LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la SCI Barenne du désistement de son pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre Mme X...
Y..., MM. Y..., Z..., A..., B... et C..., la société Crédit industriel d'Alsace et de Lorraine et la caisse régionale de Crédit agricole du Nord Midi-Pyrénées ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 novembre 2015), qu'après l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société L'Estran le 6 janvier 2015, le juge-commissaire a autorisé la cession de son fonds de commerce au profit de Mme D... épouse E... ; que la SCI Barenne (la SCI), bailleresse des locaux d'exploitation, a formé appel de l'ordonnance, au motif que la clause résolutoire insérée au bail était définitivement acquise à la date du 20 janvier 2014, soit antérieurement au jugement d'ouverture ;
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance alors, selon le moyen :
1°/ que la force de chose jugée d'un jugement constatant l'acquisition de la clause résolutoire d'un bail commercial est opposable au liquidateur judiciaire du preneur qui, s'étant vu notifier le jugement prononcé à la suite de l'ouverture de la liquidation, s'est abstenu de relever appel de ce jugement pour invoquer la règle de suspension des poursuites individuelles ; qu'en déduisant l'inopposabilité du jugement du 13 janvier 2015 à la liquidation judiciaire de la société L'Estran du seul fait qu'il avait été prononcé après la mise en liquidation judiciaire de cette société et en refusant d'admettre que, faute pour le liquidateur d'en avoir relevé appel, ce jugement, devenu définitif, faisait obstacle à la cession ultérieure du droit au bail à un tiers, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil, L. 622-21 et L. 641-3 du code de commerce et 500 du code de procédure civile ;
2°/ que le jugement prononçant la liquidation judiciaire du preneur n'interrompt l'instance tendant à ce que soit constatée l'acquisition de la clause résolutoire d'un bail que s'il intervient avant l'ouverture des débats ; que si tel n'est pas le cas, le jugement prononcé en l'absence de reprise de l'instance par le liquidateur ne peut être réputé non avenu et il est opposable au liquidateur qui en a reçu signification ; qu'en se bornant à relever que le jugement du 13 janvier 2015 était postérieur à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société L'Estran intervenue le 6 janvier 2015 sans préciser la date à laquelle les débats avaient été ouverts devant le tribunal de grande instance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 622-22 et L. 641-3 du code de commerce et 369, 371 et 372 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la clause résolutoire d'un bail commercial pour défaut de paiement des loyers et charges n'est définitivement acquise avant l'ouverture de la procédure collective du preneur que si cette acquisition est constatée par une décision de justice passée en force de chose jugée avant la date d'ouverture ; qu'en l'absence d'une telle décision, le bailleur ne peut plus poursuivre l'action tendant à la constatation de la résiliation du bail ; qu'ayant relevé que le preneur avait été mis en liquidation judiciaire le 6 janvier 2015, tandis que le jugement constatant l'acquisition de la clause résolutoire n'a été prononcé que le 13 janvier suivant, l'arrêt en déduit exactement que la clause résolutoire n'était pas acquise avant l'ouverture de la procédure collective, peu important la date d'ouverture ou de clôture des débats ayant conduit au jugement du 13 janvier 2015, que, dès lors, la cour d'appel n'avait pas à préciser ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Barenne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour la société Barenne
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du juge-commissaire ayant autorisé la cession à Mme E... du fonds de commerce de la société L'Estran en liquidation judiciaire comprenant le droit au bail issu du bail commercial consenti à la société L'Estran par la SCI Barenne ;
