LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
-
M. [K] [B],
- M. [C] [K],
- La société [K] Chimie,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 4-11, en date du 26 novembre 2015, qui, pour recel, a dispensé de peine le premier, a relaxé le deuxième et la troisième, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 février 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Ricard, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller RICARD, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
I- Sur le pourvoi formé par M. [C] [K] et la société [K] Chimie :
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'aucun mémoire n'a été déposé par M. [C] [K] et la société [K] Chimie au soutien de ce pourvoi ;
II- Sur le pourvoi formé par M. [K] [B] ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Brenntag a, d'une part, déposé une plainte contre son ancien président, M. [K] [B], ainsi que contre la société [K] Chimie et M. [C] [K], son dirigeant, pour avoir communiqué des pièces confidentielles et internes à l'entreprise à l'occasion d'une procédure menée devant le Conseil de la concurrence, puis devant la cour d'appel de Paris, d'autre part, fait citer devant le tribunal correctionnel la société [K] Chimie, MM. [K] et [B] pour répondre des mêmes faits sous la qualification de recel ; que le tribunal, après avoir dit recevable la constitution de partie civile de la société Brenntag et ordonné un supplément d'information, s'est déclaré incompétent ; que la société Brenntag a, seule, relevé appel de cette décision ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 462, 485, 486, 512, 591, 592 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense et du principe du contradictoire ;
"en ce que l'arrêt attaqué prononcé le 26 novembre 2015 porte la mention qu'il a été rendu le 19 novembre 2015 ;
"1°) alors que l'article 462 du code de procédure pénale prévoit que le président de la juridiction correctionnelle informe les parties du jour où la décision sera prononcée ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que « le président a déclaré que l'arrêt sera rendu à l'audience publique du 26 novembre 2015 » et l'arrêt a été « prononcé publiquement le jeudi 26 novembre 2015 » ; que l'arrêt porte cependant la mention selon laquelle il a été « rendu le 19 novembre 2015 » ; que, dès lors, ces mentions de l'arrêt ne mettent pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer de la régularité de la décision ainsi rendue ;
"2°) alors que la procédure en inscription de faux régulièrement introduite qui établira que la date mentionnée est inexacte entraînera par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt qui, en raison de ses énonciations inexactes, ne remplit pas les conditions de son existence légale ;
"3°) alors que chaque partie doit se voir offrir la possibilité de présenter sa cause dans des conditions qui ne la désavantage pas par rapport à son adversaire ; qu'une communication de la décision à l'une des parties, antérieurement à son prononcé, est de nature à priver l'autre partie d'un droit effectif et concret à un procès équitable, et porte atteinte au principe d'égalité des armes et à l'effectivité des droits de la défense ; que l'arrêt de condamnation prononcé à l'audience publique du 26 novembre 2015 qui porte la mention selon laquelle il a été rendu le 19 novembre 2015, était donc communicable dès cette date à la partie civile qui l'a produit dans le cadre d'une autre procédure ; que, dès lors sont méconnus les dispositions et principes susvisés" ;
Attendu que l'arrêt a été prononcé publiquement le 26 novembre 2015 par la cour d'appel ;
Attendu qu'aucune contradiction ne peut être opposée à cette constatation formelle de l'arrêt si ce n'est au moyen d'une inscription de faux ; que la requête prévue par l'article 647 du code de procédure pénale a été rejetée par ordonnance du premier président de la Cour de Cassation le 3 juin 2016 ;
Qu'en conséquence le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 321-1 du code pénal, préliminaire, 500, 509, 515 et 520 du code de procédure pénale, des principes fondamentaux de la procédure pénale, excès de pouvoir, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. [B] coupable de recel et a prononcé sur les intérêts civils ;
