LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [I] et Mme [M], mariés sous le régime légal, ont divorcé en 1993 ; qu'à l'occasion des opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté, Mme [M] a confié la défense de ses intérêts à Mme [A], puis à M. [F] (les avocats) ; qu'au cours de plusieurs instances, ceux-ci ont agi sur le fondement de l'article 1473 du code civil relatif au droit à récompense, pour demander le paiement de la part incombant au mari au titre du remboursement des emprunts contractés par les époux pendant la vie commune, dont Mme [M] soutenait avoir acquitté seule les échéances après la dissolution de la communauté ; que, reprochant aux avocats d'avoir ainsi commis des fautes qui l'ont privée de la possibilité d'obtenir le remboursement de cette créance sur l'indivision post-communautaire, en application de l'article 815-13 du code civil, Mme [M] a assigné en indemnisation la société Allianz IARD, assureur des avocats ; que Mme [A], M. [F] ainsi que les SCP [G] et [F] sont intervenus volontairement à l'instance ;
Attendu que, pour rejeter la demande indemnitaire présentée par Mme [M] au titre des frais de procédure, comprenant les honoraires des professionnels du droit l'ayant assistée, ainsi qu'au titre des condamnations prononcées au profit de M. [I] en paiement de frais irrépétibles et de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt relève que ces frais devaient être engagés, nonobstant la faute commise par les avocats ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les frais engagés à l'occasion des procédures diligentées par les avocats pour obtenir la reconnaissance de la créance de Mme [M] sur l'indivision post-communautaire, n'avaient pas été, au moins pour partie, inutilement exposés en raison des fautes commises par ceux-ci dans le choix du fondement juridique des demandes et si les condamnations en paiement de frais irrépétibles et de dommages-intérêts n'étaient pas la conséquence de ces erreurs, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen unique :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme [M] en réparation de son préjudice matériel relatif aux frais de procédures et aux condamnations au paiement de dommages-intérêts et de frais irrépétibles, l'arrêt rendu le 8 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Allianz IARD et les SCP [G] et [F] aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme [M], à la société FHB et M. [Q], ès qualités, la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour Mme [M], la société FHB et M. [Q], ès qualités.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir, après avoir retenu diverses fautes commises par les avocats successifs de Mme [M] dans l'exercice de leur mandat, refusé toute indemnisation à cette dernière au titre de la réparation de son préjudice matériel ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le préjudice subi par Madame [M] :
Que, compte tenu de la jurisprudence applicable, si les avocats avaient présenté la demande de Madame [M] en visant les textes de l'indivision post communautaire, elle aurait pu obtenir le remboursement de la moitié des sommes versées au titre du remboursement des emprunts communs après la dissolution du mariage ; que, sous réserve de démontrer le paiement des sommes ainsi réclamées, le préjudice ainsi subi est certain et ne constitue pas une perte de chance comme retenue par les premiers juges ;
Qu'en l'état, Madame [M] déclare avoir réglé la somme de 82 708,64 euros arrêtée en 2008, date finale du partage et que son préjudice matériel s'établit donc à la moitié de cette somme soit 41 354,32 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
Que ses adversaires contestent qu'elle ait effectué le paiement de cette somme à titre personnel relevant qu'elle produit un relevé de compte professionnel pour en justifier ;
Que Madame [M], en sa qualité de demanderesse au remboursement de la somme susvisée, doit rapporter la preuve du paiement effectif de celle-ci par ses soins ;
Que Madame [M] ne verse aux débats ni les contrats de prêts concernés par ce remboursement, ni les tableaux d'amortissement, ni la justification du montant des échéances ;
Qu'elle ne produit que la pièce 21 qui regroupe trois extraits d'un compte à son nom aux dates du 29 mars 1996, 29 décembre 1997 et 31 décembre 2002 ; que ces documents sont fragmentaires et ne couvrent pas la totalité de la période concernée ; qu'à l'examen de ceux-ci, figurent sur le premier une mention d'un prêt artisan d'un montant de 1.609,86 francs et une mention d'un autre prêt artisan d'un montant de 1.326,24 francs, sur le second, la seule mention d'un prêt artisan d'un montant de 402,16 euros ;
Que la Cour ne peut vérifier que les mentions relatives à ces prêts correspondent bien aux prêts contractés au cours de la communauté et dont étaient redevables les deux anciens époux ;
Que dès lors Madame [M] ne démontre pas avoir payé les sommes afférentes à des emprunts communs postérieurement à la dissolution du mariage et entrant dans le cadre de l'indivision post-communautaire ;
Que la preuve de ce préjudice matériel n'est pas établie ;
Que Madame [M] sollicite aussi une somme de 32.863,26 euros correspondant à la « revalorisation au profit subsistant » arguant de ce qu'elle aurait dû bénéficier de cette revalorisation si les avocats avaient valablement visé les textes applicables ;
Que la valeur de l'immeuble est indépendante de la somme versée par Madame [M] au titre du remboursement des emprunts dont on ignore si elle les a effectivement remboursés ; que la Cour ne sait pas de plus qui s'est vu allouer lesdits immeubles dans le cadre du partage et lequel des anciens époux bénéficiera de la plus-value desdits immeubles ;
Que la demande relative à ce préjudice est rejetée ;
Que Madame [M] sollicite ensuite le remboursement des frais de procédure (avocats et expert) payés dans le cadre du litige avec son ex-époux et de la liquidation-partage ; que, toutefois, ces frais devaient être engagés nonobstant la faute commise par les avocats ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à sa demande ;
1) ALORS QU'est certain le préjudice lié aux actions en justice nées de la situation provoquée par le manquement du professionnel ; qu'en l'espèce, pour débouter Mme [M] de ses prétentions indemnitaires au titre des procédures vainement engagées par elle pour être rétablie dans ses droits par suite des manquements des avocats, la cour d'appel a retenu que « ces frais devaient être engagés nonobstant la faute commise par les avocats » (arrêt, p. 6 § 6) ; qu'en excluant ainsi toute indemnisation au titre des frais de procédure, alors qu'il résulte des motifs de l'arrêt que, sans la faute des avocats, la situation de Mme [M] aurait été réglée dès 15 décembre 1999, date du jugement portant partage de la communauté après divorce, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé l'article 1147 du code civil ;
2) ALORS QUE la mission d'assistance en justice emporte pour l'avocat l'obligation d'indiquer à son client l'existence de voies de recours et de les exercer dans les conditions et délais prévus par les textes ; que la rémunération de l'avocat ne peut être justifiée si les diligences de l'avocat ont été inutiles en raison de sa faute ; qu'en l'espèce, Mme [M] demandait le remboursement des frais d'honoraire qu'elle avait eu à supporter à l'occasion de la procédure de liquidation-partage (concl., p.18) ; que la cour d'appel a relevé que les avocats successifs de Mme [M] avaient commis diverses fautes en choisissant un fondement juridique erroné et en omettant d'engager, dans les délais, les voies de recours nécessaires ; qu'en décidant cependant, pour refuser toute indemnisation à Mme [M] au titre de son préjudice matériel, que « ces frais (notamment les honoraires des avocats) devaient être engagés nonobstant la faute commise par les avocats », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, et a violé l'article 1147 du code civil.
Le greffier de chambre