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07/02/2017 | FRANCE | N°16-86877

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 février 2017, 16-86877


Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Kakhaber X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 7 novembre 2016, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de complicité de tentative de meurtre en bande organisée, complicité de meurtre en bande organisée et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, que, sur la base de renseignements

communiqués le 13 janvier 2010 par l'officier de liaison à Madrid, relatifs à un pro...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Kakhaber X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 7 novembre 2016, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de complicité de tentative de meurtre en bande organisée, complicité de meurtre en bande organisée et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, que, sur la base de renseignements communiqués le 13 janvier 2010 par l'officier de liaison à Madrid, relatifs à un projet d'assassinat à Nice d'un ressortissant géorgien nommé Vladimir Y..., le procureur de la République du tribunal de grande instance de Nice a ouvert une information du chef d'association de malfaiteurs en vue du crime de meurtre en bande organisée ; que, les enquêteurs ont effectué un rapprochement avec des faits survenus le 14 février 2010, dans un appartement à Nice où une fusillade avait éclaté sans faire de victime, objet d'une autre information du chef de tentative de meurtre aggravée ; qu'à la suite du meurtre de Vladimir Y..., le 18 mars 2010, à Marseille, une information judiciaire a été ouverte du chef d'homicide volontaire avec préméditation en bande organisée commis le 18 mars 2010 sur la personne de Vladimir Y..., ce dernier étant soupçonné d'appartenir à une organisation mafieuse géorgienne en conflit avec un autre clan mafieux ; que M. Kakhaber X..., détenu en Espagne, a été entendu en octobre 2010 dans le cadre d'une commission rogatoire délivrée aux autorités espagnoles et fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen du 16 avril suivant ; que, remis aux autorités françaises, il a été mis en examen pour complicité de tentative d'homicide volontaire en bande organisée commis le 14 février 2010, homicide volontaire en bande organisée commis le 18 mars 2010 au préjudice de Vladimir Y... et association de malfaiteurs ; qu'il a été placé en détention provisoire à compter du 1er août 2014 et a sollicité sa remise en liberté ; que, par ordonnance en date du 10 octobre 2016, le juge des libertés et de la détention l'a rejetée ; que l'intéressé a formé appel ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 5, § 3, et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 137 à 144, 144-1, 145-2, 148, 203, 591, 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté la demande de mise en liberté de M. X... ;
" aux motifs que, sur la durée de la détention provisoire, l'article 716-4 du code de procédure pénale dispose que la durée de l'incarcération subie hors de France, à raison des faits jugés en France, en exécution d'un mandat d'arrêt européen ou sur demande d'extradition est déduite intégralement de la durée de la peine prononcée ; que ces dispositions ne sont donc pas applicables pour calculer la durée de la détention provisoire maximale pouvant être subie en France, étant relevé en outre que la détention provisoire accomplie par M. X... en Espagne ne l'a pas été en exécution d'un mandat d'arrêt européen ou sur demande d'extradition mais dans le cadre de la procédure espagnole, totalement distincte de la présente information, dans laquelle il est mis en cause ; que l'exception tirée de l'autorité de la chose jugée ne saurait être utilement invoquée en l'absence de toute décision définitive, au surplus au stade de la détention provisoire dans le cadre d'une instruction suivie en France sur des faits dont il est seulement allégué qu'ils seraient identiques à ceux qui ont donné lieu à des poursuites en Espagne, sans pour autant que les autorités compétentes de ce pays y aient vu un motif de refus de mise à exécution du mandat d'arrêt européen émis par les autorités françaises ; que le juge d'instruction a versé en procédure (D6291 sq), le jugement rendu le 18 mai 2016 par l'audiencia nacional