LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 31 juillet 2014), que M. X... a acquis en 2005 la majorité des parts de la société Frigestion, société holding propriétaire de 100 % des actions de la société Crigent ; que par acte du 30 juin 2005, la société Frigestion, représentée par M. X..., son gérant, a emprunté la somme de 460 000 euros auprès de la société Crédit coopératif (le Crédit coopératif), avec la garantie partielle de la société Oséo et celle de M. X... en qualité de caution solidaire à concurrence de 92 000 euros ; que la société Frigestion ayant été mise en liquidation judiciaire le 25 février 2010, le Crédit coopératif a assigné M. X... en exécution de son engagement ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au Crédit coopératif la somme principale de 92 000 euros alors, selon le moyen :
1°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'en affirmant, pour exclure toute disproportion de l'engagement de caution, que M. X... ne contestait pas percevoir des revenus nets mensuels de 3 000 euros au moment où il a souscrit son engagement de caution et faisait seulement état d'une période de chômage antérieure, quand, au contraire, celui-ci avait clairement indiqué qu'il était au chômage depuis 2002 et qu'il percevait, à ce titre, des indemnités mensuelles d'un montant de 1 655, 40 euros, y compris lorsqu'il a, en 2005, fait l'acquisition de la société Crigent, acquisition à l'issue de laquelle il a procédé à l'emprunt litigieux, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; qu'en se fondant sur la circonstance que M. X... était propriétaire en indivision d'un bien immobilier, pour exclure toute disproportion de son engagement de caution, au prétexte que ce bien constituait un élément de patrimoine pouvant répondre des dettes, après avoir pourtant constaté qu'un tel bien, qui constituait sa résidence principale, était, aux termes des conditions générales de l'assurance attachée au prêt litigieux, insaisissable par la banque pour le recouvrement de la créance garantie, ce dont il résultait que le bien devait être nécessairement exclu de l'assiette d'évaluation de la capacité contributive de la caution, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation ;
Mais attendu, d'une part, que c'est sans méconnaître l'objet du litige que l'arrêt constate que M. X... n'a pas contesté que, dans la fiche de renseignements patrimoniaux qu'il avait signée et dont il avait certifié la sincérité, il avait déclaré des revenus mensuels de 3 000 euros ;
Et attendu, d'autre part, que l'arrêt relève que l'article 10 des conditions générales de la garantie Oséo liant cette société au Crédit coopératif stipule que « le logement servant de résidence principale au Bénéficiaire, s'il s'agit d'un entrepreneur individuel, ou aux dirigeants sociaux qui animent effectivement l'entreprise si le Bénéficiaire est une société, ne peut en aucun cas faire l'objet d'une hypothèque conventionnelle ou judiciaire en garantie du crédit ni d'une saisie immobilière pour le recouvrement de la créance garantie » ; que l'arrêt retient encore que cette garantie du prêt par la société Oséo a été consentie au Crédit coopératif sous la condition du cautionnement solidaire de M. X... et que le bien immobilier déclaré dans la fiche de renseignement constitue un élément de patrimoine pouvant répondre des dettes à concurrence des engagements de caution de M. X... ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que l'article 10 des conditions générales de la garantie de la société Oséo avait pour seul objet d'interdire au Crédit coopératif le recours à certaines procédures d'exécution forcée sans modifier la consistance du patrimoine de la caution pouvant être prise en compte, la cour d'appel a exactement retenu que cette interdiction était sans influence sur l'appréciation de la proportionnalité du cautionnement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de paiement de dommages-intérêts alors, selon le moyen, que doit être considérée comme une caution non avertie, à l'égard de laquelle l'établissement prêteur est débiteur d'une obligation de mise en garde, la caution qui ne dispose pas des compétences lui permettant de mesurer les risques encourus par son engagement ; qu'en déduisant des seules compétences techniques et commerciales de M. X... et de sa qualité de dirigeant de la société débitrice principale celle de caution avertie, sans rechercher si celui-ci disposait des compétences lui permettant de mesurer les risques encourus par les cautionnements auxquels il s'engageait à titre