La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/09/2017 | FRANCE | N°16-10596

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 septembre 2017, 16-10596


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 1er décembre 2015), que la société EM Trade solutions a confié l'acheminement, de Grande-Bretagne en Belgique, de palettes de lames de rasoir à la société Geodis BM réseau, commissionnaire de transport ; que cette dernière a chargé de l'exécution matérielle du transport la société DSV Road qui, en dépit de l'interdiction de sous-traitance qui lui avait été faite, a sous-traité le transport à la société Batim ; que la marchandise a été volée au cour

s du transport ; que soutenant, à titre principal, que le manquement à l'interdi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 1er décembre 2015), que la société EM Trade solutions a confié l'acheminement, de Grande-Bretagne en Belgique, de palettes de lames de rasoir à la société Geodis BM réseau, commissionnaire de transport ; que cette dernière a chargé de l'exécution matérielle du transport la société DSV Road qui, en dépit de l'interdiction de sous-traitance qui lui avait été faite, a sous-traité le transport à la société Batim ; que la marchandise a été volée au cours du transport ; que soutenant, à titre principal, que le manquement à l'interdiction de sous-traiter constituait une faute dolosive au sens de l'article 29, § 1, de la Convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR et, à titre subsidiaire, que le transporteur avait commis une faute inexcusable, la société Helvetia compagnie suisse d'assurances et la société Helvetia assurances, venant aux droits de la société Gan Eurocourtage (les sociétés Helvetia), subrogées dans les droits de l'ayant droit à la marchandise pour l'avoir indemnisé, ont assigné en paiement de la valeur totale de la marchandise la société DSV Road ; que cette dernière a appelé en garantie la société Batim et demandé l'application des limitations d'indemnité prévues à l'article 23 de la CMR ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés Helvetia font grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la société DSV Road à la somme de 11 247,60 euros alors, selon le moyen :

1°/ que le transporteur qui a été chargé de transporter une marchandise en s'étant vu interdire toute sous-traitance par le commissionnaire de transport et qui sous-traite l'opération, se refusant ainsi, de propos délibéré, à exécuter son engagement, commet une faute dolosive qui le prive du bénéfice des limitations d'indemnisation que lui ménage la loi ou le contrat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que le transporteur avait sous-traité l'opération de transport qui lui avait été confiée, malgré l'interdiction de toute sous-traitance résultant de l'engagement conclu, et que ce manquement constituait une faute dolosive ; qu'en faisant néanmoins application des limitations de responsabilité résultant de la convention CMR, la cour d'appel a violé l'article 29 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR ;

2°/ que, lorsque le transporteur commet une faute dolosive en sous-traitant le transport au mépris de l'interdiction qui lui en a été faite, le lien de causalité entre cette faute et le vol intervenu pendant le transport est caractérisé par le fait que le vol s'est réalisé pendant que la marchandise se trouvait confiée à un tiers et n'était plus, comme elle aurait dû l'être, sous la surveillance du transporteur choisi par le donneur d'ordre ; qu'en retenant que le lien de causalité entre cette faute dolosive et le vol n'était pas établi, la cour d'appel a violé l'article 29 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR ;

