LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et cinquième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 3 juin 2015), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 7 janvier 2014, pourvoi n° 12-21.286), qu'un arrêt de cour d'appel a infirmé l'ordonnance d'un président de tribunal de commerce condamnant la société DHL Global Forwarding France (la société DHL) à payer à l'administration des douanes, sous astreinte, un certain montant de droits de douane et de taxes sur la valeur ajoutée ; que le 27 septembre 2007, l'administration des douanes a notifié à la société DHL son refus de faire droit à sa demande de remboursement des droits et taxes ainsi acquittés ; que le 29 avril 2009, la société DHL l'a assignée afin d'obtenir ce remboursement ;
Attendu que la société DHL fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :
1°/ que, les opérateurs, placés dans une situation particulière par rapport aux autres opérateurs exerçant la même activité, les conduisant à supporter des préjudices dépassant les risques commerciaux ordinaires, peuvent prétendre bénéficier d'un remboursement de droits ; que, constitue une telle situation, le fait pour un commissionnaire en douane d'être contraint, par une décision de justice et sous astreinte de 20 000 euros par jour de retard, de faire l'avance de droits et taxes pour le compte d'un client importateur en état d'insolvabilité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que l'impossibilité pour la société DHL Global Forwarding France de récupérer auprès de la société Outiror le montant de la dette douanière sur les marchandises en cause, résultait de deux ordonnances en date des 11 et 26 janvier 2007 par lesquelles le juge des référés avait mis fin à l'exercice de son droit de rétention et lui avait imposé de maintenir, vis-à-vis de son client importateur en état d'insolvabilité, les opérations de dédouanement aux conditions antérieures d'avance des frais de douanes sous astreinte de 20 000 euros par jour de retard ; qu'en jugeant que la société DHL Global Forwarding France n'a pas été ainsi placée dans une situation particulière au sens de la réglementation communautaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations et a violé l'article 239 du code des douanes communautaire ;
2°/ que, la cour d'appel a expressément relevé qu'aucune disposition légale n'impose à un commissionnaire en douanes de faire l'avance de droit et taxes pour le compte d'un importateur ; qu'en considérant que la société DHL Global Forwarding France, judiciairement condamnée sous astreinte de 20 000 euros par jour de retard à faire l'avance des frais de douanes à la société Outiror, société en état d'insolvabilité, n'avait pas été placée dans une situation particulière au sens de la réglementation communautaire, la cour d'appel a derechef violé l'article 239 du code des douanes communautaire ;
3°/ que, dans ses écritures délaissées, la société DHL Global Forwarding France faisait valoir qu'elle avait mis en oeuvre son droit de rétention car il était le moyen le plus adapté et le plus efficace pour recourir contre un client en état de cessation des paiements ; qu'en ne répondant pas à ce moyen qui était de nature à écarter toute négligence de sa part, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt constate que la société DHL s'était contractuellement engagée à faire l'avance des droits et taxes sans exiger le versement d'une provision préalable ou prendre de garantie et que la société Outiror, pour le compte de laquelle elle agissait, n'était tenue de la rembourser que dans les trente jours de la déclaration en douanes soit au moment où elle-même devait les acquitter auprès de l'administration des douanes ; qu'il relève que les ordonnances de référé avaient seulement contraint, sur ce point, la société DHL à continuer de satisfaire ses obligations contractuelles antérieures ; que de ces constatations, dont il ressort que l'obligation de faire l'avance des droits et taxes résultait initialement du contrat conclu par la société DHL et que celle-ci ne se trouvait pas dans une situation exceptionnelle l'amenant à supporter un préjudice dépassant les risques commerciaux normaux, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre au moyen inopérant invoqué par la cinquième branche, a pu déduire que la société DHL n'était pas dans une situation particulière au sens de l'article 239 du code des douanes communautaire et que sa demande de remboursement devait être rejetée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société DHL Global Forwarding France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer au directeur général des douanes et droits indirects la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société DHL Global Forwarding France
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société DHL Global Fowarding France de ses demandes de condamnation de l'administration des douanes à lui rembourser les droits et taxes acquittés entre le 27 janvier et le 22 février 2007 pour le compte de la société Outiror ;