AUX MOTIFS QUE la SCI Barenne fait valoir qu'elle dispose d'un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 13 janvier 2015, assorti de l'exécution provisoire, déclarant acquise la clause résolutoire du bail au 20 janvier 2014 et ordonnant l'expulsion de la société L'Estran ; qu'il en résulte, selon elle, que le liquidateur n'ayant pas interjeté appel du jugement du tribunal de grande instance lorsque ce dernier lui a été signifié, le jugement est devenu définitif et il ne pouvait donc y avoir cession du droit au bail ; que l'ordonnance doit être annulée pour excès de pouvoir ; que la Selarl Belhassen-Steiner fait valoir que le jugement du 13 janvier 2015 déclarant acquise la clause résolutoire du bail pour défaut de paiement des loyers est inopposable à la liquidation judiciaire en application de l'article L. 622-21 du code de commerce puisqu'elle a été rendue après le prononcé de la liquidation judiciaire par jugement du 6 janvier 2015 ; que la Cour constate que le jugement du 13 janvier 2015 relatif à l'acquisition de la clause résolutoire est postérieur au jugement du 6 janvier prononçant la liquidation judiciaire de la société L'Estran ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce que dès le prononcé de la liquidation, les poursuites individuelles sont suspendues, peu importe à cet égard que la procédure ait été initiée avant l'ouverture de la procédure ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la force de chose jugée d'un jugement constatant l'acquisition de la clause résolutoire d'un bail commercial est opposable au liquidateur judiciaire du preneur qui, s'étant vu notifier le jugement prononcé à la suite de l'ouverture de la liquidation, s'est abstenu de relever appel de ce jugement pour invoquer la règle de suspension des poursuites individuelles ; qu'en déduisant l'inopposabilité du jugement du 13 janvier 2015 à la liquidation judiciaire de la société L'Estran du seul fait qu'il avait été prononcé après la mise en liquidation judiciaire de cette société et en refusant d'admettre que, faute pour le liquidateur d'en avoir relevé appel, ce jugement, devenu définitif, faisait obstacle à la cession ultérieure du droit au bail à un tiers, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil, L. 622-21 et L. 641-3 du code de commerce et 500 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le jugement prononçant la liquidation judiciaire du preneur n'interrompt l'instance tendant à ce que soit constatée l'acquisition de la clause résolutoire d'un bail que s'il intervient avant l'ouverture des débats ; que si tel n'est pas le cas, le jugement prononcé en l'absence de reprise de l'instance par le liquidateur ne peut être réputé non avenu et il est opposable au liquidateur qui en a reçu signification ; qu'en se bornant à relever que le jugement du 13 janvier 2015 était postérieur à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société L'Estran intervenue le 6 janvier 2015 sans préciser la date à laquelle les débats avaient été ouverts devant le tribunal de grande instance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 622-22 et L. 641-3 du code de commerce et 369, 371 et 372 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir alloué à Mme E... une somme de 9 895,96 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE Mme E... demande le paiement d'une somme de 9 895,96 euros à titre de dommages-intérêts, somme qui correspond aux loyers qu'elle devait acquitter entre le prononcé de l'ordonnance de cession et l'arrêt à intervenir, n'ayant pas pu exploiter le fonds pendant cette période ; que la SCI Barenne s'y oppose en faisant valoir d'une part que Mme E... avait signé la cession avec faculté de substitution et qu'elle n'y a pas renoncé et d'autre part que la décision du juge-commissaire est exécutoire et qu'elle n'en a pas entravé l'exécution ; que la Cour considère que Mme E... n'a pu exploiter le fonds dont elle était cessionnaire avec le risque de voir le bail résilié, étant rappelé que l'activité de la société est l'exploitation d'une brasserie ; qu'elle doit cependant payer le loyer alors qu'elle ne peut retirer aucun revenu de l'exploitation du fonds ; qu'elle a incontestablement subi un préjudice qui sera réparé par l'allocation de 9 895,96 euros ;
ALORS QUE Mme E... demandait réparation du préjudice qu'elle prétendait avoir subi pour, selon elle, ne pas pouvoir exploiter les locaux litigieux en raison de l'appel formé par la SCI Barenne contre l'ordonnance ayant autorisé la cession du fonds de commerce de la société L'Estran (concl. p. 8 § 1) ; qu'en faisant droit à cette demande sans caractériser une faute de la SCI Barenne ayant fait dégénérer en abus son droit d'exercer une voie de recours, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.