dans l'affaire référencée Rollo 15/ 2012 Sumario 8/ 2012 ; qu'il ressort de la traduction de ce jugement, s'agissant des faits commis en France :- que les poursuites ont été exercées par le parquet de l'audiencia nacional à l'encontre de M. X... pour deux tentatives de meurtre : la première consistait à envoyer en France le 14 janvier 2010 deux personnes se rendant à Nice et qui ont été arrêtées par les autorités françaises, ce qui a fait avorter leur action ; la seconde a consisté à envoyer de Belgique un autre membre de l'organisation porteur d'une arme et d'un silencieux, ce qui a abouti à la fusillade du 14 février 2010 à Nice dont Vladimir Y... est sorti indemne ;- que la défense de M. X... a soulevé l'incompétence de la juridiction espagnole pour connaître des deux infractions de tentative de meurtre au motif qu'elles avaient eu lieu en France ;- que le ministère public de l'Audiencia Nacional, lors du dépôt de ses conclusions définitives, a accueilli une partie des conclusions de la défense et circonscrit le contenu de son accusation en excluant les faits du 14 février 2010 commis à Nice, « entendant que les autorités françaises devaient être celles qui poursuivraient pour cette infraction » ;- que, s'agissant des faits du 14 janvier 2010, le tribunal a retenu sa compétence (pages 15 et 16) ;- que le tribunal a également été saisi d'une demande d'annulation des écoutes téléphoniques et a considéré ces preuves comme admissibles (pages 17 à 23) ;- que, s'agissant des faits du 14 janvier 2010, le tribunal a requalifié l'infraction initialement poursuivie comme tentative d'assassinat en « assassinat avec (complot) préméditation » (page 52) ;- que le tribunal a condamné M. X... pour blanchiment en tant que chef de l'organisation à 8 ans d'emprisonnement et 327 535 euros d'amende, pour « complot pour assassinat » à sept ans d'emprisonnement, pour détention illégale d'arme à un an et huit mois d'emprisonnement, pour falsification de carte de crédit à quatre ans d'emprisonnement et pour tentative d'escroquerie continue à trois mois d'emprisonnement ;- que le tribunal a acquitté M. X... pour l'infraction de tentative d'assassinat, le ministère public ayant retiré l'accusation, afin qu'il puisse être jugé par les autorités françaises, ainsi que pour l'infraction de faux documents ; qu'il en résulte que M. X... n'a donc pas été acquitté du chef de tentative d'assassinat au sens de la procédure pénale française, l'audiencia nacional ayant sur ce point seulement tiré les conséquences de l'abandon partiel des poursuites par le ministère public, en rendant une décision pouvant s'analyser en une déclaration d'incompétence au profit des autorités judiciaires françaises ; que c'est à tort qu'il est soutenu que les faits poursuivis en Espagne et en France seraient strictement identiques puisque notamment M. X... est mis en examen en France pour l'homicide de Vladimir Y..., faits pour lesquels il n'a été ni détenu, ni poursuivi, ni donc jugé en Espagne ; qu'en effet, la décision de condamnation et d'acquittement partiel de M. X... rendue le 18 mai 2016 par l'audience nationale ne se prononce pas sur la participation de M. X... aux faits d'assassinat commis le 18 mars 2010 à Marseille sur la personne de Vladimir Y... pour lesquels il a été notamment mis en examen en France au titre de la complicité, précisément parce qu'il n'était pas poursuivi de ce chef en Espagne ; que cette décision de l'Audience Nationale précise d'ailleurs : « L'acte d'accusation du 18 mars 2010 n'inclut pas que le 18 mars 2010 à Marseille, vers 22 heures Y...est mort au cours d'une autre fusillade. Ce fait, survenu après la détention de M. X... le 15 mars 2010 pour cette procédure, il n'a pas été inclus dans l'acte de mise en accusation de cette affaire » ; qu'il semble devoir être rappelé ici que M. X... a été mis en examen dans le cadre de la présente procédure pour des faits commis en France et que les décisions rendues par des juridictions étrangères n'ont l'autorité de la chose jugée que lorsqu'elles concernent des faits commis en dehors du territoire de la République ; qu'aucune disposition de droit interne n'interdit de poursuivre devant les juridictions françaises un étranger condamné dans son pays pour un crime ou un délit commis sur le territoire de la République française et que l'exception de la chose jugée à