LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Jacquinet E... et Nicolas Y..., agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Jacquinet, de sa reprise d'instance ;
Donne acte à la société Jacquinet représentée par la société E... et Nicolas Y..., ès qualités, du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société ACS solutions ;
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 1792 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 17 mars 2016), qu'un incendie trouvant son origine dans un insert posé par la société Jacquinet, assurée en responsabilité civile décennale par la société Mutuelles du Mans assurances IARD (les MMA), a endommagé l'immeuble appartenant à M. et Mme Z..., assurés auprès de la société Allianz, dans lequel la société Auberge de l'Hermitage, également assurée par la société Allianz, exploite un fonds de commerce de restauration ; que la société Auberge de l'Hermitage a assigné en réparation de son préjudice la société Jacquinet et son assureur, lesquels ont été assignés par la société Allianz en remboursement des indemnités versées à ses assurés ;
Attendu que, pour rejeter les demandes des sociétés Jacquinet et Allianz à l'encontre des MMA, l'arrêt retient que les travaux d'installation de l'insert ne sont pas assimilables à la construction d'un ouvrage, que l'insert ne peut pas davantage être qualifié d'élément d'équipement indissociable puisqu'il ne résulte d'aucun élément du dossier que la dépose de l'appareil serait de nature à porter atteinte aux fondations ou à l'ossature de l'immeuble et que, s'agissant d'un élément d'équipement dissociable adjoint à un appareil existant, la responsabilité de la société Jacquinet n'est pas fondée sur l'article 1792 du code civil ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes des sociétés Jacquinet et Allianz dirigées contre les MMA, l'arrêt rendu le 17 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne la société Mutuelles du Mans assurances IARD aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Mutuelles du Mans assurances IARD et la condamne à payer à la société Jacquinet représentée par la société E... et Nicolas Y... ès qualités la somme de 3 000 euros et à la société Allianz IARD la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société Entreprise Jacquinet, représentée par la société E... et Nicolas Y..., ès qualités.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, D'AVOIR condamné la société Jacquinet à payer à la société Allianz la somme de 519.921 € majorée des intérêts au taux légal à compter du règlement, débouté la société Jacquinet de sa demande en garantie dirigée contre la société MMA prise en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale et dit que les intérêts dus pour au moins une année entière sur la somme de 519.921 € allouée à la société Allianz produiraient eux-mêmes intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2015, et pour la première année le 9 novembre 2016, en application de l'article 1154 du code civil ;
AUX MOTIFS QUE sur la nature des travaux réalisés par la société Jacquinet, le cadre juridique et la garantie de la société MMA, la société Jacquinet avait fourni et posé un appareil de chauffage à foyer fermé sur une cheminée ornementale existante à foyer ouvert, ce qui signifiait qu'un foyer, ainsi que le conduit et la souche émergeant sur le toit existaient déjà ; qu'un insert de cheminée était un foyer fermé à dispositif de récupération de chaleur, rapporté dans le volume d'une cheminée existante à foyer fermé ; que tel avait été l'objet des travaux réalisés par la société Jacquinet ; que le terme « insert » désignait tout appareil posé sur une cheminée existante, quand bien même le fournisseur de cet appareil affirmait le contraire ; qu'à l'occasion de la pose de l'appareil, la société Jacquinet avait notamment démoli le fond de cheminée et le faux cintre, écorché le mur au fond, percé le plancher avec dépose de cloison à l'étage, posé un coffre en BA 13 pour entourer la gaine et posé une trappe de ramonage ; qu'en réalité, il n'y avait pas eu de travaux de maçonnerie, ni d'atteinte au gros-oeuvre de l'immeuble dans la mesure où le mur avait été simplement écorché (sans travaux de confortement) et non pas percé, le fonds de cheminée n'était pas un élément de structure de l'immeuble, le plancher n'avait pas été percé dans ses éléments porteurs (il n'avait pas été nécessaire de procéder à des travaux de confortement du plancher) et les cloisons ne faisaient pas davantage partie de la structure de l'immeuble ; que, de plus la facture de la société Jacquinet ne comprenait aucun poste de reprise de maçonnerie ; que la société Jacquinet n'avait fait que procéder à un aménagement de l'installation préexistante en posant un appareil à foyer fermé, par