personnel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que le parcours professionnel de M. X... démontre qu'il a assumé des fonctions de responsabilité nécessitant des compétences techniques et commerciales, qu'il a suivi une formation spécifique à la reprise d'entreprise, qu'il s'est personnellement chargé de la constitution et du suivi des dossiers de financement en vue de l'opération de reprise complexe qu'il a montée ainsi que des négociations nécessaires à l'obtention des financements ; qu'en l'état de ces motifs, dont elle a déduit que M. X... était une caution avertie, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Crédit coopératif la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné M. X... en sa qualité de caution solidaire de la société Frigestion à payer au Crédit coopératif la somme de 92. 000 euros, majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du 11 mars 2010, date de la première mise en demeure ;
AUX MOTIFS QUE, sur le caractère manifestement disproportionné du cautionnement, il résulte des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation applicable en la cause que l'engagement de caution conclu par une personne physique au profit d'un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution, dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude ; que le caractère disproportionné s'apprécie à la date de souscription de l'engagement de caution ; qu'il appartient à la caution qui entend opposer au créancier professionnel les dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation, de rapporter la preuve du caractère disproportionné de son engagement par rapport à ses biens et revenus ; qu'en l'espèce, M. X... s'est porté caution solidaire des engagements pris par la société Frigestion, par acte du 22 juin 2005, dans la limite d'un montant global incluant le principal, intérêts, frais, commissions et accessoires de 92. 000 euros ; que M. X... a rempli le 31 mai 2005 une fiche de renseignements patrimoniaux qu'il a signée et dont il a certifié qu'ils étaient sincères et véritables ; qu'il a déclaré des revenus nets mensuels de 3. 000 euros ce qu'il ne remet pas en cause devant la cour, faisant seulement état d'une période de chômage antérieure, détenir en indivision un bien immobilier situé ... à Soisy-sous-Montmorency (95230), acquis au prix de 177. 000 euros en 1988, évalué à la somme de 457. 000 euros ; que M. X... a déclaré n'avoir pas d'emprunts et de charges mensuelles de remboursement ; que M. X... ne prouve pas que les renseignements donnés auraient présenté des anomalies telles qu'elles auraient dû alerter le Crédit coopératif, se bornant à soutenir qu'il appartenait à ce dernier de les vérifier ; qu'au demeurant, la fiche cadastrale versée aux débats, peu important qu'elle soit datée d'avril 2010, confirme que M. X... avait en effet acquis le bien immobilier en cause en 1988 par moitié avec son épouse, au prix d'1. 500. 000 francs ; que la valeur déclarée du bien au moment de la souscription de l'engagement de caution ne fait l'objet d'aucune contestation ; qu'en l'absence d'anomalies apparentes affectant les renseignements donnés par M. X..., la banque n'avait donc pas à se livrer à des investigations complémentaires pour vérifier l'étendue du patrimoine de M. X... et lui demander d'en justifier ; que M. X... fait état de charges de remboursement d'emprunts souscrits pour financer son apport personnel ; que cependant, ne sauraient être prises en considération pour l'appréciation de la disproportion, des charges ou des engagements connus de M. X... qu'il n'a pas portés à la connaissance de la banque, la caution étant tenue d'une obligation de sincérité quant à la situation financière et patrimoniale qu'elle déclare comme M. X... l'a d'ailleurs expressément reconnu en signant ce document ; que M. X... prétend que la valeur de ses parts indivises ne devrait pas être prise en compte pour l'évaluation du caractère disproportionné de son engagement au motif que la société Oséo partenaire de l'opération en tant qu'assureur du prêt exigeait, dans son contrat, que la banque prêteuse ne puisse saisir la résidence principale de « l'emprunteur » ; que, certes, il est stipulé à l'article 10 des conditions générales de la garantie Oséo accompagnant la notification de cette garantie, étant précisé que le bénéficiaire du concours garanti est la société Frigestion, que « le logement servant de résidence principale au Bénéficiaire, s'il s'agit d'un entrepreneur individuel ou aux dirigeants sociaux qui animent effectivement l'entreprise si le Bénéficiaire est une société, ne peut en aucun cas faire l'objet d'une hypothèque conventionnelle ou judiciaire en garantie du crédit ni d'une saisie immobilière pour le recouvrement de la créance garantie » ; que toutefois, d'une part, la garantie donnée par Oséo l'a été expressément sous la condition du cautionnement solidaire de M. X... à hauteur de 20 % du prêt à moyen terme de 460. 