l'étranger prévue aux articles 113-9 du code pénal et 692 du code de procédure pénale ne saurait faire obstacle à l'exercice de poursuites exercées sur le fondement de la compétence territoriale française ; qu'en outre, il résulte de la décision de remise de M. X... aux autorités françaises rendue le 23 juillet 2014 par les magistrats de l'Audience Nationale espagnole que (D6052 et s.) : « Dans tous les cas, lorsqu'on analyse s'il y a exacte identité entre le fait ayant motivé la réclamation et le fait précis objet de l'enquête en Espagne (sur lequel, nous insistons, doit être le centre de notre attention, et non pas les qualifications juridiques), nous voyons que cette coïncidence alléguée par la défense n'existe pas, même si, dans le paragraphe de l'ordonnance de mise en accusation dans lequel est mentionnée la base factuelle de ce qui est considéré comme tentatives d'assassinat, supposément imputées à M. X..., il soit évoqué celle qui concerne Y...[…] En définitive, il n'y a pas de coïncidence factuelle, tant en ce qui concerne les dates que, fondamentalement dans les résultats ; en conséquence cette identité essentielle des faits indispensable pour considérer que nous sommes en présence des mêmes faits ne peut être alléguée, et par rapport à la mort de Y..., il ne convient pas de refuser la remise » ; qu'il est donc erroné de soutenir que M. X... a été poursuivi pour des faits identiques en Espagne et en France ; que M. X... ne peut donc, en tout état de cause, avoir été détenu provisoirement en Espagne à raison des faits d'assassinat qui ne lui sont reprochés – en sa qualité de complice – que dans le seul dossier instruit en France ; que la détention provisoire de M. X... dans le cadre du présent dossier a débuté le 1er août 2014, soit depuis moins de quatre ans de sorte sa durée n'a pas été « largement dépassée » comme soutenu en défense ;

" 1°) alors que le cumul de la détention provisoire subie dans un Etat européen et celle effectuée en France ne peut avoir pour effet, lorsqu'elles portent sur des faits criminels identiques, de faire exécuter à la personne détenue une détention d'une durée totale supérieure au maximum prévu par l'article 145-2 du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce, M. X..., qui a été détenu pendant trois ans, dix mois et vingt jours en Espagne notamment pour des faits de tentative d'assassinat, pour lesquels il a ensuite été définitivement acquitté par le tribunal de Madrid, est placé sous détention provisoire en France depuis le 1er août 2014, à raison notamment de ces mêmes faits ; qu'en jugeant que la durée légale de quatre ans n'avait pas été excédée, lorsque l'exposant avait été détenu pendant près de six années pour des faits identiques, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors qu'en tout état de cause, en présence d'infractions connexes, la durée de la détention provisoire doit s'apprécier globalement, à compter de la date du premier titre de détention ; qu'en l'espèce, M. X... a été détenu pendant trois ans dix mois et vingt jours en Espagne, notamment pour des faits de tentative d'assassinat ; qu'il est placé en détention provisoire en France depuis le 1er août 2014, pour ces mêmes faits, ainsi que pour les infractions connexes de complicité de meurtre en bande organisée et de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation de crimes ; qu'en s'abstenant de comptabiliser la détention provisoire effectuée par M. X... en Espagne à raison de faits formant un tout indivisible avec ceux justifiant sa détention provisoire en France, pour affirmer que la durée de la détention de M. X... n'avait pas excédé la durée légale de quatre ans, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés " ;
Attendu que, pour rejeter l'argumentation de l'appelant soutenant que la détention maximale permise par l'article 145-2 du code de procédure pénale pour les faits poursuivis avait été dépassée en tenant compte de la période de détention déjà effectuée en Espagne pour des faits identiques, l'arrêt retient qu'il résulte du jugement du 18 mai 2016 rendu par l'audiencia national, en Espagne, que le ministère public a accueilli une partie des conclusions d'incompétence et exclu les faits du 14 février 2010 commis à Nice ; que ce tribunal a retenu la culpabilité de M. X... pour blanchiment, détention illégale d'arme, falsification et escroquerie ; que les juges en déduisent que c'est à tort qu'il est soutenu que les faits poursuivis en France et en Espagne seraient identiques, M. X... ayant été mis en examen notamment pour les faits d'homicide du 18 mars 2010, faits pour lesquels il n'a été ni détenu, ni poursuivi, ni jugé en Espagne ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les textes légaux et conventionnels visés au moyen ;