3°/ que les sociétés Helvetia faisaient valoir que le lien de causalité entre le dol commis par le transporteur et le vol était caractérisé par le fait que la société DSV Road, qui avait été choisie pour son professionnalisme et connaissait la nature sensible des marchandises confiées et des mesures de sécurité requises, n'aurait pas stationné le véhicule chargé sur un parking public et non protégé, le chauffeur de la société sous-traitante s'y étant arrêté parce qu'il avait l'habitude d'y effectuer ses coupures ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que selon l'article 29 de la CMR, le transporteur n'a pas le droit de se prévaloir des dispositions qui excluent ou limitent sa responsabilité si le dommage provient de son dol ou d'une faute qui lui est imputable et qui, d'après la loi de la juridiction saisie, est considérée comme équivalente au dol ; qu'il en est de même si le dol ou la faute est le fait des préposés du transporteur ou de toutes autres personnes aux services desquelles il recourt pour l'exécution du transport lorsque ces préposés ou ces autres personnes agissent dans l'exercice de leurs fonctions ; qu'ayant retenu que, si le transporteur avait commis une faute dolosive en ayant recours, pour l'exécution de la prestation de transport de marchandises, à un sous-traitant, malgré son engagement de ne pas y recourir, le seul fait de ne pas respecter l'interdiction de sous-traitance n'induisait pas en lui-même la survenance du dommage, la cour d'appel, qui a répondu, en les écartant, aux conclusions invoquées par la troisième branche, en a exactement déduit que le lien de causalité entre cette faute et le vol de la marchandise transportée n'était pas démontré, de sorte que les limitations d'indemnité étaient applicables ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que les sociétés Helvetia font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que commet une faute inexcusable le transporteur qui gare pour la nuit, sur la voie publique, un camion simplement bâché contenant une marchandise sensible au risque de vol ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la confirmation d'affrètement transmise au transporteur mentionnait la nature exacte et la quantité des produits transportés ; qu'il en résultait nécessairement que le transporteur connaissait la sensibilité des marchandises au risque de vol ; qu'en écartant cependant la faute inexcusable du transporteur qui avait stationné pour la nuit, sur la voie publique, son camion, simplement bâché et contenant une marchandise recherchée des voleurs, la cour d'appel a violé les articles 29 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR, 1150 du code civil et L. 133-8 du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant énoncé qu'aux termes de l'article L. 133-8 du code de commerce, auquel renvoie l'article 29, § 1, de la CMR, est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable, l'arrêt retient que le vol du chargement a été perpétré de nuit pendant le sommeil du chauffeur, lequel a été contraint de s'arrêter pour respecter les temps de repos obligatoires en cours de transport et a garé son poids lourd sur une aire de stationnement le long d'une autoroute, particulièrement visible des véhicules passant sur la route fréquentée et que de l'autre côté du poids lourd, il y avait un mur haut rendant peu concevable la venue de personnes ou de véhicules de cet endroit ; qu'il retient encore que seule la nature de la marchandise a été mentionnée sur la lettre de voiture et la confirmation d'affrètement et que la preuve de la connaissance, par le transporteur, de la valeur de cette marchandise et des risques engendrés par le transport n'est pas démontrée; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire qu'aucune faute inexcusable n'était caractérisée et que dès lors, le transporteur était fondé à opposer aux sociétés Helvetia la limitation de responsabilité sur le fondement de la CMR ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Helvetia compagnie suisse d'assurances
et la société Helvetia assurances aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société DSV Road la somme globale de 3 000 euros et à la société Batim la même somme globale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour les sociétés Helvetia compagnie suisse d'assurances et Helvetia assurances

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les sociétés Helvetia compagnie suisse d'assurances et Helvetia assurances de leur demande de condamnation de la société Dsv Road pour dol et d'avoir, en conséquence, limité la condamnation de la société Dsv Road à l'égard des sociétés Helvetia compagnie suisse d'assurances et Helvetia assurances à la somme principale de 11.247,60 euros, ces compagnies d'assurance étant déboutées de leur demande à hauteur de 141.450 euros en principal ;

