LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
-
Mme [C] [C],
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 3-5, en date du 18 décembre 2015, qui, pour abandon de famille, l'a condamnée à 3 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 1er mars 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Castel, conseiller rapporteur, M. Raybaud, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller CASTEL, les observations de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON, de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MONDON ;
Vu les mémoires, en demande et en défense, produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3 et 227-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt a déclaré Mme [C] coupable d'abandon de famille (non paiement d'une pension ou d'une prestation alimentaire) commis du 19 mai 2011 au 30 juin 2013 à [Localité 1], l'a condamnée au paiement d'une amende de 3 000 euros et, sur l'action civile, l'a condamnée à payer à M. [K] la somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice moral ;
"aux motifs que s'agissant des faits postérieurs au 18 mai 2011, Mme [C] reconnaît qu'elle ne s'est pas acquittée du montant intégral des pensions dues du 19 mai 2011 au 30 juin 2013, l'élément matériel est donc caractérisé ; que la prévenue soulève, comme elle l'a déjà fait devant le juge aux affaires familiales, la cour d'appel, le juge de la mise en état et le tribunal correctionnel, qu'elle n'est pas en mesure de verser la moindre pension alimentaire en raison de son état d'impécuniosité ; que cependant, ses arguments n'ont pas été retenus par les juges civils qui ont fixé, puis maintenu le montant de la pension alimentaire, tout en relevant l'opacité entretenue par Mme [C] sur sa situation financière ; que la dernière décision rendue entre les parties, à savoir l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 avril 2015, relève, notamment, que les époux ont constitué pendant leur vie commune, plusieurs sociétés civiles immobilières d'une valeur totale de plus de 3 300 000 euros, selon une évaluation faite en 2009, que chacun des époux détient le même nombre de parts sociales et que la gestion de ces sociétés devrait permettre une distribution de dividendes à parts égales pour chacun des époux ; que cependant, il résulte des pièces produites que Mme [C] a, d'une part, limité cette distribution de dividendes et, d'autre part, en a expressément exclu M. [X] [K] lorsqu'elle y a procédé pour les autres associés, qui sont les enfants du couple ; qu'ayant bénéficié elle-même de ces distributions, elle disposait ainsi de liquidités qui auraient pu lui permettre de s'acquitter de l'obligation alimentaire, prioritaire, à laquelle elle était tenue ; qu'il ressort également des nombreuses pièces communiquées à la cour que Mme [C] a privilégié le paiement de factures de travaux au détriment de ce qu'elle devait à M. [K], qu'elle a diminué son actif en procédant à une donation partage de la nue propriété d'un appartement qu'elle possédait à [Localité 1], [Adresse 1], qu'elle a mis gracieusement à la disposition de membres de sa famille deux logements appartenant l'un à la société civile immobilière Palais Royal et l'autre, à la société civile immobilière [Adresse 2] et qu'elle n'a pas mis en location divers biens dépendant de ces sociétés, tels cinq emplacements de parking, [Adresse 3] ou encore, d'autres logements libérés par leurs locataires ; que s'agissant de l'appartement qu'elle occupe, dont sa mère serait usufruitière et à laquelle elle se dit tenue de verser un loyer de 1 650 euros, manifestement au-delà des revenus qu'elle déclare, à savoir 1 580 euros, la Cour d'appel a relevé que les droits de la mère de Mme [C] n'étaient nullement établis, « une société civile immobilière gérant l'ensemble du lot dans lequel les deux époux sont actionnaires » ; que la cour observe encore que, si Mme [C] soutient que la précarité de sa situation financière l'a contrainte à solliciter l'aide de ses proches, il n'est pas justifié des remises de fonds évoquées par les attestations qu'elle verse aux débats ; qu'enfin, il n'appartient pas au juge correctionnel de revoir ou modifier la décision du juge civil et ce d'autant plus que la prévenue ne produit, ni n'allègue aucun élément nouveau depuis la dernière décision de la cour d'appel de Paris, rendue le 2 avril 2015 ; qu'en définitive, Mme [C] ne démontrant pas avoir fait tous les efforts nécessaires pour s'acquitter de ses obligations, ainsi qu'il ressort de ce qui précède, il s'ensuit qu'elle ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle a été dans l'impossibilité absolue de régler sa contribution ; que c'est donc par une juste appréciation des faits et circonstances particulières de la cause que les premiers juges ont retenu que l'infraction était caractérisée dans tous ses éléments ; qu'en conséquence, le jugement déféré sera confirmé sur la déclaration de culpabilité afférente à l'infraction visée à la prévention ; que les conditions d'application de l'article 132-59 du code pénal n'étant pas réunies en ce que le trouble de l'infraction n'a pas cessé, la demande de dispense de peine sera rejetée ; que, sur la peine, eu égard à la nature des faits poursuivis comme à l'absence d'antécédents judiciaires de la prévenue, il y a lieu de confirmer la peine infligée par le premier juge, qui constitue une sanction proportionnée à la gravité des faits et qui apparaît adaptée à la personnalité de Mme [C] ;
