LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Mohamed X...,
- Mme Anaïs Y...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 6e section, en date du 25 octobre 2016, qui, dans la procédure suivie contre eux des chefs, le premier, d'infractions à la législations sur les stupéfiants en récidive et d'association de malfaiteurs en récidive, la seconde, d'infractions à la législations sur les stupéfiants et d'association de malfaiteurs, a confirmé les ordonnances du juge d'instruction ayant autorisé le maintien de la saisie pénale des sommes inscrites au crédit de comptes bancaires ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 23 mai 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Ricard, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller RICARD, les observations de la société civile professionnelle DIDIER et PINET, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;
Joignant les pourvois en raison de leur connexité ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle en date du 27 février 2017, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 706-154, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit mal fondés les appels de M. X... et Mme Y...et confirmé les ordonnances du 1er mars 2016 de maintien des saisies opérées ;
" aux motifs qu'il résulte de l'alinéa premier de l'article 706-154 du code de procédure pénale, que l'officier de police judiciaire peut être autorisé, par tout moyen, par le procureur de la République ou le juge d'instruction à procéder à la saisie d'une somme d'argent versée sur un compte ouvert auprès d'un établissement habilité par la loi à tenir compte de dépôts et que le juge d'instruction se prononce par ordonnance motivée sur le maintien ou la mainlevée de la saisie dans un délai de dix jours à compter de sa réalisation ; que si, selon le texte susvisé, le juge doit se prononcer sur son maintien en sa mainlevée dans le dix jours de la réalisation de la saisie, ce délai n'est pas prévu à peine de nullité ; que son dépassement ne cause aucun préjudice à la personne concernée puisqu'elle peut toujours interjeter appel de l'ordonnance de maintien de la saisie même rendue tardivement ;
" 1°) alors que la saisie n'est régulière qu'autant qu'elle a été validée par le juge dans un délai de dix jours ; qu'en se fondant, pour dire l'appel mal fondé, sur ce que d'une part, le délai prévu à l'article 706-154 du code de procédure pénale n'était pas prévu à peine de nullité et sur ce que, d'autre part, son dépassement ne causait aucun préjudice à la personne concernée puisqu'elle peut toujours interjeter appel de l'ordonnance de maintien de la saisine même rendue tardivement, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors qu'en l'absence de décision du juge des libertés et de la détention ou du juge des référés, l'intéressé ne peut saisir la chambre de l'instruction et ne dispose donc d'aucun recours pour contester la saisie ; que, par suite, en se fondant sur la circonstance que le dépassement du délai de dix jours son dépassement ne causait aucun préjudice à la personne concernée puisqu'elle peut toujours interjeter appel de l'ordonnance de maintien de la saisine même rendue tardivement, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés " ;
Vu l'article 706-154 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que, si, par dérogation aux dispositions de l'article 706-153 de ce code, l'officier de police judiciaire peut être autorisé par le procureur de la République ou par le juge d'instruction à procéder à la saisie d'une somme d'argent versée sur un compte ouvert auprès d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts, il appartient à ce dernier magistrat, saisi à la suite de l'ouverture d'une information, de se prononcer, par ordonnance motivée, sur le maintien ou la mainlevée de ladite saisie dans un délai de dix jours à compter de sa réalisation, l'autorisation donnée cessant de produire effet à l'expiration de ce délai ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'au cours d'une enquête de flagrance relative à un trafic de stupéfiants, le procureur de la République a autorisé un officier de police judiciaire à procéder le 12 février 2016 à la saisie des sommes créditant deux comptes bancaires ouverts respectivement par M. Mohamed X... dans une agence de la Société Générale et par Mme Anaïs Y...dans une agence de la banque FPE, alors que les intéressés avaient été désignés par l'enquête pour leur participation active à ce trafic et que des stupéfiants avaient été découverts à leurs domiciles ; que, saisi de la procédure selon réquisitoire introductif du 13 février 2016, le juge d'instruction a autorisé le maintien des saisies opérées sur les sommes inscrites au crédit de ces deux comptes bancaires par ordonnances, en date du 1er mars 2016 ; que les mis en examen ont relevé appel de ces ordonnances ;
Attendu que, pour confirmer lesdites ordonnances, l'arrêt retient que si, selon l'article 706-154 du code de procédure pénale, le juge doit se prononcer sur le maintien ou la mainlevée dans les dix jours de la réalisation de la saisie d'une somme d'argent versée sur un compte bancaire, ce délai n'est pas prévu à peine de nullité ; que les juges ajoutent que le dépassement de ce délai ne cause aucun préjudice à la personne concernée dès lors que cette dernière peut interjeter appel de l'ordonnance de maintien de la saisie même rendue tardivement ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le juge d'instruction, ayant omis de se prononcer, dans le délai de dix jours à compter des saisies de sommes d'argent opérées le 12 février 2016 sur les comptes bancaires de M. X... et de Mme Y..., sur le maintien ou la mainlevée de ces dernières, l'autorisation donnée par le procureur de la République avait cessé de produire effet, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; que n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué, elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 25 octobre 2016 ;
Constate que les saisies opérées le 12 février 2016 sur les comptes bancaires susvisés ont cessé de produire leurs effets ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge où à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept juin deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.