LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 janvier 2015), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 3 avril 2013, pourvoi n° 11-26.707), que la société civile immobilière 2 boulevard Debeaux (la SCI) a fait réaliser un groupe d'immeubles d'habitation ; qu'une mission de maîtrise d'oeuvre a été confiée à la société Arcos, assurée auprès de la société Allianz ; que le lot gros oeuvre a été confié à société Les Travaux du Midi (la STM) ; que le prix du marché a été fixé sur la base des métrés réalisés par le maître d'oeuvre dont les honoraires à ce titre ont été réglés par la STM à la SCI ; que la STM a, après expertise, assigné la SCI en indemnisation de préjudices résultant du déphasage des travaux et du retard de paiement des situations de travaux et sollicité, en outre, la condamnation de la SCI in solidum avec le maître d'oeuvre et son assureur, à lui payer diverses sommes au titre des surcoûts résultant des erreurs de métrés ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la STM fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la SCI et de rejeter sa demande de condamnation de la SCI, in solidum avec les sociétés Arcos et Allianz, au paiement de la somme de 198 196,10 euros correspondant à l'apurement des comptes du chantier, alors, selon le moyen :
1°/ que les circonstances imprévisibles imputables au maître de l'ouvrage sont de nature à entraîner la modification du caractère forfaitaire du contrat ; qu'en retenant en l'espèce que le marché conclu avait une nature forfaitaire et que la société Travaux du Midi ne pouvait se prévaloir d'une faute du maître de l'ouvrage emportant bouleversement de l'économie du contrat, au motif que cette société aurait dû s'assurer de l'exactitude des métrés fournis par le bureau d'études sans rechercher, comme elle y était invitée, si le fait pour la SCI 2 boulevard Debeaux, maître de l'ouvrage, d'avoir fourni, imposé et vendu les métrés à la société Les Travaux du Midi ne lui rendait pas imputables les erreurs contenues dans ces derniers, de sorte que ce maître d'ouvrage avait à tout le moins provoqué le bouleversement de l'économie du contrat, peu important que les métrés ainsi vendus et imposés eussent été établis par le maître d'oeuvre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1793 du code civil ;
2°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, aux motifs impropres qu'en tant que professionnel de la construction, la société Les Travaux du Midi aurait dû apprécier les données figurant sur le métré fourni par le bureau d'études et formuler toute remarque utile auprès du maître de l'ouvrage, voire refuser de conclure avec lui le marché de travaux global et forfaitaire, tandis que le recours spécial à une prestation particulière exécutée par ce bureau, la société Arcos, imposée par le maître de l'ouvrage et dont la société Les Travaux du Midi avait supporté le coût, avait précisément pour but de dispenser cette société de procéder elle-même à des calculs et caractérise les précautions prises par cette société Les Travaux du Midi pour évaluer le marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1793 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu qu'il n'était pas démontré qu'il y eût, à la demande du maître de l'ouvrage, un bouleversement de l'économie du contrat, la cour d'appel, procédant à la recherche prétendument omise, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la STM fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts en indemnisation du préjudice résultant de la scission du chantier en deux tranches et du refus du maître de l'ouvrage de démarrer la seconde tranche, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne peut refuser de statuer sur l'indemnisation d'un préjudice constaté en son principe en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en retenant que le préjudice invoqué par la société Les Travaux du Midi du fait de la scission du marché en deux phases de travaux n'était pas démontré, au motif que l'expert aurait relevé que les surcoûts présentés étaient « invérifiables puisqu'il résulte de la comparaison entre les frais engagés et les prévisions établies » et que « cette dernière donnée est interne à l'entreprise », la cour d'appel, qui a en réalité refusé d'indemniser un préjudice non pas faute pour celui-ci d'avoir été démontré, mais faute pour celui-ci de pouvoir être évalué par l'expert judiciaire, a violé l'article 4 du code civil ;