"aux motifs que M. [B] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel sur citation à la requête de la société Brenntag sous la prévention d'avoir sur la commune de Gif sur Yvette et sur le territoire national de courant 2006 à courant 2007 et depuis temps non prescrit détenu et transmis à M. [K] et à la société [K] Chimie, des documents internes et confidentiels à la société Brenntag en sachant qu'ils provenaient d'un délit, faits constitutifs de recel, infraction prévue par les articles 321-1, alinéa 1, alinéa 2, 311-1 du code pénal et réprimée par les articles 321-1, alinéa 3, 321-3, 321-9, 321-10, 311-14 1°, 2°, 3°, 4°, 6° du code pénal ; que le tribunal de grande instance d'Evry, 5echambre, par jugement contradictoire, en date du 16 décembre 2008, a ordonné un supplément d'information ; qu'appel a été interjeté par M. [B] le 17 décembre 2008 et le 22 décembre 2008 par M. [K] et la société [K] Chimie ; que, par ordonnance du 17 avril 2009, la présidente de la chambre disait n'y avoir lieu à déclarer les appels immédiatement recevables ; que le tribunal de grande instance d'Evry, 5e chambre, par jugement contradictoire, en date du 16 décembre 2008, a ordonné un supplément d'information ; qu'appel a été interjeté par M. [B] le 17 décembre 2008 et le 22 décembre 2008 par M. [K] et la société [K] Chimie ; que, par ordonnance du 7 avril 2009, la présidente de la chambre disait n'y avoir lieu à déclarer les appels immédiatement recevables ; que le tribunal de grande instance d'Evry, 5e chambre, par jugement contradictoire, en date du 20 mars 2012, s'est déclaré incompétent et a déclaré irrecevable la demande fondée sur l'article 472 du code de procédure pénale ; qu'appel a été interjeté par la société Brenntag, le 22 décembre 2008 contre MM. [B], [K] et la société [K] Chimie ; que la cour d'appel de Paris, chambre 4-11, par arrêt contradictoire, en date du 10 juin 2014, a déclaré recevable l'appel de la partie civile, annulé le jugement entrepris du 20 mars 2012, évoqué, par application des dispositions de l'article 520 du code de procédure pénale, renvoyé l'affaire à l'audience du 15 janvier 2015 à 9 heures devant la 11e chambre pôle 4 de la cour d'appel de Paris, avec citation des parties par le parquet général, dit que la procédure enregistrée au parquet de Paris sous le numéro P0723508076 devra être jointe au dossier à la diligence du parquet général ; que, par jugement du 20 mars 2012, le tribunal d'Evry se déclarait incompétent aux motifs que le parquet de Paris avait rédigé un réquisitoire introductif visant les faits de la procédure en préliminaire le 29 décembre 2007, soit antérieurement à la délivrance de la citation directe ; que la société Brenntag interjetait appel des dispositions civiles du jugement rendu par le tribunal d'Evry le 20 mars 2012 ; que les appels ayant été interjetés dans les forme et délai de la loi, ils seront déclarés recevables ;
"1°) alors qu'en application des articles 500, 509 et 515 du code de procédure pénale, l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant ; que ce principe est un principe fondamental de la procédure pénale et que la cour d'appel, qui constatait expressément dans la motivation de sa décision que le ministère public n'était appelant d'aucun des deux jugements déférés à la cour d'appel par les appels du prévenu et de la partie civile, le premier de ces jugements ordonnant un supplément d'information et le second de ces jugements étant un jugement d'incompétence, ne pouvait, sans méconnaître les dispositions des textes susvisés, et ce faisant excéder ses pouvoirs et méconnaître les droits de la défense, après avoir mentionné par erreur dans son dispositif « recevoir l'appel du ministère public » statuer sur l'action publique et déclarer par voie de conséquence M. [B] coupable de recel ;
