LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la Selarl EMJ, prise en la personne de M. X..., de ce qu'elle reprend l'instance en qualité de liquidateur judiciaire de la société Itou Média ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Itou Média a commandé à la société AJ Print des autocollants ; qu'invoquant des défauts de conformité de la marchandise, la société Itou Média a assigné la société AJ Print et l'assureur de cette dernière, la société Axa France IARD, en réparation de ses préjudices sur le fondement de la responsabilité contractuelle ; que la société AJ Print a opposé la prescription de l'action en ce qu'elle était fondée sur la garantie des vices cachés ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1604 du code civil ;
Attendu que pour déclarer prescrite l'action de la société Itou Média, l'arrêt retient qu'il résulte d'une lettre de l'expert judiciaire du 7 octobre 2013, rappelant les prescriptions de la commande du 10 octobre 2008, que, certes fragiles, les autocollants qui lui avaient été fournis étaient pelables et donc conformes à la demande, de sorte qu'il s'agissait non pas d'une non-conformité mais d'un défaut caché rendant impropres les autocollants à l'usage auquel ils étaient destinés ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les autocollants vendus par la société AJ Print présentaient la qualité décrite dans le bon de commande relative à la résistance aux intempéries, et si, dans la négative, la société AJ Print n'avait pas manqué à son obligation de délivrance conforme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation intervenue sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, celle des chefs de l'arrêt déclarant l'action de la société Itou Média prescrite à l'égard de la société Axa France IARD ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il « annule » le jugement en ce qu'il a déclaré l'action dirigée contre la société Axa France IARD non prescrite en relevant d'office un moyen de droit sans le soumettre à la contradiction, l'arrêt rendu le 9 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société AJ Print et la société Axa France IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Axa France IARD et la société AJ Print à payer, chacune, à la société EMJ en sa qualité de liquidateur de la société Itou Média la somme de 1 500 euros ; rejette leurs demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Itou Média.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait dit la société Itou Média recevable en ses demandes à l'encontre de la société AJ Print, de l'AVOIR confirmé en ce qu'il avait jugé prescrite l'action de la société Itou Média à l'encontre de la société AJ Print et d'AVOIR dit qu'en conséquence étaient irrecevables les demandes formées contre elle ;
AUX MOTIFS QUE la société Itou Média a intenté une action sur le fondement contractuel de la non-conformité des produits livrés, par application des articles 1134 et 1147 du code civil ; que se référant aux constatations de l'expertise judiciaire, toujours en cours, elle fait valoir que les stickers produits par la société AJ Print absorbaient l'eau, se gondolaient, se déchiraient ou se décollaient une fois mouillés, du fait de l'utilisation d'un papier trop mince et fragile, non plastifié ; que la société Axa France Iard produit un courrier de l'expert judiciaire, Philippe Y..., daté du 17 octobre 2013, rappelant les prescriptions de la commande du 10 octobre 2008, à savoir des stickers " pelables ", celle-ci précisant : Qualité de colle permettant une bonne adhésion sur polycarbonate, mais décollable au bout d'une semaine, et qui indique que, certes fragiles, les stickers qui lui ont été fournis sont pelables et donc conformes à la demande ; que c'est donc justement que le tribunal, saisi d'une contestation du fondement juridique de l'action de la société Itou Média, a, en vertu de l'article 12 du code de procédure civile et se référant aux dispositions des articles 1641 et suivants du code civil, justement écarté la non-conformité, mais a retenu le défaut caché rendant impropres les stickers litigieux à l'usage auquel ils étaient destinés ; que, sur la prescription de l'action de la société Itou Média, selon le premier alinéa de l'article 1648 du code civil : L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice ; qu'ayant justement rappelé le fait constant d'une découverte du vice, au plus tard le 19 mai 2010, date du courrier de réclamation adressé par la société Itou Média à la société AJ Print et d'une introduction de l'action par assignation du 4 février 2013, le tribunal a justement apprécié que l'action de la société Itou Média à l'encontre de la société AJ Print était prescrite ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE la livraison d'une chose conforme à la chose convenue mais atteinte de défauts la rendant impropre à l'usage auquel elle est destinée ne constitue pas un manquement du vendeur à l'obligation de délivrance sanctionné par l'action en responsabilité contractuelle de droit commun mais un manquement à son obligation de garantie ouvrant droit à l'action en garantie des vices cachés fixées par les articles 1641 et suivant du code civil ; que la garantie des vices cachés constitue l'unique fondement possible de l'action exercée par Itou Média ; que l'action pour vices cachés suppose sa mise en oeuvre à bref délai ; que la brièveté du délai dont s'agit ne doit pas être recherchée à partir de la date à laquelle le produit a été vendu mais à partir du moment où son caractère défectueux a été connu ; qu'en l'espèce, aux termes de l'article 1648 du code civil « l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de 2 ans à compter de la découverte du vice » ; que les livraisons des stickers ont eu lieu entre avril et mai 2010 ; qu'il n'est pas contestable, comme le rappelle Axa dans ses écritures, que la découverte du vice dénoncé est intervenue au plus tard le 19 mai 2010, date du courrier d'Itou Média adressé à AJ Print ; qu'Axa ajoute qu'aucun acte interruptif de prescription n'est intervenu entre le 20 mai 2010 et le 20 mai 2012 ; que le premier acte interruptif de prescription est matérialisé par l'assignation au fond délivrée à l'encontre de AJ Print et de Axa en février 2013 ; qu'il s'ensuit que l'action résultant des vices rédhibitoires devait être intentée par Itou Média dans un délai de 2 ans soit au plus tard le 19 mai 2012 ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a, de manière contradictoire, dit la société par actions simplifiée Itou Média recevable en ses demandes à l'encontre de la société AJ Print et a dit son action à son encontre prescrite ;