2°/ qu'il résultait du rapport qu'il n'existait « aucune raison technique ayant pu conduire le maître d'ouvrage à scinder en deux tranches la réalisation du chantier » ; que ce maître d'ouvrage avait cependant procédé à cette scission, le rapport d'expertise relevant que la société Les Travaux du Midi avaient subi une « perturbation dans l'enchaînement des travaux à savoir l'interruption réclamée par le maître d'ouvrage entre la réalisation des bâtiments A B C et D E F », cette « interruption résultant de la seule volonté du maître d'ouvrage » ; qu'en déduisant néanmoins de ce rapport que la société Les Travaux du Midi ne démontrait pas un préjudice imputable au maître de l'ouvrage, car les surcoûts étaient « invérifiables », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise ; qu'elle a ainsi violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que, si l'organisation du chantier avait connu des vicissitudes, les éléments fournis par l'entrepreneur, repris par l'expert, ainsi que les procès-verbaux de chantier, ne démontraient pas qu'il en était résulté pour l'entreprise un préjudice spécifique, la cour d'appel, qui n'a ni constaté l'existence d'un préjudice ni dénaturé le rapport d'expertise, a pu en déduire que la demande de dommages et intérêts résultant de la scission du chantier en deux tranches et du refus du maître de l'ouvrage de démarrer la seconde tranche devait être rejetée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
Attendu que, pour rejeter la demande en paiement de la STM contre les sociétés Arcos et Allianz, l'arrêt retient que les erreurs de métrés, qui doivent être appréciées dans le contexte d'un marché global et forfaitaire, que la STM a accepté de signer, ne représentent pas une augmentation considérable du volume et du coût des travaux par rapport au montant du marché et que l'entrepreneur, ne rapporte pas la preuve d'un comportement du bureau d'études justifiant de le condamner au titre de travaux supplémentaires ou d'erreurs de métrés ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le caractère forfaitaire d'un marché ne peut exonérer de son obligation de réparer le préjudice le tiers au contrat d'entreprise dont l'erreur commise dans son étude a conduit l'entrepreneur à établir un devis sous-évalué, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de la STM contre la société Arcos et son assureur au titre des coûts supplémentaires liés aux erreurs de métrés, l'arrêt rendu le 8 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Allianz aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delaporte et Briard, avocat aux Conseils, pour la société Les Travaux du Midi
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué de n'avoir condamné la SCI 2 boulevard Debeaux à payer à la société Les Travaux du Midi que les sommes de 16.934,95 euros au titre du solde des travaux, 9.858,26 euros au titre du compte prorata et 1.893,72 euros à titre d'indemnité pour retard de paiement de situation de travaux et d'avoir ainsi débouté la société Les Travaux du Midi de sa demande de condamnation de la SCI 2 boulevard Debeaux in solidum avec la société Arcos et la compagnie Allianz au paiement de la somme de 198.196,10 euros correspondant à l'apurement des comptes du chantier ;
Aux motifs que « suivant marché de travaux et acte d'engagement du 2 avril 1990, la SCI 2 boulevard Debeaux a confié le lot gros oeuvre à la société Les Travaux du Midi, pour un "prix global forfaitaire et non révisable" de 7.440.000 francs HT, soit 8.823.840 francs TTC, avec actualisation du montant initial du marché (hors avenant) entre l'index d'origine BT06 de mars 1990 et celui de mai 1990 ; que le même jour, était signé un avenant n° 1, "en plus" intitulé "travaux supplémentaires non révisables", portant sur le "préjudice pour retard de démarrage" d'un montant HT de 156.000 francs, soit 185.016 francs TTC ; qu'un avenant n° 2, "en plus", intitulé "travaux supplémentaires non révisables", fut établi le 28 mars 1991 pour un montant HT de 14.750 francs, soit 17.493 francs TTC ; ; qu'en vertu d'une convention d'études béton armé du 1er mars 1990 conclue entre la société anonyme Travaux du Midi et le bureau d'études techniques Arcos, ce dernier devait percevoir, à titre de rémunération, 2 % sur le décompte définitif TTC des travaux ; que le 2 avril 1990, un contrat de pilotage a été également conclu entre la société anonyme Travaux du Midi et le bureau d'études techniques Arcos ; que la réception du lot gros oeuvre est intervenue le 19 novembre 1991 ; que par lettre recommandée du 8 janvier 1992, reçue le 10 janvier 1992, la société anonyme Travaux du Midi a mis en demeure la SCI 2 boulevard Debeaux d'avoir à lui adresser le procès-verbal de réception et de lui payer : - pour les quantités en plus-value résultant d'erreurs de métrés : 1.689.878,22 francs HT, - pour le solde dû sur le marché : 267.039 francs HT, - pour les pénalités indument infligées : 119.643,68 francs HT, - pour les intérêts de retard de paiement des situations : 12.422,13 francs HT, - pour les travaux supplémentaires : 152.761,25 francs HT, - pour l'indemnité correspondant à l'incidence du matériel complémentaire : 270.431 francs HT, - pour l'indemnité correspondant à la perte pour main-d'oeuvre complémentaire : 449.160 francs HT ; que par acte du 25 janvier 1993, la société anonyme Travaux du Midi a fait assigner la SCI 2 boulevard Debeaux et la SNC Arcos devant le tribunal de grande instance de Marseille aux fins de condamnation in solidum de ces deux sociétés à lui payer : - 2.985.221,56 francs TTC au titre des erreurs de métrés initiales et des quantités supplémentaires d'acier mis en oeuvre, - 320.731,16 francs TTC pour le matériel complémentaire utilisé, - 469.160 francs pour la maind'oeuvre supplémentaire payée ; qu'elle a en outre sollicité la condamnation du seul maître de l'ouvrage à lui payer : - 12.422,13 francs à titre d'agios pour le retard dans le règlement de situations de travaux, - 141.897,40 francs TTC au titre des pénalités de retard indument retenues, - 181.174,84 francs TTC au titre des travaux supplémentaires non réglés ; que sur les sommes réclamées par l'entreprise, en application de l'article 1793 du code civil : "Lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire" ; qu'en conséquence, le caractère global du prix exclut l'application de prix unitaire aux quantités réellement exécutées, le prix devenant définitif ; que c'est donc à l'entrepreneur, tenu d'une obligation de conseil et devant exécuter de bonne foi son contrat, qu'il appartient de supporter l'erreur commise dans l'établissement de ces devis ; que néanmoins, il a été considéré qu'il pouvait être fait droit à une demande en paiement de travaux supplémentaires, lorsque les modifications demandées par le maître de l'ouvrage avaient entraîné un bouleversement de l'économie du contrat et, lorsque le maître de l'ouvrage, à défaut d'une autorisation écrite préalable aux travaux, avait accepté ces travaux, une fois effectués, de façon expresse et non équivoque ; qu'en l'espèce, le caractère global et forfaitaire du marché résulte clairement de la lecture du marché conclu et de celle des deux avenants, portant sur des postes bien précis, et n'est nullement démontré par l'entreprise, qu'il y eut, à la demande du maître de l'ouvrage, un bouleversement de l'économie du contrat ; qu'en outre, figurait au CCP dument signé par l'entreprise, la clause suivante : "Les entreprises sont supposées avoir contrôlé les quantitatifs qui leur ont été remis au moment de l'appel d'offre et ne pourront présenter aucune réclamation après la signature des marchés" ; qu'alors qu'il n'est pas contesté que l'entrepreneur est un professionnel de la construction, avant d'établir son devis et de conclure un tel marché à prix global et forfaitaire, il lui appartenait d'apprécier les données figurant sur les métrés fournis par les bureaux d'études et, en raison du chiffrage y figurant, sous-évalué pour les quantités de béton et de fer, de formuler toute remarque utile auprès du maître de l'ouvrage, voire de refuser de conclure avec lui un marché de travaux global et forfaitaire pour des sommes sous-évaluées, ce qui ne pouvait lui échapper ; que ne l'ayant pas fait, il doit en supporter les conséquences, sauf à rapporter la preuve de faute spécifique du maître d'oeuvre (…) ; que compte tenu des recherches expertales, des pièces produites et notamment des courriers échangés entre les parties, il n'est pas démontré par l'entreprise que le maître de l'ouvrage a commis d'autres fautes que celle de lui régler tardivement ses situations de travaux au-delà du délai contractuel, et surtout, le solde lui restant dû au titre des travaux convenus ; que s'il n'est pas contesté que l'organisation du chantier a connu des vicissitudes, qu'il y eut arrêt momentané avant réalisation de la seconde tranche, compte tenu des seuls éléments fournis par