D'où il suit que le moyen, qui invoque, en sa seconde branche, la connexité des infractions poursuivies en France et en Espagne, nouveau et mélangé de fait, et comme tel irrecevable, ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 3, 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 137 à 144, 147-1, 148, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté la demande de mise en liberté de M. X... ;
" aux motifs que, sur les conditions de détention, son placement à l'isolement est une mesure administrative dont la régularité formelle n'est pas contestée et que la cour ne saurait remettre en cause dans le cadre du présent appel ; que s'il est aisément compréhensible que ses conditions de détention sont difficiles et pénibles, d'autant plus que l'intéressé n'est pas francophone, celui-ci n'apporte pas, au-delà de sa seule affirmation, d'élément précis permettant de considérer qu'il est soumis à la torture ni qu'il subit des traitements cruels, inhumains ou dégradants ; que, dans un arrêt du 10 février 2016, la chambre de l'instruction a confirmé une ordonnance de refus de contre-expertise médicale en retenant :- que le 28 juillet 2015, le conseil de M. X... a sollicité une expertise médicale destinée à vérifier la compatibilité de l'état de santé de celui-ci avec la détention et a produit deux certificats médicaux attestant de la gravité des pathologies dont il était atteint ;- que, suivant ordonnance du 6 août 2015, le juge d'instruction, conformément à la demande d'acte qui lui avait été présentée, a ordonné une expertise médicale de M. X... (C92) ;- que le médecin-expert, suivant rapport daté du 3 septembre 2015, a noté que le mis en examen était atteint par une double pathologie virale chronique VIH et hépatite C, ainsi qu'une insuffisance veineuse chronique, pour lesquelles il bénéficiait d'une « prise en charge médicale adaptée à son état » ; qu'il a conclu : « Il n'existe pas, sur le plan somatique, de contre-indication médicale à une incarcération en milieu ordinaire, ni même à son maintien dans un quartier d'isolement » (C111) ;- que, suivant courrier du 15 septembre 2015, l'avocat de M. X... a sollicité une contre-expertise confiée à un collège d'experts spécialisés en immunologie et en chirurgie vasculaire afin, d'une part, de faire vérifier les résultats de la thérapie en place sur chacune des affections virales, d'autre part, d'indiquer dans quelle mesure l'échec du traitement de l'hépatite C était en lien avec ses conditions de détention, et enfin de se prononcer sur l'évolution possible de la pathologie veineuse en fonction des conditions de détention ;- que, par ordonnance du 13 octobre 2015, le juge d'instruction a rejeté cette demande aux motifs que l'expert avait complètement répondu aux questions qui lui avaient été posées, tant sur les problématiques liées au VIH, à l'hépatite C et à la pathologie veineuse (ne pouvant d'ailleurs, par la force des choses, prendre en compte au 3 septembre, date de son rapport, les résultats d'un traitement en cours jusqu'au 28 septembre suivant), que s'agissant de la prise en charge de l'intéressé et de ses conditions de détention ; que, contrairement à ce qui est affirmé dans le mémoire susvisé, le rapport de M. B..., docteur, déposé le 29 août 2016 ne conclut pas à l'incompatibilité de l'état de santé avec la détention mais (cf C743) retient que l'état de santé « apparaît difficilement compatible – temporairement – avec la détention ordinaire ou son placement en quartier d'isolement dans le sens où cela retarderait l'organisation de la prise en charge médicale que son état nécessite » et que « la compatibilité avec la détention ordinaire/ placement en quartier d'isolement sur le long terme devra être réévaluée à l'heure de la prise en charge que son état rend nécessaire au jour de l'examen » ; que l'expert a également retenu : « L'état de santé de M. X... est évolutif et susceptible de modifications plutôt en aggravation