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11/01/2017 | FRANCE | N°16-80619

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 janvier 2017, 16-80619


Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Michaël X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 13e chambre, en date du 16 novembre 2015, qui, pour proxénétisme aggravé, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d'amende ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 30 novembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Raybaud, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Gu

ichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller RAYBAUD, les observations de la société ci...

Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Michaël X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 13e chambre, en date du 16 novembre 2015, qui, pour proxénétisme aggravé, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d'amende ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 30 novembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Raybaud, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller RAYBAUD, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LE BAUT ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 131, 134, 175, 176, 179, 385, 591 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'exception de nullité de la procédure soulevée par M. X... ;
" aux motifs que M. X... estime être en droit de se prévaloir des dispositions de l'article 385, alinéa 3, du code de procédure pénale permettant aux parties qui n'ont pas reçu notification de la fin de l'information de soulever devant le tribunal correctionnel des nullités de la procédure et fait valoir qu'il n'était pas en fuite mais domicilié aux Etats-Unis sans avoir jamais eu connaissance de ce qu'il était recherché ; qu'il ressort des dispositions de l'article 131 du code de procédure pénale, déclarées conformes à la constitution par le Conseil constitutionnel, qu'un mandat d'arrêt peut être décerné à l'encontre d'une personne en fuite ou qui réside hors du territoire de la République ; que c'est donc par une décision exempte de reproche que le juge d'instruction a pu décerner mandat d'arrêt à l'encontre de M. X..., régulièrement domicilié aux Etats-Unis, avant de le renvoyer devant le tribunal correctionnel de Marseille, après examen des charges pesant contre lui ; que M. X... s'étant placé de son propre fait, par son domicile hors du territoire, dans l'impossibilité de bénéficier des dispositions de l'article 175 du code de procédure pénale, il ne peut ultérieurement devant la juridiction de jugement en tirer avantage pour se prévaloir de l'application de l'article 385, alinéa 3, qui permet, de manière dérogatoire, à celui qui, partie à la procédure, ce qui n'était pas le cas de M. X..., n'a pas reçu notification des formalités prévues à l'article 175 du code de procédure pénale, de contester la validité de la procédure devant le tribunal correctionnel ; qu'il n'est donc pas recevable à solliciter la nullité de la procédure devant cette juridiction et le jugement du tribunal correctionnel sera confirmé sur ce point ;
" 1°) alors que toute personne a droit à un procès équitable ; qu'une personne résident à l'étranger ne saurait de ce seul fait être privée du droit de soulever des exceptions concernant la procédure d'instruction à l'issue de laquelle elle a été renvoyée devant le tribunal correctionnel, si elle n'était pas en fuite ; que le prévenu a présenté des conclusions aux fins de nullité de la procédure d'instruction, en invoquant le fait qu'il avait été privé des droits de la défense pendant cette phase de la procédure, en ce qu'il n'avait jamais été informé de sa mise en cause dans cette procédure et de l'avis de fins d'informer, ce qui l'avait privé d'une part de la possibilité de demander des actes d'information complémentaires, tels l'audition de témoins, et particulièrement des six femmes qu'il avait présentées à un tiers et qui se seraient livrées à la prostitution, d'autre part, de la possibilité de contester les conditions de transcription des écoutes téléphoniques et, enfin, de celle de contester son renvoi éventuel devant le tribunal correctionnel sans avoir été mis en examen ; que la cour d'appel a déclaré ses exceptions de nullité irrecevables, en estimant qu'en résidant à l'étranger, ce qui permettait au magistrat instructeur de délivrer à son encontre un mandat d'arrêt, le prévenu s'est placé de son propre fait, dans l'impossibilité de bénéficier des dispositions de l'article 175 du code de procédure pénale et par voie de conséquence de celles de l'article 385, alinéa 3, du code de procédure pénale ; qu'en ne constatant pas que le prévenu savait qu'il était mis en cause par le magistrat instructeur et qu'il avait tenté d'échapper à la justice française, la cour d'appel a déclaré irrecevable les exceptions de nullité des actes d'instruction en méconnaissance le droit à un procès équitable tel que garanti par l'article 6, § § 1 et 3, c), de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" 2°) alors que, dans ses conclusions aux fins de nullité, le prévenu soutenait que le magistrat instructeur avait délivré un mandat d'arrêt sans nécessité, dès lors qu'il connaissait son adresse pour avoir émis une commission rogatoire internationale qui avait donné lieu à des actes d'exécution aux Etats-Unis où le prévenu avait été entendu ; qu'il en résultait que le magistrat instructeur aurait pu lui notifier une convocation en vue de sa mise en examen et à tout le moins de l'avis de fins d'informer ; qu'en déclarant irrecevable l'exception de nullité de la procédure tirée du défaut de mise en examen du prévenu avant son renvoi devant le tribunal correctionnel, sans se prononcer sur l'inutilité du mandat d'arrêt délivré dans de telles circonstances, la cour d'appel a méconnu le droit à un procès équitable, tel que garanti par l'article 6, § § 1 et 3, c), de la Convention européenne des droits de l'homme " ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que dans le courant de l'année 2007, les services de police ont découvert l'existence d'un réseau international de prostitution opérant sur la Côte d'Azur ; qu'une information a été ouverte du chef de proxénétisme aggravé ; que plusieurs suspects ont été mis en examen ; que le juge d'instruction a délivré une commission rogatoire internationale afin de recueillir les déclarations de M. X..., ressortissant italien résidant aux Etats-Unis, gérant d'une société de services, soupçonné de recruter des prostituées dans le cadre de ce réseau ; que M. X... a été entendu les 14 et 27 octobre 2009 sur le territoire américain, en présence de son avocat ; que le juge d'instruction a délivré le 24 mars 2011 un mandat d'arrêt à son encontre, en visant la qualification de proxénétisme aggravé ; que, par ordonnance du 22 mai 2012, il a renvoyé plusieurs personnes, parmi lesquelles M. X..., devant le tribunal correctionnel, sans que l'avis de fin d'information prévu par l'article 175 du code de procédure pénale ait été notifié à ce dernier ;
Attendu que M. X..., appréhendé en Grande-Bretagne le 28 mai 2012 en exécution du mandat d'arrêt, a été remis aux autorités françaises le 12 avril 2013 et placé sous contrôle judiciaire par un juge des libertés et de la détention ; qu'il a comparu devant le tribunal correctionnel ; que cette juridiction l'a déclaré coupable de proxénétisme aggravé et a statué sur la peine ; que le prévenu et le ministère public ont interjeté appel du jugement ; que devant la cour d'appel, l'avocat du prévenu a soulevé une exception de nullité du mandat d'arrêt, en faisant valoir que l'absence de notification de l'avis de fin d'information l'avait privé de la possibilité de formuler des observations lors de la procédure d'instruction et qu'il était recevable à présenter des demandes de nullité devant la juridiction de jugement ; que, pour rejeter cette exception, l'arrêt retient, d'une part, que M. X..., résidant aux Etats-Unis, s'est placé pour ce motif dans l'impossibilité de bénéficier des dispositions de l'article 175 du code de procédure pénale et n'est plus recevable à invoquer des nullités de la procédure d'instruction sur le fondement de l'article 385, alinéa 3, du code de procédure pénale, d'autre part, que le mandat d'arrêt a été valablement délivré dans la mesure où il résidait hors du territoire de la République ;
Mais attendu qu'en se bornant, pour écarter l'application de l'article 385, alinéa 3, du code de procédure pénale, à relever que M. X... résidait aux Etats-Unis, sans constater que l'intéressé était en fuite, se savait recherché et voulait échapper aux poursuites, et, au surplus, en validant le mandat d'arrêt délivré à l'encontre d'une personne résidant hors du territoire de la République sans apprécier le caractère nécessaire et proportionné du recours à cette mesure de contrainte en fonction des circonstances de l'espèce, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen proposé :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 16 novembre 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze janvier deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-80619
Date de la décision : 11/01/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