l'entreprise, purement et simplement repris par l'expert commis, de la lecture des procès-verbaux de chantier produits, il n'est pas démontré qu'il en est résulté pour l'entreprise un préjudice spécifique qui justifierait de faire droit à ses demandes d'indemnisation, l'expert précisant que les surcoûts présentés sont "invérifiables puisqu'ils résulte de la comparaison entre les frais engagés et les prévisions établies" et que "cette dernière donnée est interne à l'entreprise" (p. 21 du rapport) ; que l'entrepreneur doit donc être débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre du "préjudice résultant de la scission du chantier en deux tranches et du refus du maître de l'ouvrage de démarrer le seconde tranche" ; qu'alors qu'il a accepté de souscrire aux conditions précédemment rappelées, notamment en signant plusieurs contrats aux incidences financières significatives mais également un marché global et forfaitaire, que les erreurs de métrés, qui doivent être appréciées dans ce texte, ne représentent pas une augmentation considérable du volume et du coût des travaux par rapport au montant du marché, qu'il est un professionnel de la construction, l'entrepreneur ne rapporte pas la preuve d'un comportement du bureau d'études tel qu'il justifierait de le condamner avec le maître de l'ouvrage à lui régler diverses sommes soit à titre de travaux supplémentaires, soit à titre d'erreurs de métrés » ;
Alors, d'une part, que les circonstances imprévisibles imputables au maître de l'ouvrage sont de nature à entraîner la modification du caractère forfaitaire du contrat ; qu'en retenant en l'espèce que le marché conclu avait une nature forfaitaire et que la société Travaux du Midi ne pouvait se prévaloir d'une faute du maître de l'ouvrage emportant bouleversement de l'économie du contrat, au motif que cette société aurait dû s'assurer de l'exactitude des métrés fournis par le bureau d'études sans rechercher, comme elle y était invitée (concl. 1er octobre 2010, pp. 11 et s.), si le fait pour la SCI boulevard Debeaux, maître de l'ouvrage, d'avoir fourni, imposé et vendu les métrés à la société Les Travaux du Midi ne lui rendait pas imputables les erreurs contenues dans ces derniers, de sorte que ce maître d'ouvrage avait à tout le moins provoqué le bouleversement de l'économie du contrat, peu important que les métrés ainsi vendus et imposés eussent été établis par le maître d'oeuvre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1793 du code civil ;
Alors, d'autre part, qu'en statuant comme elle l'a fait, aux motifs impropres qu'en tant que professionnel de la construction, la société Les Travaux du Midi aurait dû apprécier les données figurant sur le métré fourni par le bureau d'études et formuler toute remarque utile auprès du maître de l'ouvrage, voire refuser de conclure avec lui le marché de travaux global et forfaitaire, tandis que le recours spécial à une prestation particulière exécutée par ce bureau, la société Arcos, imposée par le maître de l'ouvrage et dont la société Les Travaux du Midi avait supporté le coût, avait précisément pour but de dispenser cette société de procéder elle-même à des calculs et caractérise les précautions prises par cette société Les Travaux du Midi pour évaluer le marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1793 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Les Travaux du Midi de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice résultant de la scission du chantier en deux tranches et du refus du maître de l'ouvrage de démarrer la seconde tranche, demande au titre de laquelle la société Les Travaux du Midi réclamait la condamnation de la SCI 2 boulevard Debeaux in solidum avec la société Arcos et la compagnie Allianz au paiement de la somme de 117.369,15 euros pour indemnisation du préjudice financier en matériel et main-d'oeuvre résultant de cette scission ;