de par son état polypathologique. Cette évolutivité est imprévisible justifiant la poursuite de la surveillance régulière multidisciplinaire sur le long terme. Actuellement, une hospitalisation en UHSI apparaît nécessaire pour la prise en charge chirurgicale d'une FAV inguinale droite qui est préconisée depuis le mois de décembre 2015 ainsi que pour le bilan de ses autres pathologies » ; que M. X... a été hospitalisé à l'UHSI du 15 au 19 septembre 2016 et que, par rapport complémentaire du 12 octobre 2016, le même médecin-expert a retenu : « Au total, après nouveau bilan, l'état de santé apparaît compatible avec la détention ordinaire ou son placement en quartier d'isolement sous couvert d'une activité physique régulière, avec marche d'au moins 1 heure 30/ jour et de la poursuite des avis des médecins spécialistes, ainsi que de la réalisation des examens complémentaires dans les délais impartis et de la bonne conduite des thérapeutiques nécessaires » ; que la direction du centre pénitentiaire des Baumettes a, le 6 septembre 2016, fait parvenir au juge d'instruction le compte-rendu suivant : « Concernant spécifiquement les raisons de santé qu'il invoque, il apparaît que M. X... a besoin d'une activité physique régulière. Le régime du quartier d'isolement prévoit, à ce titre, deux heures de promenade quotidiennes (une heure le matin, une heure l'après-midi) et l'accès à des salles de sport. Les agents, à l'ouverture en service de matin puis d'après-midi, proposent la promenade et le sport aux personnes détenues afin d'organiser les activités de chacune. M. X..., affecté sur l'aile droite du quartier d'isolement, pourrait donc accéder aux cours de promenade deux heures par jour et à quatre salles de sport (sac de frappe, appareils de musculation etc.), mais il refuse systématiquement. Ses mouvements font l'objet d'une traçabilité dans notre logiciel de gestion de la détention, ce qui permet de constater qu'il se rend à la douche, à l'infirmerie, au SMPR et aux parloirs. Il demande également à utiliser régulièrement la cabine téléphonique. M. X... ne se rendant jamais en promenade ni en salle de sport malgré les propositions des agents, ses refus seront dorénavant enregistrés dans ce même logiciel » ; qu'il apparaît donc que M. X... n'est pas aussi coopérant qu'affirmé et que son refus d'effectuer l'activité physique préconisée contribue aux problèmes de santé dont il se plaint ; qu'en l'état, les conditions de détention, même très difficiles, n'apparaissent pas incompatibles avec son état de santé dont il est incontestable qu'il est dégradé pendant la détention et préoccupant mais il appartient à l'administration pénitentiaire et aux personnels soignants de le prendre en considération et de faire bénéficier l'intéressé du régime de détention et des soins nécessités par son état, à condition toutefois que ce dernier accepte complètement de se soumettre aux préconisations médicales ; qu'au-delà de leur caractère pénible à supporter – ce qui est aisément compréhensible – les conditions de détention ne sauraient être considérées en l'espèce comme confinant à la torture et ne peuvent être assimilées à des traitements cruels, inhumains ou dégradants ; qu'en effet, il n'est nullement établi qu'il y aurait une volonté délibérée des autorités françaises de soumettre M. X... à de tels traitements ; qu'elles ne sont pas responsables de l'éloignement géographique dans lequel il se trouve ni de la barrière linguistique qui rend difficile la communication avec les personnels en détention ; que le maintien à l'isolement apparaît justifié par le contexte de l'affaire qui relève de la criminalité organisée et de la personnalité de l'intéressé, même si celui-ci conteste le profil de chef de gang qui lui est attribué ;

" 1°) alors qu'une personne détenue dont l'état de santé physique ou mentale est incompatible avec son maintien en détention doit être remise en liberté ; qu'il ressort des pièces de la procédure que l'exposant souffre de plusieurs pathologies graves nécessitant un suivi régulier par des équipes médicales spécialisées et l'administration de traitements lourds, que son état de santé se dégrade en détention et qu'il n'avait toujours pas pu bénéficier, au mois d'août 2016, de la prise en charge chirurgicale préconisée dès le mois de décembre 2015 en raison notamment des contraintes liées à la détention ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de mise en liberté de M. X..., que sa détention dans un quartier d'isolement n'était pas incompatible avec son état de santé, au surplus par des motifs inopérants tirés de l'absence de volonté des autorités françaises de le soumettre à un traitement inhumain, de la nature de l'affaire et de la personnalité de l'exposant, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et 147-1 du code de procédure pénale ;
