LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Nina X..., tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure Inès, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre spéciale des mineurs, en date du 19 avril 2016, qui, dans la procédure suivie contre Dorian Y... du chef d'agressions sexuelles aggravées, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 26 avril 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, M. Castel, M. Raybaud, Mme Drai, M. Stephan, M. Guéry, conseillers de la chambre, M. Laurent, M. Beghin, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Mondon ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller MOREAU, les observations de la société civile professionnelle GASCHIGNARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MONDON ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen soulevé d'office, après avis donné aux parties, pris de l'absence de disposition légale relative à la compétence de la juridiction pénale des mineurs pour statuer sur la responsabilité civile d'un mineur dont l'absence de discernement a été constatée en application de l'article 122-8 du code pénal ;
Vu les articles 122-8 du code pénal, 3 du code de procédure pénale et 6 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ;
Attendu qu'il se déduit de ces textes qu'en l'absence de disposition spécifique le prévoyant, la juridiction pénale qui déclare un mineur pénalement irresponsable au motif qu'il était privé de discernement au moment de la commission des faits n'a pas compétence pour statuer sur sa responsabilité civile ni celle de ses ayants-droit ; que l'examen des conséquences civiles relève alors de la seule compétence des juridictions civiles ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Dorian Y..., qui était âgé de dix ans au moment des faits, a été poursuivi du chef d'agressions sexuelles aggravées sur sa cousine, elle-même âgée de six ans ; que Mme X..., mère de la victime, s'est constituée partie civile en son nom personnel et au nom de sa fille ; que le tribunal pour enfants a déclaré le prévenu pénalement irresponsable, faute de discernement, et a débouté Mme X... de ses demandes ; que les parties civiles ont interjeté appel du jugement ;
Attendu que l'arrêt attaqué retient que si la déclaration d'irresponsabilité pénale fondée sur l'absence de discernement ne fait pas obstacle à l'indemnisation des parties civiles, l'existence d'un lien de causalité entre la faute commise par le mineur et les préjudices allégués n'est en l'espèce pas démontrée ;
Mais attendu qu'en retenant sa compétence pour statuer sur l'action civile, la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel a méconnu les principes ci-dessus énoncés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen de cassation proposé :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rouen, chambre spéciale des mineurs, en date du 19 avril 2016,
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rouen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit juin deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.