Aux motifs que, sur l'application de l'article 239 du code des douanes communautaire (CDC), que 1. il résulte de l'article 239 du CDC que : « Il peut être procédé au remboursement ou à la remise des droits à l'importation ou des droits à l'exportation dans des situations autres que celles visées aux articles 236, 237 et 238 : - à déterminer selon la procédure du comité, - qui résultent de circonstances n'impliquant ni manoeuvre ni négligence manifeste de la part de l'intéressé. Les situations dans lesquelles il peut être fait application de cette disposition ainsi que les modalités de procédure à suivre à cette fin, sont définies selon la procédure du comité. Le remboursement ou la remise peuvent être subordonnés à des conditions particulières. 2. Le remboursement ou la remise des droits pour les motifs indiqués au paragraphe 1 est accordé sur demande déposée auprès du bureau de douane concerné avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la date de la communication desdits droits au débiteur. Toutefois, les autorités douanières peuvent autoriser un dépassement de ce délai dans des cas exceptionnels dûment justifiés » ; que le règlement CEE n° 2454/93 du 2 juillet 1993 « fixant certaines dispositions d'application du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire » contient un chapitre 3 relatif aux dispositions spécifiques relatives à l'application de l'article 239 du CDC qui, dans son article 899.2, est à peine plus explicite puisqu'il précise que l'autorité douanière de décision décide elle-même d'accorder le remboursement ou la remise du montant des droits à l'importation ou à l'exportation « lorsque les circonstances de l'espèce constituent une situation particulière qui résulte de circonstances n'impliquant ni manoeuvre ni négligence manifeste de la part de l'intéressé » ; que pour faire droit à la demande de remboursement, le premier juge a constaté que la société DHL avait été contrainte, par une décision de justice et sous astreinte, de faire l'avance des droits et taxes pour le compte d'un importateur alors qu'aucune disposition légale n'impose aux commissionnaires de faire l'avance de droits et taxes pour le compte d'un importateur insolvable, mais seulement de liquider les droits et taxes pour le compte de son client ; que le premier juge en a déduit que l'obligation imposée sous astreinte à un opérateur de consentir des avances « à fonds perdus », dès lors que l'importateur client est insolvable, constitue une situation particulière, laquelle constitue une situation exceptionnelle et particulièrement inéquitable par rapport aux concurrents qui n'ont pas été soumis à la même obligation ; qu'il a également souligné que l'impossibilité pour la société DHL, imposée par la décision de justice, d'exercer son droit de rétention tel que prévu à l'article L. 132-2 du code de commerce l'avait mise dans une situation particulière particulièrement pénalisante ; que ce sont ces mêmes moyens, adoptés par le premier juge, qui sont invoqués en cause d'appel par la société DHL pour conclure à la confirmation du jugement entrepris ; que toutefois, si aucune disposition légale n'impose aux commissionnaires en douanes de faire l'avance de droits et taxes pour le compte d'un importateur, il est constant qu'en l'espèce, dans le cadre de relations d'affaires remontant à plusieurs années, la société DHL avait accepté de faire l'avance de ces droits pour le compte de la société Outiror sans provision préalable, cette dernière s'étant engagée à les rembourser dans les 30 jours de la déclaration en douane, c'est-à-dire au moment même où le commissionnaire les acquittait auprès de l'administration des douanes ; qu'or, il revient aux opérateurs économiques professionnels de prendre les dispositions nécessaires pour se prémunir contre les risques liés à l'impossibilité de récupérer le montant de la dette douanière sur les acquéreurs des marchandises, lesquels entrent dans la catégorie des risques professionnels auxquels ils s'exposent ; que la société DHL est mal fondée à soutenir qu'elle était dans l'impossibilité matérielle de prendre les dispositions nécessaires pour se prémunir contre ces risques, alors qu'elle avait accepté sans contrepartie, dans le cadre de leurs relations contractuelles, de faire l'avance des droits et taxes par la société Outiror ; que l'administration des douanes souligne à juste titre que la société DHL aurait notamment pu se prémunir contre ces risques en les faisant garantir par son client, notamment par un cautionnement bancaire ou encore en prévoyant une clause permettant de suspendre les prestations en cas de doute sur la solvabilité de son client ; que l'absence de complexité des dispositions douanières en cause et la grande expérience professionnelle de la société DHL dans ce secteur d'activité en sa qualité de commissionnaire agréé conduisent la cour à juger que cette dernière a fait preuve de négligence en omettant de prévoir, à titre préventif, de telles garanties ; que l'article 239 du CDC n'a pas en effet pour vocation de protéger les déclarants contre la faillite de leurs clients et l'impossibilité pour le commissionnaire en douane de récupérer le montant de la dette douanière sur les acquéreurs des marchandises en cause ; que cette impossibilité, qui