LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles L. 1232-6 et L. 1233-3 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par la ville de Lorient en qualité d'agent technique depuis 1979 jusqu'à la retraite, a parallèlement été salarié de l'association FC 56, devenue Sasp FC Lorient Bretagne sud à compter de 1998 sans contrat de travail écrit, puis par contrat à temps partiel du 15 novembre 2008, lequel a été transféré à la société FC Lorient football développement promotion ; que, convoqué à un entretien préalable aux fins de licenciement pour motif économique, il s'est vu proposer un poste de surveillant des jeunes au centre de formation en contrat à durée déterminée au titre du reclassement le 6 juillet 2012 ; qu'il a été licencié pour motif économique par lettre du 20 juillet 2012 ;
Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient, après avoir relevé que le résultat d'exploitation était déficitaire de-3 240 000 euros au 30 juin 2011, de-1 900 000 euros au 30 juin 2012 et que le budget prévisionnel du club pour la saison 2012-2013, réactualisé au mois de janvier 2013, faisait encore apparaître un résultat d'exploitation à hauteur de-2 369 000 euros, que les difficultés économiques du club au moment du licenciement étaient bien réelles ;
Attendu cependant, que la lettre par laquelle l'employeur notifie un licenciement pour motif économique, fixant les limites du litige, s'oppose à ce qu'il invoque des motifs non indiqués dans cette lettre ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que la lettre de licenciement indiquait que la suppression du poste était nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le premier moyen pris en ses troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième branches, sur le deuxième moyen et sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement qui condamne la société FC Lorient football développement promotion à payer à M. X... diverses sommes au titre de la prime du treizième mois pour les années 2007 et 2008, outre les congés payes afférents, de la prime d'ancienneté, avec congés payés et de l'indemnité de licenciement, l'arrêt rendu le 4 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la société FC Lorient football développement promotion aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société FC Lorient football développement promotion à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille dix-sept.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande tendant à la condamnation de la société LFDP à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE il résulte des pièces produites que l'apport des droits TV dans le chiffre d'affaires du Club est la première source de recettes du Club, de l'ordre de 65 %, loin devant les recettes « spectateurs » (8, 85 %) ou les recettes publicitaires (18 %) ; qu'il n'est pas contesté que les droits audiovisuels sont déterminés pour plusieurs saisons, soit à cette période pour les années 2013/ 2016, et qu'au cours de la saison écoulée, les résultats sportifs entraînaient un recul du classement du club et donc des rentrées de droits TV ; que le résultat d'exploitation était déficitaire de-3. 240. 000 € au 30 juin 2011 et de-1. 900. 000 € au 30 juin 2012 ; que le budget prévisionnel du Club pour la saison 2012-2013, réactualisé au mois de janvier 2013, faisait encore apparaître un résultat d'exploitation à hauteur de – 2. 369. 000 € ; qu'il est inopérant de comparer les salaires des joueurs et le budget global du club comprenant les personnels administratifs, les premiers assurant la compétitivité sportive et la réputation du club assurant la rentrée des droits TV tandis que les seconds assurent la bonne marche du fonctionnement du club, les deux catégories de salariées relevant d'ailleurs de conventions collectives différentes et étant rappelé que la spécificité du monde sportif professionnel permet de comptabiliser la valeur des contrats de travail des joueurs, valeur qui n'entre pas dans le résultat d'exploitation ; que les articles de presse et les appréciations des commentateurs sportifs ne constituent pas des critères d'évaluation de la situation économique ou juridique et, en outre, il n'appartient pas au juge d'apprécier l'opportunité des ventes de joueurs lesquels ne constituent pas des recettes régulières mais un appauvrissement, ces derniers devant nécessairement être renouvelés régulièrement ; que la situation patrimoniale personnelle du propriétaire du club n'a pas à être prise en considération pour apprécier les résultats de l'entreprise ; que les difficultés économiques du club au moment du licenciement sont réelles ; qu'il n'est pas contesté que deux postes de recruteurs ont bien été supprimés ; que la lecture des pièces comptables confirme que le club a procédé à des réductions de dépenses en matière de frais de réception et de frais d'organisation et que, contrairement à d'autres clubs cités par le salarié, la masse salariale a baissé ; qu'ainsi les mesures suggérées par le salarié ont déjà été mises en oeuvre mais, surtout, il n'appartient pas au juge de se substituer au dirigeant pour apprécier et choisir les mesures nécessaires à la sauvegarde de l'entreprise ;
