LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 28 octobre 1991, MM. Thomas Tamatoa X..., Michel Tino X..., Daniel Henry Y..., Jean-Pierre Z..., Robert Jack Atima A..., Vaitua B..., Robert Warren C..., Francis Philippe Tinorua D..., Johnnie Tamatoaiva D..., Alphonse Tupi D..., Ernest D..., Clet Sunny Théodore Moanaura D..., Rommel Rootearii Tepoemoana D..., Rodrigue Caron Manureva D..., Mateau Karl Harold D..., Dayf Tuarii E..., Lionel Auguste Tehei Bruno F..., et Arnaud G..., et Mmes Milda Kalina Manahiva H..., Dina Kalina Lia I..., Louise Renée J..., June Lia Janet B..., Hilda Tereiia D..., Marjorie D..., Léontine D..., Gwendoline D..., Bélinda D..., Moea D..., Teriirourumaonaiteraiatea Léontine Mareva D..., Lydie Mahinatea Paremata A Teinaore D..., et Monette Ameline Tiaretua F... (les consorts I...) ont signé, soit eux-mêmes, soit leurs auteurs, avec le président du gouvernement de la Polynésie française un protocole d'accord prévoyant le paiement de droits d'enregistrement dus par eux, par dation de différentes parcelles de terre, le gouvernement de la Polynésie française s'engageant en contrepartie à reloger dans un délai de six mois, sur ces immeubles, les occupants des terrains restant appartenir aux consorts I... ; que, soutenant que le gouvernement de la Polynésie française n'avait pas respecté cet engagement, les consorts I... l'ont assigné pour obtenir sa condamnation à leur verser des dommages-intérêts ; que la cour d'appel a accueilli partiellement cette demande ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé :
Attendu que le gouvernement de la Polynésie française fait grief à l'arrêt de le condamner à verser des dommages-intérêts aux consorts I... ;
Attendu qu'après avoir constaté que, par acte du 26 novembre 1988, les consorts M... et les ayants droit et légataires de Mary-Ann I..., épouse de Charles C...- K..., avaient mis un terme à leur différend successoral et que, par acte du 28 octobre 1991, le Territoire de la Polynésie française avait reçu des consorts I... la propriété d'un certain nombre de terres, à titre de dation en paiement, la cour d'appel, qui a relevé qu'un expert chargé par celui-ci de vérifier la propriété des terres susceptibles de lui être cédées, avait conclu qu'elles avaient été la propriété de Charles C...- K... et n'avaient pas fait l'objet de mutations depuis le décès de ce dernier, en a déduit que les terres donnés en dation à paiement étaient la propriété des consorts I... ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
Sur les première, quatrième et cinquième branches du même moyen du pourvoi principal et le second moyen du pourvoi incident, ci-après annexés :
Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi incident :
Vu l'article 6 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Attendu que le juge doit, en toute circonstances, faire respecter et observer lui-même le principe de la contradiction ;
Attendu que, pour limiter à une certaine somme le montant des dommages-intérêts dus par le gouvernement de la Polynésie française, l'arrêt énonce que le préjudice subi se traduit par une perte de chance de réaliser un projet touristique sur les terres demeurées en la possession des consorts I... et que sa réparation ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'était pas soutenu que le préjudice allégué consistait en une perte de chance, la cour d'appel, qui a relevé d'office le moyen tiré de l'existence d'un tel préjudice sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe la condamnation du gouvernement de la Polynésie française à la somme de 100 000 000 FCP, l'arrêt rendu le 7 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa ;
Condamne le gouvernement de la Polynésie française aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour le gouvernement de la Polynésie française.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Polynésie Française à payer aux consorts I...- C...- K...- D... et autres requérants, la somme de 100. 000. 000 FCP à titre de dommages et intérêts,
