LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le procureur général près la cour d'appel de Nîmes ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 29 janvier 2015), que des aides dites de "plan de campagne" perçues entre 1998 et 2002 par la Société d'intérêt collectif agricole Unanimes (la SICA) ont été déclarées incompatibles avec le droit communautaire par une décision de la Commission européenne du 28 janvier 2009, qui a exigé de la France qu'elle poursuive leur remboursement auprès de leurs destinataires finaux ; que la SICA a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 30 novembre 2012 à l'issue des opérations de sa liquidation amiable clôturées par une assemblée générale du 14 septembre 2012 ; qu'invoquant un titre de recette émis le 17 décembre 2012 par son directeur général pour la somme de 1 253 706,21 euros, représentant les aides indûment versées, l'établissement FranceAgriMer (FranceAgriMer) a, par acte du 27 novembre 2013, fait assigner la SICA, prise en la personne de M. X..., désigné mandataire ad hoc, pour voir ouvrir sa liquidation judiciaire ;
Attendu que FranceAgriMer fait grief à l'arrêt de confirmer le rejet de sa demande alors, selon le moyen :
1°/ que, par le titre exécutoire qu'il émet, l'ordonnateur d'une personne publique constate l'existence, le montant et l'exigibilité de la créance de la personne publique à l'égard de la personne qui en est destinataire, sans que la régularité de la notification dudit titre ait d'incidence sur sa légalité ; qu'il s'ensuit qu'en subordonnant la preuve des caractères certain, liquide et exigible de la créance de FranceAgriMer sur la SICA Unanimes à la preuve de la régularité de la notification du titre exécutoire constatant cette créance, la cour d'appel a violé les articles 11, 24 et 28 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, ensemble les articles L. 640-1 et R. 640-1 du code de commerce ;
2°/ que la notification du délai de règlement mentionné dans un titre exécutoire n'affecte pas l'existence, le montant et l'exigibilité de la créance qu'il constate mais a pour seul effet de déterminer le point de départ des intérêts moratoires ; qu'en faisant dépendre la certitude de la créance du point de départ de l'information du débiteur sur le délai de règlement, la cour d'appel a violé les articles 11, 24 et 28 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, ensemble les articles L. 640-1 et R. 640-1 du code de commerce ;
3°/ qu'en affirmant que la certitude de la créance constatée dans le titre litigieux dépendait de la notification du délai de règlement de la créance, quand le titre mentionnait que « cette somme est exigible immédiatement », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce titre de recette en violation de l'article 1134 du code civil ;
4°/ que la cessation des paiements dépend de l'insuffisance de l'actif disponible pour faire face au passif exigible et non au passif exigé ; qu'en faisant dépendre la preuve de la cessation des paiements de la SICA Unanimes de la notification du titre et de l'information sur les délais de règlement, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 631-1 et L. 640-1 du code de commerce ;
5°/ que la cessation des paiements est caractérisée dès lors qu'il apparaît que l'actif disponible est insuffisant pour faire face au passif exigible ; que FranceAgriMer faisant valoir, sans être contesté, que le seul actif disponible de la SICA Unanimes, pour faire face à sa créance de restitution d'aides illégales d'un montant de 1 253 706,21 euros, s'élevait à la somme de 4 782 euros ; qu'en se bornant à affirmer que le caractère certain et liquide de la créance de FranceAgriMer était contesté, sans rechercher si cette contestation était suffisamment sérieuse et suffisante à écarter la cessation des paiements dès lors, d'une part, qu'elle constatait que le versement des aides n'était pas contesté et, d'autre part, que le montant de l'actif disponible invoqué et non contesté était hors de proportion avec le passif exigible invoqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-1 et L. 640-1 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le titre exécutoire dont se prévalait FranceAgriMer ouvrait au redevable un délai de règlement de soixante jours à compter de sa notification, laquelle constituait aussi le point de départ du délai de contestation, puis constaté que le titre émis avait fait l'objet d'une vaine tentative de notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 19 décembre 2012, retournée à son expéditeur avec les mentions "non distribuable" et "non réclamé", la SICA destinataire étant radiée du registre du commerce et des sociétés depuis le 30 novembre 2012, l'arrêt retient que le titre exécutoire ne peut, faute de notification régulière, produire effet à l'encontre du redevable ; que la créance invoquée par le demandeur à l'ouverture de la liquidation judiciaire ne pouvant dès lors, faute de certitude, être incluse dans le passif exigible de la SICA, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé le titre de recette, en a exactement déduit, sans avoir à examiner l'actif disponible en l'absence de tout autre passif invoqué, que la preuve de l'état de cessation des paiements de la SICA n'était pas rapportée ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'établissement FranceAgriMer aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour l'établissement FranceAgriMer
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir écarté la demande de placement de la SICA Unanimes en liquidation judiciaire ;