INSTRUCTION - Mandat - Mandat d'arrêt - Personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt - Personne en fuite (non) - Personne résidant hors du territoire de la République - Régularité - Conditions - Caractère nécessaire et proportionné de la mesure en fonction des circonstances de l'espèce - Contrôle - Juridictions correctionnelles - Constatations nécessaires

JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Exceptions - Exception de nullité - Nullité de pièces de la procédure - Mandat - Mandat d'arrêt - Personne résidant hors du territoire de la République - Personne en fuite (non) - Régularité - Conditions - Caractère nécessaire et proportionné de la mesure en fonction des circonstances de l'espèce - Constatations nécessaires

Ne justifie pas sa décision la cour d'appel qui valide le mandat d'arrêt délivré par un juge d'instruction à l'encontre d'une personne résidant hors du territoire de la République mais qui n'est pas en fuite sans apprécier le caractère nécessaire et proportionné de cette mesure de contrainte en fonction des circonstances de l'espèce


Références :

article 131 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 16 novembre 2015

Sur la nécessité, pour le juge d'instruction qui décerne un mandat d'arrêt à l'encontre d'une personne résidant hors du territoire de la République, d'apprécier le caractère nécessaire et proportionné du recours à cette mesure de contrainte en fonction des circonstances de l'espèce, à rapprocher :Cons. const., 27 février 2015, décision n° 2014-452 QPC


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 jan. 2017, pourvoi n°16-80619, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Le Baut
Rapporteur ?: M. Raybaud
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.80619
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