" 2°) alors que le médecin-expert a conclu dans son rapport du 12 octobre 2016 que « l'état de santé [de M. X...] était compatible avec la détention provisoire ou son placement en quartier d'isolement sous couvert d'une activité physique régulière, avec marche d'au moins 1 heure 30/ jour et de la poursuite des avis des médecins spécialistes, ainsi que de la réalisation des examens complémentaires dans les délais impartis et de la bonne conduite des thérapeutiques nécessaires » ; qu'en se bornant à constater, pour rejeter la demande de mise en liberté du demandeur, que ce dernier refusait d'effectuer l'activité physique préconisée, sans vérifier s'il était régulièrement suivi par des spécialistes, s'il effectuait les examens complémentaires dans les délais impartis et s'il bénéficiait des thérapeutiques que son état nécessite, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 3°) alors que la chambre de l'instruction, qui relevait que « le rapport de M. B..., docteur, déposé le 29 août 2016 (…) retient que l'état de santé [du demandeur] « apparaît difficilement compatible – temporairement – avec la détention ordinaire ou son placement en quartier d'isolement dans le sens où cela retarderait l'organisation de la prise en charge médicale que son état nécessite » et que « la compatibilité avec la détention ordinaire/ placement en quartier d'isolement sur le long terme devra être réévaluée à l'heure de la prise en charge que son état rend nécessaire au jour de l'examen » ne pouvait affirmer, sans contredire cette pièce de la procédure, que ce rapport « ne conclut pas à l'incompatibilité de l'état de santé avec la détention » ; qu'en se fondant sur ces motifs contradictoires pour rejeter la demande de mise en liberté du demandeur, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision " ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation de l'intéressé soutenant que son état de santé n'était pas compatible avec la détention subie, au sens des articles 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et 147-1 du code de procédure pénale, l'arrêt expose que le rapport déposé le 29 août 2016 par M. B..., médecin-expert, désigné par le juge d'instruction, a relevé que l'état de santé " apparaît difficilement compatible-temporairement-avec la détention ordinaire ou son placement en quartier d'isolement dans le sens où cela retarderait l'organisation de la prise en charge médicale que son état nécessite " ; que ce même rapport a ajouté que " la compatibilité avec la détention ordinaire/ placement en quartier d'isolement sur le long terme devra être réévaluée à l'heure de la prise en charge que son état rend nécessaire au jour de l'examen " ; que l'expert a également retenu les éléments suivants : " l'état de santé de l'intéressé est évolutif et susceptible de modifications plutôt en aggravation de par son état polypathologique. Cette évolutivité est imprévisible justifiant la poursuite de la surveillance régulière multidisciplinaire sur le long terme. Actuellement, une hospitalisation en UHSI apparaît nécessaire pour la prise en charge chirurgicale d'une FAV inguinale droite qui est préconisée depuis le mois de décembre 2015 ainsi que pour le bilan de ses autres pathologies " ;