AUX MOTIFS QUE par application des dispositions de l'article R. 631-2 du code de commerce, auxquelles renvoient celles de l'article R. 640-1, l'assignation du créancier délivré aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire doit seulement préciser la nature et le montant de la créance invoquée, mais également contenir tout élément de preuve de nature à caractériser la cessation des paiements ; qu'en l'espèce FranceAgriMer invoque une créance matérialisée par un titre de recette dont le caractère certain, liquide et exigible est contesté pour défaut de prise d'effet, en l'absence de notification au redevable de la créance alléguée, de sorte qu'il ne serait pas de nature à caractériser l'état de cessation des paiements de la Sica Unanimes ; que sont dès lors inopérants les développements présentés à titre liminaire par FranceAgriMer pour contester la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire dans l'examen de la validité du titre de recette et du montant de la créance, la cour n'étant pas saisie d'un tel contentieux ; qu'à l'appui de son appel, FranceAgriMer fait valoir ce que le caractère certain, liquide exigible de sa créance résulterait de la seule émission de son titre de recette, dès lors qu'il appartient à l'ordonnateur, en application des articles 11 et 24 du décret n° 2012-1246, de constater l'existence de la créance, de la liquider en calculant son montant est d'en vérifier l'exigibilité avant d'émettre l'ordre de recette qui rend la dette exigible et qui constitue un titre exact exécutoire dès son émission ; que le titre exécutoire ainsi émis ne peut produire effet à l'égard de la personne redevable des sommes mises en recouvrement, qu'à compter de sa notification, qui fixe le point de départ du délai de règlement consenti par le titre et qui permet à la débitrice d'en contester l'exigibilité et le calcul, à défaut de quoi la créance alléguée n'a pas de caractère certain ; qu'en l'espèce, le titre exécutoire, dont se prévaut FranceAgriMer, qui consent un délai de règlement de 60 jours à compter de la notification, a été émis le 17 décembre 2012 et a fait l'objet d'une vaine tentative de notification par recommandé avec accusé de réception du 19 décembre 2012, retourné à son expéditrice avec la mention « distribuable » et « non réclamée », la SICA Unanimes étant radiée du registre du commerce et des sociétés depuis le 30 novembre 2012 ; que FranceAgriMer invoque en vain la survie de la personnalité morale de la SICA Unanimes après cette radiation, dès lors qu'elle n'a pas fait désigner un mandataire ad hoc pour le compte de la société dissoute ; que FranceAgriMer se prévaut par ailleurs de ce que la SICA Unanimes avait une parfaite connaissance de l'existence de cette créance, en ce que le titre a été émis après une enquête contradictoire diligentée par la DRAAF du Languedoc-Roussillon et close le 14 septembre 2012, au terme de laquelle la SICA Unanimes a été reconnue redevables de la somme principale de 807 450,48 euros, outre intérêts, au titre des aides indûment versées et a fait par deux fois, dans ses conclusions d'appel, l'aveu de ce qu'elle a bénéficié de ses aides ; qu'il n'entre pas dans les pouvoirs de la cour de se prononcer, dans le cadre de cette procédure, sur le bien-fondé de la créance objet du titre de recouvrement, dont le caractère certain et liquide demeure contesté, nonobstant la reconnaissance de la perception des aides prétendument indues ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté FranceAgriMer de ses demandes ;
1°) ALORS QUE, par le titre exécutoire qu'il émet, l'ordonnateur d'une personne publique constate l'existence, le montant et l'exigibilité de la créance de la personne publique à l'égard de la personne qui en est destinataire, sans que la régularité de la notification dudit titre ait d'incidence sur sa légalité ; qu'il s'ensuit qu'en subordonnant la preuve des caractères certain, liquide et exigible de la créance de FranceAgriMer sur la SICA Unanimes à la preuve de la régularité de la notification du titre exécutoire constatant cette créance, la cour d'appel a violé les articles 11, 24 et 28 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, ensemble les articles L. 640-1 et R. 640-1 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE la notification du délai de règlement mentionné dans un titre exécutoire n'affecte pas l'existence, le montant et l'exigibilité de la créance qu'il constate mais a pour seul effet de déterminer le point de départ des intérêts moratoires ; qu'en faisant dépendre la certitude de la créance du point de départ de l'information du débiteur sur le délai de règlement, la cour d'appel a violé les articles 11, 24 et 28 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, ensemble les articles L. 640-1 et R. 640-1 du code de commerce ;
3°) ALORS QU'en affirmant que la certitude de la créance constatée dans le titre litigieux dépendait de la notification du délai de règlement de la créance, quand le titre mentionnait que « cette somme est exigible immédiatement », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce titre de recette en violation de l'article 1134 du code civil ;
4°) ALORS QUE la cessation des paiements dépend de l'insuffisance de l'actif disponible pour faire face au passif exigible et non au passif exigé ; qu'en faisant dépendre la preuve de la cessation des paiements de la SICA Unanimes de la notification du titre et de l'information sur les délais de règlement, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 631-1 et L. 640-1 du code de commerce ;
5°) ALORS, en tout état de cause, QUE la cessation des paiements est caractérisée dès lors qu'il apparaît que l'actif disponible est insuffisant pour faire face au passif exigible ; que FranceAgriMer faisant valoir, sans être contesté, que le seul actif disponible de la SICA Unanimes, pour faire face à sa créance de restitution d'aides illégales d'un montant de 1 253 706,21 €, s'élevait à la somme de 4 782 euros ; qu'en se bornant à affirmer que le caractère certain et liquide de la créance de FranceAgriMer était contesté, sans rechercher si cette contestation était suffisamment sérieuse et suffisante à écarter la cessation des paiements dès lors, d'une part, qu'elle constatait que le versement des aides n'était pas contesté et, d'autre part, que le montant de l'actif disponible invoqué et non contesté était hors de proportion avec le passif exigible invoqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-1 et L. 640-1 du code de commerce.