1°) ALORS QUE constitue un manquement à l'obligation de délivrance conforme la fourniture d'une chose différente de celle qui était contractuellement prévue ; qu'en retenant, pour juger irrecevable comme prescrite l'action exercée par la société Itou Média à l'encontre de la société AJ Print moins de trois ans après la découverte du défaut, qu'elle ne pouvait être fondée que sur la garantie des vices cachés, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (v. par exemple, conclusions de la société Itou Média, p. 17, antépén. al. à p. 19, al. 5), si la faible résistance aux intempéries des stickers commandés ne caractérisait pas un défaut de conformité aux caractéristiques spécifiquement convenues entre les deux sociétés, de sorte que l'action formée par la société Itou Média pouvait être fondée sur un manquement de la venderesse à son obligation de délivrance conforme et n'était pas prescrite, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1604 du Code civil ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'en déduisant que les défauts invoqués par la société Itou Média relevaient nécessairement de la garantie des vices cachés de ce qu'« un courrier de l'expert judiciaire, Philippe Y..., daté du 7 octobre 2013, […] indiqu [ait] que, certes fragiles, les stickers qui lui [avaient] été fournis [étaient] pelables et donc conformes à la demande » (arrêt, p. 10, al. 2), quand dans ce document, M. Y... soulignait l'existence d'« ambiguïtés » sur le caractère pelable des stickers litigieux une semaine après leur collage et indiquait en caractères gras que la « seule façon certaine de sortir de ces ambiguïtés, c'est de procéder à des essais de pelage sur des échantillons de stickers adhésifs livrés […] à I [tou Média] à l'époque, […] dans différentes conditions similaires à ce qui a [vait] été fait à l'époque à savoir sur polycarbonate, papier sec et mouillé, avec des durées de pose de 1, 4, 12 semaines et 1 an pour voir l'influence de la durée de vieillissement et de stockage » (courrier du octobre 2013, p. 2, al. 1er, mise en gras omise), la Cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis de ce courrier, en violation de l'article 1134 du Code civil, ensemble le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les documents de la cause.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il avait dit que l'action dirigée contre Axa France Iard n'était pas prescrite et, statuant à nouveau, d'AVOIR dit prescrite l'action de la société Itou Média à l'encontre de la société Axa France Iard ;
AUX MOTIFS QUE, sur la prescription de l'action de la société Itou Média, selon le premier alinéa de l'article 1648 du code civil : L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice ; qu'ayant justement rappelé le fait constant d'une découverte du vice, au plus tard le 19 mai 2010, date du courrier de réclamation adressé par la société Itou Média à la société AJ Print et d'une introduction de l'action par assignation du 4 février 2013, le tribunal a justement apprécié que l'action de la société Itou Média à l'encontre de la société AJ Print était prescrite ; que la société Itou Média soutient en cause d'appel que par l'action combinée des articles L. 114-1 et L. 124-3, son action envers la société Axa France Iard, assureur de la société AJ Print, ne serait pas prescrite, car prolongée de deux années en ce qui la concerne, tant que l'assuré pouvait appeler son assureur en garantie, ce que le tribunal a jugé en soulevant ce moyen d'office, sans permettre aux parties d'en débattre ; que selon l'article L. 114-1 du code des assurances : Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. Toutefois, ce délai ne court : 1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance, 2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là. Quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier (...) ; que l''article L. 124-3 du même code, dispose, quant à lui que : Le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. L'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré ; qu'il en résulte que, contrairement à ce que soutient la société Itou Média, son action à l'encontre de la société AJ Print était en l'espèce prescrite, ce que le tribunal a bien jugé ; que dès lors que cette action était prescrite, l'assureur ne pouvait plus être soumis au recours de son assuré et cela n'ouvrait donc pas au tiers qu'est la société Itou Média un nouveau délai de deux années à l'expiration du délai de deux ans au cours duquel la société AJ Print était exposée à son recours ; qu'infirmant le jugement entrepris, la cour dira donc prescrite l'action de la société Itou Média à l'encontre de la société Axa France Iard, assureur de la société AJ Print ;
ALORS QUE, par application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation atteignant un chef de dispositif de l'arrêt s'étend, par voie de conséquence, à tous ceux qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation qui ne manquera pas d'intervenir sur le chef de dispositif par lequel la Cour d'appel a jugé irrecevable comme prescrite l'action formée par la société Itou Média à l'encontre de la société AJ Print s'étendra nécessairement au chef de dispositif par lequel la Cour d'appel a jugé prescrite l'action qu'elle a exercée à l'encontre de la société Axa.