Que les juges exposent que l'intéressé a été hospitalisé à l'UHSI du 15 au 19 septembre 2016 et que, par rapport complémentaire du 12 octobre 2016, le même médecin-expert a conclu : " Au total, après nouveau bilan, l'état de santé apparaît compatible avec la détention ordinaire ou son placement en quartier d'isolement sous couvert d'une activité physique régulière, avec marche d'au moins 1 heure 30/ jour et de la poursuite des avis des médecins spécialistes, ainsi que de la réalisation des examens complémentaires dans les délais impartis et de la bonne conduite des thérapeutiques nécessaires " ; que les juges ajoutent que le compte-rendu du centre pénitentiaire des Baumettes fait notamment état d'un régime d'isolement prévoyant deux heures de promenade quotidienne ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction, qui a analysé, par des motifs dépourvus d'insuffisance comme de contradiction, les conclusions du rapport de l'expert ainsi que les modalités de prise en charge de l'intéressé, compte tenu de son état de santé, a justifié sa décision au regard des dispositions légales et conventionnelles visées au moyen ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 137 à 144, 148, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté la demande de mise en liberté de M. X... ;
" aux motifs que, sur les critères de l'article 144 du code de procédure pénale, en dépit des dénégations de l'intéressé, les présomptions qui pèsent sur lui sont lourdes et résultent des éléments de l'enquête, en particulier des renseignements recueillis par les enquêteurs, des surveillances, notamment téléphoniques, du contentieux avéré qui l'avait opposé à la victime Vladimir Y... et des mises en cause formelles dont il a été l'objet ; qu'il existe un risque élevé de concertation frauduleuse avec ses co-auteurs ou complices, compte tenu de ses dénégations et alors que les investigations doivent se poursuivre afin de fixer le rôle et l'étendue des responsabilités de chacun et notamment les siens, certains comparses étant actuellement recherchés ; que les faits s'inscrivent sur fond de règlements de comptes dans un contexte de criminalité organisée, laissant craindre la mise en oeuvre de démarches frauduleuses destinées à peser sur la recherche de la vérité ; que pour les mêmes raisons, des pressions sur les témoins sont à craindre ; que le risque de réitération de ce type d'infraction est majeur, s'agissant de faits réitérés relevant de la criminalité organisée ; que la teneur du jugement rendu le 18 mai 2016 par l'audience nationale espagnole tend à confirmer, même s'il s'agit d'une décision non encore définitive, l'implication réitérée de M. X... dans le banditisme ; que l'appelant, d'origine géorgienne, n'offre aucune garantie de représentation en justice ; qu'il pourrait être tenté d'échapper aux actes futurs de la procédure, eu égard au quantum de peine encouru, à son degré apparent d'implication, à ses dénégations et à sa situation personnelle non contraignante ; qu'il n'a aucune attache avérée en France, qu'il est de nationalité étrangère, qu'il résidait en Espagne et qu'il n'a pu être mis à la disposition des autorités françaises qu'après mise en oeuvre de procédure de coopération internationale ; qu'il apparaît disposer d'un réseau susceptible de pouvoir organiser sa fuite en plusieurs endroits en Europe ; que le certificat d'hébergement qu'il invoque constitue un gage très insuffisant au regard des lourds enjeux de la procédure ; que le fait qu'il s'est conformé en 2014 à la mesure de contrôle judiciaire à laquelle il avait été astreint lors de sa remise en liberté en Espagne, ce qui lui avait alors permis de reprendre le cours d'une vie familiale, ne saurait être regardé comme suffisant à garantir sa représentation dans le contexte bien différent de la présente procédure ; que compte tenu du contexte apparent de règlements de compte entre bandes rivales, le risque de représailles est loin d'être théorique ; qu'en raison de la nature même des faits, et malgré leur relative ancienneté, il existe un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public, s'agissant à titre principal d'une tentative d'assassinat puis d'un assassinat sur fond de criminalité organisée ; que, sans contredire le principe de la présomption d'innocence, la détention provisoire doit se poursuivre, étant démontré au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, ci-dessus exposés, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à plusieurs des objectifs suivants et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique :- empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ;- empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices ;- protéger la personne mise en examen ;- garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ;- mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice qu'elle a causé ; que la détention dure depuis plus d'un an ; que la poursuite de l'information est justifiée par les actes en cours (interrogatoire, exploitation de retour de demandes d'entraide internationale) ; que sauf élément nouveau, le délai prévisible d'achèvement de la procédure peut être fixé à quatre mois ; que compte tenu de la nature de l'affaire, de son contexte international, du nombre de mis en cause et des investigations ainsi rendues nécessaires, la durée de la détention n'est pas excessive ;