AUX MOTIFS PROPRES QUE le protocole d'accord en date du 28 octobre 1991 intervenu entre les consorts I...- C...- D... et la Polynésie française stipule que : « les parties s'interdisent de revenir sur les conditions du présent protocole qui constitue une convention transactionnelle définitive » et que : « le territoire de la Polynésie française a accepté de prendre les terrains dans l'état de droit et de fait où ils se trouvent » ; qu'il dispose par ailleurs que : « Conformément aux dispositions antérieures prises dans l'exposé qui précède le territoire de la Polynésie française s'engage à reloger dans le délai de 6 mois à compter de ce jour sur les propriétés ci-dessus désignés comme son domaine public, les occupants des terrains restant appartenir aux consorts I..., au besoin avec l'assistance de Yves L... expert foncier » ; que c'est donc par des motifs pertinents que le premier juge a estimé que la Polynésie française n'était pas fondée à demander qu'il soit enjoint aux consorts X... – I...- D... et autres de verser aux débats toutes les pièces justifiant de la nature juridique de l'acte portant abandon des droits de propriété à leur profit par les consorts M... au motif que lors de l'accord transactionnel du 26 novembre 1988 les mutations de propriété à titre libéral ne pouvaient intervenir que dans le cadre de donations entre vifs et qu'à défaut d'avoir été taxés comme en matière de donation, les actes intervenus sont entachés d'une nullité d'ordre public étant observé qu'il incombait en effet à la Polynésie française, qui a elle-même fixé les modalités et le montant des droits de mutation et proposé la dation en paiement par l'intermédiaire de son service des domaines et de l'enregistrement, de s'assurer que toutes les conditions étaient réunies pour y parvenir, les consorts n'ayant eu aucune part dans cette phase antérieure au protocole d'accord du 28 octobre 1991 celle-ci relevant de la seule compétence du service des domaines et de l'enregistrement ; qu'elle n'est pas fondée non plus à demander l'annulation de l'acte du 28 octobre 1991 portant dation en paiement en raison de l'absence de transfert de propriété et d'absence de saisine de la commission ad hoc prévue par la délibération n° 78178 du 18 octobre 1978 dès lors d'une part, que préalablement à la signature dudit protocole d'accord du 28 octobre 1991 elle avait mandaté Yves L... en qualité d'expert pour vérifier l'origine de la propriété, la consistance, l'occupation et la valeur des terres cédées en dation, et que si ledit expert a commis des erreurs ou n'a pas suffisamment investigué pour répondre à ses attentes, elle ne saurait en imputer la faute aux demandeurs, qu'elle était en outre la mieux placée pour vérifier auprès des services dépendants de son autorité (service du cadastre, service des affaires foncières et bureau des hypothèques) la propriété des terres dont la cession était envisagée ; qu'elle ne saurait se prévaloir d'autre part de l'éventuelle absence de saisine de la commission ad hoc prévue par la délibération n° 78 178 dans la mesure où le président du gouvernement de la Polynésie française a été autorisé à agir par arrêté n° 651 du 17 juin 1991 et qu'il incombait donc à ses propres services de respecter la procédure en vigueur ; que la Polynésie française n'est pas fondée à invoquer le fait pour s'exonérer de la demande de dommages et intérêts faite en application de l'article 1142 du code civil, qu'elle n'a pas été en mesure de respecter son engagement de reloger les occupants des terres des consorts en raison d'une cause extérieure liée d'une part à des contestations ou en tout cas à des incertitudes et des imprécisions relativement à la propriété des terres cédées et d'autre part au fait que les terres cédées au territoire n'étaient pas libres d'occupation ; qu'en effet elle avait chargé Yves L... de vérifier la propriété des terres qui étaient susceptibles de lui être cédées au titre de la dation en paiement, ce qu'elle était également en position de vérifier par elle-même puisque l'ensemble des services administratifs ad hoc sont placés sous son autorité ; que d'ailleurs l'expert a confirmé dans son rapport d'expertise du 23 avril 1991 (page 6) que : « toutes ces terres étaient la propriété de Charles C...
K... par suite de l'adjudication du 28 juin 1935 » (...) « l'étude des comptes hypothécaires de Charles M..., Kalani M... et Norma N... nous a permis de constater que ces terres n'avaient pas fait l'objet de mutations depuis le décès de Charles C...
