LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° Z 16-12. 713 à H 16-12. 720, Q 16-12. 727, R 16-12. 728, et Z 16-12. 874 ;
Sur le premier moyen pris en sa seconde branche qui est recevable :
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X... et dix autres salariés ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à voir condamner la SNCF à leur payer des dommages-intérêts pour absence de respect du repos périodique double ;
Attendu que pour débouter les salariés de cette demande, les arrêts retiennent qu'ils ne pouvaient se prévaloir des dispositions de l'article 32- V du décret n° 99-1161 du 29 décembre 1999 ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'employeur n'avait pas pris l'engagement d'appliquer aux agents de réserve les dispositions de l'article 32- V du règlement relatif aux repos périodiques doubles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur la seconde branche du premier moyen entraîne par voie de conséquence la cassation sur le second moyen ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils déboutent M. X... et les dix autres salariés de leurs demandes, les arrêts rendus le 18 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société SNCF Mobilités aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société SNCF Mobilités à payer à MM. X..., Y..., Z...
A..., B..., C..., G..., H..., I..., Mmes D... et E... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits aux pourvois par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour MM. X..., Y..., Z..., A...,
I...
, C..., G..., H..., B... et Mmes D... et E....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté l'exposant, agent permanent de la SNCF, de sa demande de dommages et intérêts pour non-attribution de repos périodiques doubles ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Sébastien X... appartient au cadre permanent de la SNCF devenue, depuis l'entrée en vigueur de la réforme ferroviaire le 1er juillet 2015, SNCF Mobilités ; qu'il fait partie du personnel sédentaire soumis, en tant que tel, au titre II du règlement RH0077, et relève de l'établissement Exploitation Voyageurs du Nord-Pas-de-Calais ; qu'affirmant n'avoir pas bénéficié, pendant plusieurs années, du nombre de repos doubles auquel il estimait avoir droit, notamment pendant les périodes au cours desquelles il a assuré des remplacements, en vertu du règlement interne dénommé RH0077, il a saisi le conseil de prud'hommes de Lille qui, par jugement du 1er octobre 2014, a dit que ses demandes antérieures au 16 mai 2008 étaient prescrites, l'a débouté des autres, a débouté également la SNCF de sa demande reconventionnelle et laissé ses dépens à la charge de chacune des parties (cf. arrêt p. 2 § 1 et 2) ; que sur les repos périodiques : la solution à donner au litige dont la cour est saisie dépend de la combinaison des articles 25, 32 et 38 du règlement RH0077 ; que l'article 32 distingue, par référence au paragraphe 1 de l'article 25, trois catégories de personnel en matière de repos hebdomadaire, périodique et supplémentaire :
I-celui des directions centrales et régionales (a), qui bénéficie d'un repos hebdomadaire le dimanche auquel est accolé une journée chômée, en général le samedi, et de 10 jours de repos supplémentaires ;
II-celui des établissements et entités opérationnelles (b), qui bénéficie de 122 jours de repos par an dont 114 jours repos périodiques et 8 repos supplémentaires ;
III-celui des établissements et entités opérationnelles soumis à des contraintes particulières (c) tel le travail de nuit qui bénéficie, chaque année, de 132 jours de repos, dont 118 de repos périodique et 14 repos supplémentaires le nombre des dimanches de repos étant majoré d'une unité les années qui en comportent 53 ;
le point IV de l'article 32 fixe, pour l'établissement des tableaux de roulement et des « programmes d'utilisation », le nombre minimal de jours de repos périodiques dont doivent bénéficier les salariés en fonction de la catégorie à laquelle ils appartiennent ; le point V est ainsi libellé :
« L'interruption de travail qui résulte de l'attribution d'un ou de plusieurs jours de repos périodique constitue le repos périodique.
Le repos périodique est dit simple, double ou triple selon qu'il est constitué par un, deux ou trois jours de repos.
Deux jours de repos doivent être accolés dans toute la mesure du possible.
En tout état de cause, sous réserve de la répercussion des absences, chaque agent relevant de l'un des articles 32- II et 32- III ci-dessus doit bénéficier au minimum de 52 repos périodiques doubles, triples le cas échéant, par an. 12 de ces repos périodiques doivent être placés sur un samedi et un dimanche consécutifs » ; l'appelant soutient n'avoir pas systématiquement bénéficié de cette dernière règle au motif, inopérant selon lui, que l'article 38 comporte des dispositions particulières aux agents effectuant un remplacement ; que le point 5 de cet article 38, qui est consacré aux « agents de réserve des établissements d'exploitation et autres entités opérationnelles », est ainsi libellé : « en raison de leur utilisation spécifique, les agents de réserve bénéficient, sous réserve de la répercussion des absences, de 125 repos chaque année […] 114 […] sont des repos périodiques et les 11 autres des repos supplémentaires. 6 repos supplémentaires sont portés au crédit du compte épargne temps […]. Les repos périodiques et 5 repos supplémentaires sont attribués dans les conditions prévues aux articles 32 IV et 33 en s'efforçant de les programmer par période d'une durée au moins égale à deux semaines de calendrier […]. Chaque mois civil, ces agents doivent bénéficier au minimum d'un repos périodique placé sur un samedi et un dimanche consécutif et d'un autre repos périodique double […] le nombre annuel de repos supplémentaire est majoré au prorata du nombre de mois d'application du paragraphe 3 de l'article 25 sans que le total puisse dépasser 18.