"2°) alors que le pouvoir d'évocation visé à l'article 520 du code de procédure pénale ne saurait, sans que soit ouvertement reconnu l'impératif de préservation de l'équilibre des droits des parties édicté par l'article préliminaire du code de procédure pénale, faire échec aux principes fondamentaux édictés par les articles 500, 509 et 515 du code de procédure pénale et que, dès lors, la circonstance que, par arrêt, en date du 10 juin 2014, la cour d'appel de Paris, statuant sur le seul appel de la partie civile, ait évoqué et annulé le jugement d'incompétence du tribunal correctionnel d'Evry en date du 20 mars 2012, ne pouvait avoir pour effet d'autoriser ladite cour d'appel, par l'arrêt déféré aujourd'hui à l'examen de la Cour de cassation, à entrer en voie de condamnation à l'encontre de M. [B] du chef de recel ;
"3°) alors qu'en tant qu'il pourrait être interprété comme autorisant une cour d'appel à méconnaître les règles édictées par les articles 500, 509 et 515 du code de procédure pénale, règles essentielles aux droits de la défense, à statuer sur l'action publique sur le seul appel de la partie civile d'un jugement d'incompétence, l'article 520 du code de procédure pénale serait incompatible avec les principes qui se déduisent de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme définissant le droit au procès équitable" ;
Attendu qu'après avoir, à bon droit, infirmé sur le seul appel de la partie civile le jugement déclarant à tort l'incompétence de la juridiction correctionnelle pour connaître des poursuites exercées directement à la requête de ladite partie, les juges du second degré étaient tenus, comme ils l'ont fait, de statuer au fond sur ces mêmes poursuites, en dépit de l'inaction du ministère public ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 311-1, 314-1 et 321-1 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. [B] coupable de recel et a prononcé sur les intérêts civils ;
"aux motifs, d'une part, que la liste des documents invoqués par la partie civile comme ayant été détournés résulte de la citation directe du 20 décembre 2007, qui seule saisit la juridiction ; qu'à cet égard, les pièces visées sont de manière exhaustive, les pièces communiquées, sous le numéro 69, un document de controlling interne 2002 de la société Brenntag sur les chiffres d'affaires des différents sites, sous le numéro 70, le même document pour l'année 2003, portant un tampon « confidentiel – à usage interne », sous le numéro 71, le même document concernant l'année 2004, avec le même tampon, sous le numéro 74, un document de controlling interne 2002 de Brenntag sur les tonnages, sous le numéro 75, le même document pour 2003, avec tampon confidentiel, sous le numéro 76, le même document pour 2004, revêtu du tampon confidentiel, sous le numéro 77, un document du controlling interne 2002 de la société Brenntag sur les marges, sous le numéro 78, le même document pour 2003, avec tampon confidentiel, sous le document 79, le même document pour 2004 revêtu du tampon confidentiel, sous le numéro 80, un document concernant les résultats opérationnels des sites de la société Brenntag dont ceux du site Saint-Sulpice couvrant les résultats opérationnels de 2002, 2003 et 2004, sous le numéro 100, un document concernant des procédures informatiques internes de la société Brenntag et destinées aux directeurs de sites, document daté du 21 mai 1996, adressé selon les mentions qui y figurent, notamment à M. [B], sous le numéro 111, la liste des 25 premiers fournisseurs de la société Brenntag, document daté d'avril 1997, sous la pièce numéro 118, une comparaison des marges des sites de Saint-Sulpice, Gretz et Nantes de Brenntag, couvrant les années 1998 à 2004, sous le numéro 122, un rapport annuel financier du groupe pour 2004 ; que lors de la procédure diligentée par la direction des fraudes, Mme [R] [D] pour la société Brenntag, remettait le tableau des chiffres d'affaires des différents dépôts de la société, à fin avril 2002, comprenant une comparaison entre les chiffres 2001 et 2002, les mêmes documents pour les tonnages et marges, un tableau EBIT, un tableau de résultats opérationnels, pour chaque dépôt sur les mêmes périodes de temps ; que M. [B] [Z], directeur de la région Atlantique de la société