K... » ; que de plus ainsi qu'il résulte tant du rapport d'expertise de Yves L... (page 4, « les parties présentes ont répondu que le montant de l'imposition avait été calculé sur une valeur, en ce qui concerne les biens de Huahine, déterminée compte tenu de cette occupation dont les parties avaient connaissance ») que du protocole d'accord du 28 octobre 1991 qui l'a suivi, que la Polynésie française était informée de la situation d'occupation par des agriculteurs des terres données en dation, que ce soit au titre des baux réguliers ou d'une occupation sans droit ni titre ; de sorte que la cour ne peut qu'en déduire que la Polynésie française avait pris l'engagement de relogement précité en toute connaissance de cause de la situation qui prévalait alors et après avoir été en mesure de vérifier les droits des uns et les possibilités de relogement dont elle disposait ; qu'il est manifeste cependant qu'en dépit des démarches relances et mises en demeure rappelées plus haut le débiteur de l'obligation de faire, est demeurée inactif ; que la Polynésie française n'est donc pas fondée à dénoncer l'immobilité des consorts X...- I...- C...- K...- D... quant à la libération des emprises foncières en cause ; que les consorts appelants ainsi que l'a relevé le premier juge sont donc fondés à reprocher à la Polynésie française un manquement à l'engagement contractuel pris de relogement des agriculteurs restés sur leur terre, engagement qu'elle n'a été in fine pas en mesure d'exécuter ; que la cour constate qu'après avoir retenu la responsabilité de la Polynésie française, le premier juge a débouté les requérants de leur demande de dommages et intérêts en retenant que ceux-ci ne sont pas fondés en leur demande d'indemnisation « au demeurant calculée de manière très théorique sans réel lien avec un préjudice identifié dans la mesure où ils ne démontrent pas que le manquement contractuel de la Polynésie française leur a causé un préjudice » ; que les requérants déplorent pourtant du fait du comportement de la Polynésie française un gel de toute potentialité d'aménagement sur les terres dont ils sont demeurés propriétaires ; qu'il est justifié par les documents produits que les consorts I... et autres avaient été approchés par une société hôtelière japonaise en 1990 en vue de la réalisation d'un complexe touristique sur les terres restées leur propriété et que les représentants de cette société hôtelière sont venus visiter les lieux ; qu'il ne peut être réellement contesté que l'incapacité pour les requérants de présenter un ensemble foncier libre d'occupation a pu jouer in fine en leur défaveur ; que les requérants sollicitent la somme de 7. 237. 437. 892 FCP représentant le préjudice qu'ils ont subi depuis 1993 ; que ce montant correspond selon eux à la valeur des terres gelées par application d'un taux de rendement usuel fixé à 5 % exposant qu'ils sont propriétaires d'un domaine résiduel après dation en paiement de 2. 244. 654 m ² avec une valeur au m ² de 3. 394 FCP le m ² par référence à une « liste de références de vente à Fare Huahine » émis par la direction des affaires foncières en 1998 ; que le taux de 5 % est présenté par les requérants comme adéquat d'une part en ce que : « en cas de réalisation d'un projet touristique d'aménagement par cession ou location les prix obtenus auraient pu être placés à un taux de 5 % au moins depuis 1993 ou les loyers auraient pu être facilement obtenus pour 5 % de la valeur des terres, ou en cas d'apport en sociétés hôtelières des terres en cause, des dividendes eussent pu être obtenus, le choix et la négociation des options n'ayant jamais pu être ouverts, alors même que les requérants avaient pour interlocuteurs l'un des premiers conglomérats japonais propriétaire d'une chaine hôtelière très importante » d'autre part en ce qu'il peut être fait référence à la délibération n° 95-90 AT du 27 juin 1995 fixant les règles et taux applicables à la gestion et à la location de son domaine privé, arrêtant ses taux à 5 % de la valeur des terres en cas de location civile et à 7 % en cas de location commerciale ; que l'application du taux de 5 % produit un rendement annuel de 380 917 784 FCP lequel appliqué sur 19 ans correspond à la somme réclamée à titre de dommages et intérêts ; que s'il est manifeste que le patrimoine des requérants, dont le sort reste aujourd'hui indéterminé ne peut être affecté à un usage précis, la cour relève que ce préjudice subi s'apparente essentiellement à une perte de chance d'avoir pu voir se réaliser un projet touristique ; qu'il est constant que la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue mais ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en l'espèce hormis ce projet touristique déjà ancien de plus de 20 ans les consorts en cause ne démontrent pas avoir recherché d'autres valorisation possibles qui se seraient heurtées à l'occupation alléguée anarchique de leurs terres ; qu'en conséquence au vu de l'ensemble des éléments soumis à son appréciation la cour dispose de suffisamment d'éléments d'information pour fixer à la somme de 100 000 000 FCP l'indemnisation au titre du préjudice subi par les consorts consorts X... – I... – C... – K... – D... ; Sur l'astreinte : les circonstances de l'espèce ne justifient pas qu'il soit ordonné à la Polynésie française de satisfaire à son engagement de relogement des occupants des terres du domaine de Huahine des appelants et ce sous astreinte, dès lors que ceux-ci ne donnent aucune précision à ce jour sur la situation d'occupation exacte de leurs terres et sur le nombre réel des agriculteurs en mesure de pouvoir prétendre à un relogement (arrêt, p. 6 à 9) ;