résulte en l'espèce des deux ordonnances du juge des référés du tribunal de commerce de Tours en date des 11 et 26 janvier 2007 (cette dernière n'étant cependant pas produite aux débats) qui ont mis fin à l'exercice du droit de rétention et imposé à la société DHL de maintenir les opérations de dédouanement aux conditions antérieures, ne constitue pas en tant que telle une situation particulière au sens de ce texte ; que la cour, considérant en conséquence que la situation invoquée par la société DHL n'est pas constitutive, au regard de raisons d'équité, de circonstances particulières dans lesquelles aucune manoeuvre ni négligence manifeste ne peut être reprochée à la société DHL, infirmera le jugement entrepris et déboutera cette dernière de toutes ses demandes ; que la société DHL sera déboutée de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée à ce titre à payer à l'administration des douanes la somme mentionnée au dispositif ;
1°) Alors que, les opérateurs, placés dans une situation particulière par rapport aux autres opérateurs exerçant la même activité, les conduisant à supporter des préjudices dépassant les risques commerciaux ordinaires, peuvent prétendre bénéficier d'un remboursement de droits ; que, constitue une telle situation, le fait pour un commissionnaire en douane d'être contraint, par une décision de justice et sous astreinte de 20 000 € par jour de retard, de faire l'avance de droits et taxes pour le compte d'un client importateur en état d'insolvabilité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que l'impossibilité pour la société DHL Global Forwarding France de récupérer auprès de la société Outiror le montant de la dette douanière sur les marchandises en cause, résultait de deux ordonnances en date des 11 et 26 janvier 2007 par lesquels le juge des référés avait mis fin à l'exercice de son droit de rétention et lui avait imposé de maintenir, vis-à-vis de son client importateur en état d'insolvabilité, les opérations de dédouanement aux conditions antérieures d'avance des frais de douanes sous astreinte de 20 000 € par jour de retard ; qu'en jugeant que la société DHL Global Forwarding France n'a pas été ainsi placée dans une situation particulière au sens de la réglementation communautaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations et a violé l'article 239 du code des douanes communautaire ;
2°) Alors que, la cour d'appel a expressément relevé qu'aucune disposition légale n'impose à un commissionnaire en douanes de faire l'avance de droit et taxes pour le compte d'un importateur ; qu'en considérant que la société DHL Global Forwarding France, judiciairement condamnée sous astreinte de 20 000 € par jour de retard à faire l'avance des frais de douanes à la société Outiror, société en état d'insolvabilité, n'avait pas été placée dans une situation particulière au sens de la réglementation communautaire, la cour d'appel a derechef violé l'article 239 du code des douanes communautaire ;
3°) Alors qu'en relevant, pour considérer que la société DHL Global Forwarding France a été négligente, qu'elle avait accepté par le passé de faire l'avance des droits de douane à la société Outiror sans prendre de garanties à titre préventif, quand de telles garanties, eussent-elle existé, ne lui auraient pas permis de récupérer ses fonds auprès de l'importatrice, placée en liquidation judiciaire dès le mois d'août 2007, ni n'auraient pu faire échec à sa condamnation judiciaire sous astreinte à faire l'avance de ces frais, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants à caractériser une négligence du commissionnaire de transport, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 239 du code des douanes communautaire ;
4°) Alors qu'en relevant, pour considérer que la société DHL Global Forwarding France a été négligente, qu'elle aurait pu se prémunir contre les risques liés à l'impossibilité de récupérer le montant de la dette douanière en prévoyant une clause permettant de suspendre les prestations en cas de doute sur la solvabilité de la société Outiror, quand le commissionnaire de douanes a été judiciairement condamnée sous astreinte de 20 000 € par jour de retard à faire l'avance des droits de douanes, la cour d'appel a derechef privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 239 du code des douanes communautaire ;
5°) Alors que, dans ses écritures délaissées (p.15 et 16), la société DHL Global Forwarding France faisait valoir qu'elle avait mis en oeuvre son droit de rétention car il était le moyen le plus adapté et le plus efficace pour recourir contre un client en état de cessation des paiements ; qu'en ne répondant pas à ce moyen qui était de nature à écarter toute négligence de sa part, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°) Alors qu'en relevant encore l'absence de complexité des dispositions douanières en cause et la grande expérience professionnelle de la société DHL Global Forwarding France, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants à caractériser une négligence du commissionnaire de transport, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 239 du code des douanes communautaire.