" 1°) alors que toute personne est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie par une décision devenue définitive ; qu'en affirmant, pour établir le risque de réitération de l'infraction et rejeter la demande de mise en liberté, que « la teneur du jugement rendu le 18 mai 2016 par l'audience nationale espagnole tend à confirmer, même s'il s'agit d'une décision non encore définitive, l'implication réitérée de M. X... dans le banditisme », la chambre de l'instruction, qui a présenté le demandeur comme coupable des faits objets de cette procédure, a méconnu les dispositions des articles 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale ;
" 2°) alors que tout jugement doit être motivé et que l'emploi de motifs généraux équivaut à un défaut de motifs ; que la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s'il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un ou plusieurs des objectifs définis par la loi et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique ; qu'en rejetant la demande de mise en liberté de M. X..., sans expliquer concrètement en quoi le placement sous contrôle judiciaire ou l'assignation à résidence sous surveillance électronique ne constituaient pas des mesures suffisamment contraignantes pour parvenir aux objectifs qu'elle retenait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et de l'ordonnance qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, sans méconnaître le principe de la présomption d'innocence, s'est déterminée par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale ;
Que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-86877
Date de la décision : 07/02/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

DETENTION PROVISOIRE - Demande de mise en liberté - Etat de santé incompatible avec le maintien en détention - Rejet - Motifs - Régularité - Détermination

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Détention provisoire - Demande de mise en liberté - Etat de santé incompatible avec le maintien en détention - Rejet - Motifs - Régularité - Détermination CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 3 - Interdiction des traitements inhumains et dégradants - Détention incompatible avec l'état de santé - Détention provisoire - Demande de mise en liberté - Rejet - Motifs - Compatibilité

Justifie sa décision, au regard des articles 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et 147-1 du code de procédure pénale, une chambre de l'instruction qui, pour confirmer une ordonnance de rejet de mise en liberté d'une personne mise en examen, analyse, par des motifs dépourvus d'insuffisance comme de contradiction, les conclusions du rapport de l'expert désigné par le juge d'instruction, en vue de déterminer si son état de santé est compatible avec la détention et vérifie que l'intéressé fait l'objet, dans l'établissement pénitentiaire, de la prise en charge médicale et d'un régime d'hébergement et d'activité physique correspondant aux conditions déterminées par l'expert pour retenir cette compatibilité


Références :

article 147-1 du code de procédure pénale 

article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-En-Provence, 07 novembre 2016

Sur la motivation du rejet d'une demande de mise en liberté fondée sur l'état de santé incompatible avec le maintien en détention, à rapprocher :Crim., 18 octobre 2016, pourvoi n° 16-84764, Bull. crim. 2016, n° ??? (cassation)Sur la conformité du rejet de la demande de mise en liberté fondée sur l'état de santé incompatible avec le maintien en détention, avec l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à rapprocher :Crim., 3 octobre 2012, pourvoi n° 12-85054, Bull. crim. 2012, n° 209 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 fév. 2017, pourvoi n°16-86877, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Desportes
Rapporteur ?: Mme Durin-Karsenty
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.86877
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