Brenntag, remettait, dans le même cadre, 32 documents, certains issus du controlling interne de Brenntag, concernant les résultats opérationnels, les tonnages, les marges, pour les différents sites, sur 2002 avec une comparaison 2001/2002 ; que, de même, la liste des 25 premiers fournisseurs de Brenntag pour 1997 était communiquée par la société Brenntag dès 2003 ; qu'il ressort des pièces de la procédure que les documents en cause ne faisaient pas l'objet, nonobstant l'empreinte de tampon « confidentiel – à usage interne » figurant sur certains, d'une diffusion strictement restreinte au sein de l'entreprise et à l'égard des tiers ; qu'en effet, il résulte des déclarations de M. [J] [W], ancien directeur du site de Marce en Ardèche jusqu'en 2007, que les documents de reporting, qui reprennent les données des différents sites, s'ils étaient obtenus par le biais d'un code d'accès par les différents directeurs de sites sur l'intranet de la société, comme le confirmait Mme [D] [N], directrice financière de Brenntag jusqu'en 2007, ne faisaient pas l'objet de précautions particulières quant à leur diffusion ultérieure ; qu'ainsi, Mme [D] [N] ajoutait que ces documents étaient accessibles pour les membres du directoire, les salariés du service de contrôle de gestion, ou encore certains directeurs commerciaux ; que cet état de fait était également confirmé par la directeur du site Bourgogne, M. [M] [A], qui soulignait l'absence de sécurité dans la divulgation des documents au sein de l'entreprise à l'époque ; que M. [X] [T], ancien membre du comité de direction de Brenntag, ajoutait que jusqu'en 2004, environ 120 cadres, avaient accès à ce type de documents, certains fournisseurs ou producteurs en disposant également par l'intermédiaire de cadres ayant intérêt à faire connaître ces chiffres ; que M. [X] [T] précisait aussi que ces documents étaient largement débattus, évoqués en séminaires et réunions, et servaient aussi de base à tout le personnel commercial pour l'attribution de la partie variable du salaire annuel, aucune reproduction de ces pièces n'étant davantage interdite ; que, pour lui, aucune restriction d'accès aux seuls membres du directoire ou aux équipes financières n'était posée, malgré les déclarations de M. [P] [I], président du directoire, qui maintenait que l'accès à ces données était strictement limité aux membres du directoire et aux financiers ; qu'enfin, il ressortait des pièces communiquées que certaines de ces données étaient parfois publiées, à l'instar du chiffre d'affaires du dépôt de Saint-Sulpice, dans la presse locale Midi Pyrénées ; qu'à aucun moment et notamment lorsqu'elle communiquait les tableaux chiffrés en cause à la DGCCRF ou, par la suite, au conseil de la concurrence, la société Brenntag ne sollicitait le bénéfice du droit au secret des affaires pour préserver la confidentialité de ces informations ; que, par ailleurs, si la liste exhaustive des pièces échangées entre les parties n'est pas précisément connue, il n'est pas contestable que des données d'exploitation et d'activités ont été échangées entre les parties lors des discussions de rachat éventuel entre Brenntag et [K] Chimie, notamment la liste pour 1997 des principaux fournisseurs de Brenntag, ainsi que, nécessairement, des données précises concernant les chiffres d'affaires des deux entités et leurs activités respectives, par site, et ce jusqu'en 2000 ; que M. [B] rédigeait, en outre, une attestation datée du 30 janvier 2007, par laquelle il indiquait que depuis son départ de la société Brenntag en juin 1998, jusqu'à fin 2006, il avait continué à être destinataire de l'essentiel des documents de gestion de la société Brenntag, ainsi que des documents relatifs aux comptes sociaux, incluant les rapports de controlling internes, identifiant les ventes, les tonnages, les marges brutes, les résultats opérationnels, pour chaque site de distribution de commodités chimiques, les documents faisant état des ventes effectuées depuis le dépôt et en direct ; qu'il y précisait avoir également été destinataire, en raison de ses fonctions au sein de Brenntag AG, des chiffres du groupe, et notamment des rapports financiers de 1999 à 2006, et y ajoutait que n'étant tenu à aucune obligation de confidentialité à l'égard de Brenntag, il avait communiqué ces documents notamment à la société [K] Chimie ;
"et aux motifs, d'autre part, que, sur la culpabilité de M. [B], ce dernier, entendu par la brigade de répression de la délinquance astucieuse, indiquait avoir reçu des documents internes à Brenntag, notamment d'actualisation, de la part de nombreux cadres de Brenntag, choqués, selon ses dires, par les agissements de leur société, et admettait que certains documents lui étaient adressés sous enveloppe pour éviter la traçabilité des e-mails, donnant au cours de ses différentes auditions des noms de cadres de Brenntag qui changeaient lorsque les intéressés contestaient avoir remis quelque pièce que ce soit, ajoutant enfin qu'il préférait taire l'identité de ses interlocuteurs, pour protéger leur démarche ; que s'il convenait, dans un premier temps, que l'origine des documents communiqués était douteuse, il expliquait, par la suite, ne pas avoir voulu, ce disant, qualifier les conditions d'obtention des pièces mais seulement évoquer la quantité d'informateurs dont il n'était pas certain des entités, et renvoyait toutefois au mobile louable de ces agissements visant à dénoncer des malversations d'envergure au détriment d'un secteur industriel, admettant avoir voulu apporter des informations actualisées appartenant à Brenntag pour permettre de mettre un terme à des pratiques contestables ; qu'il précisait aussi qu'il avait remis les documents de sa propre initiative à M. [K] environ un mois avant l'audience de la cour, car il les avait déjà transmis à la direction de la concurrence et avait constaté au dossier que les agents de cette direction les avaient remis à [K] Chimie à l'exception de ceux portant sur 2004 ; qu'en conséquence, il résulte des déclarations mêmes de M. [B], que ce dernier n'ignorait pas que les cadres qui lui adressaient ces pièces à caractère interne, même dépourvues de caractère stratégique et dont la diffusion était peu protégée, commettaient, ce faisant, selon leurs fonctions au sein de Brenntag, soit un abus de confiance soit un vol au détriment de leur employeur, aucune pénétration frauduleuse du système informatique n'ayant par ailleurs été évoquée ; que, dès lors, quel que soit le mobile qui ait pu l'animer, et qui reste indifférent au regard de la constitution de l'infraction, M. [B] se rendait coupable du délit de recel de vol ou d'abus de confiance en détenant ces documents et en les transmettant à des tiers, comme il le revendiquait, et notamment à la société [K] Chimie ;
"1°) alors qu'il résulte des dispositions de l'article 321-1 du code pénal que la chose recelée devant être le produit d'un crime ou d'un délit, les juges ne peuvent déclarer établi le délit de recel à l'encontre d'un prévenu qu'autant qu'ils ont préalablement constaté, par des motifs exempts d'insuffisance et de contradiction, l'existence de tous les éléments constitutifs d'un crime ou d'un délit initial imputable à un tiers ; que l'absence de restriction de la part de l'employeur concernant la diffusion à l'égard des tiers des documents internes à l'entreprise est constitutive d'une autorisation implicite de divulgation de ces documents au profit de ses salariés, excluant par elle-même toute imputation de vol ou d'abus de confiance à leur encontre ;
"2°) alors que le délit de vol suppose pour être constitué l'existence d'une atteinte au patrimoine d'autrui et que les informations contenues dans les documents confiés par l'employeur à ses salariés n'ont aucune valeur patrimoniale dans le cas où, comme en l'espèce, il est constaté que l'employeur ne revendique pas le bénéfice du secret des affaires pour préserver le confidentialité de ces informations, excluant que leur divulgation puisse être constitutive de vol ;
"3°) alors que le délit d'abus de confiance suppose pour être constitué que le prévenu ait détourné le bien confié de son usage et que la cour d'appel, qui constatait expressément l'absence de restriction par la société Brenntag quant à la diffusion des documents internes de l'entreprise, ne pouvait, sans se contredire, estimer que des cadres de ladite société avaient pu commettre un abus de confiance en transmettant ceux-ci à M. [B] ;