"1°) alors que le caractère volontaire du défaut de paiement d'une pension alimentaire ne saurait être présumé et découler de l'existence préalable d'une décision de justice condamnant le débiteur à payer cette pension ; qu'en déclarant, en l'espèce, que le caractère volontaire du défaut de paiement se déduisait notamment de l'existence préalable d'une décision civile, en l'occurrence d'un arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 avril 2015, qui avait apprécié les capacités financières de la débitrice et qu'il ne lui appartenait pas de la revoir ou la modifier, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"2°) alors qu'en toute hypothèse l'élément intentionnel du délit d'abandon de famille ne saurait être caractérisé lorsque le débiteur de la pension alimentaire ne dispose pas de ressources suffisantes pour s'acquitter de son obligation ; qu'en déclarant, en l'espèce, que le caractère volontaire du défaut de paiement se déduisait, notamment, de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 avril 2015, qui avait apprécié les capacités financières de la débitrice, sans répondre au moyen essentiel de celle-ci, qui faisait valoir que cette décision avait retenu qu'en 2012 elle disposait d'un revenu mensuel moyen de 690 euros et, en 2013, de 1 730 euros, mais n'avait pas tiré les conséquences légales de ce constat, à savoir qu'elle était dans l'incapacité, avec ses faibles revenus, de faire face à l'ensemble de ses charges et de payer une pension alimentaire d'un montant mensuel de 750 euros (v. ses conclusions d'appel visées à l'audience, p. 12, point II.B-2-1), la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"3°) alors que l'élément intentionnel du délit d'abandon de famille ne saurait être caractérisé lorsque le débiteur de la pension alimentaire ne dispose pas de ressources suffisantes pour s'acquitter de son obligation ; qu'en retenant que Mme [C] ne rapportait pas la preuve de ce qu'elle était dans l'impossibilité absolue de régler sa contribution en se bornant à relever qu'ayant bénéficié des distributions de dividendes elle disposait de liquidités qui auraient pu lui permettre de s'acquitter de l'obligation alimentaire, prioritaire, à laquelle elle était tenue, sans établir le montant des dividendes dont elle aurait ainsi pu bénéficier afin de mettre la Cour de cassation en mesure de s'assurer qu'ils lui auraient effectivement permis de s'acquitter de son obligation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
"4°) alors que l'élément intentionnel du délit d'abandon de famille ne saurait être caractérisé lorsque le débiteur de la pension alimentaire ne dispose pas de ressources suffisantes pour s'acquitter de son obligation ; qu'en retenant que Mme [C] ne rapportait pas la preuve de ce qu'elle était dans l'impossibilité absolue de régler sa contribution sans répondre au moyen essentiel de la prévenue qui faisait valoir que ses revenus fonciers déclarés ne correspondaient pas à la réalité car les sociétés civiles immobilières familiales devaient supporter la charge du remboursement des emprunts immobiliers ayant servi à financier les acquisitions, ce qui n'apparaissait pas dans les déclarations fiscales, et qu'elle ne pouvait donc compter sur ces revenus pour s'acquitter des pensions (v. ses conclusions d'appel, p. 13, al. 4 et s.), la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"5°) alors que l'élément intentionnel du délit d'abandon de famille ne saurait être caractérisé lorsque le débiteur de la pension alimentaire ne dispose pas de ressources suffisantes pour s'acquitter de son obligation ; qu'en retenant que Mme [C] ne rapportait pas la preuve de ce qu'elle était dans l'impossibilité absolue de régler sa contribution sans répondre au moyen essentiel de la prévenue qui faisait valoir l'importance de ces charges, en particulier celles relatives aux deux enfants du couple, [Z] et [A], dont elle doit assumer seule l'entretien et l'éducation (v. ses conclusions d'appel, p. 14, al. 3 et s.), la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme, dont il résulte que Mme [C], qui a reconnu ne pas avoir respecté ses obligations alimentaires, n'était pas dans une situation d'insolvabilité qui rendait impossible le paiement de la contribution due et qu'elle s'y est délibérément soustraite, mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, sans insuffisance ni contradiction et en répondant aux conclusions déposées devant elle, a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'abandon de famille dont elle a déclaré la prévenue coupable et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 1 000 euros la somme que Mme [C] devra verser à M. [K] au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-six avril deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.