1/ ALORS QUE lorsque la lettre de licenciement invoque la suppression d'un emploi consécutive à une réorganisation de l'entreprise, il incombe aux juges du fond de rechercher si cette réorganisation était nécessaire pour assurer la sauvegarde de sa compétitivité ; qu'en se bornant à constater l'existence de difficultés économiques sans vérifier que la réorganisation de l'entreprise était nécessaire pour assurer la sauvegarde de sa compétitivité, quand la lettre de licenciement invoquait exclusivement ce dernier motif pour justifier du licenciement de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale en méconnaissance des articles L. 1232-6 et L. 1233-3 du code du travail ;
2/ ALORS QUE la lettre de licenciement énonçent les motifs de rupture fixe les limites du litige et les juges du fond ne peuvent se prononcer sur des motifs ne figurant pas dans la lettre de licenciement ; qu'en retenant que le licenciement de M. X... était justifié par des difficultés économiques quand sa lettre de licenciement était motivée par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
3/ ALORS QUE, en tout état de cause, le juge est tenu de rechercher l'existence, au niveau du secteur d'activité du groupe auquel la société appartient, de difficultés économiques ou d'une menace pesant sur la compétitivité de ce secteur ; qu'en s'abstenant de vérifier si une menace pesait sur la compétitivité du secteur d'activité auquel appartenait la société LFDP, quand cette menace était inexistante puisque l'ensemble des clubs professionnels du secteur du football avait vocation à être touché de la même manière par la baisse des droits télévisuels et que le club de Lorient était le moins exposé à un risque économique puisqu'il disposait d'un résultat net parmi les meilleurs de l'ensemble des clubs professionnels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1232-6 du code du travail ;
4/ ALORS QUE M. X... faisait valoir que les recettes générées par la vente des contrats de joueurs devaient être intégrées dans l'analyse des résultats financiers du club et en déduisait que le résultat déficitaire avancé par la société LFDP, qui ne tenait pas compte de ces recettes, n'était pas significatif ; qu'en se bornant à relever que la valeur de ces contrats n'avaient pas à être intégrée au résultat d'exploitation, sans fournir la moindre explication à l'exclusion de ce type de recettes propres à toutes les entreprises du secteur et qui constitue un élément décisif permettant d'apprécier la situation économique du club de Lorient, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;
5/ ALORS QUE M. X... faisait valoir que le résultat d'exploitation de-2. 369. 000 € arrêté au 31 janvier 2013 ne donnait pas une vision objective de la situation économique du club dans la mesure où il ne comprenait pas les recettes générées par la vente des contrats de joueurs à l'issue de la saison et avant la clôture de l'exercice et que seuls devaient être pris en compte les résultats net du groupe de + 1. 618. 000 euros en 2011 et de + 1. 167. 000 euros en 2012, incompatibles avec des difficultés économiques ou une nécessité de sauvegarder la compétitivité du club ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;
6/ ALORS QUE en retenant qu'il n'était pas contesté que les résultats sportifs du club pour la saison 2011/ 2012 entrainaient un recul dans le classement et, par voie de conséquence, une baisse des rentrées de droits TV, quand le salarié défendait la thèse inverse en mettant en évidence que le club était parvenu à obtenir grâce à une meilleure exposition télévisuelle une quasi stabilité de ses droits audiovisuels pour la saison 2011/ 2012 et une augmentation de ceux-ci pour la saison 2012/ 2013, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. X... en méconnaissance de l'article 1134 du code civil ;