1) ALORS QUE la méconnaissance des dispositions d'ordre public relatives à la conclusion d'un contrat par le territoire de la Polynésie française est sanctionnée par la nullité absolue, en sorte qu'elle peut être invoquée par toute personne, justifiant ainsi d'un intérêt légitime à agir ; qu'en affirmant que la violation de la procédure d'autorisation de la dation en paiement ne pouvait être invoquée par la Polynésie française, au motif inopérant pris de ce qu'il appartenait à ses services de respecter la procédure en vigueur, cependant que, s'agissant de la sanction d'une règle de forme destinée à la protection d'un intérêt général, sa violation pouvait être invoquée par le Gouvernement de la Polynésie française, la cour d'appel a violé les articles 1108 du code civil, 26 de la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Polynésie française et 2 de la délibération n° 78-178 du 18 octobre 1978 instituant la dation en paiement ;
2) ALORS QUE, subsidiairement, pour payer valablement, il faut être propriétaire de la chose donnée en payement, et capable de l'aliéner ; que la dation en paiement de la chose d'autrui est nulle ; qu'en rejetant la demande de la Polynésie française tendant à ce que soit constatée la nullité de l'acte du 28 octobre 1991 en raison de l'absence de transfert de propriété, à défaut pour les débiteurs d'avoir eu la propriété des terres données en paiement, motif pris qu'elle n'aurait pu en imputer la faute aux débiteurs, quand l'absence de droit de propriété sur les biens remis en dation entachait celle-ci de nullité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1238 et 1243 du code civil ;
3) ALORS subsidiairement, QUE l'erreur sur l'objet même de la transaction autorise la rescision de celle-ci ; qu'en rejetant la demande de la Polynésie française tendant à ce que soit constatée la nullité de l'acte du 28 octobre 1991, motif pris du caractère transactionnel de cet acte, quand l'erreur concernant la propriété des terres remises à titre de dation en paiement constituait une erreur de la Polynésie sur l'objet de la transaction, qui était de lui transférer, à titre de paiement d'une dette fiscale, la propriété de biens immobiliers identifiés dont la valeur était déterminée, la cour d'appel a violé les articles 1108, 2044 et 2053 du code civil ;
4) ALORS QUE, subsidiairement, seule constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; qu'en condamnant la Polynésie Française à payer aux consorts I... la somme de 100. 000. 000 FCP en réparation de la perte de chance subie par ces derniers d'avoir pu voir se réaliser un projet touristique, tout en constatant à la fois, qu'« hormis ce projet touristique déjà ancien de plus de 20 ans les consorts en cause ne démontrent pas avoir recherché d'autres valorisations possibles qui se seraient heurtées à l'occupation alléguée anarchique de leurs terres » et qu'ils ne donnaient « aucune précision à ce jour sur la situation d'occupation exacte de leurs terres et sur le nombre réel des agriculteurs en mesure de pouvoir prétendre à un relogement », ce dont il résultait que n'était pas établie la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1149 du code civil ;
5) ALORS QUE, subsidiairement, qu'aucune responsabilité n'est encourue en l'absence de lien de causalité entre le dommage subi par l'un des cocontractants et l'inexécution contractuelle imputée à l'autre ; qu'en condamnant la Polynésie française à indemniser les consorts I... à hauteur de 100. 000. 000 FCP en réparation du préjudice subi du fait de la perte de chance d'avoir pu voir se réaliser un projet touristique, tout en relevant à la fois qu'il était justifié par les demandeurs à l'indemnisation qu'ils « avaient été approchés par une société hôtelière japonaise en 1990 en vue de la réalisation d'un complexe touristique sur les terres restées leur propriété et que les représentants de cette société hôtelière sont venus visiter les lieux », qu'il ne pouvait « être réellement contesté que l'incapacité pour les requérants de présenter un ensemble foncier libre d'occupation a pu jouer in fine en leur défaveur » et que les consorts I... « ne donnent aucune précision à ce jour sur la situation d'occupation exacte de leurs terres et sur le nombre réel des agriculteurs en mesure de pouvoir prétendre à un relogement », ce dont il résultait qu'aucun lien de causalité n'était établi entre l'absence d'exécution de son obligation de relogement par la Polynésie française et l'indisponibilité, au demeurant non établie, des terrains demeurés la propriété des consorts I..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1147 du code civil et du principe de la réparation intégrale.
Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour MM. Thomas Tamatoa X..., Michel Tino X..., Daniel Henry Y..., Jean-Pierre Z..., Robert Jack Atima A..., Vaitua B..., Robert Warren C..., Francis Philippe Tinorua D..., Johnnie Tamatoaiva D..., Alphonse Tupi D..., Ernest D..., Clet Sunny Théodore Moanaura D..., Rommel Rootearii Tepoemoana D..., Rodrigue Caron Manureva D..., Mateau Karl Harold D..., Dayf Tuarii E..., Lionel Auguste Tehei Bruno F..., et Arnaud G..., et Mmes Milda Kalina Manahiva H..., Dina Kalina Lia I..., Louise Renée J..., June Lia Janet B..., Hilda Tereiia D..., Marjorie D..., Léontine D..., Gwendoline D..., Bélinda D..., Moea D..., Teriirourumaonaiteraiatea Léontine Mareva D..., Lydie Mahinatea Paremata A Teinaore D..., et Monette Ameline Tiaretua F....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 100. 000. 000 FCP le montant des dommages-intérêts qu'il a condamné la Polynésie française à payer aux consorts I...- C...- K...- D...
Aux motifs qu'il est manifeste cependant qu'en dépit des démarches relances et mises en demeure rappelées plus haut le débiteur de l'obligation de faire, est demeurée inactif ; que la Polynésie française n'est donc pas fondée à dénoncer l'immobilité des consorts X...- I...- C...- K...- D... quant à la libération des emprises foncières en cause ; que les consorts appelants ainsi que l'a relevé le premier juge sont donc fondés à reprocher à la Polynésie française un manquement à l'engagement contractuel pris de relogement des agriculteurs restés sur leur terre, engagement qu'elle n'a été in fine pas en mesure d'exécuter ; que la cour constate qu'après avoir retenu la responsabilité de la Polynésie française, le premier juge a débouté les requérants de leur demande de dommages et intérêts en retenant que ceux-ci ne sont pas fondés en leur demande d'indemnisation « au demeurant calculée de manière très théorique sans réel lien avec un préjudice identifié dans la mesure où ils ne démontrent pas que le manquement contractuel de la Polynésie française leur a causé un préjudice » ; que les requérants déplorent pourtant du fait du comportement de la Polynésie française un gel de toute potentialité d'aménagement sur les terres dont ils sont demeurés propriétaires ; qu'il est justifié par les documents produits que les consorts I... et autres avaient été approchés par une société hôtelière japonaise en 1990 en vue de la réalisation d'un complexe touristique sur les terres restées leur propriété et que les représentants de cette société hôtelière sont venus visiter les lieux ; qu'il ne peut être réellement contesté que l'incapacité pour les requérants de présenter un ensemble foncier libre d'occupation a pu jouer in fine en leur défaveur ; que les requérants sollicitent la somme de 7. 237. 437. 892 FCP représentant le préjudice qu'ils ont subi depuis 1993 ;
que ce montant correspond selon eux à la valeur des terres gelées par application d'un taux de rendement usuel fixé à 5 % exposant qu'ils sont propriétaires d'un domaine résiduel après dation en paiement de 2. 244. 654 m ² avec une valeur au m ² de 3. 394 FCP le m ² par référence à une « liste de références de vente à Fare Huahine » émis par la direction des affaires foncières en 1998 ; que le taux de 5 % est présenté par les requérants comme adéquat d'une part en ce que : « en cas de réalisation d'un projet touristique d'aménagement par cession ou location les prix obtenus auraient pu être placés à un taux de 5 % au moins depuis 1993 ou les loyers auraient pu être facilement obtenus pour 5 % de la valeur des terres, ou en cas d'apport en sociétés hôtelières des terres en cause, des dividendes eussent pu être obtenus, le choix et la négociation des options n'ayant jamais pu être ouverts, alors même que les requérants avaient pour interlocuteurs l'un des premiers conglomérats japonais propriétaire d'une chaine hôtelière très