La SNCF Mobilités indique, sans être contredite sur ce point, que les agents de réserve, dont l'emploi est destiné à pallier les absences aléatoires de leurs collègues, ne suivent ni le tableau de roulement ni le programme d'utilisation semestriel et qu'en contrepartie du nombre moindre de repos périodiques doubles qu'ils sont assurés de prendre (24 pour l'année), ils bénéficient de 11 jours de repos supplémentaires (dont 6 inscrits à leur compte épargne temps)
ainsi que de compensations salariales ; que faute d'appartenir à une des catégories visées aux points II et III de l'article 32, M X... ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 32- V ; celles, particulières aux agents effectuant un remplacement, prévues par l'article 38- V, répondent à la spécificité de leur situation découlant du caractère aléatoire de leur utilisation : elles sont donc exclusives des premières, ce qui explique les contreparties accordées à ces agents ; le jugement mérite donc confirmation en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef (cf. arrêt p. 3 et 4) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'après analyse des pièces déposées et souvenues oralement à l'audience, le conseil contrôle que l'article 32- V du RH0077 n'est pas applicables aux agents dits « de réserve » ; qu'il n'y a pas de faute au regard de la législation en vigueur, et donc pas de préjudice réparable (jugement p. 4) ;
1) ALORS QUE l'article 35- V du décret n° 99-1161 du 29 décembre 1999 repris dans le référentiel Ressources Humaines RH0077 de la SNCF prévoit que chaque agent relevant de l'un des articles 32- II et 32- III doit bénéficier au minimum de 52 repos périodiques doubles, triples le cas échéant, par an ; qu'en refusant de faire bénéficier les agents de réserve des établissements d'exploitation et autres entités des établissements d'exploitation et autres entités opérationnelles de ces 52 repos périodiques par an au motif inopérant qu'en raison de leur utilisation spécifique, ces agents relèvent exclusivement des dispositions de l'article 38-5 du règlement, la cour d'appel a violé les articles 25- I, 32- II, 32- III, 32- V et 38-5 du décret du 29 décembre 1999 ;
2) ALORS QUE dans leur conclusions, les exposants faisaient valoir qu'au cours des Commissions Nationales Mixtes des 13 juin 2002 et 6 juillet 2004, après bilan de la situation il apparaissait qu'un tiers environ des agents de réserve n'avaient pas bénéficié des 52 repos périodiques doubles prévus par l'article 32- V du règlement et que tous ces agents devaient pourtant en bénéficier ; qu'en s'abstenant de vérifier, comme elle y était invitée, si l'employeur n'avait pas pris l'engagement d'appliquer aux agents de réserve les dispositions de l'article 32- V du règlement relatives aux 52 repos périodiques doubles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté l'exposant, agent permanent de la SNCF, de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'article L. 1222-1 du code du travail ;
AUX MOTIFS QUE sur l'application du contrat de travail : l'appelant estime que la SNCF, puis SNCF Mobilisés, a appliqué de mauvaise foi son contrat de travail dès lors que plusieurs juridictions du premier degré et la présente cour le 30 janvier 2015 avaient statué en faveur des salariés et que le représentant de l'entreprise avait reconnu, lors de la réunion de la commission mixte paritaire du 13 juin 2002, que les agents de réserve devaient bénéficier de 52 repos périodiques doubles ; que l'intimée indique qu'elle s'efforce d'accorder aux agents faisant partie de la réserve un nombre de repos périodiques doubles se rapprochant de celui (52) auxquels ont droit ceux visés aux points II et III de l'article 32 mais sans y être juridiquement tenue. Elle communique un tableau récapitulatif mentionnant, pour chacune des années 2008 à 2012, les jours de repos dont l'appelant a bénéficié, duquel il ressort qu'il a été largement rempli de ses droits à cet égard ; que la mauvaise foi de l'employeur n'est nullement établie. Au demeurant, en conséquence de ce qui précède, cette seconde demande ne peut être accueillie davantage que la première ;
ALORS QUE la cassation qui interviendra sur la première ou la seconde branche du premier moyen entrainera par voie de conséquence et par application de l'article 625 du code de procédure civile la cassation du chef de l'arrêt déboutant les agents de réserve de leur demande de dommages et intérêts pour manquement de la SNCF à son obligation de bonne foi.