LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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Mme Doutchka X..., épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 21 janvier 2016, qui, pour recel et abus de biens sociaux, l'a condamnée à six mois d'emprisonnement avec sursis et cinq ans d'interdiction de gérer, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 10 mai 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Talabardon, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire TALABARDON, les observations de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CUNY ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 249-1 du code de commerce, 131-27 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait prononcé à l'encontre de Mme Doutchka X..., épouse Y..., l'interdiction de diriger, administrer ou contrôler toute entreprise commerciale ou industrielle et société commerciale pour une durée de cinq ans ;
" aux motifs que, s'agissant de Mme X..., épouse Y..., sur le recel d'abus de biens sociaux et de banqueroute, il est établi qu'elle a utilisé le véhicule Mercédès appartenant à la société Y... TP et que cet usage n'est pas aussi occasionnel qu'elle le prétend puisqu'elle disposait de la carte essence de la société ; elle n'ignorait pas que des dépenses faites pour les besoins personnels du couple ou de la famille étaient financées au moyen de la carte bancaire de la société qui supportait le coût de son abonnement téléphonique et elle a accepté d'encaisser sur son compte les chèques de 5 999, 12 euros et 25 381, 56 euros précisant devant les premiers juges l'avoir fait en connaissance de cause, peu important que le chèque de 25 381, 56 euros n'ait pas été tiré sur le compte de la société mais sur celui du concessionnaire Porsche, dès lors qu'elle savait que le véhicule appartenait à la société et était parfaitement informée des raisons pour lesquelles ce chèque était déposé sur son compte à savoir assurer les besoins de sa famille ; que le recel est ainsi parfaitement constitué sauf en ce qui concerne les chèques de 2 810, 56 euros et 2 010, 56 euros qui n'ont pas été retenus dans le cadre de la banqueroute imputée à M. Y... ; que, sur les abus de biens sociaux au préjudice de la société Teknobat, sur le compte courant débiteur, il caractérise à lui seul l'abus de bien social, peu important que la situation ait été régularisée au début de l'exercice suivant qui s'est à nouveau terminé par un solde débiteur ; que, sur le règlement d'un loyer à la SCI FDH, il est établi que la société Teknobat acquittait un loyer de 1 900 euros par mois à la SCI FDH pour les locaux situés à Saint-Sauveur et utilisés jusqu'à la liquidation judiciaire par la société Y... TP, locaux qu'elle n'occupait pas, dès lors que son siège social était situé à Tournefeuille et il importe peu que la société Teknobat soit devenue l'associée majoritaire de la SCI après avoir racheté les parts de M. Y..., l'opération ayant pour but de faire supporter à la société Teknobat la charge de l'emprunt contracté par la SCI et dont le remboursement n'était plus garanti par l'existence d'un loyer ; que ce paiement contraire aux intérêts de Teknobat est constitutif d'un abus de bien social ; que, sur la rémunération, la prévention vise une rémunération excessive au regard des résultats de la société alors qu'il s'agit d'une rémunération injustifiée car non validée par une délibération de l'assemblée générale qui n'interviendra qu'en novembre 2011 ; qu'il est, par ailleurs, constant que cette rémunération a été versée dès 2009 pour 12 000 euros alors même que Mme Y... a reconnu n'avoir commencé à travailler effectivement qu'en mai 2010 et que cette charge indue était nécessairement contraire aux intérêts de la société même si elle n'a pas eu de conséquences sur sa situation financière, Mme Y... ne pouvant invoquer les mauvais conseils donnés par son comptable ou la défaillance de son associé pour échapper à ses responsabilités ; que la culpabilité de Mme Y... a ainsi été à bon droit retenue ; que, sur la peine, selon les articles 130-1 et 132-1 du code pénal, afin d'assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l'équilibre social dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions de sanctionner l'auteur de l'infraction et de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion et doit être individualisée avec prise en compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation matérielle, familiale et sociale, l'article 132-19 du même code édictant qu'une peine d'emprisonnement ferme ne doit être prononcée qu'en dernier recours et doit, sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une mesure d'aménagement ; que la gravité des faits commis en connaissance de cause par les prévenus qui ont utilisé les biens des sociétés qu'ils dirigeaient pour financer leurs besoins personnels justifient le prononcé d'une peine d'emprisonnement assortie du sursis du fait de l'absence d'antécédent judiciaire mais surtout de la peine complémentaire d'interdiction de gérer, administrer ou contrôler une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale pendant les durées respectives fixées par les premiers juges ;
" alors que la peine d'interdiction de gérer, administrer ou contrôler une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale ne doit pas porter atteinte de manière disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du condamné ; qu'en prononçant à l'encontre de Mme Y... une interdiction de diriger, administrer ou contrôler toute entreprise commerciale ou industrielle et société commerciale pour une durée de cinq ans, qui serait justifiée par « la gravité des faits commis en connaissance de cause par les prévenus qui ont utilisé les biens des sociétés qu'ils dirigeaient pour financer leurs besoins personnels », sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si, au regard de l'ancienneté des faits, de la régularisation des conséquences de l'infraction et de la bonne gestion de la société par Mme Y... depuis lors, cette peine était proportionnée à l'infraction retenue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme partiellement et des pièces de procédure que Mme Y... a été poursuivie devant le tribunal correctionnel des chefs, d'une part, de recel de délits d'abus de biens sociaux et de banqueroute imputés à son époux au préjudice de la société Y... TP, d'autre part, d'abus de biens sociaux au préjudice de la société Teknobat, qu'elle avait constituée après le placement de la première en liquidation judiciaire ; que les juges du premier degré l'ont déclarée coupable des faits et condamnée à une peine d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à cinq ans d'interdiction de gérer ; que Mme Y... a relevé appel de la décision ;
Attendu que, pour confirmer le jugement sur la peine complémentaire d'interdiction de gérer, l'arrêt énonce que, selon les articles 130-1 et 132-1 du code pénal, afin d'assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l'équilibre social dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions de sanctionner l'auteur de l'infraction et de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion, et qu'elle doit être individualisée en fonction des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation matérielle, familiale et sociale ; que les juges retiennent en l'espèce, par motifs réputés adoptés, que Mme Y..., de connivence avec son époux, a profité cyniquement des biens de la société homonyme et qu'après la déconfiture de celle-ci, elle a procédé de la même manière en qualité de gérante d'une société constituée pour en prendre le relais ; qu'ils ajoutent, par motifs propres, que la gravité des faits commis en connaissance de cause par les époux Y..., qui ont utilisé les biens des sociétés qu'ils dirigeaient pour financer leurs besoins personnels, justifie particulièrement le prononcé de la peine complémentaire d'interdiction de gérer, administrer ou contrôler une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale, pour la durée fixée par les premiers juges ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui procèdent de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause et répondent à l'exigence, résultant des articles 132-1 du code pénal et 485 du code de procédure pénale, selon laquelle, en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle, la cour d'appel, qui a nécessairement entendu écarter l'argumentation de la prévenue, prise de ce qu'une peine d'interdiction de gérer ne s'imposait pas au regard de l'ancienneté des faits, de la régularisation des conséquences de l'infraction et de sa bonne gestion, depuis lors, de la société Teknobat, a justifié son choix de confirmer le prononcé d'une telle sanction ;
D'où il suit que le moyen, nouveau et mélangé de fait et, comme tel, irrecevable, en ce qu'il invoque pour la première fois devant la Cour de cassation le caractère disproportionné de l'atteinte spécifique portée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale par la mesure d'interdiction de gérer prononcée par le tribunal correctionnel et confirmée par la cour d'appel, en violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt juin deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.