AUX MOTIFS que « l'article 29 de la CMR interdit au transporteur de se prévaloir de limitations de responsabilité en cas de dol ou de faute équivalente au dol, d'après la loi de la juridiction saisie ; il appartient à la société Helvetia compagnie suisse d'assurance et la SA Helvetia assurances de démontrer le dol ou la faute inexcusable de la SAS Dsv Road, tout comme le lien de causalité avec le préjudice ; sur le dol allégué par les assureurs : les sociétés Helvetia considèrent que la SAS Dsv Road, qui a contracté en qualité de transporteur avec la société Geodis, a commis un dol en ne respectant pas l'interdiction de sous-traiter contenue dans la confirmation d'affrètement trajet n°F005669 du 6/10/2010, quand elle a affrété la société Batim pour transporter les palettes de lames de rasoir Gillette à l'insu de la société Geodis ; elles soutiennent que le lien de causalité entre la faute dolosive de la SAS Dsv Road et le dommage s'induit du seul fait que le vol a eu lieu lors du transport qu'aurait dû effectuer elle-même la SAS Dsv Road ; elles estiment dès lors fondée leur demande en réparation intégrale de leur préjudice ; la SAS Dsv Road explique que Geodis ne pouvait pas ignorer que la société Batim intervenait en son lieu et place dans l'exécution des transports qu'elle lui confiait, qu'il y avait d'ailleurs eu des précédents, au cours desquels Geodis avait eu la copie des lettres de voiture mentionnant le nom du transporteur, que le délai très bref sollicité du jour pour le lendemain n'a pu être exécuté que parce que la société Batim disposait d'un ensemble routier effectuant cette ligne régulière, qu'elle n'a jamais renoncé expressément à recourir à la sous-traitance, l'interdiction de sous-traiter n'étant qu'une clause de style, qu'en tout état de cause il n'est nullement démontré le lien entre le fait d'avoir sous-traité le transport et le dommage ; l'article 29 de la CMR dispose que "le transporteur n'a pas le droit de se prévaloir des dispositions du présent chapitre qui excluent ou limitent sa responsabilité ou qui renversent le fardeau de la preuve, si le dommage provient de son dol ou d'une faute qui lui est imputable et qui, d'après la loi de la juridiction saisie, est considérée comme équivalente au dol ; 2. Il en est de même si le dol ou la faute est le fait des préposés du transporteur ou de toutes autres personnes aux services desquelles il recourt pour l'exécution du transport lorsque ces préposés ou ces autres personnes agissent dans l'exercice de leurs fonctions ; dans ce cas, ces préposés ou ces autres personnes n'ont pas davantage le droit de se prévaloir, en ce qui concerne leur responsabilité personnelle, des dispositions du présent chapitre visées au par 1" ; en l'occurrence, il est mentionné sur le fax de confirmation d'affrètement du trajet N°F005669 du 6 octobre 2010 émis par la société Geodis BM Réseau à la SAS Dsv Road que "le transporteur s'engage à ne pas lui-même sous-traiter cette prestation", et il n'est pas discuté par la SAS Dsv Road qu'elle a sous-traité à la société Batim le transport des marchandises qui lui ont été confiées, et le fait que cette dernière allègue qu'il s'agit d'une pratique régulière entre les parties n'exclut pas la violation des termes de l'engagement conclu ; pour autant, la société Helvetia compagnie suisse d'assurance et la SA Helvetia assurances n'apportent pas d'élément caractérisant un lien de causalité entre ce manquement contractuel constitutif d'une faute dolosive et le vol de la marchandise transportée, alors que le seul fait de ne pas respecter l'interdiction de sous-traitance n'induit pas en elle-même la survenance du dommage »

ET AUX MOTIFS ADOPTES qu' « il ressort de l'examen du document intitulé « confirmation d'affrètement trajet n°F005669 du 6 octobre 2010 » émis par le commissionnaire de transport Geodis au transporteur DSV que, entre autres, « le transporteur s'engage à ne pas lui-même sous-traiter cette prestation » ; que le fait que, contrairement à ces instructions, DSV a sous-traité l'opération de transport à la société polonaise Batim, quelles qu'en soient les raisons, n'est pas contesté ; [
] que l'article 29 de la CMR, applicable en l'espèce, prévoit que le transporteur est privé de la faculté d'invoquer les limitations de responsabilité si le dommage provient de son dol ou d'une faute qui lui est imputable et qui, d'après la loi de la juridiction saisie est considérée comme équivalente au dol, soit, en l'espèce l'article L.133-8 du code de commerce ; [
] que Helvetia et Groupama ne démontrent pas l'existence d'un lien de causalité entre le non-respect de l'interdiction de sous-traitance de la prestation de transport et le dommage intervenu, à savoir le vol des marchandises transportées ; en conséquence, le tribunal déboutera Helvetia et Groupama de ce chef de demande à l'encontre de DSV »

1°) ALORS que le transporteur qui a été chargé de transporter une marchandise en s'étant vu interdire toute sous-traitance par le commissionnaire de transport et qui sous-traite l'opération, se refusant ainsi, de propos délibéré, à exécuter son engagement, commet une faute dolosive qui le prive du bénéfice des limitations d'indemnisation que lui ménage la loi ou le contrat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que le transporteur avait sous-traité l'opération de transport qui lui avait été confiée, malgré l'interdiction de toute sous-traitance résultant de l'engagement conclu, et que ce manquement constituait une faute dolosive ; qu'en faisant néanmoins application des limitations de responsabilité résultant de la convention CMR, la cour a violé l'article 29 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR ;