7/ ALORS QUE M. X... faisait valoir que la baisse de compétitivité du club ne pouvait être regardée comme durable puisque l'amélioration de sa situation économique pouvait intervenir dès l'exercice suivant grâce à de meilleurs résultats sportifs permettant une augmentation de droits télévisuels, que plusieurs embauches sous contrat à durée indéterminée ou déterminée avaient été effectuées concomitamment au licenciement de M. X..., qu'à la même époque, le club avait lancé la construction d'un nouveau centre de formation et d'un nouveau siège social et investi 12, 5 millions d'euros dans l'achat de joueurs ; qu'en s'abstenant de répondre à ces moyens, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande tendant à la condamnation de la société LFDP à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE il n'est pas contesté que M. X... s'est vu proposer un poste que ses qualifications lui permettait d'assurer et, ce pour un salaire équivalent, poste qu'il a refusé ; qu'il est établi, par la production des registres d'entrées et de sorties du personnel des sociétés liées au secteur du football professionnel, que les seules embauches postérieures au licenciement de M. X... sont très éloignées des fonctions qu'il exerçait, et demandant des compétences qu'il ne démontre pas posséder, étant précisé que M. X... ne précise pas quel poste aurait pu lui être proposé ; que si des liens sportifs peuvent exister entre des associations loi 1901 et des sociétés, il n'est pas établi que des permutations de personnel pouvaient avoir lieu entre des structures juridiquement différentes ; que l'obligation de reclassement a été respectée ;
1/ ALORS QUE il appartient à l'employeur d'établir qu'il a satisfait à son obligation de reclassement dans l'entreprise ; qu'en retenant qu'il n'était pas établi que des permutations du personnel pouvaient avoir lieu entre les sociétés et les associations composant le groupe Football Club de Lorient, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et partant a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
2/ ALORS QUE l'exposant faisait valoir que les sociétés FCL Bretagne Sud, LFDP, FCL Formation, et FCL Distribution étaient liées à deux associations Ecole des Merlus par une convention conclue en application des articles L. 122-14 et R. 122-8 du code du sport et que les liens sportifs ainsi créés rendaient possible la permutation du personnel entre les différentes entités de ce groupe au sein desquelles le reclassement de M. X... aurait dû être recherché ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande tendant à la condamnation de la société LFDP à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE il résulte des pièces du dossier que les deux salariés dont les postes ont été supprimés étaient en retraite d'une autre profession et travaillaient à temps partiel pour le club tandis que les deux autres salariés étaient âgés de 41 et 43 ans et avaient des enfants à charge ; que convoqués à une réunion le 22 juin 2012, les délégués du personnel ont été consultés sur le projet de réorganisation de la Société et n'ont émis aucune réserve particulière ; que la procédure est donc régulière ;
et AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE au jour du licenciement, le tableau tel qu'établi selon les critères se présente comme suit en prenant en compte les charges de familles, l'ancienneté, le handicap et les qualités professionnelles pour les 4 recruteurs qui obtiennent ainsi : X... Christophe 7 ; Y...Stéphane 5 ; X... Alfredo 4 ; X... Bernard 4 ; que Monsieur X...additionnait un total de 4 points et qu'il était le seul à avoir 0 au titre de la compétence professionnelle, définie en accord avec le Comité d'entreprise selon le paramètre de la polyvalence ; qu'il en résulte que même en obtenant 1 point pour sa compétence professionnelle comme il le revendique aujourd'hui, il aurait fait partie des 2 salariés concernés par le licenciement, la grille d'identification précitée aurait comporté dans ce cas le même total de 5 points et l'aurait placé dans une position moins favorable au regard des charges de famille du second salarié ;
ALORS QUE l'employeur, pour déterminer l'ordre des licenciements, ne peut tenir compte que des critères qu'il a préalablement arrêtés ; qu'en tenant compte de ce que les deux postes supprimés étaient occupés par des salariés en retraite d'une autre profession et qu'ils travaillaient à temps partiel, pour dire que les critères déterminant l'ordre des licenciements avaient été respectés, quand ni le statut de retraité, ni le travail à temps partiel ne figuraient parmi les critères retenus, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-5 du code du travail.