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28/03/2017 | FRANCE | N°16-81896

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 mars 2017, 16-81896


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Y 16-81.896 FS-P+B

N° 895

JS3
28 MARS 2017

REJET

M. GUÉRIN président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

REJET des pourvois formés par Mme [K] [P], le syndicat départemental de l'éducation nationale CGT, CGT Educ'a

ction 30", la fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture CGT, l'union départementale CGT du Gard, parties ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Y 16-81.896 FS-P+B

N° 895

JS3
28 MARS 2017

REJET

M. GUÉRIN président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

REJET des pourvois formés par Mme [K] [P], le syndicat départemental de l'éducation nationale CGT, CGT Educ'action 30", la fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture CGT, l'union départementale CGT du Gard, parties civiles, contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 12 janvier 2016, qui les a déboutés de leurs demandes après relaxe de M. [O] [O] du chef d'injure publique envers particuliers ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 14 mars 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, MM. Straehli, Buisson, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Ricard, Parlos, Mme Ménotti, conseillers de la chambre, MM. Barbier, Talabardon, Ascensi, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Lagauche ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de M. le conseiller BONNAL, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, de la société civile professionnelle LE GRIEL, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire en demande, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 29 et 33 de la loi du 29 juillet 1881, 593 et 595 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de base légale :

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a renvoyé M. [O] des fins de la poursuite et a déclaré irrecevables les constitutions de parties civiles du fait de la relaxe prononcée et a débouté les parties civiles de leurs demandes ;

"aux motifs qu'aux termes de l'arrêt attaqué, sur l'action publique, la cour constatera à titre liminaire n'être saisie que de la seule décision de condamnation du chef d'injures publiques de M. [O], la relaxe du chef de diffamation publique étant à ce jour définitive, les appels du prévenu et du ministère public ne visant que la seule condamnation pour injures publiques et la partie civile n'ayant pas interjeté appel ; que le tribunal, pour déclarer le prévenu coupable des faits d'injures publiques qui lui étaient reprochés a considéré qu'il avait employé des termes injurieux et méprisants, dépassant l'exercice admissible de la liberté d'expression alors même qu'ils n'avaient pas été tenus dans le cadre d'un débat politique ; que la cour ne retiendra pas cette analyse ; qu'il résulte en effet des pièces de la procédure et des propres déclarations à l'audience de Mme [P] que, le jour du conseil d'administration du lycée [Établissement 1] auquel devait participer M. [O] en sa qualité de maire, il avait été sciemment décidé par elle-même et les enseignants de ne pas serrer la main du maire pour des raisons idéologiques ; qu'elle a reconnu également avoir lu, en préambule de ce conseil un texte expliquant que les enseignants refusaient de siéger avec un maire Front National (FN) ; qu'il est dès lors patent que ce qui ne devait être qu'un conseil d'administration de lycée au cours duquel des décisions concernant le strict intérêt des élèves devaient prises a été transformé, par les parties civiles, en tribune politique ; qu'incontestablement, un véritable débat politique a été instauré par les enseignants syndiqués et que le communiqué publié par le prévenu s'inscrit inévitablement dans ce débat qui lui a été imposé et au cours duquel il a été provoqué ; qu'il doit être rappelé que la Cour européenne des droits de l'homme considère que "si tout individu qui s'engage dans un débat public d'intérêt général est tenu de ne pas dépasser certaines limites, tenant le respect de la réputation et des droits d'autrui, il lui est permis de recourir à une certaine dose d'exagération, voire de provocation, c'est-à-dire d'être quelque peu immodéré dans ses propos" ; qu'en l'espèce, la cour considère que les termes employés par M. [O], qualifiant les syndicalistes enseignants de "sans éducation, aigris, sectaires et dont le comportement n'a rien à envier à celui de racailles", pour quelque peu immodérés qu'ils soient, n'ont nullement dépassé les limites de la liberté d'expression, telle que consacrée par la Convention européenne des droits de l'homme s'agissant de réponse à une provocation dans le cadre d'un débat politique ; que le jugement déféré sera en conséquence réformé et M. [O] renvoyé des fins de la poursuite ;

"1°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que les parties civiles rappelaient, dans leurs conclusions d'appel, page 3, que "le 17 juin 2014, le conseil d'administration du lycée [Établissement 1] à [Localité 1], était ajourné, faute de quorum atteint après que les représentants syndicaux des enseignants, dont notamment des membres du syndicat CGT éducation 30, aient témoigné leur refus de siéger aux côtés de M. M. [O], maire FN de la commune de [Localité 1] et de deux de ses adjoints suite aux propos racistes et antisémites tenus par le Front National, notamment par M. [F] [N], les jours précédents" ; qu'en jugeant que le refus des parties civiles de siéger aux côtés d'un représentant du Front National avait initié un débat politique "imposé" à ce dernier, qui aurait ainsi été "provoqué" (ibid.), et que les termes employés par M. [O] n'étaient qu'une "réponse à une provocation", sans vérifier, comme il lui était demandé, si ce refus n'était pas justifié par les propos racistes et antisémites tenus quelques jours plus tôt par des représentants du Front National, lesquels propos ne pouvaient pas s'inscrire dans un débat d'intérêt général, ce qui excluait que ce refus puisse être considéré comme une "provocation" des enseignants et syndicats, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

"2°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que les propos poursuivis n'ont pas été prononcés dans le contexte d'un débat politique par le maire lors d'une assemblée municipale, mais publiés à différentes reprises, plusieurs jours après le refus des parties civiles de siéger aux côtés de M. [O], sous forme de communiqué de presse et dans plusieurs journaux ; qu'en jugeant que "les termes employés par M. [O], qualifiant les syndicalistes enseignants de "sans éducation, aigris, sectaires et dont le comportement n'a rien à envier à celui de racailles", pour quelque peu immodérés qu'ils soient, n'ont nullement dépassé les limites de la liberté d'expression telle que consacrée par la Convention européenne des droits de l'homme s'agissant de réponse à une provocation dans le cadre d'un débat politique", la cour d'appel n'a pas justifié sa décision" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Mme [P], représentante du syndicat CGT Educ'action 30, ce syndicat et deux autres organisations syndicales ont fait citer M. [O], maire de Beaucaire, devant le tribunal correctionnel, notamment du chef susvisé, pour, dans un communiqué de presse qui faisait suite au double refus, opposé la veille par les représentants syndicaux des enseignants au conseil d'administration du lycée de la ville, de siéger aux côtés du maire, au motif de son appartenance au Front national, dont le président d'honneur venait de tenir des propos antisémites, et de lui serrer la main, avoir écrit les mots : "ce ne sont pas quelques syndicalistes sans éducation, privilégiés, aigris et sectaires, dont le comportement n'a rien à envier à celui de "racailles", qui impressionneront la municipalité" ; que le prévenu, déclaré coupable par les juges du premier degré, a relevé appel de cette décision, ainsi que le ministère public ;

Attendu que, pour infirmer le jugement, relaxer le prévenu et débouter les parties civiles, l'arrêt énonce en substance que les enseignants syndiqués ont, par leur comportement, instauré un débat politique avec le maire, dans le contexte duquel celui-ci a répondu à leur provocation par des propos qui n'ont pas dépassé les limites de la liberté d'expression ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel, qui, répondant aux conclusions dont elle était saisie et prenant en compte les responsabilités exercées par les protagonistes, a exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés, tenus dans le contexte d'une polémique de nature politique, et admis le prévenu au bénéfice de l'excuse de provocation, sans avoir à rechercher ce qui avait pu déterminer le comportement dont elle retenait le caractère provocateur, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, qui manque partiellement en fait en sa seconde branche, en ce que le communiqué litigieux a été diffusé dès le lendemain de l'incident l'ayant provoqué, doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 1 000 euros la somme globale que Mme [P], le syndicat départemental de l'éducation nationale CGT "CGT Educ'action 30", la fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture CGT et l'union départementale CGT du Gard devront payer à M. [O] au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit mars deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-81896
Date de la décision : 28/03/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Injures - Injures publiques - Excuse - Provocation - Bénéfice - Comportement provocateur - Causes - Recherche nécessaire (non)

EXCUSES - Excuse de provocation - Conditions - Comportement provocateur - Causes - Recherche nécessaire (non)

Quand, saisis d'une poursuite pour injures, ils retiennent l'excuse de provocation, les juges n'ont pas à rechercher ce qui a pu déterminer le comportement dont ils admettent le caractère provocateur


Références :

articles 29 et 33 de la loi du 29 juillet 1881

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 12 janvier 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 mar. 2017, pourvoi n°16-81896, Bull. crim.Bull. crim. 2017, n° 91
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle Bull. crim. 2017, n° 91

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Lagauche
Rapporteur ?: M. Bonnal
Avocat(s) : SCP Le Griel, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.81896
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