2°) ALORS que, lorsque le transporteur commet une faute dolosive en sous-traitant le transport au mépris de l'interdiction qui lui en a été faite, le lien de causalité entre cette faute et le vol intervenu pendant le transport est caractérisé par le fait que le vol s'est réalisé pendant que la marchandise se trouvait confiée à un tiers et n'était plus, comme elle aurait dû l'être, sous la surveillance du transporteur choisi par le donneur d'ordre ; qu'en retenant que le lien de causalité entre cette faute dolosive et le vol n'était pas établi, la cour d'appel a violé l'article 29 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR ;

3°) ALORS, subsidiairement, que les sociétés Helvetia faisaient valoir que le lien de causalité entre le dol commis par le transporteur et le vol était caractérisé par le fait que la société Dsv Road, qui avait été choisie pour son professionnalisme et connaissait la nature sensible des marchandises confiées et des mesures de sécurité requises, n'aurait pas stationné le véhicule chargé sur un parking public et non protégé, le chauffeur de la société sous-traitante s'y étant arrêté parce qu'il avait l'habitude d'y effectuer ses coupures (conclusions des sociétés Helvetia, p.11) ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir limité la condamnation de la société Dsv Road à l'égard des sociétés Helvetia compagnie suisse d'assurances et Helvetia assurances à la somme principale de 11.247,60 euros, ces compagnies d'assurance étant déboutées de leur demande à hauteur de 141.450 euros en principal ;

AUX MOTIFS que « les assureurs estiment que la SAS Dsv Road ne peut se prévaloir de la limitation d'indemnité prévue à la CMR, soutenant en vertu de L.133-8 du code de commerce qu'elle a commis des fautes personnelles inexcusables, en ne respectant pas l'interdiction de sous-traiter, en ne portant pas à la connaissance du sous-traitant la nature sensible de la marchandise transportée, en n'attirant pas l'attention du transporteur sur la nécessité de prendre des mesures de sécurité, et en ne s'assurant pas que le transporteur disposerait d'un parking sécurisé, que de plus elle est garante de la faute de son substitué en application de l'article 3 de la CMR et doit répondre de la faute inexcusable de la société Batim, que la société Batim était nécessairement au courant de l'objet du transport et qu'il lui appartenait d'attirer l'attention de son chauffeur sur les mesures de sécurité à prendre lors du transport et lors du stationnement sur un parking, qu'elle a donc commis une faute inexcusable, en parfaite conscience de la probabilité d'un vol, en stationnant son véhicule avec remorque simplement bâchée sur la voie publique le long d'un axe routier stratégique non sécurisé ; la SAS Dsv Road fait remarquer qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir pris des mesures de sécurité particulières alors qu'elle ignorait le caractère sensible des marchandises transportées et leur valeur ; la société Batim conteste toute faute inexcusable de sa part, faisant valoir que le poids lourd était stationné sur une aire de stationnement autorisée, fréquentée et difficilement accessible du fait de sa configuration aux tiers, qu'elle n'était pas informée de la nature et de la valeur de la marchandise, que les palettes ne portaient pas de logos et étaient filmées en transparent noir, que la société Geodis commissionnaire de transport principal n'a pas informé le transporteur du risque encouru, que la SAS Dsv Road ne lui a pas donné de consignes relatives à la sécurisation du transport alors qu'elle savait qu'elle devrait s'arrêter lors du transport ; l'article L.133-8 du code de commerce mentionne que "Seule est équipollente au dol la faute inexcusable du voiturier ou du commissionnaire de transport. Est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable. Toute clause contraire est réputée non écrite" ; il sera tout d'abord relevé que comme précédemment indiqué, la société Helvetia compagnie suisse d'assurance et la SA Helvetia assurances n'établissent pas plus le lien de causalité entre le manquement à l'interdiction de sous-traiter et le dommage intervenu ; la confirmation d'affrètement trajet N°F005669 du 6 octobre 2010 conclu entre la société Geodis BM Réseau et la SAS Dsv Road porte sur un chargement pour le lendemain soit le 7 octobre 2010 de marchandise "Gillette Mach III x8x10, Qty : 2000" ; s'il ne peut être critiqué le fait que la case "transport haut risque" n'ait pas été cochée s'agissant d'un code ONU pour des marchandises dangereuses, force est cependant de constater que le prix du transport est d'un montant peu élevé de 185€ HT n'emportant pas dès lors un transport particulier, que si l'objet du transport est précisé, la valeur de la marchandise n'est pas indiquée, qu'aucune stipulation particulière de sécurité n'est mentionnée, que seule est inscrite la clause habituelle selon laquelle le transporteur prendra toutes mesures pour préserver les marchandises de tout risque de vol, qu'au surplus au titre du matériel demandé il a été coché "tautliner", et "plancher/bâche parf. étanche", qu'il s'agit du matériel effectivement utilisé par le transporteur sans qu'il puisse cependant s'agir d'un transport particulièrement sécurisé, que la lettre de voiture signée par l'expéditeur et le conducteur de la société Batim ne précise que l'objet et la quantité du chargement et ne spécifie là non plus aucune condition particulière de sécurité, que dès lors le tribunal a retenu à juste titre qu'il n'est pas rapporté la preuve que la SAS Dsv Road et la société Batim avaient été informées de la valeur des marchandises et des risques engendrés par leur transport, que d'ailleurs la société Batim a lors de son dépôt de plainte déclaré une valeur de 4.000 livres pour la marchandise volée ; par ailleurs, il résulte des éléments du dossier, sans pouvoir prendre en compte le rapport d'expertise produit par les appelantes non contradictoire et non traduit, que le vol du chargement a été perpétré de nuit pendant que le chauffeur, qui avait garé son poids lourd sur une aire de stationnement le long de l'autoroute A20, était en train de dormir, que le chargement a été effectué tardivement du fait d'une erreur de références non imputable à la société Batim, que l'arrêt du poids lourd a été rendu nécessaire pour respecter les temps de repos obligatoires en cours de transport, que si le transporteur a l'obligation d'assurer la sécurité des marchandises qui lui sont confiées pendant toute la durée de l'exécution du contrat de transport, aucune spécification particulière de parking sécurisé ne lui avait été donnée en l'espèce, que l'aire de stationnement utilisée se trouvait en bordure d'une route fréquentée et par conséquent dans un endroit particulièrement visible des véhicules passant sur la route, que de plus les photographies produites montrent que de l'autre côté du poids lourd il y avait un mur haut rendant peu concevable la venue de personnes ou de véhicules de cet endroit ; il s'ensuit que ces circonstances ne caractérisent pas une faute délibérée de la SAS Dsv Road ou de la société Batim impliquant la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable ; dès lors elles sont fondées à opposer à la société Helvetia compagnie suisse d'assurance et la SA Helvetia assurances la limitation de leur responsabilité sur le fondement de la CMR »

ET AUX MOTIFS ADOPTES que « l'article L.133-8 du code de commerce dispose que « Seule est équipollente au dol la faute inexcusable du voiturier ou du commissionnaire de transport. Est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable. Toute clause contraire est réputée non écrite » ; [
] que l'ordre d'affrètement émis par EM Trade solutions daté du 2 octobre 2010 à destination de Geodis fait état d'un coût de transport de 236 € et d'une prime d'assurance de 195 €, sans que la valeur de la marchandise ne soit précisée et sans que le donneur d'ordre n'ait émis de demande particulière pour ce qui concerne une éventuelle sécurisation des marchandises transportées ; [
] qu'il ressort de l'examen du document intitulé « confirmation d'affrètement trajet n°F0005669 du 6 octobre 2010 » établi par Geodis à destination de DSV, en qualité de transporteur, que le transport demandé porte sur 3 palettes d'un poids total de 1 200 kg, la marchandise étant définie comme « Gillette Mach III x8x10, Qty : 2000 » ; que la case « transport haut risque » n'est pas cochée sur le document ; que le matériel, demandé par Geodis, correspond à un « tautliner », c'est à dire une remorque simplement bâchée, matériel offrant le minimum de sécurité pour la marchandise transportée ; qu'aucune obligation spécifique de sécurité, telle que stationnement sur des aires de repos sécurisées n'est spécifiée, à l'exception d'une obligation faite au chauffeur de « prendre toute les mesures pour préserver la marchandise de tout risque de vol », instruction dont le caractère très général n'est pas suffisant en cas de transport de marchandises sensibles ; qu'il est relevé que le « prix négocié » du transport routier entre le Royaume Uni et la Belgique, fixé à 185 €, est anormalement bas et ne saurait correspondre à un transport sécurisé avec un véhicule adapté ; [
] que la lettre de voiture versée aux débats, signée par l'expéditeur et le chauffeur du transporteur Batim, décrit ainsi la marchandise « 3 pallets Gillette blades » ; que la lettre de voiture ne porte aucune mention de la part de l'expéditeur du caractère sensible du transport de ce type de marchandises, ni de sa valeur ; [
] qu'ainsi Helvetia n'apporte pas la preuve que DSV et Batim aient été informés par Geodis ou par l'expéditeur du caractère sensible ou à risque des marchandises transportées ; qu'Helvetia n'apporte pas non plus la preuve que le chauffeur de Batim avait connaissance de la valeur importante des marchandises transportées ; [
] que, d'après les pièces versées aux débats, le fait pour le chauffeur de Batim d'avoir arrêté son véhicule pour la nuit sur une aire de stationnement le long de l'autoroute A 20 peu avant Douvres, alors que d'autre véhicules y stationnaient, ne saurait constituer une faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage survenu ; qu'en effet la configuration des lieux, selon les documents photographiques versés aux débats, démontre que le lieu de stationnement est très proche des voies de circulation et que du côté opposé à la circulation, un mur en pierre de 4 m de hauteur environ rend difficile toute intrusion par le côté gauche du véhicule, notamment pour éventuellement déplacer 3 palettes de 400 kg chacune ou de procéder à leur déchargement manuel, sans attirer l'attention, après avoir lacéré la bâche de la remorque ; [
] qu'il ressort de ce faisceau d'indices concordant qu'il n'est pas démontré que DSV et Batim aient commis en l'espèce une faute inexcusable qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable »

ALORS que commet une faute inexcusable le transporteur qui gare pour la nuit, sur la voie publique, un camion simplement bâché contenant une marchandise sensible au risque de vol ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la confirmation d'affrètement transmise au transporteur mentionnait la nature exacte et la quantité des produits transportés ; qu'il en résultait nécessairement que le transporteur connaissait la sensibilité des marchandises au risque de vol ; qu'en écartant cependant la faute inexcusable du transporteur qui avait stationné pour la nuit, sur la voie publique, son camion, simplement bâché et contenant une marchandise recherchée des voleurs, la cour d'appel a violé les articles 29 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR, 1150 du code civil et L.133-8 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-10596
Date de la décision : 13/09/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

TRANSPORTS ROUTIERS - Marchandises - Transport international - Convention de Genève du 19 mai 1956 (CMR) - Responsabilité - Perte ou avarie - Indemnité due par le transporteur - Plafonnement - Exclusion - Cas - Faute dolosive - Conditions - Lien de causalité avec le dommage - Preuve

TRANSPORTS ROUTIERS - Marchandises - Transport international - Convention de Genève du 19 mai 1956 (CMR) - Responsabilité - Perte ou avarie - Indemnité due par le transporteur - Plafonnement - Cas - Faute dolosive - Caractérisation - Violation de la clause d'interdiction de sous-traiter - Applications diverses

Il résulte de l'article 29, § 1, de la Convention de Genève du 19 mai 1956 sur le transport international de marchandises par route, dite CMR, que seule une faute dolosive, dont le lien de causalité avec le dommage est établi, prive le transporteur du bénéfice des limitations d'indemnité. Doit en conséquence être approuvé l'arrêt d'une cour d'appel qui, ayant relevé que le transporteur avait commis une faute dolosive en sous-traitant la prestation de transport, malgré l'interdiction de l'expéditeur de sous-traiter, a retenu que le seul fait de ne pas respecter cette interdiction n'induisait pas en lui-même la survenance du dommage et en a déduit que, la preuve d'un lien de causalité n'étant pas rapportée, les limitations d'indemnité étaient applicables


Références :

article 29, § 1, de la Convention de Genève du 19 mai 1956 sur le transport international de marchandises par route

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 01 décembre 2015

En sens contraire en matière de transport interne :Com., 4 mars 2008, pourvoi n° 07-11790, Bull. 2008, IV, n° 53 (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 sep. 2017, pourvoi n°16-10596, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.10596
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award