Aux motifs que « compte tenu des recherches expertales, des pièces produites et notamment des courriers échangés entre les parties, il n'est pas démontré par l'entreprise que le maître de l'ouvrage a commis d'autres fautes que celle de lui régler tardivement ses situations de travaux au-delà du délai contractuel, et surtout, le solde lui restant dû au titre des travaux convenus ; que s'il n'est pas contesté que l'organisation du chantier a connu des vicissitudes, qu'il y eut arrêt momentané avant réalisation de la seconde tranche, compte tenu des seuls éléments fournis par l'entreprise, purement et simplement repris par l'expert commis, de la lecture des procès-verbaux de chantier produits, il n'est pas démontré qu'il en est résulté pour l'entreprise un préjudice spécifique qui justifierait de faire droit à ses demandes d'indemnisation, l'expert précisant que les surcoûts présentés sont "invérifiables puisqu'ils résulte de la comparaison entre les frais engagés et les prévisions établies" et que "cette dernière donnée est interne à l'entreprise" (p. 21 du rapport) ; que l'entrepreneur doit donc être débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre du "préjudice résultant de la scission du chantier en deux tranches et du refus du maître de l'ouvrage de démarrer le seconde tranche" ;
Alors, d'une part, que le juge ne peut refuser de statuer sur l'indemnisation d'un préjudice constaté en son principe en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en retenant que le préjudice invoqué par la société Les Travaux du Midi du fait de la scission du marché en deux phases de travaux n'était pas démontré, au motif que l'expert aurait relevé que les surcouts présentés étaient « invérifiables puisqu'il résulte de la comparaison entre les frais engagés et les prévisions établies » et que « cette dernière donnée est interne à l'entreprise », la cour d'appel, qui a en réalité refusé d'indemniser un préjudice non pas faute pour celui-ci d'avoir été démontré, mais faute pour celui-ci de pouvoir être évalué par l'expert judiciaire, a violé l'article 4 du code civil ;
Alors, d'autre part, qu'il résultait du rapport qu'il n'existait « aucune raison technique ayant pu conduire le maître d'ouvrage à scinder en deux tranches la réalisation du chantier » (rapport p. 18, § 5) ; que ce maître d'ouvrage avait cependant procédé à cette scission, le rapport d'expertise relevant que la société Les Travaux du Midi avaient subi une « perturbation dans l'enchainement des travaux à savoir l'interruption réclamée par le maître d'ouvrage entre la réalisation des bâtiments A B C et D E F » (rapport p. 20, ult. §), cette « interruption résultant de la seule volonté du maître d'ouvrage » (rapport p. 21, pénult. §) ; qu'en déduisant néanmoins de ce rapport que la société Les Travaux du Midi ne démontrait pas un préjudice imputable au maître de l'ouvrage, car les surcoûts étaient « invérifiables », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise ; qu'elle a ainsi violé l'article 1134 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Les Travaux du Midi de ses demandes de condamnation de la société Arcos et de la compagnie Allianz in solidum avec la SCI 2 boulevard Debeaux au paiement des sommes de 198.187,10 euros correspondant à l'apurement des comptes du chantier et de 117.369,15 euros en indemnisation du préjudice résultant de la scission du chantier en deux tranches et du refus de démarrer le deuxième tranche ;
Aux motifs que « ne l'ayant pas fait, il doit en supporter les conséquences, sauf à rapporter la preuve de faute spécifique du maître de l'ouvrage et du maître d'oeuvre (…) ; qu'alors qu'il a accepté de souscrire aux conditions précédemment rappelées, notamment en signant plusieurs contrats aux incidences financières significatives mais également un marché global et forfaitaire ; que les erreurs de métrés, qui doivent être appréciées dans ce contexte, ne représentent pas une augmentation considérable du volume et du coût des travaux par rapport au montant du marché ; qu'il est un professionnel de la construction, l'entrepreneur ne rapporte pas la preuve d'un comportement du bureau d'études tel qu'il justifierait de le condamner avec le maître de l'ouvrage à lui régler diverses sommes, soit à titre de travaux supplémentaires, soit au titre d'erreurs de métrés » ;
Alors qu'en constatant que la société Arcos avait effectivement commis des erreurs de métrés et en jugeant néanmoins qu'elle n'avait pas engagé sa responsabilité à ce titre dès lors qu'il n'y aurait pas eu d'augmentation « considérable du volume et du coût des travaux par rapport au montant du marché » et que la preuve d'un comportement du bureau d'études justifiant de le condamner n'était pas rapportée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que la société Arcos avait commis des erreurs de métrés ayant causé un préjudice dès lors qu'il y avait eu une augmentation du volume et du coût des travaux, quelle que soit l'importance de cette augmentation, a violé l'article 1382 du code civil.