"4°) alors qu'une décision de condamnation ne saurait être fondée sur les seuls aveux du prévenu au cours de la procédure, dès lors que ces aveux sont contredits par les éléments objectifs du dossier et que la cour d'appel, qui a déduit la prétendue existence du délit initial – vol ou abus de confiance – des seuls aveux de M. [B], qui étaient, selon ses propres constatations, contredits par les éléments objectifs du dossier, a méconnu le principe de la présomption d'innocence et les textes susvisés ;
"5°) alors que la cour d'appel, qui constatait, dans un motif qui servait de soutien nécessaire à la décision de relaxe dont elle faisait bénéficier M. [K] et la société [K] Chimie , « qu'on ne pouvait exclure que ces pièces, certes internes à Brenntag, dont les plus récentes remontaient à trois ans, aient été en circulation dans leur secteur industriel commun », ne pouvait, sans se contredire, entrer en voie de condamnation à l'encontre de M. [B] du chef de recel pour leur avoir transmis ces mêmes pièces" ;
Attendu que, pour déclarer M. [B] coupable de recel et prononcer sur les intérêts civils, l'arrêt relève que des documents internes à la société Brenntag, partie civile, ont été remis à M. [B] à la suite de vols ou d'abus de confiance commis par certains salariés de cette entreprise ; que les juges ajoutent que M. [B] a eu connaissance de l'origine frauduleuse de ces documents dont il a assuré la transmission à M. [K] et qu'il importe peu que lesdits documents aient pu être dépourvus de caractère stratégique ou n'aient pas fait l'objet de protection spécifique ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, fondés sur son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel a, sans excéder sa saisine, caractérisé, en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit de recel de vols ou d'abus de confiance dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait dans ses troisième et quatrième branches, doit être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 321-1 du code pénal, 1382 du code civil, préliminaire, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. [B] coupable de recel et a prononcé sur les intérêts civils ;
"alors que les juges doivent statuer dans les limites des conclusions de la partie civile ; que dans ses conclusions, la partie civile invoquait un préjudice résultant exclusivement de la communication de documents confidentiels à usage interne par les prévenus et que la cour d'appel, qui constatait expressément dans sa décision l'absence de caractère confidentiel des documents divulgués, constatant, d'une part, « le caractère non protégé dans les faits de la diffusion des documents communiqués par M. [B] » et affirmant, d'autre part, dans un motif qui servait de soutien nécessaire à la décision de relaxe qu'elle prononçait en faveur de M. [K] et la société [K] Chimie « qu'on ne pouvait exclure que ces pièces internes à Brenntag, dont les plus récentes remontaient à trois ans aient été en circulation dans le secteur industriel commun », ne pouvait, sans se contredire et, ce faisant, excéder ses pouvoirs, faire droit aux demandes de la partie civile à l'encontre de M. [B]" ;
Attendu que, pour condamner M. [B] au versement d'une somme de 1 000 euros à la société Brenntag au titre de dommages-intérêts, l'arrêt, après avoir déclaré le prévenu coupable de recel de vols ou d'abus de confiance de documents internes de cette société distincts de ceux pour lesquels la société [K] Chimie et M. [C] [K] ont été relaxés de ce chef, retient que l'octroi de cette somme a pour objet la réparation du préjudice résultant de la divulgation desdits documents par un ancien dirigeant de la société Brenntag ;
D'où il suit que le moyen manque en fait ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. [B] devra payer à la société Brenntag au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit mars deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.