000 euros consenti à la société Frigestion ce qui correspond exactement à l'engagement souscrit par M. X..., d'autre part, les stipulations de l'article 10 précité sont sans emport sur l'appréciation du caractère proportionné ou non du cautionnement donné dès lors que le bien immobilier constituait néanmoins un élément de patrimoine pouvant répondre des dettes à concurrence de la part indivise de M. X... ; qu'en l'état des renseignements donnés par M. X..., certifiés exacts et dépourvus d'anomalies apparentes auxquels la banque était en droit de se fier sans entreprendre de vérifications, le cautionnement donné par celui-ci n'était donc pas manifestement disproportionné au sens de l'article L. 341-4 ;
ALORS, 1°), QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'en affirmant, pour exclure toute disproportion de l'engagement de caution, que M. X... ne contestait pas percevoir des revenus nets mensuels de 3. 000 euros au moment où il a souscrit son engagement de caution et faisait seulement état d'une période de chômage antérieure, quand, au contraire, celui-ci avait clairement indiqué qu'il était au chômage depuis 2002 et qu'il percevait, à ce titre, des indemnités mensuelles d'un montant de 1. 655, 40 euros, y compris lorsqu'il a, en 2005, fait l'acquisition de la société Crigent, acquisition à l'issue de laquelle il a procédé à l'emprunt litigieux, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ; ALORS, 2°), QU'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; qu'en se fondant sur la circonstance que M. X... était propriétaire en indivision d'un bien immobilier, pour exclure toute disproportion de son engagement de caution, au prétexte que ce bien constituait un élément de patrimoine pouvant répondre des dettes, après avoir pourtant constaté qu'un tel bien, qui constituait sa résidence principale, était, aux termes des conditions générales de l'assurance attachée au prêt litigieux, insaisissable par la banque pour le recouvrement de la créance garantie, ce dont il résultait que le bien devait être nécessairement exclu de l'assiette d'évaluation de la capacité contributive de la caution, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. X... ès qualités de caution solidaire de la société Frigestion de sa demande tendant à ce que le Crédit coopératif soit condamné à lui payer des dommages-intérêts à hauteur des sommes qu'il lui a réclamées ;
AUX MOTIFS QUE, sur la faute du Crédit coopératif, le banquier n'a pas de devoir de conseil envers la caution ; qu'il est tenu à l'égard de la caution non avertie d'un devoir de mise en garde à raison de ses capacités financières et des risques d'endettement nés de l'opération cautionnée ; que M. X... né en 1949, dont le parcours professionnel démontre qu'il a assumé des fonctions de responsabilité nécessitant des compétences techniques et commerciales, qui avait en outre suivi une formation spécifique à la reprise d'entreprise, qui s'est personnellement chargé de la constitution et du suivi des dossiers de financement en vue de l'opération de reprise complexe qu'il a montée ainsi que des négociations nécessaires à l'obtention de ces financements, gérant et associé de la société Frigestion, est une caution avertie ; qu'en conséquence, la banque n'était tenue à son égard d'aucune obligation de conseil ou de mise en garde, dès lors qu'il n'est pas démontré que le Crédit coopératif aurait eu sur la situation de la société, sur ses capacités de remboursement et ses perspectives de développement des informations que son dirigeant aurait ignorées ;
ALORS QUE doit être considérée comme une caution non avertie, à l'égard de laquelle l'établissement prêteur est débiteur d'une obligation de mise en garde, la caution qui ne dispose pas des compétences lui permettant de mesurer les risques encourus par son engagement ; qu'en déduisant des seules compétences techniques et commerciales de M. X... et de sa qualité de dirigeant de la société débitrice principale celle de caution avertie, sans rechercher si celui-ci disposait des compétences lui permettant de mesurer les risques encourus par les cautionnements auxquels il s'engageait à titre personnel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil.