LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par un arrêt du 25 septembre 2002, rendu en matière correctionnelle, M. [A] a été condamné, sur intérêts civils, à payer à l'administration des douanes le montant des droits éludés ainsi que des amendes douanières prononcées à son encontre ; qu'en exécution de cet arrêt, l'administration des douanes a émis les 20 janvier 2006 et 12 juin 2009 des avis à tiers détenteurs (ATD) pour le recouvrement de sa créance ; que, par procès-verbaux du 18 octobre 2013, elle a saisi les droits d'associés détenus par M. [A] au sein de trois sociétés civiles immobilières ; que M. [A], invoquant la prescription de la créance détenue par l'administration des douanes, l'a assignée en annulation et mainlevée des saisies de droits d'associé ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 133-3 du code pénal, ensemble l'article 382-5 du code des douanes et l'article 2244 du code civil ;
Attendu que pour déclarer non prescrite l'action en recouvrement des amendes douanières, l'arrêt, après avoir constaté que l'administration des douanes ne justifiait pas de ce que la lettre de notification concernant l'ATD du 20 janvier 2006 avait été reçue et que l'accusé de réception de la notification de l'ATD du 12 juin 2009 n'avait pas été signé par M. [A], retient que ces irrégularités ne constituent pas une cause de nullité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, les notifications des deux ATD n'étant pas parvenues à leur destinataire, la prescription n'avait pas été valablement interrompue, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare non prescrite l'action en recouvrement des droits éludés et des amendes douanières que M. [A] a été condamné à payer par jugement du tribunal de grande instance de Paris, du 6 mars 2001, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 septembre 2002, l'arrêt rendu le 12 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne le Directeur national du renseignement et des enquêtes douanières aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. [A] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour M. [A].
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'action en recouvrement des droits éludés et des amendes douanières que M. [A] a été condamné à payer à l'administration des douanes suivant jugement du tribunal de grande instance de Paris du 6 mars 2001, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 septembre 2002 n'est pas prescrite et en conséquence, d'AVOIR confirmé le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance du Mans du 13 mai 2014 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur le recouvrement des amendes douanières, les parties s'accordent à reconnaître que la prescription ici applicable est, en application des articles 133-3 du code pénal et 382 5° du code des douanes, la prescription quinquennale et que celle-ci a valablement été interrompue par la délivrance à la personne de M. [A] du commandement de payer du 24 novembre 2003 visant expressément l'arrêt du 25 septembre 2002 (pièce n° 3 de l'intimée) de sorte qu'un nouveau délai de cinq ans a commencé à courir pour s'achever au 24 novembre 2008 ; qu'elles s'opposent, en revanche, sur le caractère interruptif des actes d'exécution forcée postérieurs ; que la DNRED se prévaut, en particulier, de deux ATD intervenus en 2006 et 2009, étant observé qu'il n'est pas discuté que les dispositions des articles 379-1 et 387 bis du code des douanes pour le recouvrement des amendes douanières étant applicables, la DNRED avait la possibilité d'avoir recours à la procédure d'avis à tiers détenteur ; qu'il sera rappelé que les ATD ont ici les effets de la saisie-attribution sans être soumis au formalisme prévu aux articles R 211-1 et R 211-3 du code des procédures civiles d'exécution ; que la DNRED se réclame, en premier lieu, d'un ATD notifié le 20 janvier 2006 (pièce n° 4 de l'intimée) à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Val de France (le Crédit agricole) notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 24 janvier 2006 (pièce n° 5 de l'intimée) à M. [A] et ayant donné lieu à un versement par le Crédit agricole de 1.711,68 euros le 7 avril 2006 (pièce n° 6 de l'intimée) ; qu'elle dénie à M. [A] le droit de le contester aujourd'hui, arguant de ce que M. [A] disposait d'un délai d'un mois pour le faire depuis longtemps expiré ; mais que faute de produire l'avis de réception qui lui a été retourné, elle ne justifie pas de ce que la lettre de notification de l'ATD a été reçue par M. [A] ni, par conséquent, de la date à laquelle elle a été reçue ; que si le fait que le Crédit agricole ait pu verser une somme de 1.711,68 euros prélevée sur le compte de M. [A], sans opposition de la part de celui-ci, révèle que M. [A] a nécessairement eu connaissance de la procédure engagée et n'a pas tenté de s'y opposer, il ne suffit pas à établir qu'il a effectivement reçu la lettre de notification de l'ATD ni, par conséquence, qu'il a eu connaissance des modalités et du délai à respecter pour contester la régularité de cet ATD que seule cette lettre mentionnait ; que le délai d'un mois imparti pour saisir le juge de l'exécution ne lui étant pas opposable, M. [A] est ainsi recevable à critiquer, à l'occasion de la présente instance, la validité de l'ATD ; qu'en revanche, c'est vainement que M. [A] voit dans l'absence de preuve de la notification à sa personne de l'ATD, une cause de nullité de celui-ci, étant précisé que la jurisprudence dont il fait état porte sur des procédures fiscales obéissant à des règles différentes de celles applicables, comme en l'espèce, à la procédure d'exécution d'une décision de justice ; que M. [A] fait grief à l'ATD et à la lettre de notification de ne pas mentionner l'exact titre exécutoire servant de fondement à la procédure de recouvrement, la lettre visant un arrêt du 25 septembre 2001 et non du 25 septembre 2002 ; mais que, d'une part, aucune disposition légale n'impose la mention sur l'avis à tiers détenteur du titre exécutoire en vertu duquel celui-ci est délivré, les dispositions de l'article R. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, ainsi qu'il a été dit, ne lui étant pas applicables ; que d'autre part, la mention d'un arrêt du 25 septembre 2001 sur la lettre de notification procède manifestement d'une erreur matérielle qui ne peut faire grief à M. [A], tout risque de confusion étant écarté dès lors que l'intéressé n'allègue pas l'existence d'un arrêt qui serait intervenu à son encontre le 25 septembre 2001, étant, au surplus, souligné que le montant figurant dans l'ATD de 582.383,58 euros correspondant très exactement au montant cumulé des droits éludés et des amendes douanières qu'il avait été condamné à régler à l'administration des douanes par le jugement correctionnel contradictoire confirmé par l'arrêt contradictoire du 25 septembre 2002 ; que ce moyen de nullité ne peut qu'être écarté ; que M. [A] soulève encore la nullité de l'ATD pour défaut de signature ; mais que si la lettre de notification de l'ATD, telle qu'elle apparaît aux débats, n'est, en effet pas signée, cette anomalie n'est pas de nature à entraîner la nullité de l'ATD dûment revêtu, en ce qui le concerne, d'une signature, avec précision des nom, prénom et qualité du signataire ; que tout au plus cette absence de signature sur la lettre de notification aurait-elle pu ouvrir à M. [A] le droit, qu'il exerce aujourd'hui, de contester la validité de l'ATD hors le délai d'un mois ; que ce moyen de nullité sera également écarté ; que la validité de l'ATD du 20 janvier 2006 n'ayant pas été utilement remise en cause par M. [A], cet acte constitue un acte interruptif de la prescription quinquennale, à compter duquel un nouveau délai de cinq ans a couru ; que la DNRED se prévaut, en second lieu, d'un ATD notifié le 12 juin 2009 (pièce n° 7 de l'intimée) au Crédit agricole, notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du même jour (pièce n° 9 de l'intimée) à M. [A] et ayant donné lieu à un versement par le Crédit agricole d'une somme de 1.765,08 euros le 5 août 2009 (pièce n° 10 de l'intimée) ; que la DNRED produit ici un avis de réception signé le 27 juin 2009 par un certain [K] [E] ; qu'en l'absence d'une mention apposée par la poste justifiant de ce que M. [E] disposait d'un mandat pour se faire remettre contre sa signature la lettre recommandée destinée à M. [A], la DNRED sera tenue pour défaillante dans l'administration de la preuve de ce que ce dernier a eu connaissance, en temps utile, du délai imparti pour former un recours contre l'ATD ; que la contestation élevée à l'occasion de la présente instance par M. [A] sera donc déclarée recevable ; qu'en revanche, les reproches sont adressés par M. [A] qui sont ceux articulés contre l'ATD du 20 janvier 2006, seront pour les mêmes motifs écartés ; qu'en effet, l'erreur purement matérielle de la date du titre exécutoire reproduite est sans conséquence, étant observé que le montant mentionné dans l'ATD délivré au Crédit agricole de 580.671,90 euros, correspondant au montant des condamnations dont M. [A] a été l'objet, déduction faite de la somme de 1.711,68 euros précédemment prélevée sur son compte ; que la signature illisible figurant sur la lettre de notification n'est pas de nature à entraîner la nullité de l'ATD dûment signé avec précision du nom et de la qualité du signataire ; que ce second ATD a donc, à l'instar du précédent valablement interrompu le délai de prescription et fait courir un nouveau délai de cinq ans ; que les saisies de droits sociaux litigieux pratiquées par la DNRED le 18 octobre 2013 étant intervenues durant ce délai de cinq ans, celle-ci est fondée à se prévaloir de leurs effets, peu important qu'elle ait, à tort, invoqué en outre une procédure de conversion de saisie conservatoire (pièce n° 11, 12 et 13 de l'intimée), étrangère à l'exécution de l'arrêt du 25 septembre 2002, puisque venant en exécution d'un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 6 mars 2001, d'un arrêt de la cour d'appel de Paris du 31 octobre 2001 et d'un arrêt de la Cour de cassation du 7 janvier 2003 pour recouvrement d'une somme de 204.765,40 euros, que l'action en recouvrement de la DNRED n'étant pas prescrite, M. [A] sera débouté de l'ensemble de ses demandes, en particulier de celle tendant à la mainlevée des saisies pratiquées ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QU'en application des dispositions de l'article 133-3 du code pénal et de l'article 385-5° du code des douanes le recouvrement des amendes douanières se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle la décision est devenue définitive ; qu'en l'espèce ce délai a commencé à courir à compter du 25 septembre 2002, a été interrompu une première fois le 24 novembre 2003 par la délivrance par la DNRED d'un commandement de payer signifié à la personne du requérant ; que le nouveau délai de cinq ans courant à compter du 24 novembre 2003 a été de nouveau interrompu par la délivrance le 20 janvier 2006 par la DNRED d'un avis à tiers détenteur d'un montant de 582.383,58 € à l'agence du crédit agricole de Nogent le Rotrou gérant les comptes de Monsieur [A] sur lesquels celle-ci a prélevé la somme de 1.711,68 € remise à la DNRED le 7 avril suivant comme le confirme la quittance versée aux débats ; que ce paiement est intervenu sans opposition de la part de Monsieur [A] ; qu'il valide la procédure antérieure et ne l'autorise plus à en contester la régularité au motif que l'ATD ne lui aurait pas été valablement notifié et vise un arrêt en date du 25 septembre 2001 et non 2002 ; que le délai de prescription quinquennale a donc été valablement interrompu par la délivrance le 20 janvier 2006 de ce premier ATD, point de départ d'un nouveau délai de cinq ans ; que le 12 juin 2009, la DNRED a délivré un nouvel ATD d'un montant de 580.671,90 € à l'agence du Crédit agricole d'Asnières sur Seine gérant les comptes de Monsieur [A] sur lesquels celle-ci a prélevé la somme de 1.765,08 € remise à la DNRED le 5 août suivant comme le confirme la quittance produite ; que ce paiement est intervenu sans opposition de Monsieur [A] auquel l'ATD a été notifié le 27 juin 2009 d'après l'accusé de réception versé aux débats ; que le délai de prescription quinquennale a donc été valablement interrompu par la délivrance le 12 juin 2009 de ce second ATD, point de départ d'un nouveau délai de cinq ans ; que la saisie des droits d'associé de Monsieur [A] étant intervenue dans ce nouveau délai de cinq ans le 18 octobre 2013 aucune fin de non recevoir tirée de la prescription ne peut être opposée par Monsieur [A] au recouvrement des amendes douanières dues à la défenderesse en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 25 septembre 2002 ; que par conséquent Monsieur [A] doit être débouté de ses demandes tendant à l'annulation et à la mainlevée de ces saisies pour prescription du droit d'agir de la DNRED ;
ALORS, D'UNE PART, QU'un avis à tiers détenteur ne peut interrompre la prescription qu'à la condition d'avoir été régulièrement notifié tant au tiers détenteur qu'au redevable concerné ; que la cour d'appel constate que la DNRED ne justifiait pas d'une notification régulière des ATD des 20 janvier 2006 et 12 juin 2009 à Monsieur [A], d'où il suit que les dits ATD n'avaient pu interrompre la prescription quinquennale applicable et qu'en décidant néanmoins le contraire pour des raisons erronées en droit, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 262 du livre des procédures fiscales, 133-3 du code pénal et 382-5° du code des douanes ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'un document dépourvu de signature ne constitue pas la notification d'un avis à tiers détenteur au redevable, de sorte qu'il se trouve dépourvu d'effets juridiques ; qu'en décidant le contraire après avoir pourtant constaté que la notification de l'ATD du 20 janvier 2006 n'était pas signée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L. 262 du livre des procédures fiscales, 133-3 du code pénal et 382-5° du code des douanes ;
ALORS, ENFIN, QU'un document revêtu d'une signature illisible et dépourvu de l'indication du nom du signataire ne constitue pas la notification d'un avis à tiers détenteur au recevable, de sorte qu'il se trouve dépourvu d'effets juridiques ; qu'en affirmant que la signature illisible figurant sur la lettre de notification de l'ATD du 12 juin 2009 n'était pas de nature à entraîner la nullité de l'ATD, sans constater que ladite notification indiquait le nom du signataire, ce qui était contesté, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard les articles L. 262 du livre des procédures fiscales, 133-3 du code pénal et 382-5° du code des douanes.