond dont dépend sa compétence ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Moët Hennessy Diageo (la société MHD) ayant dénoncé le contrat aux termes duquel elle confiait à M. X... la mission de promouvoir auprès de sa clientèle ses produits, son image et son savoir-faire, celui-ci l'a assignée devant un tribunal de commerce pour se voir reconnaître le statut d'agent commercial et avoir paiement d'une indemnité ; que ce tribunal ayant accueilli l'exception d'incompétence soulevée par la société MHD, qui se prévalait d'une clause attributive de compétence au profit d'un autre tribunal de commerce, M. X... a formé un contredit contre ce jugement ;
Attendu que pour faire droit au contredit et renvoyer les parties devant le tribunal de commerce initialement saisi, la cour d'appel retient que la compétence de la juridiction doit être analysée au regard du statut que revendique M. X... qui a précisément saisi la juridiction parce qu'il contestait la qualification de son contrat et sa qualité de commerçant qu'il déniait, de sorte qu'on ne peut pas en l'état, lui opposer la clause attributive de compétence, alors que la preuve de sa qualité de commerçant n'est pas encore rapportée, et qu'appliquer cette clause serait préjuger de la nature du contrat le liant à la société MHD ;
Qu'en statuant ainsi, sans trancher la question de fond dont dépendait la compétence, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Moet Hennessy Diageo ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille dix sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Moet Hennessy Diageo
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fait droit au contredit formé par Monsieur X... et d'AVOIR renvoyé les parties devant la juridiction du tribunal de commerce de Brive déclarée compétente ;
AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « la compétence de la juridiction doit être analysée par rapport au statut que revendique Eric X... qui a précisément saisi la juridiction parce qu'il contestait la qualification de son contrat de travail et sa qualité de commerçant qu'il dénie, de sorte qu'on ne peut pas en l'état lui opposer la clause attributive de compétence dont l'application est requise par son employeur, alors que la preuve de sa qualité de commerçant n'est pas encore rapportée, et appliquer cette clause serait préjuger de la nature du contrat le liant à la SAS MOET HENNESSY DIAGEO ; qu'il sera fait droit au contredit ainsi formé » ;
ALORS en premier lieu QUE la cour d'appel, saisie d'un contredit, doit tenir compte de tous les éléments de nature à avoir une influence sur la compétence, et les apprécier dans cette mesure ; qu'en jugeant, pour faire droit au contredit, que « la compétence de la juridiction doit être analysée par rapport au statut que revendique Eric X... qui a précisément saisi la juridiction parce qu'il contestait la qualification de son contrat de travail et sa qualité de commerçant qu'il dénie, de sorte qu'on ne peut pas en l'état lui opposer la clause attributive de compétence dont l'application est requise par son employeur, alors que la preuve de sa qualité de commerçant n'est pas encore rapportée, et appliquer cette clause serait préjuger de la nature du contrat le liant à la SAS MOET HENNESSY DIAGEO » (arrêt, p.3), et en refusant ainsi de trancher la question de fond dont dépendait la compétence litigieuse, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et a violé les articles 77 et 80 du code de procédure civile ;
ALORS en deuxième lieu QU'en jugeant le contredit fondé pour infirmer le jugement entrepris et juger inapplicable la clause attributive de juridiction, tout en refusant de trancher la question de la qualité de commerçant de Monsieur X... dont dépendait la licéité de cette clause, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS en troisième lieu QU'en retenant, pour juger le contredit fondé, que Monsieur X... « contestait la qualification de son contrat de travail », et en méconnaissant ainsi que seules les qualifications de commerçant et d'agent commercial étaient discutées devant elle, et non celle de salarié, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS en quatrième lieu QUE la SAS MOET HENNESSY DIAGEO établissait que Monsieur X... ne pouvait prétendre à la qualité d'agent commercial, et qu'il avait dès lors bien la qualité de commerçant, en rappelant notamment que le contrat du 15 février 2010 stipule formellement, à son article 2.1, que Monsieur X... n'était ni autorisé à conclure des contrats au nom de la société MOET HENNESSY DIAGEO ni autorisé à négocier les conditions des contrats conclus avec la clientèle, de telle sorte que son activité entrait dans la catégorie des fournitures de services, et qu'une telle activité, qui n'est pas purement intellectuelle, revêt un caractère commercial dès lors qu'elle est exercée à titre habituel et lucratif ; qu'en jugeant que « la preuve de sa qualité de commerçant n'est pas encore rapportée » (arrêt, p.3), sans analyser, même sommairement, les pièces versées aux débats, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.