conséquent un insert, à l'intérieur d'un âtre préexistant, étant rappelé que le conduit de cheminée et la souche de cheminée existaient déjà ; que l'appareil installé par la société Jacquinet n'était pas scellé au gros-oeuvre ; que ces travaux n'étaient donc pas assimilables à la construction d'un ouvrage ; que, par ailleurs, la société MMA fait justement observé qu'il ne s'agit pas davantage d'un élément d'équipement indissociable au sens de l'article 1792-2 du code civil dans la mesure où, comme il vient d'être dit, il ne résulte d'aucun élément du dossier que la dépose de l'appareil litigieux serait de nature à porter atteinte aux fondations ou à l'ossature de l'immeuble ; que, s'agissant d'un élément dissociable adjoint à un appareil existant, la responsabilité de la société Jacquinet n'était pas fondée sur l'article 1792 du code civil puisque les travaux réalisés par la société Jacquinet ne sont pas assimilables à la construction d'un ouvrage, mais sur les articles 1134 et 1147 du code civil ; or il n'est pas contesté que la police d'assurance responsabilité civile décennale souscrite auprès de la société MMA ne garantit pas la responsabilité contractuelle de l'assuré ; que la société MMA ne devait donc pas sa garantie à la société Jacquinet au titre du contrat d'assurance responsabilité civile décennale, seule en cause dans le litige dévolu à la cour ; à cet égard, le point de savoir si cette police d'assurance garantit ou non la pose d'insert est indifférent ; que le jugement déféré devait donc être réformé en ce qu'il avait condamné la compagnie d'assurance MMA Iard à payer à la société Auberge de l'Hermitage la somme de 70.044,86 €, condamné la compagnie d'assurance MMA Iard à payer à la SA Allianz Iard la somme de 398.441 € ; que la société Jacquinet devait être déboutée de sa demande en garantie dirigée contre la SA MMA Iard prise en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale (arrêt, pp. 5-7) ;
ALORS QUE constitue un ouvrage, au sens de l'article 1792 du code civil, l'installation d'un insert donnant lieu à démolition du fond d'une cheminée et d'un faux cintre, écorchement d'un mur au fond, percement d'un plancher avec dépose de cloison à l'étage, pose d'un coffrage pour entourer la gaine et d'une trappe de ramonage ; qu'en estimant néanmoins, après avoir relevé que la société Jacquinet avait effectué de tels travaux, que ces derniers ne constituaient pas un ouvrage, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'un élément d'équipement d'un ouvrage en est indissociable lorsque son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage ; que la cour d'appel avait relevé que l'installation de l'insert litigieux avait donné lieu à démolition d'un fond de cheminée et d'un faux cintre, écorchement d'un mur au fond, percement d'un plancher avec dépose de cloison à l'étage, pose d'un coffrage pour entourer la gaine et d'une trappe de ramonage, ce dont il résultait que l'insert, en tant qu'élément d'équipement, ne pouvait être démonté ni remplacé sans détérioration ou enlèvement de matière ; qu'en regardant néanmoins l'insert litigieux comme dissociable de la maison, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1792-2 du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Allianz IARD.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Allianz de ses demandes dirigées contre la société MMA IARD prise en sa qualité d'assureur de la responsabilité civile décennale de la société Jacquinet, après avoir rejeté la demande de la société Allianz tendant à la condamnation de cette société sur le fondement de l'article 1792 du code civil ;
AUX MOTIFS QUE sur la nature des travaux réalisés par la société Jacquinet, le cadre juridique et la garantie de la société MMA, la société Jacquinet avait fourni et posé un appareil de chauffage à foyer fermé sur une cheminée ornementale existante à foyer ouvert, ce qui signifiait qu'un foyer, ainsi que le conduit et la souche émergeant sur le toit existaient déjà ; qu'un insert de cheminée était un foyer fermé à dispositif de récupération de chaleur, rapporté dans le volume d'une cheminée existante à foyer fermé ; que tel avait été l'objet des travaux réalisés par la société Jacquinet ; que le terme « insert » désignait tout appareil posé sur une cheminée existante, quand bien même le fournisseur de cet appareil affirmait le contraire ; qu'à l'occasion de la pose de l'appareil, la société Jacquinet avait notamment démoli le fond de cheminée et le faux cintre, écorché le mur au fond, percé le plancher avec dépose de cloison à l'étage, posé un coffre en BA 13 pour entourer la gaine et posé une trappe de ramonage ; qu'en réalité, il n'y avait pas eu de travaux de maçonnerie, ni d'atteinte au gros-oeuvre de l'immeuble dans la mesure où le mur avait été simplement écorché (sans travaux de confortement) et non pas percé, le fonds de cheminée n'était pas un élément de structure de l'immeuble, le plancher n'avait pas été percé dans ses éléments porteurs (il n'avait pas été nécessaire de procéder à des travaux de confortement du plancher) et les cloisons ne faisaient pas davantage partie de la structure de l'immeuble ; que, de plus la facture de la société Jacquinet ne comprenait aucun poste de reprise de maçonnerie ; que la société Jacquinet n'avait fait que procéder à un aménagement de l'installation préexistante en posant un appareil à foyer fermé, par conséquent un insert, à l'intérieur d'un âtre préexistant, étant rappelé que le conduit de cheminée et la souche de cheminée existaient déjà ; que l'appareil installé par la société Jacquinet n'était pas scellé au gros-oeuvre ; que ces travaux n'étaient donc pas assimilables à la construction d'un ouvrage ; que, par ailleurs, la société MMA fait justement observé qu'il ne s'agit pas davantage d'un élément d'équipement indissociable au sens de l'article 1792-2 du code civil dans la mesure où, comme il vient d'être dit, il ne résulte d'aucun élément du dossier que la dépose de l'appareil litigieux serait de nature à porter atteinte aux fondations ou à l'ossature de l'immeuble ; que, s'agissant d'un élément dissociable adjoint à un appareil existant, la responsabilité de la société Jacquinet n'était pas fondée sur l'article 1792 du code civil puisque les travaux réalisés par la société Jacquinet ne sont pas assimilables à la construction d'un ouvrage, mais sur les articles 1134 et 1147 du code civil ; qu'il n'est pas contesté que la police d'assurance responsabilité civile décennale souscrite auprès de la société MMA ne garantit pas la responsabilité contractuelle de l'assuré ; que la société MMA ne devait donc pas sa garantie à la société Jacquinet au titre du contrat d'assurance responsabilité civile décennale, seule en cause dans le litige dévolu à la cour ; à cet égard, le point de savoir si cette police d'assurance garantit ou non la pose d'insert est indifférent ; que le jugement déféré devait donc être réformé en ce qu'il avait condamné la compagnie d'assurance MMA Iard à payer à la société Auberge de l'Hermitage la somme de 70.044,86 €, condamné la compagnie d'assurance MMA Iard à payer à la SA Allianz Iard la somme de 398.441 € ; que la société Jacquinet devait être déboutée de sa demande en garantie dirigée contre la SA MMA Iard prise en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale (arrêt, pp. 5-7) ;
1°) ALORS QUE constitue un ouvrage toute construction impliquant l'emploi des techniques du bâtiment ; que tel est le cas de l'installation d'un insert donnant lieu à démolition du fond d'une cheminée et d'un faux cintre, écorchement d'un mur au fond, percement d'un plancher avec dépose de cloison à l'étage, pose d'un coffrage pour entourer la gaine et d'une trappe de ramonage ; que la cour d'appel, qui a constaté que « la société Jacquinet a notamment démoli le fond de cheminée et le faux cintre, écorché le mur au fond, percé le plancher avec dépose de cloison à l'étage, posé un coffre en BA 13 pour entourer la gaine et posé une trappe de ramonage » (arrêt, p. 6 § 2), a néanmoins jugé que l'insert ne pouvait pas être qualifié d'ouvrage dans la mesure où il n'y avait pas eu de travaux de maçonnerie ni d'atteinte au gros oeuvre, en l'absence de travaux sur la structure ; qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'il résultait de ses propres constatations que l'insert avait nécessité, pour son installation, des travaux relevant des techniques du bâtiment, peu important qu'ils n'aient pas concerné la structure de celui-ci, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil ;
2°) ALORS QUE, SUBSIDIAIREMENT, la présomption de responsabilité établie par l'article 1792 du code civil s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation d'ossature, de clos ou de couvert ; qu'un élément d'équipement d'un ouvrage en est indissociable lorsque son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que « la société Jacquinet a notamment démoli le fond de cheminée et le faux cintre, écorché le mur au fond, percé le plancher avec dépose de cloison à l'étage, posé un coffre en BA 13 pour entourer la gaine et posé une trappe de ramonage » (arrêt, p. 6 § 2) ; qu'il en résultait que l'insert, en tant qu'élément d'équipement, ne pouvait pas être démontré ni remplacé sans détérioration ou enlèvement de matière de l'ouvrage dans lequel il avait été incorporé ; qu'en décidant le contraire, aux motifs impropres qu'il n'était pas établi que la dépose de l'appareil litigieux serait de nature à porter atteinte aux fondations ou à l'ossature de l'immeuble, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1792-2 du code civil.