importante » d'autre part en ce qu'il peut être fait référence à la délibération n° 95-90 AT du 27 juin 1995 fixant les règles et taux applicables à la gestion et à la location de son domaine privé, arrêtant ses taux à 5 % de la valeur des terres en cas de location civile et à 7 % en cas de location commerciale ; que l'application du taux de 5 % produit un rendement annuel de 380 917 784 FCP lequel appliqué sur 19 ans correspond à la somme réclamée à titre de dommages et intérêts ; que s'il est manifeste que le patrimoine des requérants, dont le sort reste aujourd'hui indéterminé ne peut être affecté à un usage précis, la cour relève que ce préjudice subi s'apparente essentiellement à une perte de chance d'avoir pu voir se réaliser un projet touristique ; qu'il est constant que la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue mais ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en l'espèce hormis ce projet touristique déjà ancien de plus de 20 ans les consorts en cause ne démontrent pas avoir recherché d'autres valorisations possibles qui se seraient heurtées à l'occupation alléguée anarchique de leurs terres ; qu'en conséquence au vu de l'ensemble des éléments soumis à son appréciation la cour dispose de suffisamment d'éléments d'information pour fixer à la somme de 100 000 000 FCP l'indemnisation au titre du préjudice subi par les consorts X... – I... – C... – K... – D... ;
ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en retenant, pour évaluer le montant des dommages-intérêts, que le préjudice subi par les consorts I... s'apparente à une perte de chance d'avoir pu voir se réaliser un projet touristique, cependant qu'il n'était pas soutenu par les parties que le préjudice invoqué consistait en une perte de chance, la cour d'appel qui a relevé d'office le moyen tiré de l'existence d'un tel préjudice sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations a violé l'article 6 du code de procédure civile de Polynésie Française et les droits de la défense.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les consorts I... de leurs demandes visant à voir ordonner l'exécution par la Polynésie française de son engagement de relogement des occupants du domaine de Huahine prévu dans la convention en date du 28 octobre 1991 sous astreinte de 1. 000. 000 FCP par jour à compter du délai de six mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;
Aux motifs que les circonstances de l'espèce ne justifient pas qu'il soit ordonné à la Polynésie française de satisfaire à son engagement de relogement des occupants des terres du domaine de Huahine des appelants et ce sous astreinte, dès lors que ceux-ci ne donnent aucune précision à ce jour sur la situation d'occupation exacte de leurs terres et sur le nombre réel des agriculteurs en mesure de pouvoir prétendre à un relogement ;
ALORS D'UNE PART QUE la partie envers laquelle un engagement contractuel n'a point été exécuté a la faculté de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsque celle-ci est possible ; que la Polynésie française n'ayant pas soutenu être dans l'impossibilité d'exécuter son obligation contractuelle de relogement des occupants des terres des consorts I..., la cour d'appel qui a cependant refusé d'ordonner l'exécution forcée sous astreinte demandée par ces derniers a méconnu l'objet du litige et violé l'article 3 du code de procédure civile de Polynésie Française ;
ALORS D'AUTRE PART et en toute hypothèse QUE la partie envers laquelle un engagement contractuel n'a point été exécuté a la faculté de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsque celle-ci est possible ; qu'en refusant d'ordonner à la Polynésie française, cocontractant des consorts I..., d'exécuter son obligation contractuelle de relogement sous astreinte, sans caractériser aucune impossibilité d'exécution, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil.